Plaines Ynoriennes – à l’écart du camp.

La douleur à l’arrière du crâne finit par faire émerger Azra. Difficilement. Il était groggy, à moitié conscient, et sa vue était trouble, alors que la nausée s’emparait de ses tripes. Il était toutefois assez conscient, désormais, pour s’apercevoir qu’un bâillon lui entravait la bouche, et que ses pieds et poings étaient ligotés, lui empêchant tout mouvement. Il était adossé à un roc enneigé, à une vingtaine de mètres du camp qu’il avait quitté un peu contre son gré. Les ombres de la nuit, contrastant sur la neige immaculée, lui révélèrent que le petit groupe de tente autour du feu était… encerclé. Il ne sut compter combien d’hommes cernaient ses amis, mais ils étaient clairement en danger. Non loin de lui se tenait, assis aussi, un homme tout recouvert de nombreuses couches de tissus. Un voile de lin était posé sur sa tête, et masquait la moitié de son visage. La seule chose qu’on en voyait était ses yeux, d’un orange vif inquiétant. Et des cicatrices, non moins sympathiques, qui lui barraient la peau, pâle, presque grise. Les ombres de la nuit n’aidaient pas à en discerner plus, mais il regardait le nécromancien fixement.





D’une voix qui murmure, il s’adressa au prisonnier.

« S’il tient à sa vie, le prisonnier va rester calme. Très calme. Chook n’aime pas les retors. »

Et il indiqua du bout du nez une silhouette massive, qui supervisait l’encerclement du camp non loin de la position d’Azra. Tout armuré, le crâne chauve, sa peau n’était pas beaucoup plus colorée que celle de son interlocuteur.

Plaines Ynoriennes – Feu de camp.

Jet de perception : échec.

Ce ne fut pas le capitaine qui répondit à la généreuse proposition de Mathis. Ce fut le sergent Genkishi.

« Pas besoin, mes soldats s’occuperont de la garde. Vous avez un long trajet, demain, dormez pour ne pas traîner. »

Et il laissa aller le chasseur de prime jusqu’à la tente, qui n’avait pas bougé, et appelait Mathis pour un sommeil réparateur et… annonciateur de la journée du lendemain.

[Mathis :XP : 0,5 (post)
Azra : XP : 0,5 (post)]

Nausée, douleur, réveil teinté de peur. Où était-il ? Il fallut déjà un certain temps avant qu'Azra ne puisse fixer ses yeux sur quelque chose. Par tous les dieux qu'il faisait froid ! Il remerciait ses bottes fourrées, mais il était adossé à un roc glacial et le botte ne suffisaient pas à l'empêcher de trembler. Bon sang mais que s'était-il passé ? Comment allait-il s'en sortir ?

(Du calme. Analysons la situation.)

Une fois n'est pas coutume, le jeune homme fut content d'entendre la voix de son hôte. Il était rassurant d'entendre une voix familière quand on est clairement en mauvaise posture.
Il regarda autour de lui.
Il était complètement ligoté et bâillonné, pieds et poings liés, au milieu... d'un camp ? Un homme vêtu de noir était penché sur lui. La peau pâle, les yeux orangés, le visage couturé de cicatrice... il semblait sinistre... et légèrement maladif ? Ce teint blafard, morbide, un des drogués dont parlait l'ynorien ? Ils étaient censé appartenir à ce peuple appelé les hommes pâles... Les hommes pâles... une bonne description visiblement. Impossible de dire qui étaient ces gens, ni ce qu'ils faisaient là, mais ils appartenaient sans doute à ce fameux peuple de sans-magies.
C'est alors que l'homme parla :

« S’il tient à sa vie, le prisonnier va rester calme. Très calme. Chook n’aime pas les retors. »

Disant cela, il montra d'un mouvement de tête un colosse en armure, le genre de soudard qu'on s'attendait à trouver dans toutes les guerres autant que dans les bastons de taverne.
Maintenant qu'il faisait attention à ce qui se passait autour de lui, Azra fut saisi de stupeur, à un tel point que, vu son état, il faillit vomir dans son bâillon.
Il voyait le feu de camp ! Malgré la neige, il devinait le groupe d'Honoka !
Et le dénommé Chook était en train de parfaire une magnifique manœuvre d'encerclement. La princesse était en danger !

