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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Lun 30 Nov 2009 20:48 
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Nous mangeons tranquillement, la viande fait du bien à mon estomac, je ne l’entends plus grogner après plusieurs bouchées. Je parle avec le Shaakt, il m’apprend que nous sommes bien loin des marais.

(Si je veux aller voir les rebelles et les rallier à ma cause, j’ai encore un long voyage.)

Puis je décide d’ouvrir une autre conversation :

« Pourquoi es tu ici au lieu d’être près de tes compagnons ?

- J’ai été envoyé en mission ici. La région commence à grouiller de ses immondes choses que sont les Sekteg et les Garzok mais pour couronner le tout, il s’agit de ceux de la dame sombre. »

Un silence pesant s’installe quand le rebelle parle de la dame sombre. Même Akino s’est stoppé de manger, je crois que peu importe notre race, nous la connaissons tous. Mais la question est pourquoi elle a déployé ses unités dans le secteur.

(Une nouvelle guerre ou plutôt bataille, doit se préparer, ce n’est pas possible autrement.)

Je réponds :

« Pourquoi Oaxaca déploierait ses troupes dans les environs ?

- De ce que j’ai appris, ils recherchent quelque chose ou quelqu’un dans les environs mais je ne sais pas ce que s’est. De plus, il y a quelque chose qu’aucun de nous avons de vu, il s’agit de lézard avec un corps entièrement protégé à l’aide d’une carapace métallique. Ces créatures sont arrivées, il y a deux ou trois jours. »

Nous nous regardons avec Akino, nous déjà croisés une de ces créatures, mais nous n’avons pas pu jauger leur puissance. Mais vu leur vitesse, elles doivent être de redoutables combattantes.

« Mais le pire est que Caïx Imoros a encore changé.

- Quoi ?

- Oui, les matriarches ont signés leur reddition. La ville appartient maintenant à la dame sombre, mais les matriarches ont quand même demandé de pouvoir garder la ville et deux ou trois kilomètres aux alentours. Depuis les troupes d’Oaxaca ont établi leur campement.

-Nous devons entrer dans la ville, cela ne sera pas chose aisée. Les risques seront encore plus grands.

-Oui en effet, de plus tu ne te rends pas compte que nous ne connais… »

Soudain il arrêta net, un rictus de douleur apparaît sur son visage puis il s’écroule. Il a une flèche avec un plumage noir plantée dans le dos. Je sens la rage monter en moi, une chaleur et une tension intense montent en moi. Tous mes muscles se raidissent, je peux voir les veines sur mes mains devenir saillantes. Une onde d’énergie parcourt mon corps, mon corps commence à rougeoyer, je peux sentir qu’Akino s’éloigne de moi et une voix, non deux voix hurlent dans ma tête.

((Tue, tue, tue, oui Daio, laisse toi plonger dans la haine, la violence et la rage. Laisse toi envahir par les démons, laisse la puissance s’épanouir en toi.

- Meurtre, mort et détruire. Tuent les tous, je veux du sang.))

Ma tête se baisse d’elle-même, mes yeux se ferment, mes bras se réunissent devant moi et mes muscles se contractent jusqu’à provoquer une douleur à l’intérieur mais cette douleur n’est rien comparé à la souffrance que j’éprouve pour la mort du Shaakt. Jack m’envoi des images de la mort de Flora, je me revois la tenant dans mes bras complètement inerte comme si elle dormait. Du sang recouvrait ses affaires, mon cœur se serre, j’ai l’impression que l’on me poignarde, des larmes coulent le long de mes joues. Je saisis sa main, la serre espérant qu’elle revienne à elle et que me réponde en me bougeant ses doigts. Mes larmes coulent le long de mon visage pour venir mourir sur son visage endormi. La souffrance se mêle à la rage, à la haine et aux sentiments les plus sombres, les plus ténébreux qu’il existe. Je cherche à renflouer en moi ses problèmes mais rien y fait, la douleur et trop grande.

Puis les images deviennent floues pour ensuite me voir cette fois dans une caverne, j’étais avec têtard, Spike, mon écureuil, il vient de se faire tuer par les moustiques géants. Je n’ai pas le temps de ressentir quelque chose que ma rage arrive à son apogée. J’écarte brutalement les bras puis mes yeux s’ouvrirent, des flammes noires s’en dégagent et je pousse un hurlement qui ne ressemble à ne plus rien de connu. Je ressens mon énergie se canaliser brutalement au centre de moi puis l’instant d’après elle explose. Une onde rouge circulaire part de mon corps et vas souffler le feu et les rondins qu’il y avait proche de moi.

Akino s’approche de moi et me fait plonger dans un buisson.

« Écoute, calme toi, nous vengerons sa mort mais pour le moment restons discret. »

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Sam 5 Déc 2009 14:19 
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Nous sommes à peine arrivés dans le buisson que nous entendons des bruits de pas arriver vers nous. Il reste quelques braises qui rougeoient au sol qui éclaire l'endroit, je ressens encore la rage me traverser, la tension est toujours présente. J'observe un instant les environs et je remarque que les herbes sur un cercle de quelques pas sont toutes couchées vers l'extérieur.

(Ma technique a fonctionné sous le coup de la rage. Je dois me contrôler, je ne dois plus l'utiliser de cette manière.)

Puis nous voyons deux petits êtres verts montés sur des loups géants arriver, ils tiennent dans leurs mains des arcs qu'ils viennent de bander. C'est eux qui ont tué le rebelle, je commence à me relever quand Akino me plaque au sol en me disant de ne pas bouger. J'observe ce qui se passe puis j'entends des chevaux arriver rapidement. Il s'agit d'un Shaakt et de deux humains, ils sont tous armés d'épée.

(Sont-ils avec ou contre nous ?)

