Les trois musiciens ne débutèrent pas le concert comme elle l'espérait et le balai qu'auraient pu entamer ses compagnons d'infortune non plus… La vieille Garzok sortit enfin de sa retraite, peut-être piquée au vif et, comme la jeune femme s'y attendait, elle se porta au-devant des ennuis sans en prendre vraiment conscience.
N'Kpa ne comprit pas vraiment le charabia de l'homme au regard fou. Il était le chef d'orchestre d'un jeu dont ils n'avaient pas les règles ni le but.
La jeune femme n'en menait pas large, sentant dans son instinct d'Humoran, la puissance du démon dont-ils étaient leurs jouets. Elle s'était déplacée suffisamment pour le garder dans son angle de vue. Ses doigts étaient crispés sur le bâton qu'elle tenait à la verticale comme un arc, prêt à décocher un trait imaginaire, comme celui de la vision qu'elle avait eu plus tôt.
Sirat semblait moins vaillant, décontenancé par le personnage…
L'homme aux yeux rouges balaya l'ensemble de l'assistance jaugeant "ses recrues", comme il aimait à le dire et son visage déformé par un rictus vicieux s'arrêta sur elle, juste le temps d'un battement de cœur.
Puis il appela ses gardes avant de disparaître en leur commandant de s'emparer de la Shamane.

"Sirat ?!… "

Le nom de son compagnon s'étouffa dans sa gorge. Elle était tétanisée par la surprise, cracha comme un vrai fauve. Ses pupilles étaient dilatées et l'ambre de ses yeux avait presque disparu. Ses oreilles étaient rabattues et sa queue fouettait l'air. Ses nattes rouges formaient une crinière autour de son fin visage. Elle était prête à bondir et les articulations de ses doigts blanchies par la pression sur le bois attestaient de sa tension intérieure. Ses ongles longs comme des griffes crissaient nerveusement sur le bois.
Elle hésita un quart de seconde, puis lâcha le bâton. Elle en appela à Yuimen lui même, sans oublier une pensée pour son amour… (Ô Gaia ataniongoa kwenye nuru yako na kulinda Sirat nampenda sana!)*
L'énergie de la terre accumulée depuis un moment coulait comme un torrent dans ses veines et sous l'influence de l'adrénaline, elle libéra toute la fureur animale qui l'habitait. La jeune femme se transforma en son totem et sauta en s'appuyant contre le mur jouant avec l'agilité de l'animal qu'elle utilisait. Elle visa la gorge de l'ombre qui fondait sur elle…

* ("O Gaïa guide moi vers ta lumière et protège Sirat que j'aime tant !")

(((Utilisation de la CC prise à la gorge sous forme animale...)))

L’aide escompté n’arriva pas, l’homme de glace balbutia quelques mots qui sonnèrent creux dans l’immense cale noirâtre et la garzok semblait prendre les évènements comme il venait, sans plus y réfléchir. Les autres n’allaient pas bouger, ils restaient figés. Sirat tomba comme un petit garçon, le sol vacilla sous ses jambes, il glissait et chutait dans un abysse cauchemardesque sans fond, quand le maléfique suppôt porta toute son attention sur sa compagne. Il voulait en faire son esclave, sa chose. L’enchanteur ne voulait pas la perdre, il était paralysé par l’enjeu et l’injustice qui l’étreignait. Elle étrangla son nom, mais il ne put lui répondre, sa gorge était nouée, il n’arrivait plus à déglutir sa salive et une vague de chaleur l’écrasa. Il sentit poindre la fureur dans le cœur de la shamane. Lui restait tétanisé, la colère et la peur le submergeaient, le noyant dans un torrent d’émotion. Il serra les poings, il était sans arme, sans rien pour la défendre, il était inutile. La honte s’abattit sur lui et le rendit fou. Son sang pulsait dans ses veines traversant ses bras, irradiant son corps. Sa respiration s’accélérait, il sentit le picotement du destin et grinça des dents. Sa raison le martela et si s’était une fatalité, si il n’y pouvait rien. Il enragea, laissant échapper un grommèlement. Les démangeaisons étaient devenues des vibrations, tandis que les deux sbires fuligineux s’avançaient méthodiquement. Sirat baissa le visage, il laissa écoulé quelques larmes et la mémoire des bonheurs passé lui revint, la prédestination, Zewen, l’étouffaient. Le visage de sa mère, le visage de N’kpa, Guasina, son frère, il voulait respirer. Les vibrations étaient devenues des tremblements. Il chercha de l’air, il suffoquait. N’Kpa, son sourire lui apparut, onirique et éphémères. Il entendit l’âme de la shamane frémir. Les ondulations de fluide terrestre qu’elle déployait, frôlaient son esprit décuplant son aigreur. La gout âpre de la défaite lui souleva le cœur et le révulsa. Il inspira et releva la tête, l’air déterminé. Il n’allait pas l’accepté.