(Holà, holà ! Ne commence pas à jouer les princes sauveurs ! Nous sommes en mauvaise posture, certainement pas en position de combattre. Il va falloir la jouer fine...)

Azra se laissa aller contre la roche avec un faible gémissement. Que pouvait-il faire ? Il lança un regard aussi inoffensif que possible à l'homme en noir et hocha la tête.

« Hmhm ? » murmura-t-il.

Quelle était la question ? Il ne le savait pas trop lui-même. Il avait l'habitude des maux de tête dûs à son hôte intérieur, mais la douleur qu'il ressentait maintenant était plus rare.

Déjà inquiète de ne plus voir Mérové couché non loin d’elle, Rosie scruta les alentours tentant de discerner des formes lui ressemblant hors de la lumière du feu. Ça lui était impossible. Tant qu’elle resterait à l’intérieur du cercle de lumière elle ne pourrait apercevoir quoi que ce soit. Se tournant vers l’obscurité, là où l’ours aurait pu partir, elle l’appel d’une voix modérée question de ne pas trop attirer l’attention et inquiéter qui que ce soit à cause d’une balade nocturne d’un ours inconscient.

« Mérové »

Des grognements familiers qui semblaient se perdre dans le vent lui atteignirent néanmoins les oreilles. Elle se leva doucement le haut du corps étiré vers les ténèbres où l’ours avait disparu comme si gagner quelques pouces de distance l’aiderais à mieux discerner le son. Elle savait que c’était Mérové qu’elle entendait. La jeune femme pouvait reconnaitre facilement les grognements de son compagnon parmi tant d’autres. Pourtant, elle ne discernait pas de nervosité, d’agressivité ou de crainte chez lui. S’il y voyait danger, elle pouvait le sentir chez lui, mais apparemment ce n’était pas le cas en ce moment. La jeune femme se serait bien épargné d’aller le chercher, ne percevant pas de problèmes, connaissant sa force, mais les histoires d’horreur qu’on lui racontait sur ce monde avait eu le don de lui retourner le cœur à l’envers. Elle ne voulait pas perdre son ami dans entre les crocs d’une bête monstrueuse.

Quittant la compagnie des autres, elle fit quelques pas et l’appela à nouveau. Mais il n’y avait plus vraiment de réponse, pas un son de sa part. Autant elle voulait aller le chercher, autant elle espérait ne pas se retrouver elle-même dans le fond de l’estomac d’une créature féroce. Sans Mérové, elle ne se voyait pas survivre à quoi que ce soit.Les prochains pas dans l’obscurité se firent à l’aveugle, ses yeux étant toujours éblouis par le feu du camp. Elle se laissa guider par la présence de sa bête qu’elle devinait non loin. Ne se sentant toutefois pas à son aise, elle s’arrêta à nouveau.

« Viens Mérové. »

Elle se doutait de plus en plus qu’il avait dû suivre Azra lorsqu’il avait annoncé attacher sa monture et s’imaginais déjà son frère d’arme provoquer le loup au bout de sa corde. L’idée ne lui plaisait guère. La semi elfe ne voulait pas envenimer les relations avec le nécromancien à cause de son ours incontrôlable. Déjà qu’elle ne l’appréciait pas tant, elle pouvait se douter d’un sentiment égal de sa part à son égard. Elle s’était montrée particulièrement méfiante et Mérové très peu courtois.

(Je vais finir par l’attacher lui aussi.)

Soudain, alors qu’elle prenait son souffle pour appeler de nouveau son compagnon, elle entendit ce dernier grogner à nouveau, mais cette fois c’était différent. La soudaine qu’elle ressentit à ce moment lui coupa la respiration. Elle dégaina sa hache lentement et continua son ascension dans le noir. Alors que ses yeux commençaient à s’habituer doucement, une énorme ombre poilue se jeta sur elle l’empêchant de poursuivre son chemin.

