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La jeune femme répondit aux discrètes avances d'Alistair d'un ton aimable, que le voleur décida de prendre comme une petite victoire. Calimène n'avait certes pas minaudé comme le faisait la plupart des femmes au tempérament effacé qu'il avait séduit, mais il n'avait jusqu'alors jamais adressé la parole à une Dame Chevalier, et il s'était douté que la séduction serait plus ardue avec une demoiselle possédant assez de caractère pour choisir une voie aussi originale. Néanmoins, le ton était agréable, presque chaleureux, et Alistair savait d'expérience que les femmes indépendantes qui se montraient peu réceptives aux avances d'un homme le faisaient savoir très rapidement.
Le malandrin, lui, refusa l'aide du voleur, un peu sèchement, jugea celui-ci, et serra les dents pour avancer le plus fièrement possible. Il était têtu, bourru et avait l'air d'un mendiant, mais Alistair ne put s'empêcher d'éprouver une teinte de respect. Et il n'accordait pas son respect facilement.
Soucieux d'inscrire le plus tôt possible une démarche de meneur, l'assassin entama la marche vers la milice. Il avait visité la cité l'année passée, et y était resté près d'un mois entier. Bien sûr, la caserne n'était pas l'endroit qu'il préférait de la ville, mais il savait assez bien se repérer dans les quartiers de la capitale Ynorienne pour devancer les gardes censés les guider.
Une fois arrivé proche de la milice, cependant, Alistair se laissa dépasser par les gardes escortant leur nouveau prisonnier. Il n'avait jamais visité l'enceinte du bâtiment, et ne savait de toute manière pas ce que l'on attendrait de lui une fois arrivé. Mais un garde les attendait, près à les guider à son tour.
« Bonjour, aventuriers. Veuillez me suivre, je vous prie. »
Leur chemin se sépara de celui du malandrin, qui serait sans nul doute jeté sans ménagement dans une geôle de la milice, à ce moment là. Quant à eux, ils suivirent le garde – qui les fit contourner la caserne par une voie pavée pour permettre à la monture de Calimène de la suivre – jusqu'à arriver dans une sorte de cave où se tenaient déjà un grand guerrier dans une armure trop onéreuse pour appartenir à un vulgaire soldat et une elfe en tenue Ynorienne.
« Capitaine Atsuhiko, » se présenta le premier.
L'hinionne, elle, ne leur fit pas la politesse de se présenter. Elle se contenta de les toiser sans grande discrétion, un brin trop froidement pour Alistair, puis de se retourner vers son premier interlocuteur.
« Merci d’être venus en nombre pour soutenir Oranan et l’Ynorie. Avez-vous, de par vos voyages, déjà foulé la terre d’un autre monde ? »
« Capitaine Atsuhiko, auriez-vous l’amabilité de m'expliquer ce qu'il se passe et pourquoi m'a-t-on si précipitamment faite mander ? Comme vous vous en doutez, le purpurin de cette tunique aussi bien que le lavande de ses chausses ne sont guère de mon choix et vous m'avez fait tiré de mon premier bain chaud depuis deux semaines. Venez-en aux faits, je vous en prie. »
Le ton était poli, mais pas assez pour faire oublier à Alistair les préjugés qu'il gardait à l'encontre des elfes. Il trouvait sa phrase impérieuse, presque autoritaire, ce qui n'arrangeait pas l'inimitié qu'avait engendré le regard inquisiteur que la jeune elfe à son endroit quelques secondes plus tôt. L'assassin en venait à regretter la présence du malandrin.
« Pour ma part, nulle expérience de ce type de voyage, » répondit la Dame Chevalier.
Alistair, quant à lui, fronça les sourcils.
« Quand vous dites un autre monde, parlez vous au sens propre ? Un autre endroit que Yuimen ? J'ai cru entendre que certaines milices avaient accès à d'autres planètes, mais j'ai cru jusque là à de simples ragots. »
Puis, se départissant de son air grave au profit de l'habituel détachement dont il faisait preuve lorsqu'il se mettait à courtiser une dame, il ajouta d'un murmure, au seul profit de Calimène :
« Cent yus que le prisonnier de tout à l'heure nous rejoint en trombe avant notre départ. »
C'était là avant tout une tentative d'instaurer une certaine complicité entre la jeune femme et lui, mais également un souhait ; cette histoire d'autre monde ne l'inspirait guère, et le malandrin semblait, à défaut d'être brillant, quelqu'un de compétent.
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