Akino me chuchote à l'oreille :

« Attendons de voir ce qui se passe et nous agirons en fonction. »

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Sam 19 Déc 2009 12:14 
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En un mouvement d’ailes gracile, elle approchait de l’apogée de son épopée, le but de son voyage initiatique, la finale de sa quête éperdue. Voilà des jours qu’elle était partie d’un petit bourg abandonné où il ne restait plus que cadavres exhumés et autres atrocités. Elle avait voleté au cœur de cette contrée afin de retrouver un havre de sérénité dans lequel se vautrer avec paresse et volupté jusqu’à en arriver à satiété. Son courage n’avait d’égal que sa force d’esprit, qui la poussait à poursuivre encore et encore sans penser à abandonner. Le climat était rude, et la faim la tenaillait, mais jamais elle n’aurait faibli. De tout ceci dépendait son honneur et sa vie. Et soudain, elle l’aperçut, ce petit havre de paix qui allait la restaurer, lui offrir une nouvelle maison. Ce n’était qu’un petit campement d’une dizaine de tentes en peaux de bête, à peine protégée par une petite palissade de bois qui tenait tout juste debout… mais la vision d’âmes vivantes raviva en elle la flamme de l’espoir. Et satisfaite de sa découverte, elle se laissa glisser dans un courant aérien afin de profiter de la vie retrouvée. Une brusque accélération, et elle serait à la maison.

« Peuarf ! Kof… »

La mouche venait de se faire avaler par la sentinelle assoupie de ce campement gobelin, triste fin en vérité, mais début d’une autre destinée…

Le garde réveillé toussota encore trois fois avant de se jucher sur ses pointes de pieds afin d’observer les alentours paisibles. Rien ne bougeait en ce doux début d’après-midi. Le soleil réchauffait agréablement l’atmosphère fraîche des montagnes. Oh certes ils avaient décidé de monter le campement loin des cimes enneigées, mais la butte pelée sur laquelle ils s’étaient installés s’élevait déjà à une certaine altitude, dominant un coin de forêt montagnarde, et dominée par un éboulement de rochers acérés. Fier de ses nonante centimètres, le guetteur ne remarqua aucun mouvement dans les alentours directs de son poste. Rien n’attaquait jamais, ni ne venait, sinon quelque insecte malotru qui venait se glisser dans son œsophage tourmenté. S’appuyant de nouveau contre la palissade, il se laissa aller à un bâillement puissant qui faillit lui décrocher la mâchoire. Son arme pendait mollement au sol, et bientôt, il retomba dans un état végétatif et somnolent, ne tenant debout que par la petitesse de sa taille, et par la grandeur de ses pieds chaussés.

Mais afin de bien comprendre la suite, il va nous falloir revenir quelques heures en arrière, au début de la matinée de cette journée ensoleillée. Un des guerriers de la tribu était venu le trouver à l’aube, alors qu’il était encore racrapoté sur sa paillasse dénaturée, ronflotant rythmiquement la fin de son sommeil nocturne. C’est avec discernement et délicatesse qu’il fut tiré de ses rêves parfumés…

« TIIIPS ! Raclure de pustule atrophiée, DEBOUT ! »

Le sursaut qui le fit bondir de son lit n’avait d’égal que la fierté qui enserrait son cœur de se voir ainsi affublé d’une si probante attention. Encore un peu et il aurait versé une larme d’émotion… Mais le guerrier ne lui en laissa pas l’occasion : de grandes choses se préparaient. La veille, les chasseurs avaient ramené un sanglier et sa portée, et les gueules affamées avaient couiné toute la soirée devant les cadavres pendus déversant leur sang dans des récipients. Toute la nuit ils avaient saigné, et maintenant que le soleil se levait, il était temps de les dévorer ! Le festin se préparait, les feux avaient été allumés, et les animaux crevés vidés de leurs entrailles. C’était la part du chef, qui les préférait crues et encore gorgées de sang. Les autres se contenteraient de la chair rôtie et croustillante de ce gros pourceau des bois et de sa livrée de porcelets bien gras. Tout le monde en profiterait au campement, de cette bombance tant attendue. Enfin… Tous sauf Tips, qui s’était vu confier la tâche honorifique de surveiller l’entrée du village pendant que la fête battait son plein. Une si bonne nouvelle dès le réveil annonçait une journée à nul autre pareil ! Et le cœur gonflé d’orgueil et de fierté, il s’était préparé pour faire le guet : revêtant sa belle tunique de cuir clouté, son petit casque de fer bosselé plaqué par-dessus ses trois précieux cheveux et ses braies fidèles lavées le mois dernier… récemment, donc. Après s’être emparé de son arme en fer de mauvaise qualité, il était fin prêt à affronter sa destinée.

C’était la première fois que l’on lui confiait un poste à responsabilités. De lui dépendait la survie du village, qui se répandait en ripailles orgiaques autour d’un sanglier tout dépecé. Il n’y participait pas, certes, et n’aurait sans doute que les ossements de la bête à ronger, une fois que tout le monde y serait passé, mais il n’en avait cure : il devait garder le village. Fier de cette considération nouvelle de ses pairs, il s’était planté vaillamment à l’entrée du campement.

Hélas, la fin de matinée avait sonné le glas de sa vigilance attentive, et la faim lui tenaillant l’estomac avait eu raison de son attention. La somnolence l’avait gagné, et ses ronflements l’avaient conduit à engloutir une pauvre mouche désabusée.

Vraiment, c’était une formidable journée...

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Sam 19 Déc 2009 18:36 
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Le lac de Hynim est maintenant derrière moi et je poursuis ma route à dos de cheval en longeant le fleuve. Je suis blessé, mon cheval aussi, et j'ai besoin de me reposer dans un endroit sûr, la faim me tenaille.
Je pensais arriver à une ville en suivant le cours d'eau, les gens se regroupent naturellement là ou il y a de l'eau, il serait logique de trouver un village en suivant le le courant.
A force d'avancer, moi et ma monture entrons dans un bois. La lumière du jour passe au travers des feuilles, le chant des oiseau et l'écoulement de l'eau demeurent les seuls à tuer le calme de la forêt. Je continue ma route, tranquille mais angoissé, je ne sais pas du tout où je me trouve, et je ne suis pas certain de trouver quelconque habitation sur mon chemin.
Je continue encore longtemps, très longtemps...