« Mérové! Qu’est ce qui se passe! »

L’ours lui faisant dos, la poussait de son arrière train pour la forcer à reculer vers le feu de camp. Rosie tenta de résister sentant la détresse et la confusion de son frère d’arme. Une panique peu commune chez lui. Était-ce Azra que Mérové percevait ainsi comme une menace? Cela aurait été rien d’étonnant vu la nature de ses pouvoirs que Rosie jugeait choquant. Ou bien, était-ce une de ses créatures cauchemardesques? La jeune femme ignorait vraiment quelle option elle préférait combattre.

Alors que sa vision s’améliorait, l’encapuchonnée de rouge put enfin percevoir la monture du Nécromancien convenablement attaché. Elle se dégagea de l’ours pour pouvoir approcher lentement.

« Azra ? » Interpella Rosie.

Elle espérait une réponse de sa part, quelque part dans les ténèbres, mais aucune ne vint. Elle s’adressa inconsciemment au loup visiblement tout aussi énervé que Mérové.

« Où est ton maitre? »

L’ours ne se débattait plus pour la ramener sur le bord sur camp. Il reniflait, montrait les dents, crachait, grognait, rugissait toujours bien collé sur sa jeune amie frisonnante.

(Je ferais mieux de revenir vers les autres...)

« Azra...?»

Tout comme je l’avais espéré, l’officier déclina mon offre, m’invitant à profiter de ma nuit de repos afin d’être frais et dispo pour la longue route qui nous attendait le lendemain. Je le saluai donc d’un signe de tête et entrai sans tarder dans la yourte qui nous était assignée.

Je m’approchai de ma couchette, puis jetai une œil circulaire sur les autres, espérant que les autres voyageurs aient été moins prudents que moi et qu’ils n’aient pas cru bons d’apporter leurs affaires autour du feu de camp.

Alerte aux moindres bruits de l’extérieur et placé de façon à toujours être face à la porte, j’entrepris de fouiller la couche de Egregor, puis celle de Azra. Je n’avais pas l’intention de visiter celle de Rosie, je la connaissais déjà très bien.

Préférant ignorer les monstres énoncés plus tôt par le Capitaine et choisissant de ne retenir que le terme "risque zéro" de sa dernière phrase, Sirop écouta le reste des conversations en silence, finissant sa gamelle goulûment. Toutes ces palabres ne l'intéressaient décidément pas des masses.

Il lança toutefois un "bonne nuit" moqueur à Mathis lorsque ce dernier partit se coucher.

(Petite nature). songea le Hobbit en sauçant son auge avec son index.

Pour lui, l’aventure et le voyage ne pouvait se faire sans de longues et tonitruantes discussions autour du feu, avec de la musique et des récits d'aventures tous plus improbables les uns que les autres le tout évidemment arrosé d'un bon houblon.

Les pensées ainsi orientées, le petit Hobbit ne fit pas attention au grognement qui arriva jusqu'à ces petites oreilles tout comme il ne s’occupa pas de Rosie qui s'était levée, une mine inquiète sur le visage, pour s'éloigner du feu de camp.

Tapotant son ventre plein et se retenant de roter comme il avait l'habitude de le faire dans son village natal, il demanda au sergent Genkishi, désireux de lancer une conversation :

"Votre sabre a l'air aussi efficace que beau...Euh...Sergent, c'est bien ça ? Quels genre de dangers avez-vous bien pu traverser pour vous l'approprier ?"

Demander à avoir de l'alcool et éventuellement un petit dessert le démangeait fortement mais étant en présence de personnages importants d'Aliaénon, il préférait paraître le plus digne et le plus respectable possible.

L'homme se contenta de marmonner qu'il ne fallait pas parler. Et pendant ce temps, l'étau se resserrait sur le campement.

Luttant pour repousser le vertige, Azra gronda intérieurement :

(Bon, ça suffit ! J'invoque Rendrak !)

(Il ne pourra pas les vaincre tous. Il va falloir faire preuve de doigté... Il fait sombre, il y a de la neige... Si tu l'utilises subtilement, par exemple pour prendre cet homme en otage, ça peut peut-être marcher.)

