Après le rapport et les explications de sa seconde, Hrist était retournée dans ses appartements. Tournant en rond, elle essayait de se préparer mentalement à cette opération qui n'était pas sans risque car si les espions pouvaient désormais circuler librement sur le territoire de Granul, que penserait le chef Garzok s'il venait à trouver la tueuse fouiner non loin de leurs réserves de boisson avec un poison mortel sur elle. De plus, Katalina avait assuré qu'il y avait de quoi exterminer le quartier entier ce qui devrait lui permettre d'empoisonner éventuellement des ragouts ou d'autres fûts s'ils venaient à en avoir plusieurs.
Hrist avait étendu au sol l'équipement qui pourrait lui être utile, a savoir la cape noire qui saurait être utile pour se dissimuler dans l'ombre et masquer un peu sa silhouette. Concernant la discrétion, Hrist avait déjà expérimenté la paire de botte des Sylphes gravées d'un étrange motif brun, elles étaient assez silencieuse et la semelle était faite d'une matière qu'elle ne connaissait pas qui rendait tout risque de glissade accidentelle presque nul.
Cèles assise sur un coin de lit gesticulait ses petits bras gris en envoyant partout des résidus magiques qui s'évaporaient comme neige au soleil.
" Je ne comprends pas comment tu restes de marbre. Katalina semble avoir pris de l'avance, elle a peut-être même un poste plus important que le tien ! "" Elle a toujours été comme ça. Ne t'en fais pas, ce sont des talents à ma hauteur, il est normal qu'elle fasse app... " " On dirait plutôt que vous avez échangés vos rôles. Tu es la seconde et elle la Murène... Ca ne te ressemble pas d'obéir aux ordres de la sorte. "" Bien sûr que si. La milice, ensuite Xenair... Katalina est un génie de la politique, elle sait ce qu'elle fait et je lui voue un confiance av... "" Ouiiiii oui. Confiance aveugle, elle est intelligente, elle est prévoyante, elle est presque aussi cinglée que toi mais accepter les contraintes sans même être au courant, ça !! Ça ! C'est pas toi ! "Hrist quitta un instant ses affaires des yeux et alla s'assoir en tailleur devant la petite Faera qui avait adopté une forme ressemblant comme deux gouttes d'eau à sa maîtresse.
" Fais moi confiance. Katalina est une femme brillante mais je crois qu'elle est encore... Trop douce pour cette ville. Son idée est brillante, je l'avoue, j'aurai probablement eu du mal à trouver mieux. Cela dit... J'y apporterai ma touche personnelle au moment venu. "Cèles cessa de gesticuler. Les dernières paroles de Hrist semblait avoir attisé sa curiosité et la petite boule de fluide noire fondit dans une petite pluie sombre aux étincelles dorées.
" Mui... J'ai eu peur que tu te fasses à l'idée de : pas de carnage. "Hrist souriait. Elle savait bien que malgré l'efficacité du plan de Katalina, elle aurait besoin de faire un sérieux coup d'éclat en plus pour dompter les rivaux et assoir sa domination sur Omyre.
" Mais pour ce soir... Comptons aussi sur la discrétion. "Hrist récupéra la corde à arc qu'elle avait gardé de Lebher, très utile pour étrangler quelqu'un de façon silencieuse et si ça ne suffisait pas, elle arma la vieille rengaine au fourreau et serra sa ceinture avant d'enfiler sa cape.
D'un bref regard par la fenêtre, elle jaugea la faible clarté du ciel couvert de nuages pluvieux et dit tout bas :
" C'est bientôt l'heure... "" Tu descends ? "" Non... J'aime autant que personne ne me voit passer la porte. Je passerai pas les toits, comme au bon vieux temps. "----- ----- -----
"... Tu sais où se trouvent les arbalétriers de la milice ?"Hrist s'accrochait à mains nues sur les toitures des mansardes et des taudis, essayant de ne pas glisser malgré la pluie qui rendait les charpentes et les tuiles glissantes. Dissimulée sous sa cape et la capuche, elle leva les yeux vers les toits qui s'étendaient presque à perte de vue et sous ce ciel noir, la ville n'était plus qu'une ombre menaçante parsemée de lumières ternes et de sillons de fumée grise et étouffante qui s'élevait des torches que l'eau de pluie éteignait peu à peu.
" Ils sont aux murailles, aux portes et sur les toits avoisinant le marché et le campement. Là où je vais, je ne serais pas importunée par la milice. "Courant sur un balcon solide elle pu rejoindre les toits du bâtiment suivant grâce à une maisonnée de pierre dont la toiture droite offrait un lieu de chute sans risque de glisser. Ce n'est qu'en s'aventurant plus tard sur des toits moins solides et plus anciens qu'elle glissa et manqua de tomber dans la rue. Se retenant in-extremis à une poutre plus solide que le reste de la toiture, elle s'évita un tragique destin et fort heureusement pour elle, aucun garzok ne leva le nez au ciel.
" P'tite frayeur ? Les rues ne sont pas assez bien pour toi ? D'ailleurs tu n' es plus sur ton territoire... "" Katalina m'a précisé que le lieu de rassemblement des orques était non loin d'une vieille place qui sert aujourd'hui de déchargement. "" Qu'est-ce qu'ils y déchargent ? "" Ce sont des orques... Il peut y avoir du vin, de la viande de rat ou de nourrisson, des chapelets de doigts de pieds confits dans des crânes de pucelle et... "" Ça va, ça va... "Une fois hissée en haut de la toiture elle s'assurait d'avancer avec davantage de prudence. Dans ce quartier, les tuiles étaient fragiles et se cassaient sous ses bottes faisant un boucan d'enfer et la tueuse finit par craindre de se faire découvrir de la sorte. Préférant changer de tactique elle se laissa glisser jusqu'à l'embrasure d'une fenêtre, fenêtre qu'elle défonça d'un coup de botte.
Un panneau de bois se détacha du mur et tomba à terre. La pièce était sombre mais elle vit deux Garzoks adultes et trois enfants attablés autour d'un repas. Le père se leva bien vite et essaya de frapper l'intruse avec le couteau de table qu'il avait à la main tandis que ses enfants, trop jeunes pour combattre, s'étaient réfugiés vers leur mère, désarmés.
Hrist intercepta le bras armé de l'orc et lui envoya un coup de genou dans l'entrejambe, le laissant ensuite choir plié de douleur. A table, gisaient les restes d'une assiette de rat et de pain noir bouilli dans un consommé au vin malodorant.
Sous le regard effaré de la mère, la tueuse lança un sourire et dit d'une voix toute chantante :
" Ah, ça a l'air bon. La sortie, c'est en bas, j'imagine ? "Ouvrant de grands yeux, la Garzok serra ses marmots contre elle et après avoir adressé un regard à son mâle qui se tordait de douleur, elle fit un signe de tête approuvant la remarque de l'inconnue qui la remercia en jetant quelque pièce sur la table avant de disparaître.