Le jour vivait ses derniers instants et je devais me coucher, j'étais fatigué, affamé et blessé. Je fais une halte dans un coin qui m'a semblé tranquille, où l'herbe entre deux arbres forme un coin apparemment confortable. Je laisse ma monture près d'un arbre qui faisait face à la rivière, histoire de monter la garde.
Je teste le lit naturel et je sens que quelque chose a changé... mon épée !
Elle n'est pas sur moi, dans ma souffrance je ne m'en suis pas rendu compte. J'ai dû la lâcher lorsque le rouquin m'a...

La pensée de cette nuit me hante à présent, il m'est désormais impossible de dormir.
J'irais à la chasse, mon arc, attaché autour de mon torse, ne m'avait pas quitté, les flèches quant à elles avaient disparues, probablement emportées par les eaux lors de ma "noyade".
Peu m'importe, j'ai une faim de loup, et rien pour chasser sinon un arc sans flèches.
Une idée me vint à l'esprit, qui m'était auparavant venue mais dont je ne voyais pas l'utilité.
Une pierre gisait près de moi, elle était coupante et rigide à vue d'œil. Cela me suffit.
Je passe deux heures le ventre vide à mon labeur qui vient à son terme à force d'efforts.
Avec la pierre coupante, je m'écorche à former des pointes sur les extrémités de mon arc, pointes qui me serviront à empaler mes futurs festins.
Mon sang ne fait qu'un tour, je me mets à chasser. Au bout d'un long quart d'heure, j'aperçois un lièvre qui tout de suite me parait délicieux. Une voix rude me prends de surprise :

"Casse-toi, Sekteg ! Je t'interdis de tuer cet animal !"

Un Sekteg ? Moi ? Je lève les yeux et j'aperçois un nain brandissant un coutelas, un commerçant vu l'énorme bagage qu'il porte sur le dos :

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"Mais ! T'es pas un gobelin toi ?"

Je soupire, ma proie vient de s'échapper.

"Tu sais pas parler ? T'es un Humain sauvage ?"

Je me relève, c'en est trop, d'où ose-t-il m'insulter, ce nain grassouillet ? Je brandis mon arc, ou plutôt, ma lance :

"J'ai l'air d'un macaque ?"

J'ai des envies de meurtres, une voix m'interromps dans mon élan :

"Holà ! Calmez-vous ! On a encore une longue route à faire !"

Je me retourne en direction de la voix :

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Un elfe blanc, un Hinion. Le Nain lui obéit sans broncher, surprenant car les Nains et les Hinions sont en très mauvais termes. Il part en écartant des feuillages qui lui barraient la... route !
Je ne rêve pas, une route ! Une route, pour le commun des mortels, ne représente qu'une voie à suivre, mais pour moi, c'est le signe qu'il y a par là une ville !
L'elfe et le nain s'engagent sur la route qu'arpentaient déjà de nombreux commerçants. C'est sûr ! Au bout de cette route, il y a la civilisation !
Mon cheval me pousse vers la route, il était aussi joyeux que moi, mais surtout aussi affamé et épuisé. Le soir montrait son nez à l'horizon. Je chevauche avec ardeur ma monture, l'espoir m'a fait oublier mes cicatrices. Au pas je suis les centaines de marchands dans leur pèlerinage.
Je m'approche doucement du nain de tout à l'heure et, quand j'ouvre la bouche pour lui demander un morceau de pain, il me coupe :

"Ah ! C'est toi Sekteg ?"

"Je-ne-suis-pas-un-Sekteg !!!"

Ça recommence, j'ai envie de charcuter ce gros lard.

"Oh, ça va oui ! Fais pas ton difficile ! On se fait drôlement chier nous ! On n'a pas le droit de rigoler un peu ?"

Sa voix autoritaire et sa sagesse apparente ( la barbe y est sûrement pour quelque chose ) me forcent à me calmer. Je soupire un grand coup et lui demande calmement.

"Très bien vous marquez un point. Au fait, cela fait presque deux jours que je n'ai pas dormi et rien dans le ventre..."

"Ouais c'est triste. Vous devez regretter la civilisation. Ça fait quoi de vivre comme un sauvage ?""

Il se fout de moi ou quoi ?

"Ça fait que j'ai faim ! Vous n'auriez pas... par hasard... ?"

Le nain comprend mes intentions et me coupe une nouvelle fois :

"Tu sais ce que je suis ? Je suis un marchand ! Si tu veux me prendre de la bouffe tu montre les yus, rien de plus simple !"

Le nain me prend pour un voleur, ce que je suis d'ailleurs. Il s'emporte facilement contre les gens comme moi, en digne commerçant qu'il est, il hait les voleurs.
Entendant la dispute, l'Hinion se dirige vers moi et me tends un morceau de pain :

"Tenez, et arrêtez votre dispute ! On n'entends que vous !"

Le nain baisse les yeux, l'elfe blanc avait décidément une grande autorité. Tout en dévorant le morceau de pain qui me parait comme un don du ciel à ce moment là, j'interroge le gros nain :

"Qui eche ?"

Le nain me regarde à nouveau, cette fois avec curiosité :

"Décidément t'es pas du coin, toi ! Cet homme est un garde qui a pour fonction de nous protéger durant notre voyage, comme c'est un Hinion, il est mieux placé que quiconque pour protéger les marchands qui s'enfoncent dans les bois."

J'avais mangé mon bout de pain à une vitesse phénoménale, soudain je décide de lui poser la question qui me torturait depuis de longues et nombreuses heures :

"Où va-t-on ?"

Le nain me regardait avec amusement, il me fait un signe de l'œil :

"Regarde par toi-même !"

