L’elfe blanche qui m’accompagne s’empresse elle aussi de poser des questions à la petite donneuse de colliers mystérieux. Il faut dire, il n’est guère dans les coutumes kendranes de donner sans attendre en retour. L’exception est donc notable, et par conséquent inquiétante.
La souillonne ne répond rien de bien probant, cependant. Elle se contente de trépigner d’impatience en nous tendant à nouveau les colliers, prétextant leurs puissants pouvoirs. À la voir ainsi vêtue, et servile envers son maître, portant elle aussi un collier, il est évident que c’est un mensonge éhonté. Mais nul n’a le temps de réagir qu’une silhouette déjà connue sort d’une ruelle pour se précipiter vers la scène, elle aussi apostrophée par la petite paysanne.
« Aenaria ? »
Elle devait, aux dernières nouvelles, se rendre sur le Naora pour chasser les chimères de son passé, assouvir une vengeance par le sang. M’aurait-elle menti, elle aussi ? Ou simplement est-ce le hasard qui agit en la plaçant à nouveau sur ma route…
(Ou une toute autre force…)
Je décide de n’accorder aucun crédit aux paroles mentales de Lysis, n’ayant la force d’argumenter dans un sens ou dans l’autre. Ce qu’elle veut signifier, je n’en sais rien du tout. Un dieu, ce maître mystérieux, le « destin ». Je n’en ai cure pour l’instant, et j’hésite sur l’attitude à adopter envers l’elfe grise. Joie de la revoir, surprise de la voir là, suspicion quelconque… Sans ambages, en tout cas, et sans même me saluer, elle dévoile mon nom aux autres personnes présentes, maladresse indigne d’une amante de la Rose Sombre, qu’elle n’est plus, dans le même temps. Ses questions à elle, en tout cas, augurent une réaction pour le moins inattendue chez la petite, qui se fait plus pressante, plus autoritaire, plus directe… Menaçante dans sa réponse.
Pensif, j’assiste à la scène sans trop en dire… L’ynorienne n’est pas dupe sur l’escroquerie probante. L’elfe blanche est tout aussi taiseuse que moi. Observatrice… Une archère, en somme, qui attend le moment opportun pour décocher sa réplique.
Je suis quelqu’un de plus passionné que ça. De moins réfléchi, plus basé sur l’action. Et nous avons suffisamment ergoté à mon goût. La petite souillon me semble plus une demoiselle en détresse qu’un tortionnaire sans cœur. Je sais plus que quiconque que les apparences sont trompeuses, mais mon choix est fait : je me lance. M’approchant d’elle, je m’empare du collier qu’elle tend, pour tenter de me le plaquer contre la gorge, tentant de l’y faire tenir sans bien que mal. Et ce faisant, je m’exclame :
« À tout problème, il est une solution. La seule manière d’obtenir des réponses, c’est de mettre ces colliers. Ce qui se passera après, que ce soit problématique ou bénéfique, nous aurons le temps d’en aviser plus tard. »
Ce maître mérite des remerciements. À coups de bouquets de fleurs ou d’épées dans le cœur… Mais il les aura.
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