Dans le chapitre précédent…Interarc : Lame & Faera
Chapitre VIII : L'ultime épreuve
Akihito n'eut qu'à descendre une petite volée de marche pour ranger l'éclat de San Divyna qu'il avait sorti pour s'éclairer. En effet, le métal élémentaire de la lumière était présent en grande quantité, fournissant un éclairage éternel au passage secret et aux générations passées et futures de porteurs du Kizoku. Le métal était taillé en forme de diamant puis logé dans la pierre. En mettant de côté la vague odeur de renfermé, Akihito sentait la lourde atmosphère solennelle peser sur ses épaules. A la quantité de poussière qu'il voyait, il comprit que cela faisait des décennies que personne n'avait mis les pieds ici.
« Cent cinquante-quatre ans pour être exacte. » l'informa Amy en se posant sur son épaule.
Pendant une demi-douzaine de minutes, l'enchanteur s'enfonça dans la terre profondément. Il comprenait pourquoi personne n'avait pu trouver l'arme légendaire sans être choisis, il aurait fallu démolir le temple pierre par pierre pour en trouver l'entrée ou creuser sur des dizaines de mètres de profondeurs. Enfin Akihito aboutit dans un couloir rectiligne, dont il voyait à peine le bout. Les losanges de San Divyna éclairaient à intervalles réguliers le couloir de dalles de pierre blanche. Aux murs, une fresque semblait raconter une histoire. Une femme et un petit garçon, la femme qui part, le garçon qui reste sur place, elle revient, reste avec lui, trois personnes deviennent proches du garçon devenu un vieil homme... Akihito connaissait bien cette histoire : c'était celle de l'Elu de Rana, celui qui avait fait bâtir le temple. Le premier Fidèle de la déesse des vents, suivi des Trois, les trois premiers Grands Prêtres du temple. Ce que raconta la suite de la fresque était une histoire qu'il ne connaissait pas cependant. L'un des Trois se sépara des autres et chemina dans ce qui sembla être un petit village. Là, il s'y entretint avec des forgerons, que Akihito identifia à leur tablier et aux outils à leurs ceintures. Ensembles, ils frappèrent le métal, le battirent, le moulèrent. Puis au bout d'un certain temps, le membre des Trois repartit avec un paquet sous la main et rejoignit ses compagnons. Il leur dévoila ce que contenait son paquet un sabre. Ensuite, la fresque montre de nombreuses personnes, seules, portant le sabre. Certaines étaient blondes, d'autre étaient petites. Toute semblaient avoir un signe distinctif qui les démarquaient des autres et l'Oranais y reconnut plusieurs des héros de contes de son enfance. Le jeune Marco, reconnaissable à son écharpe rouge. La fougueuse Alia, qui malgré son bras gauche manquant, maniait le Kizoku Rana comme peu avait pu le faire. Puis arriva le dernier.. C'était un jeune homme aux contours flous comparés aux autres personnages, qui portait le sabre dans son dos. Si le jeune homme cru se reconnaitre, il n'en avait pas la certitude. Le dessin était bien trop imprécis pour qu'il puisse clairement s'identifier.
Akihito se sentit alors encore plus touché par la grâce et la solennité du lieu. Jetant un regard à ses illustres prédécesseurs, il avança avec une détermination toute renouvelée pour arriver enfin au bout du couloir. Là, il vit quatre couloirs, tous identiques, allant dans quatre directions différentes.
« Considère ça comme l'ultime épreuve, lui déclara Amy.
Ta sagesse, ta force et ton courage y seront une dernière fois testé, mais cette fois par le créateur de l'arme, l'un de Trois, qui plaça ces trois obstacles dans le cas où je faillirai dans trouver un bon détenteur ou que l'entrée soit malheureusement découverte.
- Parfait, allons-y alors. »Akihito commença par examiner les quatre couloirs un à un. Rien ne les différenciait, chaque pierre semblait identique à l'autre. Il fit quelques pas dans chacun des passages, mais aucun piège ne se déclencha, aucun mécanisme mortel ne lui tira de fléchette empoisonnée, aucune pierre géante ne roula pour l'écraser.
(La solution est ailleurs donc.)L'enchanteur revient sur ses pas et se plaça face aux quatre entrées.
(Si la réponse n'est pas quelque chose que je peux voir, c'est quelque chose que je peux sentir.) L'élément de Rana était l'air, cela avait certainement dû jouer dans l'élaboration de ces tests. Akihito ferma les yeux et se concentra sur ce qu'il ressentait, entendait. Il ne devait plus faire attention à ce que ses yeux lui montraient. Lentement, doucement, il entendit. Il entendit le murmure du vent venir à lui, de la droite. Il se mit face aux deux couloirs de droite pour déterminer duquel le vent venait. Il se rapprocha de l'un et entendit une bise sifflante, mordante. De l'autre, ce fut une brise plus accueillante, calme, qui souffla. Akihito fut alors tenté d'aller vers la seconde, pensant à une Rana douce et aimante. Puis il se rappela que Rana n'était pas à proprement parler une déesse « gentille » et aimante. Elle était comme le vent. Neutre. Parfois impitoyable, parfois calme. Penser que Rana était aussi tranchée, c'était se méprendre sur les enseignements qu'elle essayait de transmettre. Du moins, c'est ce que Akihito pensait. Il savait bien qu'il n'avait pas la sagesse absolue.