Je détourne mon regard vers l'endroit qu'il m'indiquait, devant nous. Ma surprise devient immense, de hautes tours gouvernent l'horizon, deux énormes portes, engouffrées dans un mur de pierres blanches nous fait face. Dans un grognement monumental, les portes s'ouvrent lentement devant mes yeux stupéfaits, laissant entrevoir une immense cité, plus belle encore que le soleil qui tombait derrière ses tours, cette cité blanche que je n'avais connu auparavant que de réputation :

"C...C'est impossible ! Kendra Kâr !"

Le nain est surpris de mon ignorance mais me regarde avec malice.
Je me retrouve ainsi en face de la plus grande cité du monde : Kendra Kâr.

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"L'apocalypse a un nom pour mes nerfs : Windows."
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Dernière édition par Jubaïr le Dim 16 Mai 2010 12:42, édité 11 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Sam 19 Déc 2009 18:59 
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Les paupières lourdes du vigile avaient du mal à rester ouvertes, si bien qu’il se laissait aller à les fermer momentanément, se fiant à son ouïe pour entendre la moindre source d’un éventuel bruit hostile. À dire vrai, il ne comprenait pas comment les gardes habituels de l’entrée du campement parvenaient à rester ainsi plantés comme des poteaux sans bouger ni parler tout au long de la journée, et ce en restant attentif à leur tâche des plus importantes : assurer la sécurité du campement et la survie du clan. Ils devaient très certainement user de techniques astucieuses comme celle qu’il venait de dégoter, se fiant à un sens plutôt qu’un autre pour veiller sur leurs semblables. Les bruits étaient habituels, et provenaient surtout de l’intérieur du camp, où la ripaille se poursuivait avec ardeur, et où les couinements jacasseurs fusaient avec joyeuseté et virulence. Un festin de gobelins était une chose fort curieuse à observer, mais encore davantage à entendre. Car si un témoin non averti se serait laissé aller à contempler de ses yeux ébahi l’étalage de crasses nutritive aux quatre coins du feu de camp, il en aurait négligé la douce musique des cris rauques et aigus des participants à l’ouaille, ainsi que la mélodieuse mélodie des mâchoires acérées qui déchiraient os et viande sans considération de politesse ou de bienséance.

À l’extérieur de la palissade, seul le son paisible de la calme forêt bercée par des vents montagnards sortait du tumulte de la fête, accompagné par les cris rageurs des guerriers sekteg lancés sur de puissants sangliers de combat droit sur le campement… En gros, rien ne clochait, tout était tout à fait normal, et encourageait Tips à poursuivre sa méditation interne et passive…

« Hein ?! »

Et oui, des chevaucheurs de sangliers se ruaient à l’attaque du campement, et cette prise de conscience réveilla définitivement Tips de son errance onirique. Les assaillants venaient de sortir du couvert de la forêt pour se ruer sans aucune discrétion à l’attaque de la place forte gobeline… Enfin, forte était un bien grand mot : la palissade n’était constituée que de fagots de bois tout juste assez épais pour faire flamber un feu de joie. Les yeux énormes de Tips s’ouvrirent grand lorsqu’il reconnut la marque des ennemis. Les chevaucheurs de sanglier avaient tous, sans exception, le nez peint en noir. C’était la terrible et redoutée tribu des nez noirs. Le sang de Tips ne fit qu’un tour… Puis un autre, et un troisième… Il était terrorisé, tétanisé, complètement incapable de savoir ce qu’il fallait faire dans ce gendre d’occasion. Jamais il n’y avait eu d’attaque sur leur campement, et il ne savait vraiment pas comment réagir. Il avait entendu parler des nez noirs comme étant des combattants impitoyables et organisés, brutaux et toujours vainqueurs…

Il hésita à user de la technique génétiquement gobeline qui consistait à prendre ses jambes à son cou et se cacher jusqu’à ce que le danger soit passé, mais il était tenu de rester devant l’entrée de par ses obligations de garde. Les regardant approcher à toute vitesse, impuissant, les yeux exorbités, il tentait de s’imaginer ce qu’un guerrier de sa petite tribu aurait fait… Après quelques secondes de réflexion, alors que les ennemis gagnaient toujours plus de terrain, il conclut que la meilleure solution était avant tout de fermer la porte…

La porte ? Mais bon sang, ça lui était impossible… Il craignait tout ce qui se rapprochait de près ou de loin à une porte. Et s’il osait s’aventurer à tenter de fermer celle du camp, il était certain qu’il commettrait une gaffe plus grosse que lui ! Non, il fallait trouver autre chose, et vite : les assaillants n’étaient plus qu’à quelques foulées du campement. Ah ! Sonner l’alerte était sans doute la seconde meilleure chose à faire. Et au moins, crier, il savait faire. Courir en criant aussi, d’ailleurs, et c’est cette option qu’il choisit, faisant volte-face pour abandonner son poste et courir vers le centre du campement en hurlant.

« HAAAAAAAAA ! »

Chtong ! Un caillou bien placé en directe provenance d’un frondeur sur sanglier vint le frapper à l’arrière du crâne, et il s’effondra sur le sol qui tremblait déjà sous les pattes trépignantes des grossiers sangliers de combat. Il n’avait pu clairement faire passer son message, à travers cette unique syllabe monocorde et hurlée, mais au moins les siens furent dès lors sur le qui-vive, à l’instant où les hordes d’ennemis traversaient l’entrée et la palissade comme si elle n’avait jamais existé, piétinant les fagots de bois comme si c’était de la paille.

Tips n’était même pas assommé. Et il le devait à son cher casque tout cabossé, qui comportait désormais une bosse de plus. Dans sa chute, il avait déchiré le bas de sa belle tunique de cuir clouté, et s’était retrouvé face à terre à mordre la poussière. Lorsqu’il releva la tête, tout ce qu’il entendit fut le bruit assourdissant du galop de dizaines de sangliers qui déferlaient dans le camp, juste derrière lui. C’était la panique chez ses compagnons, qui courraient dans tous les sens pour trouver armes et boucliers afin de fournir un semblant de résistance face à l’envahisseur Nez Noir. Le petit Sekteg se tourna vers le bruit, et eut à peine le temps de voir un sanglier qui fonçait droit sur lui, défenses au vent, bave aux lèvres, couinant frénétiquement sous les assauts de son cavalier belliqueux, un gobelin trapu à la peau sombre et au nez recouvert de cendres, qui arborait une lance en bois. Ça y est, c’était la fin. S’il évitait la bête, il ne pourrait esquiver l’arme…Il ferma donc les yeux, et par un réflexe plus instinctif que réfléchi, roula sur lui-même, sa précieuse arme entre les mains.

