La troupe de saltimbanques des " Joyeux fanfarons" arriva tranquillement devant les portes de la ville d'Oranan, divers visiteurs étant méticuleusement fouillés et interrogés.

Les artistes, quand à eux, étaient composés de trois roulottes tirées chacune par deux chevaux ainsi que trois chevaux supplémentaires, montés par les trois hommes les plus forts et armés afin d'assurer la sécurité du petit convoi sur la route...
Constituée de six hommes, cinq femmes et deux enfants... Chacun avait un rôle bien défini et formait une famille pauvre mais heureuse, se soutenant les uns les autres sans faillir depuis bien des années.

D'habitude calme, le trajet jusqu'à Oranan s'était montré particulièrement bruyant et en proie à un débat aussi vif qu'intense: L'un des enfants désirait quittait la troupe afin de se faire un nom... Au grand dam d'une partie des adultes, divisant ainsi la famille en deux camps dont chacun avançait ses arguments, en oubliant carrément le point de vue de l'intéressé!

" C'est hors de question! Ce n'est encore qu'un bébé! Il ne va pas se retrouver seul au milieu de ces brutes sans cervelles qui passent toute leur sacro-sainte journée à se battre et à risquer leur vie pour des bêtises!"

La jeune hobbit qui venait de s'exprimer depuis la roulotte de tête se nommait Ebiba... Et le volume de sa voix était inversement proportionnelle à sa taille... C'était elle, avec sa tignasse rousse et bouclée et ses tâches de rousseur, qui s'occupait de toute la logistique et avait le rôle de petite matriarche pour tous, en particulier les deux enfants qui n'avait connu qu'elle ou presque.

" Ecoute Ebiba... Au contraire, c'est une très bonne idée selon moi... Attends! Laisses-moi finir!..."

La petite furie venait de fusiller littéralement du regard l'elfe bleu qui chevauchait à gauche de la roulotte. Celui-ci était le chef de troupe et le plus âgé avec ses deux cents cinquante-et-une années et se nommait Doryan... Mais cela ne l'aidait pas pour autant à contenir la boule de feu à côté de lui! Au grand amusement, habituel, du reste du groupe.

" Il ne va pas tarder à grandir d'un coup... Ça a même certainement déjà commencé à voir comment ses vêtements semblent plus serrés. D'ici un an, deux maximum, il sera aussi grand que la roulotte! Et aussi lourd! Il sera trop tard à ce moment là pour améliorer son image auprès du peuple d'Ynorie... Sans parler des autres!
Il faut qu'il se mêle aux autres et se forge une bonne image dès maintenant, tant qu'il a encore la taille d'un enfant humain de son âge et qu'il n'est pas trop intimidant...

... Tu comprends?"

Son ton était tout à la fois doux et hésitant, sachant très bien qu'un mot de travers ferait pleuvoir sur sa tête une pluie de flammes durant de nombreux jours!

Ronchonnant, on sentait bien les sentiments bouillonnant à l'intérieur de la petite femme... Mais elle répondit simplement:

" ... NON! Je n'ai aucune envie de comprendre ça!"

Puis elle se mura dans un mutisme dissuasif.

Plus loin à l'arrière, dans la roulotte de queue, Manithil ne loupait rien de ce qu'il se disait... Bien que son ouie animale ne lui fut aucunement nécessaire dans ce cas précis.
Avec lui se trouvait l'autre enfant, une jeune humaine de treize ans nommée Elisa dont les cheveux blonds et ondulant alliés à son visage angélique en faisait une distraction idéale lors des tours de passe-passes.

" Tu... Tu veux vraiment t'en aller?" Lança-t'elle d'une voix fluette et mal assurée...

" Oui. Je le dois. Et un jour je reviendrai et je pourrai moi aussi vous protéger des brigands comme Doryan et les autres!"

" Mais... Tu n'as pas besoin de t'engager dans la Milice pour ça non? Doryan peut t'apprendre?"

" Il n'y a pas que ça. Je vais changer, beaucoup changer, d'après lui... Et ceux de ma race n'ont pas une bonne réputation. Tu as bien vu comment les habitants des villages que nous avons visités me regardaient! Pour eux, je suis un monstre... Une bête assoiffée de sang... Ils m'ont juste toléré car je suis un enfant et plus petit qu'eux c'est tout. Si je reste je vais vous apporter des problèmes."

" Je ne veux pas... On s'en fiche des autres!"

Les oreilles du lyikor se rabaissèrent, triste de causer du chagrin à sa seule amie... Même plus qu'une amie: Une soeur?

