La charge de Sirat toucha au but. L’ennemi déstabilisé par le cri du lémurien et subissant l’attaque conjointe du jeune éphèbe, alla s’encastrer dans une cage. L’enchanteur fit un signe de tête en guise de remerciement au voleur et suivit le lémurien. Il sauta et se hissa sur le pont supérieur. Le spectacle le glaça d’effroi. Il était entouré de soldat comme celui qu’il venait de mettre à terre. Et ses suppôts du mal, armé de leur lance et coiffé de leur casque en métal, étaient accompagnés de leurs maîtres. Il y avait le dément et un autre, humanoïde étrange et inquiétant, exposant une musculature habillé d’une armure organique bleu teinté de jade. Dans cette cohue il n’aperçut pas N’kpa et levant son glaive rocailleux s’écria.

Par Zewen, Si vous avez besoin de quelqu’un prenez moi, mais laisser les autres.

Seul N’kpa lui importait, mais il ne voulait pas attirer plus l’attention sur elle. Sa gorge était serrée, aussi sèche qu’après une longue marche sans boire, mais il tenta de déglutir quand même. Il laissa son énergie se concentrer dans son épée.

La jeune femme avait repris sa forme humanoïde lors du plongeon, mais juste avant de toucher la surface de la mer, le destin se joua d'elle, pourquoi? ... Elle n'en sut rien, peut-être le stress, le chagrin, l'angoisse ou tout simplement la peur lui fit perdre sa concentration sur le plongeon.
C'est un lémurien qui fendit la surface bleue, surpris et médusé de s'enfoncer dans l'onde turquoise. De panique, il cria sa détresse sous l'eau, laissant s'échapper les quelques décilitres d'air que ses poumons contenaient. C'est en se débattant comme un forcené que sa tête creva la mare et qu'il put inspirer une grande goulée d'air.
Désorienté, l'ombre du bateau au dessus de sa tête lui fit comprendre qu'il fallait qu'il s'en éloigne. Rejoigne le plus vite la berge qu'il pouvait apercevoir et sentir du bout de son museau, était une priorité... Par tous les dieux lémuriens, que le rivage lui semblait si loin, lui qui détestait se mouiller...
Pas vraiment adapté pour la nage, ses longs poils et sa longue queue l'alourdissaient, l'eau de mer collait sa fourrure. C'est au prix d'un grand effort de maîtrise de sa peur que la Shamane reprît le dessus et sous sa forme humanoïde pût rejoindre la plage.
Sous sa forme Humoran, elle devenait une bonne nageuse. Épuisée, elle s'ébroua et jeta un regard en arrière vers la prison d'où elle s'étonnait de s’être évadée.
Cela s'agitait pas mal sur le pont. Une forme noirâtre dans le contre-jour semblait pendue dans un filet entre deux mâts. Personne ne donnait l'impression de s'occuper d'elle…

(O Zewen, Weaver ya hatima, kwa nini wataka Acharnes juu ya Sirat na mimi? Sisi tumefanya nini na stahili sana maumivu kutoka kwenu? ... Yuimen mungu wa dunia na maisha, Nipe nguvu ya kusaidia Sirat na kupata yetu nje ya hapa! ...) *

Cracha t-elle...

La colère embrassa l’humoran, les deux êtres maléfiques ne l’écoutaient pas. Son être tou entier s’embrasait.

Par Zewen, vous n’écoutez donc pas. Je me rends ! Laisser les autres.

Il serra les dents, son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine. Il perçut la flamme de sa fureur se nourrir de sa frustration. Le désespoir l’enlaçât, les jours heureux étaient donc terminés, il prit la résolution de l’accepter. Il se raccrocha au mince espoir que N’Kpa puisse s’en sortir.

(Zewen, maitre du destin, je suis ton obligé fais de moi ce que tu désires, mais protège et guide la.)

Si je dois mourir, qu’il en soit ainsi.

L’enchanteur dans un geste vif, frappa alors le sol de tout son saoul. Relâchant ainsi rage et rancœur sur le plancher de l’embarcation.

