Ils s'en allaient ? Déjà ? Alistair comprenait l'urgence de la situation, mais la précipitation dans laquelle les plongeait l'officier le brusqua quelque peu. D'autant qu'il ne restait donc plus que quelques secondes au malandrin pour arriver et lui faire gagner son pari.

Reprenant ses esprits, l'assassin écouta Calimène parler rémunération avant de formuler une réponse qui tenait plus de la remarque que de la question, malgré son caractère interrogatif.

« Ces fluides servent donc de porte vers un monde différent ? Je ne m'y connais pas en magie, mais je suppose qu'ils doivent pouvoir être détruits ; ce monde doit être habité, sans quoi il serait pratiquement inutile d'y avoir une colonie. Cela implique donc qu'Oranan a prévu une sortie de secours dans le cas d'une guerre – sinon une bonne parte de l'armée de la cité serait déjà sur place, mais elle me semble plus gardée que jamais. »

Alistair se gratta la joue, réfléchissant sans attendre la réponse de l'officier.

« Mais alors à quel point Fan-Ming est-elle importante pour que l'Ynorie ne l'ai pas déjà sacrifiée ? Trop pour la laisser péricliter sur un coup de tête, je suppose, mais sûrement pas assez pour ne pas l'abandonner à la seconde où vous aurez vent de notre échec - si échec il y a - nous laissant tous derrière par la même occasion. Je suppose que ça explique pourquoi les personnes envoyées à Fan-Ming ne sont que des aventuriers et non des hommes de chez vous, » conclut-il sans aucune rancœur ; il comprenait le procédé et le trouvait même très intelligent.

Restait le point, comme l'avait souligné Calimène, de la compensation.

« Pour ce qui est de la rémunération, je ne cracherais pas, bien sûr, sur une certaine aide financière, ou quelques équipements qui pourraient m'être d'une certaine utilité. Mais pour des raisons qui me sont propres, j'attends avant tout de cette expédition que vous ne taisiez pas mon nom. Lorsque tout ceci sera terminé, j'aurais besoin de toute la renommée que vous pourrez m'apporter, par des discours officiels, des ragots, des crieurs, peu m'importe, tant que cette renommée atteint Tulorim. »

L'assassin se garda bien d'expliquer les motivations d'une telle demande, il savait que l'on attribuerait certainement cette demande à la recherche de gloire, ce qui l'arrangeait nettement plus que la vérité.

Puis, ayant terminé d'exposer ses réflexions personnelles, Alistair, toujours aussi soucieux de s'imposer en tant que meneur, reprit la parole tout en s'avançant dans la salle au fluide derrière Calimène.

« Eh bien, si vous n'avez rien de plus à nous dire, je pense qu'il est temps d'y aller. »

Il dépassa la dame chevalier, s'avança vers ce qui semblait être une boule brumeuse et inconsistante, de la taille d'un homme adulte, flottant au dessus du sol, et posa sa main droite sur la petite boule lumineuse qui trônait sur un piédestal doré à côté ; puis il tendit sa main libre à Calimène, l'enjoignant silencieusement de la saisir.

- Pour ma part, nulle expérience de ce type de voyage, répondit la jeune femme, perplexe.

- Quand vous dites un autre monde, parlez vous au sens propre ? avança son compagnon. Un autre endroit que Yuimen ? J'ai cru entendre que certaines milices avaient accès à d'autres planètes, mais j'ai cru jusque là à de simples ragots.

Il souffla ensuite quelque chose à la jeune femme, qui lui murmura une brève réponse en retour, mais je n'y prêtai guère attention. Le capitaine s'adressait à nouveau à moi.

- Vous demanderez vous-même à votre ami pourquoi il a voulu cet empressement. Encore qu’il ait raison : La situation demande une certaine urgence. Et elle se passe bien sur un monde extérieur nommé Aliaénon. Les fables des tavernes ont parfois un fond de vérité… Il lança un regard entendu au jeune homme. Nous savons de source sûre qu’Oaxaca projette d’envahir notre monde en se servant de ce fluide donnant sur une de nos cité-colonie, Fan-Ming. Je n’ai hélas guère plus de détails pour l’instant. Les informations supplémentaires vous seront données sur place par le Conseiller Tsukiko. Il ne fait nul doute que l’avenir du visage géopolitique de Yuimen dépendra de… vous. Il désigna la porte derrière lui. Dedans se trouve un fluide spatial. Il vous faudra le traverser pour rejoindre Aliaénon, mais non sans vous être assurés d’avoir un contact avec la boule de lumière présente à ses côtés, ou avec un de ceux qui touchent cette boule. Question de sécurité.