Azra se concentra donc. C'était difficile, même s'il commençait à bien reprendre ses esprits. Qu'allait-il se passer ? Le jeune homme avait eu beau jeu de jouer les fier à bras devant Egregor, mais maintenant l'idée de cette mystérieuse malédiction de Jesuir lui tournait dans la tête.
Pas le choix, cependant. Il fit donc ce petit geste des doigts, sans doute inutile, de dessiner la flamme d'une bougie qui s'allume.
Priant pour que les agresseurs soient tous concentré sur le camp et qu'ils aient autant de peine que lui à voir quelque chose au milieu de la neige et de la nuit, il invoqua Rendrak.

Un sombre nuage se condensa derrière l'homme voilé et, avant même qu'il n'ait fini de se matérialiser, des bras qui semblaient faits de pierre noire se refermèrent de chaque côté du crâne de l'homme. Le liykor n'était qu'une masse d'ombre menaçante, mais Azra ressentit un intense soulagement en voyant les deux petits points de lumière pâle de qui brillaient dans ses yeux.
Puis, le mort-vivant gronda de sa voix basse et rauque :

« Un mot, et je te fracasse le crâne contre le rocher... Maintenant, libère-le. Et tu pourras partir tranquille dès qu'on aura filé d'ici. »

Azra hocha la tête, les yeux plissés par un petit sourire sans doute invisible dans la nuit.

Pas de réponse d’Azra. Le vent seul répondit à son appel. Elle allait rebroussé chemin se disant que depuis le temps il avait peut être rejoint la tente ou même le feu de camp. Qui sait, par une telle obscurité elle aurait juste pu manquer son retour. La seule chose qui la maintint en place un instant de plus fut l’agitation toujours aussi prononcé de Mérové.

(Il ne s’énerverait pas pour rien…)

Alors que la pensé lui traversait l’esprit, l’encapuchonnée de rouge perçût un sifflement grave qui fendit l’air jusqu’à rejoindre ses oreilles. Elle n’entendit pas vraiment le bruit que fit le coup qu’elle reçut derrière la tête, autant qu’elle ne sentit pas immédiatement la douleur non plus. C’était comme perdre connaissance sans raison. Après une fraction de noir, c’est la vision trouble que la jeune femme se sentit projetée et se vit tomber sur le ventre, ayant à peine le temps de pouvoir poser les mains devant elle. Sa chute comme au ralentit, elle perçut un bref instant le feu de camp avant de tomber dans une obscurité totale et froide. C’est un éclair de douleur qui lui traversa l’arrière du crâne pour venir tirer dans son front puis dans sa nuque.

C’est là qu’elle reprit conscience de la situation. On venait de l’attaquer.

Étalée sur le sol comme une vulgaire poupée de chiffon, elle remerciait la neige d’avoir amortit sa chute alors que dans une tentative désespérée elle se débattait contre son mal pour lever sa tête au plus vite en s’appuyant sur ses coudes. Elle pivota plutôt vers son assaillant le visage enfoui sous ses cheveux en broussaille, la vision troublée par le mal, mais aussi par sa capuche qui était mal retombée sur ses yeux. Elle perçût entre ses mèches le visage placide de son agresseur. En cet instant de panique, de cet homme, deux choses seulement attirèrent son attention. Ses yeux brillants d’un jaune qui transgressait les ténèbres de la nuit et surtout cette arme qu’il voulait abattre de nouveau sur elle. Toujours la hache en main prête à défendre son visage, elle ouvrit la bouche alors que son menton, ses joues et son nez étaient frigorifiés sous la neige qui y était restée collé.

« Alerte! »

Tenta-t-elle de crier vers le feu de camp avant qu’on ne la défigure à jamais. Les oreilles sifflantes, elle ignorait si on pouvait l’entendre ou si même un son traversait ses lèvres.