La lame élémentaire frappa le sol et déclencha son onde destructrice. Le sol frémissait de la colère de l’enchanteur et entraina deux soldats à terre ainsi que l’être recouvert d’une armure d’acier organique. Son corps frappa le plancher avec lourdeur alors que le dément aux yeux carmin et acéré s’était déjà élancé sur Sirat. Il l’empoigna à la gorge avec une telle force qu’il lui coupa le souffle. A terre, il tenta de se débattre, mais la force que dégageait cet être au regard sadique et l’épuisement qui l’accablait après son sort, le paralysaient. Celui-ci sortit alors un collier qu’il déposa sur le thorax de l’humoran. Immédiatement l’artefact s’agrippa à son cou, s’infiltrant dans ses chairs, s’insinuant dans chaque parcelle de sa peau, déchirant les tissus pour mieux si blottir. La douleur que libéra cette étreinte terrifia Sirat.

Il sentit déjà une force étrange lécher son âme, tandis que son agresseur se relevait, un rictus démoniaque au bord des lèvres. Il voulait hurler, il porta les mains à son col, mais il ne fit qu’effleurer le métal qui le brulait. Il sentait les battements de son cœur martelé ses tempes. Des doigts froids serraient son cœur comme des tenailles, lentement, oppressante torture. Il se sentit défaillir et jeta un regard plein de haine à son adversaire qui l’observait, un sourire narquois pourléchant son visage cruel.

Que m’as-tu fait…

Étouffa-t-il. Peu à peu il sentait son esprit rendre les armes et céder à cette puissance accablante qui fusionnait en lui. Il tenta de résister se releva pour retomber rudement au sol. Il voulait désobéir, il se raccrocha à ses souvenirs mais ils s’estompaient comme le brouillard face au vent. Il voulut hurler, mais en manque d’air il ne laissa sortir aucun son. Il perçut le rire dissolu et pervers prendre possession de sa conscience.

Puis il respira l’énergie coulait dans ses veines, il la palpa les vibrations et éprouva se gout amer. Il inspira une fois et recommença, il prit la mesure des heurts dans sa personne. Sa respiration se fit plus facile, son corps plus puissant, la graine de l’insubordination germa en lui. Il se releva et fit face. Sirat n’en croyait pas ses yeux, il n’avait jamais ressenti cela auparavant. La sensation que lui conférait le collier le grisait. Il jeta un regard furieux à son ennemi devant lui et l’attrapa vivement à la gorge, il le sera de toutes sa force qu’il sentait nouvelle et grandissante et tenta de le soulever du sol, avant de le projeter au loin.

Tu vas regretter ton geste.

La peur, ou l'épuisement fit de sa nage un calvaire. Piètre nageuse sous sa forme lémurienne, elle avait tant lutté pour revenir à la surface que la plage pourtant pas si loin, lui sembla être un océan sans fin.
Sa prière à Yuimen dut être entendue, ses pieds foulèrent un banc de sable, elle reprit alors espoir. Plus que quelques brasses et elle foulerait la plage. Encore un petit effort et elle y était arrivée.
Elle s'ébroua, le cœur battant la chamade. Ses nattes coulaient et collaient à son visage à cause du sel marin. Elle se blottit derrière un gros rocher. La jeune femme jeta un œil en arrière vers le navire d'où elle s'était échappée. Il s'y passait des choses, ça s'agitait beaucoup. Le monstre était toujours pendu dans son filet et se débattait comme un forcené. Il y avait des cris et la jeune femme crut reconnaître la voix de son amant.
(Oh ! Sirat, mon amour que deviens-tu?… Fait moi un signe…je t'en supplie... )

Des paroles suspectes toutes proches attirèrent son attention. Un groupe d'une dizaine d'hommes dont certains ressemblaient à des gardes surveillaient l'autre partie qui chargeait des chaloupes. Ils ne semblaient pas l'avoir vu.
La Shamane savait ne pas devoir traîner sur le bout de sable. Son salut était de rejoindre la forêt au plus vite. Elle allait ramper entre les rochers pour leur échapper, qu'un frisson surnaturel parcourut toute son échine. Ce n'était pas froid, le climat ici était bien trop clément et le soleil qui entamait sa course vers l'horizon, offrait à la petite cric et ses falaises, un nuancier de couleurs ocres brunes en passant par des violacés et par des bleus profonds. L'astre diurne embrasait le ciel d'une lueur rougeoyante. Non, ce qui la fit frissonner était bien autre chose… Son instinct l'avait prévenue d'un nouveau danger. L'ombre passa au-dessus d'elle et s'étendit sur le sable avant de s'éloigner et disparaître. Elle eut juste le temps de lever la tête et d'apercevoir la créature mi-oiseau mi-lyon, qu'une forme humanoïde atterrissait à quelques mètres et lui adressait la parole.