Je me décalai légèrement et aperçu la boule de lumière dont il parlait. Elle flottait paresseusement sur le pas de la porte et c'est elle dont irradiait une certaine lueur, et non l'autre côté de la porte en lui-même. La chose ne me surprenait pas plus que cela. Je savais depuis longtemps que de telles choses étaient possible. Si l'on pouvait revenir des morts, rien ne nous empêchait d'aller et venir grâce à quelque magie dans un lieu tout autre et bien loin de nos terres d'origines. La perspective de faire un tel voyage m'enchantait cependant peu au final. La curiosité et la volonté de racheter mes erreurs passées dans la guerre contre Oaxaca le disputaient à la méfiance, ma foi en Yuia qui s'étiolait à mesure que ses desseins m'échappaient davantage et à la lassitude qui s'était emparée de moi dès mon retour en Yuimen.

- Oui mais si l’Oranan cède les Duchés se retrouveront alors en première ligne face à l’avancée de la Reine noire ; nul doute alors que la Citadelle sera localisée par les bandes que la déesse déploiera par monts et par vaux. Je tiquai à la désignation d'Oaxaca comme une déesse. Elle était bien moins que cela. De la chute de l’Oranan dépend le maintien de la Citadelle, murmura la chevalière. Elle semblait ressasser des pensées qui n'appartenaient qu'à elle. Elle dû s'éclaircir la gorge et se moucher avant de reprendre la parole, à voix haute et claire cette fois-ci. Ceux qui partiront ne manqueront pas de courage. Qu’en est-il de la récompense que vous proposez pour les services des aventuriers employés ? évoqua-t-elle enfin. Je me demandai si c'était là où elle voulait en venir depuis le début. Je n'avais pas même songé à une rémunération. Je manquai de peu m'étouffer et retins une quinte de toux. Entendons-nous bien, capitaine Atsuhiko. L’objectif est noble, certes, mais d’expérience la noblesse est bien rare en ce monde. Et de fait, je ne vous ai pas entendu décrire les récompenses qui récompenseront le succès de cette entreprise, poursuivit-elle, de nouveau perdue dans ses pensées. Nul doute qu'elle calculait déjà le montant qu'elle jugerait pertinent pour la contraindre à participer à l'expédition.

» Contrairement aux natifs de l’Ynorie qui développent très tôt des notions d’honneur social et d’appartenance à une nation, expliqua-t-elle, les aventuriers se caractérisent bien plus souvent par leurs objectifs personnels, en ce qu’ils comportent de bien comme en mal. Ainsi, si vous n’avez pas annoncé de récompenses particulières, vous aurez fait passer le portail à au moins trois groupes de personnes. Le premier groupe relève des idéalistes ou des défenseurs de l’Ynorie, tel Ziresh de Liykkendra. Le second groupe intégrera ceux qui ont vu dans la situation une opportunité personnelle : Celle de s’enrichir sur la bête ou d’acquérir en Aliénon des pouvoirs inconnus sur Nirtim. Enfin, un dernier groupe désintéressé doit comprendre des agents d’Oaxaca, conclut-elle. Je peinai à valider son raisonnement tant il était terre à terre et tranché. En ce sens, j’ai bien plus confiance en une personne affichant ses objectifs personnels que ceux s’étant engagés dans cette mission sans rien connaître de la rétribution qu’ils en retireraient. Je m'abstins de tout commentaire. Elle fit quelques pas dans la salle, fièrement dressée et les mains croisées dans le dos, avant de se planter devant le capitaine.

» Pour ma part mes objectifs personnels seront doubles : Remettre la main sur l’un de mes compagnons, Ziresh de Liykkendra et obtenir une entrevue avec les instances dirigeantes de l’Ynorie. Bien entendu, je comprendrai que vous ne puissiez avoir autorité pour vous engager sur ce second point mais telle est pourtant la rétribution que je recherche en la présente affaire, imposa-t-elle plus qu'elle ne le proposa avant de faire mine de sortir son épée de son fourreau. Le fil de mon épée mériterait bien d’être retravaillé par un artisan expert ; et mon paquetage manque de ressources de première nécessité pour assumer une expédition de plus de quelques jours. Pouvons-nous recevoir un document officiel de votre part nous permettant d’accéder à ces services une fois à Fan-Ming ? Nous pourrons alors affiner notre plan de campagne que nous réunissons le matériel qui nous sera nécessaire. Ma volonté est ne pas confondre vitesse et précipitation, acheva-t-elle finalement.