Mais déjà c'était au tour de la caravane de passer devant le garde:

« Qui êtes-vous ? Quelles sont les raisons de votre venue à Oranan ? »

Doryan descendit de cheval et s'approcha du garde avec un grand sourire:

" Bonjour monseigneur! Nous sommes les " Joyeux fanfarrons"! Et nous voyageons à travers toute l'Ynorie afin d'alléger le coeur de ses habitants avec nos pitreries! Pourriez-vous nous laisser entrer je vous prie sire?
J'ai comme l'impression que notre arrivée tombe à point nommée à voir l'ambiance tendue qui règne..."

Endar était enfin arrivé à Oranan, capitale de la République d'Ynorie, l'architecture était somptueuse, les toitures des demeures semblaient avoir été dessinés par quelques dieux et la foule battait son plein dans les rues. Cependant à côté de ce paysage idyllique, des gardes lourdement armés étaient en train de patrouiller et une telle garnison ne pouvait que signifier que la guerre était à leur porte.

A peine épuisé par ses voyages aériens, il venait à la rencontre d'un poste de garde qui avait verrouillé la ville. Passant sa jambe droite de l'autre côté du flanc du loup noir, il descendit et se dirigea vers le garde.

- Endar, je suis ici pour le recrutement d'aventuriers à Oranan. Amenez moi devant votre supérieur.

Voulant rester aimable, Endar s'était efforcé à ce que sa phrase ne ressemble pas à un ordre mais les vieilles habitudes ont la vie dure lorsque toute sa vie, on avait vécu dans un univers où seuls les plus forts avaient le droit d'exister.

Doryan accueillit le refus du garde comme une claque, mais ce dernier semblait sincèrement désolé et la situation devait être des plus sérieuses pour ne pas laisser entrer des troubadours... Habituellement accueillis à bras ouvert par les autorités des villes pour les bienfaits qu'ils apportaient au moral des habitants et surtout des troupes armés.

Il ne restait donc guère que deux solutions: Installer un campement en-dehors des murailles, ou bien repartir en direction du sud vers des lieux moins tendues mais moins profitables.
Tout à son dilemme, une démangeaison très vive vint lui chatouiller la nuque et la conscience: Le regard de la petite hobbite était braqué sur lui, il pouvait le sentir comme la présence d'un prédateur se fait ressentir à la proie!

Un sourire de façade mal assuré sur le visage, il répondit au garde après avoir prit une profonde respiration mentale afin de se donner le courage du choix difficile qu'il allait faire.

" Sire... Vous nous voyez fort peinés de votre situation actuelle qui me semble des plus compliquées. Nous établir devant les portes principales se révéleraient néanmoins trop dangereux pour nous vous en conviendrez. Nous ne sommes pas des soldats et ne connaissons rien à la guerre.
Je suis donc forcé de faire demi-tour pour cette fois, et donc retarder le plaisir de voir nos pitreries égailler vos coeurs. Mais nous reviendrons lorsque la situation se sera calmé je vous en fais la promesse!"

L'elfe bleu se plia en courbette exagérée et fantasque face au garde, en guise de salut, et se prépara à repartir... Mais se stoppa soudainement.

" Hum... Monseigneur... Avant de repartir, je désirerai introduire auprès de vous l'un de nos jeunes enfants désireux d'aventures et de gloire... Vous comprenez très bien cela j'en suis certain, nous avons tous en commun d'être passé par là!"

L'earion fit un sourire de connivence au garde, comme deux hommes discutent en comparant la nostalgie de leur jeunesse aux péripéties de leur fils.

" Il désirerait s'engager dans la milice afin d'aider Oranan à combattre ses ennemis... Mais il est un peu effrayé de l'accueil qui pourrait lui être fait. Puis-je vous le confier?"

A l'intérieur de la roulotte, Manithil avait redressé les oreilles, tendues à l'extrême, partagé entre la joie de pouvoir partir à l'aventure et le stress d'être rejeté par la milice, voir même le garde de l'entrée!

" J'y vais!" Lança-t'il emporté par la fougue propre à son âge.
Il étreignit avec force et tendresse sa seule amie, déjà en pleurs, et sauta de la roulotte d'un bond agile... Mais à peine posa-t'il pied à terre qu'il se retrouva figé sur place: Il n'osait plus avancer vers Dorian et le garde.

Rassemblant tout son courage, il chercha une excuse afin de se rapprocher sans effrayer quiconque: Il regarda autour de lui et son regard se posa sur une gourde de vin accrochée à la roulotte de tête.
Il s'approcha lentement, la saisit, et avança prudemment vers le garde en lui tendant la gourde de ses deux mains à la fourrure noire bleutée et aux griffes naissantes.