Son visage était invisible, caché par un turban. Seuls ses yeux luisants dans l'ombre de la fente permettaient de savoir qu'il regardait sa victime. Il toisait la jeune femme du haut de sa grande stature, camouflée sous des vêtements amples et colorés, dissimulant la réelle position de son corps. Il portait un long sabre main gauche et une arme étrange dans l'autre. Sa voix à demi étouffée par le tissu était chaude, mais le ton amusé ne cachait pas son dédain.
Elle cracha, comme l'aurait fait un chat, sa queue fouettant l'air, ses oreilles rabattues en arrière et ses pupilles dilatées. Elle se ramassa sur elle-même, tous ses muscles tendus. Si elle prenait la forme de son totem, elle savait être plus difficile à capturer et plus rapide… Elle se concentra la seconde maintenant qui lui fallait pour opérer la transformation…

(Sable, poussières et cailloux sont tes alliés, Ithilglî, te sauver tu le peux, si tu fais le bon choix !… )

Elle n'en croyait pas ses oreilles. Son vieil ami, son maître Thilytanataë l'avait entendu, il lui avait insinué au fin fond de son esprit l'action à mener, aussi claire que la lumière du soleil…
Elle se concentra, sentit le fluide de terre monter en elle... La jeune femme toujours ramassée sur elle-même, entonna une courte mélopée et fit quelques gestes rapides avec ses mains représentant un tourbillon…

(((jet du sort de combat "Nuage de poussière ")))

L’enchanteur souleva l’être du sol et celui-ci bien que surpris ne sembla pas ressentir la puissance qui grisait tant l’humoran. Il le jeta dans les airs et il s’écroula contre un parapet de bois. En se relevant il proposa à Sirat de récupérer son équipement si il se calmait. Le colosse maltais tenta de dompter le plaisir procuré par sa nouvelle force et jaugea ses ennemis. Une chose s’imposait à son esprit, si il aimait cette sensation elle était loin de suffire pour venir à bout de ce Crean. N’Kpa n’était plus là et il se satisfaisait de lui avoir donner du temps, maintenant son destin lui appartenait. Il espérait inquiet que la belle n’irait pas encore s’empêtrer dans une situation inextricable. Il expira et prit la mesure de la situation. Il observa le dément, plongeant dans son regard carmin, tandis que la course du soleil embrasait la scène d'ocre.

D’accord, rendez moi mes armes et dites moi ce que vous attendez de moi

Il avait l'étrange impression de pactiser avec Phaitos lui même, lui laissant un gout apre dans la gorge.

La jeune femme était stupéfaite. Ça marchait, elle avait bien visualisé le mouvement que son vieil ami lui avait expliqué mentalement et les quelques mots à marmonner. Elle était trop heureuse de le savoir à nouveau présent…
En un petit bout de temps, une mini tornade souleva sable, coquillages, petits cailloux et algues sèches, brouillant la vue de son agresseur. Elle s'attendait à plus fort, plus puissant, mais c'était un bon début. Oh ce n'était sûrement pas suffisant pour blesser ou handicaper longtemps un homme déjà habitué au désert et habillé pour affronter celui-ci. Mais cela lui offrait la diversion qu'il lui fallait pour s'échapper.
Ni une ni deux, faisant fi des paroles du suppôt d'Oaxaca, qu'elle ne croyait pas, elle se transforma en lémurien. Une idée saugrenue lui passa par la tête de lui sauter à la gorge, mais ce serait trop compliqué et dangereux. La dernière fois qu'elle avait fait cela, ça n'avait pas eu de grands effets sur le garde protégé par son armure.
Sur cet énergumène, elle ne savait pas ce qu'il cachait sous ses vêtements amples. Alors, elle se faufila en zigue-zagant entre rochers, failles, arbustes, direction la forêt au dessus… Derrière elle le soleil rougeoyant, proche de l'horizon inondait la crique, allongeant les ombres des rochers, lui offrant plus d'opportunités de fuite…

(Ô Yuimen, protège et aide Sirat à surmonter la folie de ces gens… Je ne peux rien faire pour t'aider maintenant, que d'invoquer le bénédiction de nos Dieux… Mais je vais revenir… tu me manques, mon amour… )

Elle était convaincue que libre, elle aurait plus d'opportunité à agir et aider son amant...

(((Prière à Yuimenn)))