Puis elle s'écarta du milicien pour aller passer quelque nouvelle commande au soldat qui les avait accompagné. Je hochai tristement la tête avec réprobation. Que de paroles, que d'exigences. Il n'y avait rien d'insensé dans tout cela mais ses priorités me glaçaient les sangs.

- Ces fluides servent donc de porte vers un monde différent ? Le jeune homme profita de ce que sa compagne se tu enfin pour intervenir. Je ne m'y connais pas en magie, mais je suppose qu'ils doivent pouvoir être détruits. J’acquiesçai, c'était exactement ce à quoi j'étais venue à penser. Ce monde doit être habité, sans quoi il serait pratiquement inutile d'y avoir une colonie. Cela implique donc qu'Oranan a prévu une sortie de secours dans le cas d'une guerre – sinon une bonne partie de l'armée de la cité serait déjà sur place, mais elle me semble plus gardée que jamais. Mais alors à quel point Fan-Ming est-elle importante pour que l'Ynorie ne l'ai pas déjà sacrifiée ?

Voici une question qui était tout à fait pertinente. Il devait y avoir quelque chose là-bas qui les poussait à défendre ce monde mais peut-être valait-il la peine de se poser la question du risque courut et du bénéfice tiré. N'était-il pas possible de rapatrier tout ce qui pouvait l'être de la colonie jusqu'à Oranan et fermer cette porter au nez d'Oaxaca ?

- Trop pour la laisser péricliter sur un coup de tête, je suppose, mais sûrement pas assez pour ne pas l'abandonner à la seconde où vous aurez vent de notre échec - si échec il y a - nous laissant tous derrière par la même occasion. Moi qui approuvais du chef, je me retrouvai surprise par la tournure des pensées du jeune homme. Je suppose que ça explique pourquoi les personnes envoyées à Fan-Ming ne sont que des aventuriers et non des hommes de chez vous.

Il ne semblait pas désapprouver cette idée, bien au contraire, et se contentait de mettre au clair la situation. Je n'avais pas songé aux choses de cette façon. Sans doute parce que j'y accordais peu d'importance. Quels êtres calculateurs faisaient ces deux-là. Leur esprit d'analyse seraient un atout fantastique mais pour une raison qui m'échappait cela m'irritait au plus haut point.

- Pour ce qui est de la rémunération, reprit l'homme, tandis que je levais les yeux au ciel, je ne cracherais pas, bien sûr, sur une certaine aide financière, ou quelques équipements qui pourraient m'être d'une certaine utilité. Mais pour des raisons qui me sont propres, j'attends avant tout de cette expédition que vous ne taisiez pas mon nom. Lorsque tout ceci sera terminé, j'aurais besoin de toute la renommée que vous pourrez m'apporter, par des discours officiels, des ragots, des crieurs, peu m'importe, tant que cette renommée atteint Tulorim.

Ne laissant le temps à personne de réagir, il prit les devants et s'avança vers la lumière.

- Eh bien, si vous n'avez rien de plus à nous dire, je pense qu'il est temps d'y aller.

Il posa la main droite sur la boule et tendit la gauche à sa compagne.

Je poussai un soupire exaspéré et reportai mon attention sur le capitaine. J'étais abattue à l'idée de devoir effectuer quelque expédition avec ces deux énergumènes. J'en venais à me dire que je ne devais pas tourner bien rond pour être toujours aussi abasourdie par le comportement de mes coéquipiers, quelle que ce soit la mésaventure dans laquelle je me retrouvais embarquée. Tout ceci était incohérent, à quoi bon brasser autant de vent pour des exigences si c'est pour partir avant de les avoir obtenues... La jeune femme n'allait certainement pas suivre immédiatement son compagnon. Et peu importait.

- Capitaine Atsuhiko, intervins-je enfin, pourquoi ne pas tout simplement rapatrier les colons ici et fermer la porte ? Qu'y a-t-il là-bas que vous ne nous dites pas ? A quel point ce monde est-il peuplé et ce peuple est-il entièrement lié à votre venue ou n'est-ce pas un peuple qui était là avant et que vous pourriez tout aussi bien laisser vivre seul ? Enfin, si la porte est scellée, Oaxaca n'aura aucune raison de chercher à envahir votre colonie, il suffirait de lui faire parvenir cette information, qu'elle soit vraie ou fausse d'ailleurs... Il n'était pas question de se lancer dans une bataille si elle pouvait être évitée. Je m'excuse, je me doute que vous avez de fins stratèges qui travaillent jour et nuit sur la question, mais enfin se battre à Fan-Ming pour protéger la colonie contre la puissante armée d'Oaxaca est-elle la meilleure solution que vous ayez ? Des stratégies sont-elles déjà en place ? Autre que d'envoyer des aventuriers sur le front ?