(Encore heureux.) pensa-t-il en s'engageant dans le tunnel où le murmure se faisait plus violent.
« Pourquoi avoir choisi celui-ci ? demanda la Faëra alors qu'elle se réfugiait dans le col de Akihito.
- J'ai senti le vent venant de celui-là et de celui à côté, lui répondit-il en s'asseyant un instant, reposant sa jambe qui n'avait pas tout à fait récupéré pour le moment.
- Oui mais pourquoi pas le second ?- Entre autres parce que si je dois être testé sur ma force, choisir celui qui semble la moins calme me semble sensé.- Les autres porteurs qui ont choisi ce chemin en premier avait parfois des réponses similaires. Bien, passons à la suite alors ! »Akihito grimaça en se relevant. L'escalier en colimaçon lui avait fait plus de mal qu'il ne le pensait, aussi se mit-il à boiter un peu pour diminuer les efforts sur sa jambe rendue faible par le combat précédent.
(J'espère que ce n'est pas un autre combat, je ne suis pas en état de mener un autre affrontement.) se dit Akihito alors que le vent semblait souffler plus fort. Bientôt, il dût se protéger les yeux pour éviter que la poussière ne rentre dedans et lui abîme les yeux.
(C'est quoi ce vent de folie en plein milieu d'un souterrain ??)
A mesure qu'il avançait, le vent se renforçait. A tel point qu'une mauvaise chute le fit glisser en arrière sur plusieurs mètres avant qu'il ne puisse se stabiliser. Pour franchir un tel mur de vent, il devrait forcer sur sa jambe pas encore tout à fait remise des évènements de la journée. Il se doutait également que cela ressemblait relativement beaucoup à ce que pourrait être son épreuve de force. Dans un cri de défi, Akihito se remit debout et se remit à avancer, pas à pas. La fine odeur iodée du vent qui cinglait l'enchanteur lui fit vaguement comprendre que c'était surement un vent marin qui s'engouffrait dans les tunnels et l'atteignait là où il était. Amy, dont la voix ne pouvait plus couvrir le rugissement du vent, lui transmit par télépathie que des runes incrustées dans la roche amplifiaient également les courants d'air pour les rendre maximaux ici. Loin de se décourager, Akihito força d'autant plus sur ses jambes. Par trois fois, une bourrasque plus forte ou sournoise que les autres lui faucha les jambes, le reculant de plusieurs mètres voir une vingtaine de mètres. Quand on voyait à quel point faire un pas devenait dur, beaucoup auraient jeté l'éponge. Mais pas Akihito. Trois fois il se releva et atteignit des zones plus loin de son point de chute. Le vent mugissait à ses oreilles, la poussière et les fragments de pierre saupoudré de sel lui brûlait les yeux et mettaient sa peau à rudes épreuves.
Chaque pas était moins grand que le précédent. L'un deux força la fois de trop sur la blessure de Akihito au flan qui commença à se rouvrir. Néanmoins, cette obstination ce révéla payante puisque lorsqu'il pensa sérieusement à rebrousser chemin, la charge du vent se calma rapidement pour laisser enfin la place à une brise forte, puis discrète dans le silence du tunnel. Levant les yeux, Akihito vit une cavité dans le plafond dont semblait venir les vents marins. Exténué, il s'assit une nouvelle fois pour reprendre son souffle.
« Tu ne l'as pas vu, mais dans l'autre sens il y a beaucoup de petits couloirs annexes qu'on ne voit pas en affrontant le vent. Vouloir rebrousser chemin, c'est s'exposer au risque de se retrouver dans un cul de sac sans le savoir et de se retrouver piéger, clouer contre le mur par la force des vents.
- Mais moi... Ahh... J'ai tout fait d'une traite... Ouf, haleta Akihito en examinant sa plaie au ventre.
- C'est le moyen le plus sûr et simple de réussir cette épreuve. J'en suis d'autant plus impressionnée que tu n'étais pas au meilleur de ta forme... Allez, un dernier petit effort ! Il ne reste plus qu'un obstacle et ce sera fini ! »
Serrant les dents, Akihito se releva avant qu'une douleur aiguë ne le fasse tituber. Tout en grimaçant de douleur et se frottant la mâchoire, Akihito se sermonna intérieurement. Il venait de subir les affres d'une crampe de la mâchoire à trop avoir serré les dents pour endiguer la douleur. Il avait subi quantité de blessures et autres douleurs, mais celle-ci se propulsait directement dans son top trois des plus ridicules. Sans faire attention à sa Faëra qui se moquait ouvertement de lui d'un rire cristallin, Akihito se remit en route en grommelant, une esquisse de sourire quand même sur les lèvres.