" Mon-monseigneur... Je vous en prie... Laissez-moi faire partie des vôtres... Prenez ce breuvage que nous avons rapporté des provinces du sud en cadeau...Heu..."

La voix du jeune lyikor était tremblante et mal assurée, sans compter qu'il n'osait pas lever le regard plus haut que les pieds du garde.
L'elfe bleu resta là, observant et attendant la réaction du garde à l'apparition d'un enfant lyikor noir et revêtu d'une cape elfique brunâtre.

Fièrement dressé sur le dos de son loup géant, il suivit les indications du factionnaire qui semblait devoir gérer une troupe de saltimbanque qui s'était décidée à s'installer en ville, bien à l'abri des fortifications d'Oranan, apparemment la logique leur était inconnue puisqu'au vue du blocus général de la capitale de la République d'Ynorie, la menace était à l'intérieure et non à l'extérieure de ces murs. Son œil mordoré balaya la troupe, prudent qu'il était en songeant que des assassins shaakts étaient sans nul doute à sa poursuite.

Il espérait que son stratagème consistant en un retour bref et visible à Khonfas avait brouillé les pistes, ses détracteurs devant le chercher à Khonfas et non pas à Oranan, néanmoins quoi de mieux qu'une troupe de jongleurs et de cracheurs de feu pour dissimuler un assassin. Lorsqu'il vit qu'un earion semblait être le chef du groupe, il se détendit, après tout aucun shaakt digne de ce nom ne pouvait tolérer la présence d'elfe bleu à ses côtés, et les dépassa pour se rendre vers la tente du superviseur de cette opération. Toujours prudent, il surveilla les ruelles adjacentes et les toits en quête d'un ennemi bien plus dangereux que de simples hommes de mains : sa sœur, cependant Endar vit rapidement qu'il se trouvait en parfaite sécurité ici, hormis le fait qu'un elfe noir n'était jamais le bienvenu en ville ce que confirma le regard lancé de certains membres de la milice d'Oranan surveillant les rues.

Les gardes à l'entrée du chapiteau le laissèrent entrer, surtout lorsqu'ils virent l'affiche que le mage tenait en main. S'attendant à un humain, quelle n'en fut pas sa surprise de découvrir un semblable à un tel poste. A l'entrée de la tente dont la toile était écartée pour voir l'intendant assis derrière son bureau, il effaça tant bien que mal sa surprise, mais déjà l'elfe noir fouilla dans ses dossiers, sans doute à la recherche de son nom sur le registre.

- Je m'appelle Endar de Khonfas sur le continent Imiftil, mage de son état. Je viens pour l'appel à l'aide lancé à tous les aventuriers. Quant à mon origine, cela semble couler de source que je sois un shaakt, tout comme vous... C'est comme demander à quelque chose de petit, vert et qui est un condiment, si c'est bien un cornichon, c'est une question sans être une question en réalité.

Cette fois-ci plus sérieusement, il s'adressa à l'elfe noir dans sa langue maternelle pour qu'il soit ainsi le seul à le comprendre.

- Rien n'indique le but réel de cette mission si bien que j'imagine qu'elle ne doit être connue que de peu d'entre vous au sein de la capitale. Au vu du renforcement de vos garnisons et de la place des blocus, je pense que la menace est d'ordre interne, elle n'est pas extérieure à ces murs. Les aventuriers représentent un investissement plus sûr qu'envoyer l'armée d'Oranan régler le problème j'imagine. Qu'attendez-vous réellement de nous ?

Les oreilles du jeune lyikor se redressèrent en même temps que son regard aux paroles du garde: Le simple fait de pouvoir se présenter au responsable était déjà une victoire en soi pour lui!

" Oui! Merci sire!"

Doryan laissa échapper un soupir devant les yeux scintillants de son petit protégé...

" Mani! Écoutes-moi bien... Nous allons faire demi-tour avec les autres et attendre sur le bas-côté de la route que tu ais fini ton entretien... Disons... Une demi-heure. Après cela, nous repartirons. Si tu échoues, n'hésites pas à nous rattraper d'accord?"

Manithil hocha la tête en approbation.

La caravane sortit de la file et se positionna pour repartir vers le sud de la province, puis chacun des membres vint souhaiter bonne chance, ou tenter une dernière fois de lui faire renoncer à ces aventures loufoques, selon les cas. Certains pleurèrent, Ebiba la hobbite et Elisa la petite humaine kendrane bien plus que les autres, Et une pluie de conseils plus ou moins avisés se mit à pleuvoir drue sur le pauvre petit loup, divisé entre exaltation de l'inconnu et culpabilité de causer tant de larmes chez ceux qu'il aimait comme sa famille...