Un hurlement de douleur résonna de barreaux à barreaux. Deux gardes alertés se hâtèrent vers sa source. Apparemment, Heartless avait surestimé sa tolérance à la douleur : il se tenait le mollet en position fœtale, les dents serrées et le souffle tremblant. De sa jambe blessée, le sang coulait de plus belle.

- Ha... putain... je savais pas que ça allait faire aussi mal !

Les deux soldats firent irruption dans la cellule, et l'un d'eux le somma de ne pas bouger tandis qu'ils lui ôtaient la flèche. En les voyant arriver, le malandrin eut une autre sale idée. Il feignit d'être plus blessé qu'il ne l'était et commença à geindre. Tandis qu'il attendait, il se prépara à fondre sur le premier infortuné qui arriverait à sa portée...

Cela n'allait pas être simple, en raison de sa position singulière, mais si il arrivait à déséquilibrer l'un d'eux, il sentait que cela lui donnerait l'avantage. Guettant d'un œil avide les mouvements des gardes, il se prépara à mettre toute sa force dans ses trois membres restants pour le faire passer pieds par dessus tête.


- > Tentative d'apprentissage et d'utilisation de la CC SA "Renversement".

Après sa longue tirade, ce fut au tour de l'elfe de prendre la parole. Alistair s'apprêta à lui couper la parole pour lui demander de se presser, mais il se ravisa au dernier moment : s'il devait voyager avec elle, mieux valait ne pas trop la contrarier, il ne voulait pas supporter une ambiance bourrée de tensions dès le départ. Et puis, comme beaucoup des représentantes de sa race, elle lui était agréable à regarder, et l'assassin trouvait particulièrement difficile la tâche d'être désagréable avec les dames qu'il trouvait charmantes.

« Pourquoi ne pas tout simplement rapatrier les colons ici et fermer la porte ? Qu'y a-t-il là-bas que vous ne nous dites pas ? A quel point ce monde est-il peuplé et ce peuple est-il entièrement lié à votre venue ou n'est-ce pas un peuple qui était là avant et que vous pourriez tout aussi bien laisser vivre seul ? Enfin, si la porte est scellée, Oaxaca n'aura aucune raison de chercher à envahir votre colonie, il suffirait de lui faire parvenir cette information, qu'elle soit vraie ou fausse d'ailleurs... »

Alistair réprima un léger soupir de dédain. Si l'homme face à elle était au courant des motivations de son état, ce dont le voleur doutait, il n'en dirait rien, voilà pourquoi il s'était contenté d'établir les faits plutôt que de poser des questions inutiles qui seraient sans doute balayées par des faux prétextes. Mais ceux-ci furent précédés par un discours particulièrement agaçant.

« Je m’attendais à avoir ici des mercenaires vénaux sans foi ni loi. Mais pas de ceux se cachant derrière de tels palabres. Avant de parler de récompense, œuvrez déjà à la sauvegarde de votre propre monde. De vos propres vies. A quoi vous serviraient réputation et connaissances politiques dans un monde de chaos et de mort ? Si vous réussissez à préserver ce monde et le nôtre, n’ayez crainte que votre renommée atteindra partout des sommets inégalés chez votre engeance, et que vous serez accueillis chez les puissants avec grâce. Vos poches, plus jamais ne seront vides. »

Alistair sentit la colère monter en lui. Il s'était préparé à entendre des discours plein de bons sentiments et de bien pensance de la part des autres aventuriers qu'il rencontrerait au cours du voyage, mais se faire remettre à sa place par un bureaucrate qui les attendrait calmement derrière les rambardes de sa cité tandis qu'ils mettraient leur vie en danger pour faire le sale boulot l'enragea profondément.

« Ces fluides sont l’œuvre de Zewen en personne. Croyez-vous vraiment que si nous avions la possibilité de les fermer et rouvrir comme de simples portes, nous ne l’aurions déjà fait ? Le procédé est possible, mais complexe et terriblement long. Il demande des ressources dont nous ne sommes pas en possession. Oui, le Conseil de la République croit que vous pouvez arranger le problème sans devoir priver l’Ynorie de ses colonies, amenant richesse, prospérité et savoirs précieux de nombreux mondes. Non, Dame, nous Ynoriens ne sommes pas de ceux qui ne sauvons que leurs semblables, laissant les autres dans une déroute où nous ne voudrions être. Tout un monde risque de se faire saccager, là-bas. Et notre volonté est de leur venir en aide tout en défendant notre vie. »

Sur ces mots, Alistair lâcha l'orbe lumineuse et se ficha juste en face du capitaine, à tout juste deux pas de sa position.