J’emmerde le destin.

Dit-il dans grognement rageur. Il ouvrit la main et toute la puissance accumulée raisonna alors, s’extirpant de son corps dans une fumée verte et terreuse. Sa rancœur explosait, le débordant. Il avait besoin d’une arme et sa magie se focalisa dessus.

(((Utilisation de la CC charge armée niveau 5)))

Tout c'était précipité et en quelques secondes, un grand chaos s’était installé dans l'espace réduit du fond de cale. D'un côté deux gardes surpris par une telle violence et réactivité des prisonniers et de l'autre au moins cinq invités forcés, qui se liguaient contre leurs agresseurs.

La jeune Shamane avait réagi avec toute la célérité que lui permettait son instinct de survie. S'il était important, il ne lui offrait pas toutes les bonnes solutions... L'animal avait rebondi contre le mur et sauté à la gorge de son agresseur qui, surpris, ne put retenir un cri. Cependant, celui-ci protégé par son armure avait pu évité la morsure à la gorge de l'animal. Décontenancé, il ne s'aperçut pas qu'une ombre s'était glissée dans son dos pour lui subtiliser une de ses armes.
Le garde consciencieux, ne souhaitant sûrement pas subir la colère de son maître, s'acharna à saisir l'animal doué d'une grande agilité. Difficile de se saisir d'une boule de poils vivaces bondissant en tous sens.
N'Kpa jeta un regard rapide à son Sirat. Il libérait l'énergie de Yuimen accumulée en créant une arme. Elle était fière de ses exploits et heureuse de voir qu'il n'était pas sans ressource. De la même essence que lui, elle prit conscience de l'apprentissage qui lui restait à faire dans ce domaine... Mais pour l'instant, acculée, apeurée pratiquement incapable de se défendre efficacement, elle chercha le salut dans un objectif de fuite.
C'est là qu'elle aperçut un être difforme gigantesque pourvu d'une queue immense terminée par une excroissance osseuse qui s'extirpait de la cale par la trappe d'accès. Le bel homme faiseur de froid avait disparu. Le vieil homme observait, alors que le jeune homme efféminé évitait un coup de poing. La jeune femme n'était pas visible et La Garzok assénait un grand coup de son bâton sur le crâne protégé du deuxième garde.
Le lémurien avait réussi à se percher en haut d'une cage, se mettant hors d'atteinte pendant un moment. Le soldat engagé avec les autres ne pouvait pas l'atteindre facilement. Un regard circulaire dans la mêlée et la décision était prise. Il fallait sortir de là et explorer leur prison et comprendre ce qu'on voulait d'eux. Puisque le maître de séant souhaitait la capturer, autant aller découvrir pourquoi. De plus, elle voulait savoir où leurs affaires avaient été regroupées.

(Yuimen kwamba kuja kwa wenzako misaada… Zewen na mwongozo juu ya njia ya haki …*)

Prenant son courage à deux pattes, elle couina un encouragement à l'adresse de Sirat trop occupé pour l'entendre.
La petite créature à longue queue annelée de blanc et de noir fixa de ses grands yeux jaunes le garde entêté qui se rapprochait, pencha la tête sur le côté. Le lémurien émit alors un cri perçant, strident, tous ses crocs sortis à la face de l'homme, dans l'espoir de l'impressionner. Puis en quelques bonds, il sauta par la trappe à la suite de la créature des ténèbres…

*(Que Yuimen vous vienne en aide compagnons... et Zewen vous guide sur le bon chemin…)

(((cris du lémurien et bond de 3 mètres en hauteur)))

La magie se matérialisa, prenant forme au creux de sa main. Une épée faite de roche émeraude, d’écorce bruni, de pierre mercure et d’une lame taillé tel un récif, émergea des limbes de ses fluides. Il la serra et jaugea la situation. La garzok avait pris à partit l’un des soldats, l’autre femme agile et souple frappait aussi, avec la justesse et la précision d'un félin. Le deuxième apôtre maléfique semblait éprouver des difficultés à attraper la shamane sous sa forme animale. Sirat esquissa un sourire, il se focalisa sur eux, occultant les alentours. Il empoigna l’arme de ses deux mains, apposant sa chair moite contre le bois rugueux du pommeau et ressentit les fluides la parcourir. N’kpa gagnait du temps, Sirat accourra prenant son élan, à vive allure il arriva vers son ennemi et frappa de toutes ses forces.