Le sanglier qui le chargeait avec hargne ne dévia pas sa course : celui qu’il portait allait s’occuper du sort de ce petit impudent freluquet qui s’était trouvé sur sa route. Un sourire sardonique marqua le visage cramoisi et fripé du sekteg au nez noir. Il arma sa lance au bout de son bras et étendit celui-ci lorsqu’il arriva à la hauteur de Tips. La pointe de bois se ficha précisément entre l’oreille du gobelin et son épaule droite, dans le sol caillouteux du camp, au même moment où le sanglier trébuchait dans un cri suraigu sur la chaîne de la Morgenstern de Tips. La bête fit une embardée, et son cavalier fut projeté dans les airs, forcé de lâcher son arme qui resta plantée dans le sol. Alors que le sanglier culbutait sans pouvoir s’arrêter, et que le nez-noir effectuait un remarquable vol plané, Tips ne s’en sortait pas si bien que ça. Le choc du sanglier trébuchant sur son arme lui avait presque arraché le bras… Enfin, pas vraiment, mais la douleur était vive, et il avait failli lâcher prise. Alors que la bataille commençait tout autour, son ennemi s’écrasa au sol en geignant. L’espoir fou de l’avoir vaincu s’empara de Tips, qui se releva avec hâte pour voir le sanglier détaler avec fureur vers ses compagnons d’arme.

Mais le Nez-Noir n’était pas vaincu : fulminant de rage, il se redressa, menaçant, dégainant de sa ceinture une dague effilée et toute rouillée. C’était ce qu’on appelait un gobelin plein de ressources. Pas comme ce pauvre Tips, qui n’avait que son arme unique et encombrante, peu efficace et carrément difficile à manier. Et pourtant, il devait s’en contenter. Tout d’un coup, il prit conscience que dont les guerriers se vantaient, cette ferveur du combat, cette rage qui s’emparait d’eux pendant une bataille, les rendant ivres de sang et efficaces au combat ne s’appliquait pas du tout, mais alors pas du tout à lui. Tout ce qu’il avait envie, c’était de détaler comme un lapin. Mais une fois encore, il ne le pouvait pas. Il éteint contraint d’aider les siens. L’esprit du clan était en lui, et il savait qu’il ne pouvait pas abandonner sa tribu… Pas comme les trois chasseurs qui venaient de se mettre à courir frénétiquement vers la forêt pour échapper à l’attaque… Non, eux choisissaient l’exclusion du clan… Enfin, ce qui restait du clan : le chef de guerre, cinq guerriers, deux gardes… aie… un garde et demi, plutôt, et les gobelines éprises du chef de guerre… Et lui…

Mais plus pour longtemps s’il n’agissait pas rapidement contre son ennemi qui s’avançait avec une lueur sadique dans le regard vers lui. À cet instant, il ne douta pas que son assaillant partageait la rage guerrière de ses frères, et il n’avait aucunement l’intention d’en faire les frais. Il allait devoir se défendre vaillamment, comme les Divins Aventuriers des histoires du chef de guerre, qui brillaient tant par leur âme que par leurs armes. Bon, Tips en était loin, mais il allait faire un effort. Il brandit son arme et se mit à tournoyer sur lui-même en tendant les bras. Le boulet clouté s’éleva de terre et tourna avec lui au bout de sa chaine. Le Nez-Noir haussa un sourcil interrogateur lorsqu’il vit un jeune gobelin débouler devant lui en voltant de la sorte, gémissant de courage.

« Gniiiiiiiii ! »

Tips était certain de le toucher, à la vitesse où il tournait. Sa technique manquait cependant de précision, car il ne voyait pas pour un yu là où il allait. Son ennemi n’eut qu’à reculer de deux pas lorsqu’il arriva trop prêt, et le regarda filer vers la palissade avec un air désabusé… Tips tournait, tournait et ne savait plus du tout où il était. Il ne s’en rendit compte qu’à l’instant où sa masse de fer entra en contact avec la palissade du camp, en détruisant tout un pan sur le coup. À ce moment, il s’arrêta de tourner, et vit son ennemi, indemne, se diriger à nouveau vers lui. Enfin… le voir était un bien grand mot : il avait tellement tourné qu’il ne voyait plus que des formes floues, troubles et dédoublées se déplacer comme si la terre tanguait dangereusement. En réalité, même s’il s’était arrêté, il avait toujours l’impression de tournoyer sur lui-même.

Ainsi, il ne vit même pas son ennemi se faire décapiter proprement (façon de parler) par le chef de guerre de sa tribu. Il se contenta de tituber maladroitement, jusqu’au moment où il dérapa sur quelque chose, posant son pied sur une espèce de boule mi-dure, mi-molle. La tête du nez-noir roula sous ses pas, et il tomba à la renverse par terre. Il lâcha sa précieuse arme dans sa chute, et se cogna contre un caillou… Son petit corps frêle fut dès lors sonné, et roula sur lui-même dans l’axe de la pente, jusqu’à foncer dans une tente qui s’effondra sur lui… Les ténèbres obscurcirent son regard, et il tomba dans une inconscience douillette. Peut-être était-ce ainsi que les Divins Aventuriers brillaient au combat…