« Aah, oui, quel scandale, nous ne sommes pas venus ici pour le simple plaisir de sauver le monde ! » commença ironiquement l'assassin. « Que le monde serait beau s'il était semblable à celui des romans, pleins d'aventuriers dont les qualités sont l'altruisme et l'abnégation. Cependant ici nous sommes dans le monde réel, un monde où l'argent ne tombe pas du ciel, un monde où il n'y a pas de princesse à sauver puis épouser pour devenir un roi bon et clément. Un monde où les fées n’exaucent pas de vœux, où les monstres marins gagnent toujours à la fin, où les cigognes n'apportent pas d'enfant. Ici un « mercenaire », comme vous aimez nous appeler, a besoin d'argent et d'équipement pour survivre. Vous avez l'air de rêver d'un monde où les personnes qui viendront vous sauver le feront par simple sens du devoir et amabilité, mais dites moi une chose, vous qui êtes si honnête et droit : que seriez vous en train de faire en ce moment même si votre splendide métier n'était pas rémunéré ? Alors votre abnégation : foutez vous la dans le cul. Ni vous ni moi ne faisons notre métier pour la satisfaction de délivrer le monde de quelque fardeau que ce soit. »

Le voleur prit quelques secondes pour reprendre son souffle et se calmer puis termina son monologue :

« Et n'allez pas me faire croire que les seules raisons qui vous ont poussé à ne pas détruire ce fluide sont le manque de ressources et l'envie d'aider les autres populations de cet univers. C'est peut être ce que vous croyez, mais grandissez un peu, l'Ynorie est un état, que vous l'acceptiez ou non ses décisions sont pragmatiques, pas humanistes. Si ce qu'elle peut gagner de ce monde n'était pas tout ce qui importait alors la tâche qu'elle aurait confié à ces « aventuriers » serait justement de réunir ces dites ressources. Pour ce qu'on sait, Oranan est peut être déjà en train de les faire rechercher comme solution de dernière minute. »

Après la réponse du capitaine, Alistair fronça de nouveau les sourcils. Il ne souhaitait par partir dans un débat, et il lui tardait de s'en aller, mais il ne put s'empêcher de répondre, tout à fait calmement cette fois.

« Je ne dis pas que c'est là tout ce que je cherche... je vous dis juste que vous êtes au fond tout à fait semblable à ce que vous semblez mépriser. Et à ce que je sache, vous êtes celui qui nous avez jugé sans savoir. Vous nous méprisez, grand bien vous en fasse, me concernant ce sentiment est mutuel ; mais absolument tout dans votre discours fait preuve d'une hypocrisie écœurante, alors tâchez de garder vos sermons dégoulinants d'auto-suffisance pour vous. Je connais les gens de votre acabit, si vous ne mourrez pas sur le champs de bataille vous finirez vieux et aigri, à ne plus sortir vos armes de leurs gaines qu'à l'heure du dîner, et vous servirez ces sermons aux jeunes qui osent avoir la moindre ambition en vous prenant pour un saint. »

Il n'attendit pas la réponse de son interlocuteur et retourna près de l'orbe sur laquelle il posa sa main et prit délicatement la main que Calimène lui tendait.

« Tu es pressée de partir pour gagner le pari ? » plaisanta l'assassin armé de son sourire le plus charmeur, tentant par la même un premier tutoiement.

Puis, sans attendre de réponse ni de l'elfe ni de l'humaine, il traversa le fluide.

Sans attendre, j'adressai un salut digne au capitaine.

- Je ferai de mon mieux, soyez-en certain. Certains ici bas ne courent ni après l'or ni après la renommée. Sauvez nos vies et enrailler la progression d'Oaxaca sera déjà une bien belle récompense en soi.

Et puis la renommée, ça ne s'achète pas. Et c'est en se comportant comme des lâches et avec avidité que l'on devient légendaire pour son caractère odieux et ses manières de rapace, non pour des haut faits qui font chanter les cœurs. Mais je me gardai bien de dire le fond de ma pensée. À quoi bon. Ce n'est pas en chantant devant une poule qu'on lui apprend à chanter. Aussi, après un dernier signe au capitaine, un bref signe du buste en guise de révérence, je passai à mon tour le portail.