Fou de rage, Mérové vit sa jeune sœur s’écrouler dans la neige et n’attendit pas de la voir réagir pour s’élancer vers l’ennemi prêt à attaquer à nouveau. Il ouvrit grand la gueule, les lèvres dégoulinantes et les dents brillantes. Il poussa un cri de fureur et entreprit de croquer bien violemment dans le bras qui avait blessé Rosie. Qu’elle fut à peine blessée, gravement atteinte ou morte, la colère qui le submergeait était égale en toute circonstance lorsqu’il s’agissait de sa protégée.

C'est avec un mélange de crainte et d'euphorie enfantine qu'il ne parvint pas à cacher que le petit Hobbit s'empara précautionneusement du redoutable sabre que le Sergent Genkishi lui tendait.

Le petit bras du Sinari peina un peu sous le poids pourtant relativement léger de l'arme lorsqu'il l'eut en main mais cela ne l'empêcha pas de marmonner d'un ton expert, sans toutefois oser toucher la lame autrement qu'avec les yeux après l’avertissent de son propriétaire :

"Belle arme, pour sûr. Le fil est bien lisse et la lame est équilibrée."

Il n'avait strictement aucune idée de ce qu'il racontait.

"Mais un peu trop lourde pour moi, cependant." ajouta-t-il plus fort en rendant l'arme à son propriétaire. "C'est marrant, elle me fait penser à mon ancienne épée, toute faite de Mithril, le métal le plus rare de chez nous, que j'ai perdu en affrontant un...euh...quelques Cyclopes... Un rude combat..." conclut-il avec une pointe de tristesse dans la voix et en baissant théâtralement la tête.

Puis, il poursuivit :

"Quand tout cela sera terminer, je compte bien m'en faire une comme la vôtre, tiens... Mais plus à ma taille. Auriez-vous quelques noms à me donner ?"

Il se tourna ensuite vers le soldat-cuisinier, ne perdant pas le Nord et en chassant la neige qui s'accumulait sur ces cheveux :

"Et vous, chef ? N'auriez-vous pas quelques boissons réchauffantes à nous faire partager, histoire que l'on passe une soirée encore meilleure ?"

Même après avoir retourné dans tous les sens les couvertures de fourrures, je ne trouvai rien dans la couche de Egregor, il ne diposait apparemment d'aucun sac et en homme trop méfiant il avait apporté son mystérieux bâton avec lui. Je poursuivis mes investigations dans la couchette d'Azra et le résultat fut le même. J'avais fait chou blanc. Avec minutie, je replaçai les deux lits tels que je les avais trouvé et je m'allongeai sur ma couchette.

J'aurais bien aimé examiné la carte d'Aliénon plus en profondeur, mais l'obscurité qui régnait dans la yourte me l'empêchait. Je tentai donc plutôt de me remémorer les explications que m'avait données la séduisante princesse aux yeux bridés.

Comme il arrive souvent lorsque nous vivons des émotions fortes, le sommeil tardait à venir. Je ne pouvais laisser mon esprit entrer dans le monde du sommeil puisque je ne cessais de penser aux événement de cette journée. Tout d'abord l'inattendue, mais agréable rencontre avec Rosie, vint ensuite le passage dans cet espèce de portail fluidique, puis les sages conseils du maître d'armes, sans oublier cette inutile et pénible démonstration de manipulation du sang de la part d'Egregor à mon égard. La journée n'avait pas été de tout repos, chevauchant près d'une journée entière sous un climat froid et vigoureux. Heureusement, cette harassante journée se termina autour du feu de camp, un bol de soupe en main et accompagnée de la jolie Honoka.

Me rappelant ces histoires autour du feu ou il était question de bêtes nocturnes féroces, je dégainai ma dague et me recouvrit d'une épaisse fourrure sombre. Je tentais de me convaincre que je craignais les bêtes sauvages, mais au fond de moi, je savais trop que c'était ma méfiance envers Egregor qui me poussait à agir ainsi.

L'homme en noir, visiblement peu impressionné, se contenta de rétorquer qu'il n'était pas une menace, jetant un poignard au pied du nécromancien. Selon lui, le groupe était en grand danger s'il tentait de résister. Rendrak hésita, mais Azra hocha la tête.
Le liykor enserra l'homme par la taille d'un seul bras pour le garder à porté et ramassa le poignard de l'autre main pour commencer à couper les liens du jeune homme.
Dès que le bâillon fut tombé, ce dernier demanda d'une voix qu'il espérait assez farouche.