(((Apprentissage et tentative de la CC AA : 36 chandelles )))

L'animal avait hurlé à l'encontre de son agresseur et chose surprenante, l'homme fut soudain pris de panique. L'effet était tel que le second garde lui-même fut influencé par la puissance de l'organe du lémurien. Résultat, cela détourna suffisamment leur attention pour que le reste du groupe agisse. Elle aperçut la belle arme de son amant Sirat, au moment où elle bondissait à l'extérieur.
Bien sur, pour elle son salut était dehors. Mais lorsqu'elle avait suivi la créature reptilienne, elle ne pensait pas trouver pire.

L'air frais marin et le mélange des odeurs provenant de la côte toute proche, donna espoir à l'animal, juste le temps pour comprendre qu'il n'était pas sorti des problèmes.
Le pont de la gabare était encombré de quelques soldats, un peu apathiques, en position d'attente et surtout de deux personnages bien plus sombres et inquiétants. Le premier était maintenant connu, avec son regard rouge et son sourire fou. L'autre faisait plus peur… enfin différemment... Sa carrure démontrait déjà un grand combattant et surtout le mélange de pièces métalliques et de bouts de chairs était des plus déconcertants. Ce qui frappait c'était son visage ou du moins le bas, recouvert de métal et où seuls deux yeux machiavéliques laissaient imaginer une âme des plus torturée.
Leur charabia n'avait aucun sens pour la jeune femme. Bien sur elle avait au fin fond de sa forêt natale entendue parler d'une certaine malédiction, d'une paria devenue monstre et qui s'était proclamée déesse, une certaine Oaxaca. Dans son sillage elle aurait entrainer treize apôtres, tous plus vils les uns que les autres. Pour la Shamane c'était resté à l'état de légende…
Or, il semblait que Zewen les précipitait dans les pattes de peut-être deux de ces démons…
Bien sur, il était trop tôt pour en être vraiment certain... Elle était toujours convaincue d'avoir été vendue, ainsi que Sirat par le Compte d'Eniode à des esclavagistes Shaakts. Il ne voulait pas que le bruit coure qu'il était le propriétaire d'un artefact qui pourrait l'aider à prendre le contrôle du monde…

L'animal jeta en tous sens un regard rapide, évaluant ses chances de filer entre les pattes de ses deux personnages et aussi des gardes qui les entouraient. Le navire à pont simple était assez gros et accosté proche du rivage. Des falaises blanches entouraient une crique abritée où ils se trouvaient. Un rivage caillouteux, des rochers, quelques herbacés de bord de mer et arbustes bas et des arbres se dessinaient au dessus. Son salut était dans son domaine d'origine. Le calcul était vite fait.

(Kama tu nilijua nini wanataka monsters us! Oh Tylitanathë kama unaweza kusikia na kunisaidia?…)

Deux solutions se présentèrent. Le reptile démoniaque qui l'avait précédé opta pour le saut par-dessus bord.
Le lémurien joua la carte de l'escapade par le haut. En trois bons il sautait dans les haubans qui montaient à la hune du premier mât qu'il put atteindre en quelques secondes. A l'aise dans ce domaine, il virevoltât sur les vergues, se jetant de cordages sur d'autres espars de bois en se rapprochant le plus possible de la poupe du bateau. Ce qui l'éloignait des deux sbires.
Son plan était simple, rejoindre le rivage le plus proche, comme le reptile à longue queue, sans pour autant choisir le même chemin.
Arrivé au bout et en haut de la plus haute vergue, à plus d'une quinzaine de mètres. La jeune femme reprit sa forme athlétique, respira et plongea du haut…

Son esprit se concentra sur le plongeon, mais dériva sur l'avenir de son compagnon… Elle eut honte... Et un énorme regret... Elle l'abandonnait à son sort et ne savait même pas si elle pourrait revenir pour l'aider, ou pire le revoir… Elle ne savait où elle était, pas où était ses armes, son armure, avait perdu le bâton... Les larmes inondaient ses yeux et des perles translucides suivaient son sillage, alors qu'elle se rapprochait à grande vitesse de la surface bleu turquoise ...

(Si au moins je savais ce qu'ils nous veulent ses monstres! Oh Tylitanathë si tu pouvait m'entendre et m'aider?…)

(((Nouvelle tentative d'apprentissage de la CCAA : 36 chandelles )))