Quinze bonnes minutes plus tard, l'elfe bleu Doryan put enfin arracher, littéralement, des bras de Ebiba le jeune adolescent lupin! Celle-ci retrouvant immédiatement de l'énergie qu'elle projeta avec une touche de désespoir vers Manithil:

" Cette ville est un poison! Tu es trop jeune pour t'y aventurer seul!!! Vivre parmi les citadins c'est comme s'injecter de l'acide dans les veines pour un garçon aussi pur que toi! Elle va te changer et je... NOUS allons te perdre! Restes avec nous!"

Le lyikor noir eut beaucoup de mal à soutenir la vision de sa mère adoptive dans cet état et sa détermination vacilla fortement... Jusqu'au moment où son regard croisa celui de Doryan, l'observant avec une impassibilité troublante... Non... C'était autre chose... D'indéfinissable. Mais l'adolescent sentit ses forces et sa volonté lui revenir:

" Tu ne me perdras jamais Baba! Et je ferai en sorte que vous soyez fiers de moi! Je deviendrai fort et riche, et ensuite je reviendrai pour vous protéger à mon tour!

Tu sais... Je changerai peut-être un peu... Mais je crois sincèrement que les gens d'ici ne sont pas aussi corrosifs que tu le penses. Je resterai toujours celui que vous avez sauvé des chasseurs et élevé comme un des vôtres. C'est promis.

Je vous aime tous! A bientôt!"

Le loup courut alors en direction de la tente où se trouvait l'elfe noir sans s'apercevoir que Doryan lui souhaita bon voyage dans sa langue d'origine elfique... Une prière traditionnelle à ceux qui partaient en haute mer pour qu'ils reviennent sains et saufs.

Lorsque le loup entra sous la tente, il ne put entendre que les derniers mots qu'échangèrent les deux shaakts, sans pour autant en comprendre le sens. Il resta là, dans l'ouverture de l'entrée, et attendit en silence la fin de leur conversation et le départ de celui qui était debout...
L'autre, toujours assis derrière sa table, ne lui dit rien lorsqu'ils furent seuls... Et Manithil comprit qu'il devait se présenter sans faire d'erreur:

" Bon-bonjour monseigneur! Je me nomme Manithil et je souhaite intégrer la milice d'Oranan! Je travaille dur et j'apprend vite!"

La voix était tremblante, le rythme trop rapide sous l'effet du stress et le volume était à la limite du cri... Un jeune adolescent mort de peur en bonne et due forme!

Endar espérait des réponses de la part du shaakt, cependant rien ne vint, au lieu de cela, il le laissa passer et lui indiqua où se rendre pour obtenir des réponses à ses nombreuses questions: le sous-sol de la milice d'Oranan. Il s'inclina du haut de sa monture devant le shaakt comme pour le remercier et partit sans demander son reste lorsqu'il vit derrière lui un jeune lyikor noir, espèce qu'il ne connaissait que par ses nombreuses lectures de parchemins et tomes poussiéreux qui s'amoncelaient sur le sol d'une salle à Khonfas. Rares étaient les érudits à Khonfas et encore plus rares étaient les érudits mages. Dirigeant son grand loup noir aux yeux ambrés en direction de la milice, bâtisse imposante par son architecture et sans aucun doute sur l'armement de ses miliciens, après tout Oranan était le dernier rempart contre Oaxaca.

Sautant de sa monture, il entreprit la descente au fond de la cave, talonné de près par son loup. L'humidité suintait des parois murales et le son de ses pas lui revenait aux oreilles sous forme d'écho. La rareté des torches ne lui posa guère de soucis, il avait passé une bonne partie de sa vie à arpenter des couloirs plus restreints que celui-ci et ce sans lumière.

Un instant la lueur vacillante des torches lui rappela de sombres souvenirs: ses trois décennies enfermé au fond d'une prison creusée à même la roche, l'air saturé et le son strident de dizaines d'araignées parcourant les cavités à la recherche de nourriture encore fraîche. La voix forte d'un homme le ramena sur terre et bientôt, il déboucha sur un large couloir où se tenait un fier oranien plutôt grand et vêtu d'une armure imposante et luisante, si bien qu'il se demanda si une telle armure avait déjà servi au combat ou si elle n'était juste qu'une simple pièce d'apparat.
Alors que son loup se tenait à ses côtés, il prit conscience que la voix dure et empreinte de colère était celle de l'homme face à l'oranien, il ne semblait être qu'un miséreux aux vêtements déchiquetés et aussi sales que son corps, néanmoins le sabre qu'il détenait convainquit Endar à rester en retrait.