« Que voulez-vous dire ? Je ne vais pas les laisser se faire massacrer ! »

(Et pourquoi donc ?) demanda Chandakar.

La question sema un peu la confusion dans l'esprit du garçon, qui sentait encore résonner le coup sur son crâne. Mais il tint bon. En temps normal, il aurait eu tout intérêt à fuir, mais dans ce monde, sans guide, il ne s'en sortirait pas.
Il demanda donc :

« Expliquez-vous ! Vous faites parti de ces gens, non ? Qui êtes-vous ? Que nous voulez-vous ? Qu'est-ce qui vous fait croire que nous ne pourrions pas vous vaincre ? Que va-t-il se passer si nous nous rendons ? Et répondez vite ! »

Rendrak marmonna :

« Moi je dis qu'on ferait bien de partir d'ici pour ne pas se faire massacrer avec les autres... »

« La ferme ! Je veux savoir ce qu'il se passe ici... » rétorqua le jeune homme.

L'heure n'était pas aux hésitations. Fuir, attaquer, se rendre... le choix devrait être aussi rapide que décisif. Hors de question de laisser Oaxaca s'emparer de ce monde à cause d'une bande de vulgaires brigands !

Mérové s’était acharné sur le bras qu’il venait de saisir et en donnant des coups violents de la tête, il enfonçait ses crocs toujours plus profondément dans la chair chaude. Dans une ultime secousse, il détacha le bras de sa victime et le fit virevolter plus loin d’un élan de tête brusque. L’homme tomba dans la neige. L’ours, profondément en colère, se leva sur ses pattes arrière afin de montrer sa supériorité avec la forte intention d’aller déchiqueter le cou de sa victime de ses griffes monstrueuses tout en le défigurant de ses dents ensanglantées. Cependant, à ce moment, Rosie c’était relevée. Peu impressionné par l’homme qui gémissait, visiblement plus un danger pour sa protégée, Mérové renonça à sa vengeance sanglante pour prendre les côtés de la petite. Le retour de cette dernière l’avait quelque peu calmé. Toutefois, le nez légèrement l’air, il savait que ce n’était pas fini.

Toujours un peu sonnée, Rosie avait profité du secours de Mérové pour se remettre le plus rapidement possible sur pied. Encore un peu chancelante, elle se mit en garde malgré sa vision qui prenait du temps à s’ajuster à ses mouvements pressée.

C’est avec soulagement qu’elle constata du mouvement du côté du feu de camp. Les sifflements s’estompant finalement dans ses oreilles, elle entendit le craquement des pas dans la neige du Capitaine Hirotoshi qui vint achever de sa lame, l’agresseur de Rosie. Cette dernière voulut lui signaler rapidement la disparition du nécromancien, mais à peine entrouvrit-elle la bouche que son souffle se coupa lorsque trois nouveau combattants se détachèrent de l’ombre.

(Il y en a combien comme ça?)

La jeune femme en redoutait le nombre. Combien d’homme de ce genre allaient apparaitre l’un à la suite des autres? Le cœur battant, elle se campa solidement sur ses pieds et serra sa hache courte prête à la faire balancer pour sa vie et pour celle de la princesse.

« Que nous voulez-vous!? »

Même si leurs intentions lui semblaient bien claires, Rosie ne pouvait qu’espérer gagner du temps auprès d’eux. Si elle pouvait leur éviter à tous un combat, elle le ferait sans regret.

De son côté, Mérové ne se montra pas aussi hésitant. Guidé par son impatience, il poussa un cri de guerre qui envoya voler quelques filaments de bave et bondit à nouveau, s’attaquant cette fois directement au visage de son nouvel adversaire.

Tout se déroula soudain très vite à partir du moment où le sergent Genkishi se leva pour beugler :

« Branlebas de combat ! On est attaqué. Défendez vos vies ! »

Sirop avait violemment sursauté avant de se lever comme un ressort pour regarder dans toutes les directions.

