Accompagné de son nouvel ami, Azra se dirigea vers les bâtisses. Il ne voyait aucune trace de Silmeria. Il commença à fouiller discrètement les maisons, pointant du nez par la fenêtre ou rentrant carrément pour chercher un peu l'intérieur, sans succès.
Sa seul trouvaille fut un cadavre de garzok encore frais. Il frissonna, pris du sinistre sentiment que c'était sa compagne qui était passé par là. Malgré son dégout, il inspecta le cadavre et estima qu'il avait dû mourir rapidement et avec une souffrance minimale, ce qui était déjà un point positif. Il lui semblait avoir compris que Phaïtos n'aimait pas trop les âmes tourmentées.
Il renonça finalement à trouver l'elfe, elle avait sans doute décidé de lui fausser compagnie. Il ne restait plus qu'à espérer qu'elle ne le trahisse pas.
Il décida donc d'aller dormir plus loin, non sans veiller à se dissimuler au mieux dans sa cape et au milieu de débris, de crainte que des assassins ne lui rendent visite, par un pur hasard, bien sûr.
Le squelette l’accroupie dans un coin pour surveiller. Il s'endormit bientôt d'un sommeil sans rêves.
***
Au matin, sa déconvenue fut grande quand il vit que le squelette qui devait veiller sur lui était tombé en morceaux. Il fallait s'y attendre, son sortilège n'était pas assez puissant pour créer des squelettes de longue durée.
Il se rappela qu'il devait être aux portes de la taverne à cinq heure du matin et jura. Pourvu qu'il ne soit pas en retard !
Il se précipita dehors. Il aurait bien mangé quelque chose mais il n'en avait pas trop le temps et sa besace était vide.
Il arriva finalement au porte de la taverne... où attendait Silmeria !
Il se glissa prêt d'elle en marmonnant :
« Où est-ce que vous étiez passé ? Enfin bon... Avez-vous vu passer quelqu'un avec l'emblème du visage spectrale couronné ? »Comme si de rien était, elle déclara n'avoir rien vu et conseilla d'aller jeter un coup d’œil à l'intérieur. Azra hocha la tête et voulut entrer dans la taverne, mais il manqua de percuter un orque qui sortait.
« Dégage foutu gamin ! Ou je te fais sauter les dents ! »Malgré la fureur mêlé de peur qui l'envahi, Azra s'inclina précipitamment en murmurant servilement :
« Pardon, puissant seigneur... »Mais le garzok ne prêtait déjà plus attention à lui et s'éloignait. C'est là qu'Azra vit sur son épaule une tâche d'un vert plus pâle, évoquant un ovale blafard, simpliste, avec seulement deux vagues tâches sombres pour les yeux, mais portant une couronne. La tête sans visage de Tal'Raban !
Il détailla l'orque, grand et sec, plus mince que ses congénères, il ne ressemblait pas à une force de la nature mais son épée et ses dagues étaient bien entretenus, témoignant du fait qu'il ne devait pas être un débutant dans l'art de la survit.
Tandis qu'il s'éloignait, Azra se tourna vers sa compagne :
« Pour une fois, la chance nous sourit ! Voilà notre homme, ne le lâchons plus, mais évitons de le suivre trop ostensiblement. »Et il s'élança. Le garzok marchait vite et il ne fallait pas le perdre. Hélas, à cette heure, les rues se remplissaient et, si cela les aiderait à ne pas se faire repérer, cela risquait aussi de leur faire perdre de vue leur cible.
Cependant, Azra connaissait sa destination probable : la tour d'opale...
Il s'élança donc dans les rues, suivit de l'elfe.
Mais il devenait de plus en plus dur de suivre le garzok. Alors qu'Azra cherchait à se rapprocher encore un peu, malgré le risque de se faire repérer, Silmeria l'attrapa par le bras.
« Navrée de vous le dire, vous n'avez aucun talent pour la discrétion. J'ai un petit quelque chose pour y remédier, si je n'ai plus de pouvoirs, je pense avoir encore de la ressource. »Elle le tira de côté avec une force insoupçonné. Frémissant de se contacte non désiré et vexé par la remarque sur sa discrétion, Azra voulut se libérer mais il n'y avait pas moyen, il était pris au piège ! Il se sentit tomber... tomber dans une chute qui ne s'arrêtait pas...
... et il se releva au milieu d'un monde de ténèbres. Il s'agissait toujours d'Omyre mais la ville semblait étrange, comme toute noire et blanche, balayé par un vent mystérieux produisant un paysage semblable à celui qu'il connaissait dans ses rêves, tout aussi déroutant et sinistre. Ici, le vent semblait plus puissant, plus dévastateur, aussi féroce que dans les accès de colère de Chandakar.
Azra pensait pouvoir s'y adapter mais voilà qu'il fut tiré par une ombre ! Il reconnaissait Silmeria qui l'entraina à une vitesse stupéfiante à travers les rues, les bâtiments... il semblait qu'aucun obstacle n'avait de secret pour elle, que la moindre fissure était une porte dans laquelle ils s'engageaient en tanguant à une vitesse vertigineuse. S'il avait eu une bouche, le garçon aurait hurlé, autant de terreur que d'excitation. Ils fendaient l'air, presque réduit à l'état de deux spectres.
Azra reconnu une ombre à peine visible qui tournait autour de lui, et il devina qu'il s'agissait du spectre de Rendrak, qui ne s'éloignait jamais.
Ils arrivèrent alors auprès du garzok qu'ils traquaient, et, tandis qu'ils passaient si prêt de son visage qu'ils pouvaient en compter les cicatrices, le jeune homme fut pris d'une peur irraisonné qu'il les vit. Mais c'était impossible, bien sûr. D'une manière ou d'une autre, Silmeria les avait changé tout deux en ombres, à mi-chemin entre la mort et la vie.
(Une expérience fascinante...) commenta simplement Chandakar, qui ne semblait pas plus perturbé que ça.
Azra se garda de répondre, il avait beau savoir que sous cette forme, il n'avait pas de cœur, il avait tout de même l'impression de l'avoir à l'envers. Il réalisa alors que ce devait être ça, ce qu'éprouvait Rendrak quand il disait qu'il avait faim sans avoir d'estomac. L'esprit simulait des sensations désagréables car il ne comprenait pas encore que les organes impliqués n'étaient plus là. Il se sentit envahi d'une bouffé de pitié pour cette pauvre âme qui ne lui avait rien demandé, et dont il était pourtant aussi responsable du sort que Chandakar.
Nauséeux, Azra regarda le garzok entrer dans une haute tour qu'il devina être la tour d'opale.
Puis, sans transition, Silmeria et lui furent de retour dans leurs corps respectifs.
« J'avais prévenu avoir des talents cachés. Ho, moi aussi, la première fois j'ai été un peu malade. Ca ira ?»L'elfe semblait bien s'amuser tandis que le Kendran s'appuyait contre le mur en priant pour vomir un bon coup, si cela pouvait le débarrasser de la nausée.
Mais il ne fallait pas perdre de temps, il fallait découvrir ce que le garzok faisait dans cette tour.
« Je... M... Merci... Vous semblez en effet... avoir pas mal de ressources. Maintenant, allons y vite. »Plus pâle que jamais, il sourit faiblement. Quelle femme surprenante ! Savait-elle seulement à quelle point elle était proche d'être nécromancienne ? Et lui même serait-il un jour capable de faire ça ?
Les questions viendraient plus tard. Pour l'instant, il fallait se rendre à la tour.
Révélations