- Le shaakt à l'entrée m'a dit d'aller vous voir pour en savoir plus sur cette mission qui va finir par devenir l'un des plus grand secrets de l'histoire si ça continue. J'imagine que la milice d'Oranan n'a pas donné pour mission de cueillir des courges, mais j'ai besoin de toutes les informations pour accomplir correctement une mission, comme j'ai toujours eu l'habitude de faire...

Le mage attendit une réponse, surveillant les deux interlocuteurs d'un œil aiguisé, laissant pleinement ses fluides se propager dans ses veines par précaution. Cela lui donnera tout le temps d'en faire usage si le gradé ou le miséreux armé décidaient de s'attaquer à lui.

" Je... Je suis ici pour la mission spéciale!" aboya presque le lyikor. ( Quelque soit celle-ci...) Pensa-t-il néanmoins avec beaucoup moins d'assurance...

Manithil n'avait toutefois pas grand chose à offrir à tous ces forts soldats... Il était encore très faible, n'avait rien et ne connaissait pas grand chose.
La seule chose qui pouvait un minimum représenter un intérêt pour l'officier devant lui était...

" Je peux m'occuper des montures, je trouve moi-même ma nourriture et peux aider un peu avec les soins aux blessés..." A ces mots, il fit briller ses mains d'une lueur bleue claire un instant.

" Baba appelle ça le Souffle de Gaïa. Elle m'a dit que c'était un don de la déesse rare chez ceux de ma race, et que c'était la preuve du clivage de ceux-ci sur moi... J'avoue ne pas avoir très bien compris ce qu'elle voulait dire mais elle m'a expliqué que c'était pour ça qu'elle m’appelait souvent son diamant sombre..."

Difficile de trouver autre chose à dire: le garde se ficherait éperdument de sa vie de bohème ou des animaux dont il avait la charge!
Il resta donc là, à attendre le verdict.

Le milicien s'arrêta de parler avec l'homme mystérieux ressemblant à s'y méprendre pour un vagabond. Apparemment le milicien semblait terriblement en colère contre l'autre humain et ceci concernait le contrôle d'identité mis en place par le shaakt qu'il avait rencontré tout à l'heure.

Cela l'étonna lorsque le milicien lui demanda si l'elfe noir paraissait préoccupé, néanmoins il est vrai que s'il y avait des espions d'Oaxaca à Oranan comme le laissait présumer la houleuse conversation, l'elfe noir à l'entrée serait le mieux placé pour en être.

Son regard balaya la pièce: il ne semblait avoir qu'une entrée et qu'une seule sortie, les murs en pierre pourraient être facilement utilisés pour un mage de terre mais tout détruire le rendrait suspect à son tour et il mourrait sans aucun doute sous une tonne de gravats. Pour l'instant, il ne pipait mot même s'il crut discerner des tâches de sang sur la pierre qui menaient tout droit vers le miséreux mais déjà son attention était accaparée par cette atmosphère pesante entre ces deux hommes.

Son loup commençait à s'impatienter, grondant tout bas en montrant ses crocs luisants de salive. Endar s'approcha de lui et tapota son encolure pour le calmer.

- Sachez que les shaakts ne sont pas connus pour leur patience, je ne fais pas exception à cette règle. Si vous n'aviez pas besoin d'aide, j'aurais compris votre insistance de ne pas me dévoiler la mission en présence d'un autre, tel n'est pas le cas en l'espèce... Quant à ce vagabond qui ne l'est pas à mon avis, s'il est ici comme moi c'est que l'elfe noir l'a laissé passer et qu'il est digne de confiance... Dans le cas contraire et au vu de cette discussion qui ressemble fort à des accusations d'espionnages, c'est un traître. Dans tous les cas, si vous voulez me gratifier, j'aimerais obtenir les informations sur ma mission le plus rapidement possible.

Sa voix était posée et il semblait empreint de calme, tel n'était pourtant pas le cas puisqu'au premier signe de traîtrise, il n'hésiterait pas à courir vers la sortie se situant juste derrière son dos et à en bloquer l'accès jusqu'à l'arrivée des renforts. Son œil mordoré fixa l'homme qui lui tournait pour l'instant le dos. Qu'allait-il faire à présent ? Dégainer ? Dévoiler son jeu ?
Les humains... Si prévisibles et imprévisibles à la fois.