"Hein, on est attaqué, là ?" s'étrangla-t-il.

Il commença alors à entendre des bruits tout autour du feu, cachés par les ténèbres qui l'entouraient alors que tout était calme une fraction de seconde plus tôt. Des pas précipités dans la neige, des voix, des ahanements, des cliquetis d'acier.

Ni une ni deux, Chihiro s'était mise en action, se plaçant devant la Princesse Honoka en dégainant un long couteau, sans doute prête à la protéger jusqu'à la mort. Le Capitaine Hirotoshi sortit lui aussi son arme de son fourreau avant de se lancer à son tour dans les ténèbres sans aucune hésitation.

Le Sinari de Shory quant à lui, ne songea même pas un seul instant à dégainer son petit glaive, ni même à faire quoi que ce soit.
Il était comme tétanisé. Celle-là, il ne l'avait pas vue venir. Jamais il ne ce serait attendu à cela le jour même de son arrivée sur Aliaénon.

Sirop effectua quelques pas en arrière en murmurant, ne sachant pas vraiment quel était le danger ni de la position exacte où il se trouvait :

"Oh putain, oh putain, oh putain, non non non non !"

Il tourna toutefois vivement la tête vers Egregor lorsque celui-ci, d'un ton grave mais extrêmement calme, lui dit quelque chose qui l'enfonça encore plus :

« Il est temps de faire preuve de ton courage, petit homme. »

Après quoi il avait accompagné le sergent Genkishi dans l'obscurité, laissant le Hobbit seul avec la princesse et sa garde du corps dans le cercle de lumière que produisait le feu de camp.
La lèvre inférieure tremblante Sirop jeta un bref coup d’œil au couple de femme devant lui avant de se jeter dans le noir, s'étalant dans la neige et ne bougea plus, roulé en boule, fermant les yeux aussi fort qu'il le pouvait.

Me laissant bercer par le bruit de fond des discussions des compagnons qui jasaient toujours au coin du feu, je laissai sans opposition mes paupières se fermer. Si rien n'était survenu, je me serais endormi dans les secondes qui suivaient. Mais alors que mes muscles commençaient à se détendre et que ma main gauche s'ouvrait progressivement pour lâcher mon poignard argenté un cri d'horreur me sortit de mon état de torpeur.

Cet appel à l'aide, ce cri de désarroi venait d'être lancé par une jeune personne qui m'était chère, ma petite Rosie avec qui j'avais partagé maintes aventures à bord de l'Échangeur et du Rubis sanglant.

Tel un grand frère qui accoure secourir sa petite soeur, d'un seul bond, avec un empressement palpable, je me levai de ma couche, plaçai mon sac en bandouillère, et sortis de la yourte laissant mes oreilles me guider vers l'origine de la douce voix affolée.

Sans perdre une seconde, je passai devant le feu de camp, sans m'occuper de la princesse, ni des autres qui s'y trouvaient. Je devais venir en aide à une amie dont l'importance dans mon coeur dépassait toute royauté.

C'est ainsi que je rejoignis le valeureux capitaine qui m'avait devancé de quelques coups d'épées. Je soupirai d'aise en apercevant la jeune femme encapuchonnée saine et sauve. Son gros ours avait démembré son agresseur et le courageux Hitoroshi avait terminé la besogne mettant fin aux souffrances à l'ignoble individu à la terne peau pâle.

Je n'eus point le temps de me réjouir puisque l'être décédé bénéficiait lui aussi de la compagnie de trois colosses au teint gris arborants de fades yeux jaunes. Ses comparses nous faisant face, nous fixaient à leur tour, Restait à savoir qui d'eux ou de nous amorcerait le combat. Rosie, dont le courage dépassait sa délicate apparence, prit la parole, demandant explication à cette intrusion.

Étant persuadé que les négociations ne seraient pas possibles, je serrais le manche de mon poignard prêt à esquiver la moindre attaque et à riposter pour sauver ma vie et celles de mes accolytes.