A la surprise d'Elina, qui pensait sur le point d'essuyer un refus quant à sa demande, Schezalle accepta la tâche, non sans un certain air de dégoût voilé. Elle ne pouvait lui en vouloir cependant, elle-même se sentant parfaitement incapable de se laisser caresser par l'un des porcs occupant l'endroit. Cependant la remarque de la shaakt arracha une légère grimace de toute à la jeune humaine. Elles se connaissaient depuis la veille et déjà celle-ci se disait être capable de surmonter son dégoût pour elle ? Ou bien elle jouait avec elle, ou bien elle était plus perdue encore qu'elle en l'avait l'air, et n'était clairement pas insensible aux charmes de la jeune femme.
Celle-ci chassa rapidement ces pensées, alors que son interlocutrice l'enlaça très brièvement ; elle ne voyait pas très bien à quel jeu pourrait se vouer l'elfe noire, à se mettre sous les ordres d'une parfaite inconnue comme elle sans même savoir réellement pour qui elle travaillait. Et puis, croire à la seconde explication l'arrangeait nettement plus.
La shaakt se leva et se dirigea alors avec une élégance provocatrice vers un de ses semblables, visiblement très jeune et inexpérimenté, pour aller se poser près de lui.
( Excellent choix, ) la félicita mentalement Elina.
Cependant, l'échange ne sembla pas se dérouler comme prévu. Incapable d'entendre ce qui se disait, la jeune femme lisait cependant quelques réticences de la part de l'elfe noir, qui s'écarta même vivement de Schezalle. Celle-ci ne dût qu'aux idiots qui servaient d'amis à sa victime de reprendre le pouvoir sur le jeune shaakt. De sa position, Elina pouvait entrevoir une lame menacer dangereusement la virilité de celui-ci. De nouveaux mots furent échangés et soudain le nouveau couple se leva pour se diriger lentement vers la sortie. La position pour laquelle les ''tourtereaux'' avaient optés ne laissaient guère de doute à l'humaine quant à la nature du contrôle qu'exerçait sa compagne sur le jeune elfe : la dague était toujours quelque part par là, menaçant sa vie s'il tentait la moindre protestation.
Se dirigeant vers la porte, Schezalle fit un léger signe de tête à Elina, l'incitant à la suivre. Celle-ci termina lentement sa bière, feignant le désintérêt total pour le départ de sa camarade. Les résidents de l'endroit étaient certes très alcoolisés pour la plupart, elle préférait éviter de se faire remarquer par un départ trop précipité. Jugeant, après quelques secondes, que personne ne semblait faire attention à elle, elle se redressa cependant pour prendre la direction de la porte. Mais, à sa grande surprise, une poigne de fer agrippa soudainement sa hanche. La jeune femme se tourna rapidement – accusant par la même une légère vague de vertiges – pour faire face à un immense garzok au regard particulièrement avide. Il était de la table du shaakt que sa nouvelle amie venait d'enlever.
« Aucune raison pour qu'il soit le seul à s'amuser, » ricana-t-il en tirant Elina vers lui avec force.
Mais l'humaine se tira subitement de son étreinte, arrachant un regard d'incompréhension à l'orc.
« Calme-toi, j'ai de l'or, » fit-il, en désignant sa bourse accrochés à sa ceinture, prenant l'écart de sa proie pour un problème d'argent.
La jeune femme entrouvrit la bouche, prête à lancer la première excuse qui lui viendrait en tête, mais les vertiges se firent plus pressants, l'empêchant de réfléchir correctement. Si elle ne trouvait rien pour excuser son manque d'intérêt pour la chose, elle allait s'attirer des suspicions bien dispensables. Mais après de gros efforts de concentration, Elina inventa finalement quelque chose de convenable, tirant une moue boudeuse au garzok.
« Je ne suis pas une catin, je suis sa patronne. » « Ah, » répondit-il simplement, visiblement déçu.
La jeune femme poussa intérieurement un soupir de soulagement en voyant que cette explication suffisait à calmer l'orc, plutôt que de simplement lui donner des envies de viol. Cependant, son empressement ne s'arrêta pas là.
« Du coup, t'as autre chose pour nous ? » « Désolée, rien de disponible, » fit-elle évasivement, cherchant à se débarrasser de lui le plus vite possible. « Rho allez, il est encore tôt, me dis pas que t'as pas une petite pute en rab, » insista-t-il. « Non elles... elles sont toutes louées pour la journée, » inventa-t-elle vivement, improvisant. « Par un gars bourré de pognon, désolé. C'est la seule que j'avais de rab, il peut pas piffer les shaakts. »
Le garzok afficha de nouveau une mine renfrognée, et Elina tenta d'en profiter pour s'éloigner. Mais, loin d'avoir dit son dernier mot, l'orc attrapa la jeune femme par une fesse et l'approcha de nouveau vers lui, confirmant ses craintes concernant la possibilité d'un accord qui se passerait de son consentement.
« Je suis sûr que tu peux faire un peu de remplacement, » recommença-t-il en affichant un air encore plus pervers que précédemment. « Non, » rétorqua-t-elle sèchement. « Mais... puisque tu me sembles être un client très honnête, peut-être qu'on peut arriver à un petit arrangement. »
Elle profita du regard plein de curiosité du garzok pour se défaire une fois de plus de sa poigne avant de reprendre.
« Pour l'instant, j'ai rien. Mais si tu peux patienter un peu, je te prête la shaakt gratuitement dès qu'elle en a terminé avec ton ami... à condition que tu promettes de revenir voir mes filles dès qu'elles sont dans les parages... j'ai de tout, ne t'inquiète pas. » « L'accord est honnête... mais je passe pas après celui-là, » fit-il avec agressivité. « J'en veux une autre. » « S'il te plaît, nous sommes à cheval sur la propreté... dès qu'elle en a terminé elle va bien évidemment se laver avant la prochaine passe. En plus je te la laisse une heure entière. C'est une fleur. »
Le garzok fit mine de réfléchir quelques secondes avant de hocher la tête en signe d'assentiment.
« Très bien, mais si les autres sont affreuses j'irais à la concurrence, que tu sois d'accord ou pas. » « Elles sont magnifiques, » lui affirma Elina avec un sourire. « Maintenant si tu veux bien m'excuser, je m'en vais lui dire de se dépêcher. De toute façon, ton ami est certainement puceau, il en aura pas pour plus d'un quart d'heure. »
L'orc éclata d'un rire gras et vulgaire avant de quitter sa compagnie pour retourner à sa table, laissant la jeune femme de nouveau seule, et avec une excuse toute trouvée pour quitter l'établissement sans attirer l'attention. Elle espérait seulement que ces quelques minutes n'avaient pas suffit à créer un problème avec Schezalle et son otage.
Quittant les thermes d'un pas rapide, elle chercha son amie du regard dans les ruelles alentours.
_________________
|