Et le noir se fit…

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Dim 20 Déc 2009 22:30 
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Une paupière se souleva, doucement, puis une autre, tout aussi lentement. Le petit être qui venait de se réveiller passa une main à l’arrière de son crâne, où une belle bosse était apparue. Tout autour de lui était… en peau de bête tannée… Soudain moment de panique, un sentiment d’oppression, comme si le monde entier s’était changé en cuir de mauvaise qualité hâtivement travaillé. Imaginez un peu la sensation. La petite tête verte tourna dans tous les sens frénétiquement, comme pour apercevoir un coin de ciel, un faite d’arbre ou une fleur sauvage, voir même le toit d’une tente. Mais rien… Juste cette peau épaisse qui n’en finissait plus de le submerger. Il remua les bras et les jambes, en vain. Puis, s’armant de l’énergie du désespoir, il s’appuya sur ses coudes pour se relever, ce qu’il fit avec maladresse, tout faible qu’il était. Mais même en position verticale, tout restait de peau… L’horreur ! Il agita une nouvelle fois les bras, les levant vers le haut pour se débarrasser de cette toile gênante. Vu de l’extérieur, la scène ressemblait à un fantôme tout de cuir vêtu qui s’éveillait sur les ruines d’un champs de bataille encore fumant… Mais ça, pour le moment, Tips ne le voyait pas…

Désabusé, il se laissa tomber au sol, sur son postérieur. Il était prisonnier. Ou pire ! Mort… Quelle atrocité, lui qui était si jeune. Il tenta de se rappeler des événements passés. Quelques images lui revinrent à l’esprit… Maman gobelin qui lui donnait le sein pendant que papa gobelin bourrait sa pipe en terre de… Hé mais ! Pas si loin !

On lui avait dit qu’à la mort, sa vie se déroulait devant ses yeux, mais ça n’était pas une raison pour le faire sciemment ! Il n’était pas encore mort, comme le témoignait la douleur aigüe qui lui tiraillait l’arrière de la tête…

« Ah !! »

Son casque ! Il manquait à l’appel, et ses trois précieux cheveux se dressaient, courbes et verticaux, sur le sommet de son crâne. Son précieux casque s’en était allé. Il avait beau être peu solide et tout cabossé, il l’aimait bien, son casque… Instinctivement, il tapota le sol aux alentours pour le chercher. Mais il ne le trouva pas. Il caressait la terre meuble et caillouteuse du campement depuis près d’un quart d’heure lorsque soudain, l’illumination le frappa : il se rappelait…

On était dans une journée ensoleillée d’été, et il jouait dans un coin du campement, à jongler avec son nouveau casque… Ah… non, mauvais souvenir, le casque qu’il cherchait était déjà cabossé… Une fois encore, il tritura les graviers qui parsemaient ses alentours…

« Mais… »

Des graviers ! Il n’était donc pas irrémédiablement entouré de peau ! Tilt, la pièce était enfin tombée ! Fort de cette découverte qui lui arrachait une grande fierté, il suivit à tâtons ce sol providentiel. Après dix minutes de recherches infructueuses à tourner en rond sous une tente effondrée, il trouva enfin la sortie vers le monde qu’il connaissait… le campement était là, comme à l’habitude, et il allait pouvoir poursuivre sa petite vie paisible.

Ah… En fait, quelque chose clochait. Il regarda tout autour de lui, se frotta le menton des mains, et se gratta même le front avec l’index, mais il n’arrivait pas à voir quoi. Oh ! Si… Son casque, il ne l’avait toujours pas retrouvé. Il chercha des yeux aux alentours, mais ne l’aperçut pas. Ça commençait à l’agacer, de ne pas retrouver son précieux bien. Il décida de se rendre au centre du campement ravagé, peuplé de tentes incendiées, de cadavres Sekteg éparpillés, sans rien remarquer de particulier…

Puis soudain, il le vit : il était juste à côté d’un petit rocher posé à même le sol. Il se demanda bien qui l’avait laissé là. Un impoli ou un farceur, à n’en pas douter. Qu’à cela ne tienne, il avait l’habitude d’être la victime des farces facétieuses de ses petits camarades. Des fois, il ne s’en rendait même pas compte. Le principal était qu’il avait retrouvé son précieux casque, qui, ô chance, se trouvait juste à côté de sa fidèle Morgenstern, juste à côté de la jambe tranchée du chef de guerre. Ah pour sûr, il ne pouvait que al reconnaître : le Chef de guerre était le seul qui arborait sur ses orteils des poils roux. Et ceux-ci, bien que teintés de sang, étaient on ne pouvait plus roux ! Tips se demanda tout de même pourquoi le chef du campement avait laissé trainer là sa belle jambe…

Ah, mais le reste du chef était juste un peu plus loin, baignant dans une marre de sang. Voilà qui était plus logique, bien plus logique. Content d’avoir retrouvé un visage familier, même si celui-ci était livide, have et déformé par un rictus post-mortuaire.

« Chef, chef, j’ai retrouvé mon casque ! »

Et ce disant, il le replaça sur le sommet de sa tête, prenant bien soin d’incorporer avec ses cheveux. Le chef, pourtant, ne réagit pas. Ça n’était pas normal. Habituellement, il lui aurait déjà envoyé son pied dans le derrière. Enfin… Là, ça s’expliquait facilement, puisque le pied traînait à deux mètres de là… mais même, ne fut-ce qu’une calotte à l’arrière de la tête. Quelque chose clochait…

« Heu… Chef ? »

Pas de réponse ? Tant pis… Il ne s’avouait pas vaincu. Il s’approcha du cadavre dégoulinant de sang et approcha sa bouche de l’oreille du mort.

« CHEF !! »

Aucune réaction. Peut-être était-il si fatigué de la bataille qu’il dormait à poings fermés.



« La bataille !!! »

Nom d’un saucisson sec, ça lui revenait maintenant : les cris, les sangliers, le gobelin à la lance. La tribu des nez-noirs qui attaquait le village ! Bon sang, il devait prévenir les siens, et vite !