Le couloir se poursuivit sur une quinzaine de mètres et se finissait sur un gouffre insondable. Il n'y avait rien d'autre que le trou, dont les parois étaient aussi lisses que du verre. Sortant un yus de sa poche, Akihito le lança dans le trou pour estimer sa profondeur. Dans le silence de la grotte, il n'entendit jamais le son de la pièce touchant le fond. Pourtant, en se penchant, il pensait apercevoir une petite lumière au fond du trou. Mais peut-être était-ce sa vision qui lui jouait des tours. Il examina plus en profondeur les murs qui fermaient le couloir, dans l'espoir de trouver un indice, quelque chose qui indiquerait un passage secret caché. Mais de ce qu'il voyait, rien ne semblait indiquer la présence d'un quelconque passage de ce type. Il apposa sa main sur toutes les parois, mais aucun pan de mur ne daigna se baisser. Il dut enfin se résoudre à l'évidence.
« Je dois sauter là-dedans c'est ça ?- Exacte. Le test du Courage est le plus simple, mais également le plus difficile. Tout ce que tu as à faire, c'est de sauter dedans.- J'imagine qu'il y a un coussin d'air en dessous... » murmura Akihito en repensant au saut qu'il avait fait dans les montagnes de Mertar après avoir rencontré Foé la Sylphe. La créature avait amortie sa chute avec un drôle de coussin d'air qu'il avait créé pour l'occasion.
L'enchanteur avait déjà vécu ce genre de situation, aussi avait-il moins d'appréhension. Il n'en restait pas moins que le saut était d'une hauteur plusieurs fois plus élevée, dans une obscurité presque totale. Un saut dans l'inconnu en soit. Même s'il se doutait également que la Faëra ne l'aurait pas amené jusqu'ici pour le faire s'écraser au fond d'un trou. Et le contexte de tester son courage était lui aussi crédible.
(Même si ça tient plus de la folie que du véritable courage.)
De toute manière, se dit ensuite Akihito, il pouvait faire confiance à ça Faëra. Et le meilleur moyen de ne pas arriver à sauter, c'était de continuer à se poser des questions.
« Allez ! » cria Akihito en sautant dans le vide.
« AAAAAAAAAAAH » hurla-t-il en regrettant instantanément son choix. Il avait décidé de faire confiance à Amy, mais il ne put s'empêcher de sentir la peur lui tenailler les entrailles. Il voyait la lueur qu'il avait vue plus haut se rapprocher à une vitesse effrayante. Se résignant à sûrement finir en bouillie informe sur le sol, l'enchanteur vit sa vie défiler devant lui. Cependant, il n'eut pas le temps de dépasser son adolescence quand il vit quelque chose de particulier sous ses pieds. La lueur des gemmes de San Divyna qu'il avait entre-aperçut du haut du trou se reflétait dans quelque chose... Quelque chose de liquide...
(De l'eau !)Rapidement, Akihito rabattit ses bras le long de son corps, joignit ses jambes et essaya de rentrer dans l'eau le plus droit possible. Il n'eut pas le temps de rabattre complètement sa main droite contre sa cuisse avant de percuter l'eau : le froid qui le frappa l'engourdit aussi rapidement que le sel présent dans l'eau de mer lui brûla les yeux. Sa main droite avait frappé la surface de l'eau avec une partie de la paume et lui brûlait atrocement en étant engourdie. Enfoncé de plusieurs mètres dans l'eau salée, le jeune homme essaya de rejoindre la surface le plus vite possible. Au bout de longues secondes, il creva enfin la surface et prit une longue goulée d'air. D'une rapide brasse, il rejoignit la rive et se hissa sur la berge de pierre. Détrempé, il remarqua que si sa main droite lui faisait si mal, c'est parce qu'une partie de la peau de sa paume avait éclatée sous la force de l'impact, saignant à travers une plaie sans grande conséquence.
« Eh non, ce n'était pas un coussin d'air ! » fit Amy en venant voleter autour de Akihito qui secouait sa main en grimaçant.
Il darda un regard furieux sur elle, puis se releva en soupirant. Il était en vie, relativement en bon état et cette histoire de coussin n'était que des suppositions de sa part. Il ne pouvait donc pas lui en vouloir. Il leva alors les yeux pour continuer sa route, quand il vit ce qui se trouvait en face de lui.
La salle taillée dans la pierre qui se trouvait en face du bassin d'eau n'était pas bien grande. Elle faisait une dizaine de mètres de long et le symbole de la Kizoku Rana était gravé dans la paroi de pierre au-dessus d'un autel de pierre blanche. Les gemmes de San-Divyna incrustées dans les murs étaient également présente, bien qu'elle aient là la forme de la Kizoku-Hana. Sur cet autel, un présentoir reposait, soutenant une arme au fourreau noir. Une certaine noblesse semblait s'échapper de l'arme. Avec beaucoup de respect, Akihito grimpa les quelques marches qui menaient à l'autel, sous le regard de sa Faëra. Elle eut un sourire lorsqu'il posa la main sur la garde, l'autre sur le fourreau, puis dégaina l'arme.
Akihito sourit à son tour en voyant son reflet sur le fil de la lame.
A suivre…