Paniqué, il chercha du regard un gobelin vivant, mais n’en trouva pas. Tous étaient allongés, morts, taillés en morceaux, pour certains, transpercés pour d’autres. Aucun d’entre eux ne vivait, à part Tips… Et le plus troublant, c’est que les Nez-Noirs n’étaient plus là non plus… Le campement n’était plus qu’une ruine fumante, et la carcasse du sanglier avait disparu… Tips regarda tout autour de lui, sans trop savoir que faire. Depuis toujours, on lui avait donné des ordres pour qu’il sache ce qu’il devait faire. Mais aujourd’hui, personne n’était là pour lui en donner. Ils avaient tous préféré mourir, ces lâches, au lieu d’avouer qu’ils n’avaient plus d’idée…

Curieusement, Tips ressentit un vide intense en lui. Il avait vécu toute sa vie pour le clan, n’avait jamais commis d’acte pour lui-même. Tout avait été fait pour le clan… Et le clan était mort. Il en était le seul survivant…

Il marcha donc jusqu’à la sortie du village, traînant son arme derrière lui, et se posta fixement à côté de la porte défoncée, près de la palissade détruite. Et là, il fit le guet.

Garder l’entrée, voilà le dernier ordre qu’il avait reçu…

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Mer 30 Déc 2009 12:09 
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Et l’entrée il garda, inlassablement, sans bouger ni retomber dans la cruelle somnolence qui avait emporté les siens le matin même. Son insouciance avait couté la vie à de nombreux sekteg, ce jour, et même s’il ne s’en rendait pas encore bien compte, il sentait un poids inhabituel lui oppresser la poitrine. Le soir était arrivé, sans qu’aucun garde ne vienne prendre sa relève. À bien y réfléchir, c’était normal, ils avaient tous été tués, et les rares qui avaient pris la fuite s’étaient sans doute fait rattraper par les chevaucheurs de sangliers. Les Nez-Noirs étaient connus pour leur manque de pitié. Il ne faisait nul doute que du clan où il vivait autrefois, il ne restait que lui, plus quelques carcasses éparpillées dont la moitié avait déjà été digérée par le feu qui finissait de consumer le village.

Mais il n’en démordait pas : de toute sa bravoure, il affronterait mille ennemis sans bouger de son poste, le plus pernicieux d’entre eux étant la sournoise fatigue. Il se battrait farouchement. Maintenant qu’il avait survécu à sa toute première bataille, il était devenu un guerrier, un vrai, un brave, un beau. Ce fut avec détermination qu’il observa la lune se lever, de ses gros yeux éprouvés, son petit casque vissé sur la tête. Il darda son regard sur la sombre forêt d’où les Nez-Noirs avaient jailli, se remémora les horreurs de la matinée. Mais quelle honte, ils avaient même mangé le sanglier ! Et il s’endormit. Hé oui… Appuyé sur un cadran de porte dévasté, qui ne tenait plus que parce qu’il était planté dans le sol, il se laissa emporter dans le pays des rêves…

Mais son somme ne dura pas longtemps. À peine une heures ou deux d’insouciance renouvelée, et une grosse voix vint le perturber.

« Holà que vois-je ? Un garde qui ne prend pas garde… »

« Hmphr… »

Une de ses paupières s’était soulevée, instinctivement, mais il n’avait rien vu et après un court grommellement, s’était mieux installé contre son piquet de bois. Après tout, ça n’était qu’un gros bonhomme habillé en rouge…

Un…

« AAAH ! »

Et oui, gros bonhomme, qu’importe qu’il soit vêtu de rouge, de vert, de brun ou de bleu, c’était un intrus, et il devait le défier d’avoir osé pénétrer sur le territoire de son terrible clan…éteint. Il brandit son arme face à lui, scrutant farouchement cet inconnu pour le détailler de la tête aux pieds.

Sa taille n’était pas très impressionnante. Il n’était pas plus grand que Tips. Par contre, son tour de taille l’était, lui. Il faisait bien trois fois la largeur du petit gobelin, sans compter l’épais manteau de fourrure écarlate qui le recouvrait, à l’imposante doublure blanche, qui se cofondait avec une énorme barbe blanche qui aurait fait la fierté d’un de ces dangereux nains. Mais… Celui-ci n’était pas un nain. Il en avait la carrure, peut-être, mais était plus petit. Et si ces affreux Torkins se reconnaissaient par leur force, celui-ci se distinguait surtout par sa graisse. Et il n’avait jamais vu de nain affublé de la sorte… Bon… à vrai dire il n’avait jamais vu de nain tout court, mais on lui en avait déjà parlé de nombreuses fois ! Enfin… au moins une fois, quoi. L’être arborait un bonnet rouge, lui aussi, terminé par un boulet blanc dont la menace était évidente : là où Tips l’avait au bout d’une arme, cet être étrange le maintenait au bout de sa tête, et déjà, il l’imaginait s’en servir pour le réduire à un résidu de crotte de nez, sur le sol de ses ancêtres. Enfin… pas tant que ça, puisque le clan avait déménagé l’année d’avant, mais tout de même, c’était important.

« Arrière ! Vous ne passerez pas ! »

« Oh oh oh… Te voilà bien farouche, petit orque… »

« Un orque ? Je ne suis pas un orque ! Je suis un gobelin, des Duchés ! »

« Oh je vois… Et où donc voulais-tu que je passe ? »

« … heu… »

Courte hésitation, regard hagard qui se perdit bien vite en des trépignements paniqués, et puis soudain, l’illumination, la révélation :

« Le campement ! Ha ! Je garde le campement, et vous n’y entrerez pas ! »

Le vieux bonhomme parut surpris, et regarda derrière Tips avec curiosité, avant de le toiser avec pitié.

« Hé bien c’est une noble tâche que tu accomplis là. »

Le sourire de Tips apparut sur ses lèvres. On venait de lui faire un compliment, un le reconnaissait dans ce qu’il faisait, et un réel sentiment de plénitude envahit tout son petit être… Et il s’endormit. Jamais il ne s’était senti aussi bien… Il en oublia même son devoir… Tu parles d'un garde!

Le bonhomme contourna le village et s’en alla. Tips ne put même pas remarquer le paquet qu’il lui avait laissé… Pas encore.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Sam 27 Fév 2010 11:56 
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Lorsque le jour fut levé depuis plusieurs heures, un petit sekteg malingre et chétif ouvrit un œil globuleux et empli de fatigue. A joue était confortablement posée contre une motte de terre meuble, et un brin d’herbe séché lui chatouillait les narines, entrant et sortant de son orifice nasal au rythme régulier et sécurisant de sa respiration. Un casque cabossé était vissé sur son crâne, et une masse d’arme reposait sur son petit corps, lui-même tout tordu, comme s’il était littéralement tombé de sommeil. La réalité n’était pas bien loin, en vérité, et il ne prenait nullement conscience de son manquement grave à sa tâche de gardien : il avait laissé le bonhomme en rouge sans surveillance. Mais comment lui en vouloir ? Il avait été gentil et avenant, le gros barbu ! Et puis au final, personne n’était là pour lui rappeler sa bourde et lui mettre le nez dans sa mouise… Quoiqu’à ce niveau là, il s’était assez bien débrouillé tout seul.

Puis un autre œil s’était ouvert, alors que le premier s’habituait petit à petit à la lumière diurne. Un dernier ronflement soupiré et Tips se releva, chancelant de sa faiblesse… Voilà deux jours qu’il n’avait rien mangé, et son estomac grinçait sourdement dans son petit ventre mou. Plainte désagréable en soi quand on sait qu’elle avait été à l’origine du réveil du petit être vert. Mais quoi qu’il arrive, Tips savait qu’il ne devait ni ne pouvait quitter son poste. Les cadavres éparpillés, rigides, froid et puant la charogne de ses compagnons le surveillaient de leurs yeux torves. Enfin, pour ceux qui ne se l’étaient pas fait mangé par un corbaque affamé, bien entendu. Lentement, le gobelin s’était relevé, se grattant l’arrière de la tête d’une main, et ramassant son arme dévastatrice de l’autre. Et ce fut à cet instant qu’il remarqua le paquet, à deux pas de lui. Interloqué, il souleva un sourcil et s’en approcha. Curieux, il tapota dessus avec sa chausse de cuir… Le paquet semblait contenir quelque chose, mais ça n’était pas vivant. Ou en tout cas, ça ne bougeait pas. Tips n’était pas accoutumé à la réception de cadeau. En particulier s’il n’y avait aucune occasion. En fait, même s’il y avait une occasion, il n’en avait jamais reçu, à part sa morgenstern, sa précieuse dague et ses habits dépareillés, dont son fameux casque cabossé. Lors desdites occasions, les seules choses qu’il recevait de ses pairs étaient des brimades et des insultes, des blagues de mauvais goût dont il faisait une victime parfaite… Niais, il en riait avec ses détracteurs… Que faire d’autre, après tout ?

Il haussa ses frêles épaules et décida – sa première décision personnelle sans doute – d’ouvrir le paquet. Il était trop curieux, et pas assez prudent, pour le laisser là à ses côtés. S’il s’agissait un piège, il ne s’en souciait pas. Il était trop avide de découvrir ce qu’il contenait… Et il fut très agréablement surpris de ce qu’il y trouva : une fiole de verre transparent fermée par un bouchon de liège, et qui contenait un liquide purpurin aux tons changeants. Son attention entière fut absorbée par l’objet, qu’il se mit à admirer passionnément. Ça lui appartenait, et il ne faisait aucun doute que cette fiole inconnue était le bien le plus précieux qui lui avait été donné de toucher. Il ne la quitta pas des yeux, bouche bée, regard hagard, épaules affaissée et la main détentrice du précieux objet levée vers les cieux…

« Waaaah… »

Ce qu’il allait en faire ? Il n’en savait fichtre rien. Ni même à quoi ça pourrait servir. Il avait juste vu le shaman de leur campement se promener avec des fioles contenant des liquides semblables, mais pas aussi beau. Et les fioles étaient de terre cuite et non de verre… Vraiment, c’était une chose inouïe que de tenir cette fiole entre ses petits doigts…

Et pendant ce temps là, la garde n’était pas montée… Mais qu’à cela ne tienne, il ne s’en apercevait même pas… Et il n’y avait plus personne pour le lui rappeler à sa place.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Sam 13 Mar 2010 16:05 
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((( Chaque arrêt voyait se répéter le même cérémoniel enseigné par la Sphinge avant le départ car désormais, Oona pistait les écus manquants, les aventurières avaient maintenu leur cap suffisamment au sud pour commencer la véritable chasse. Cette traque fantasque et un peu vaine qu’il était facile de prendre pour un objectif à long terme et non pour la simple horreur de l’inanité de leur vie. L’Aldryde retournait donc fréquemment son bouclier en coupelle et laissait le pendule s’y agiter fébrilement au-dessus et invariablement marquer le sud. Elles continuèrent donc leur route quelques jours avant de trouver la route principale barrée des vestiges d’un tumulte, une tranchée boueuse et barbare balafrant le corridor de la civilisation. Jaillissant de la forêt, d’innombrables traces coupaient le chemin empierré, souillant sa parfaite rectitude de monticules de boue et de terre foulés d'empreintes de pieds et de sabots rapides. En y regardant de plus près les jeunes femmes conclurent que cette piste ne devait dater que de quelques jours, les marques les plus profondes n’abritant pas encore assez d’eau. Elles la suivirent donc quelques temps avant de finalement comprendre que ce bourbier, s’enfonçant à chaque battement d’aile davantage dans les profondeurs des bois, avait été creusé en deux fois. Une même troupe s’était donc hâtée sur le même chemin pour créer ce véritable sentier de la guerre. Et, lorsque l’Aldryde et la fée tombèrent sur le corps à moitié dévoré d’un gobelin sur le bord du chemin, comme éjecté par cette folle cavalcade sanguinaire, les soupçons de la guerrière se confirmèrent. Cependant nulles traces sur les restes du malheureux _ prédateurs et charognards s’étant régalés de ses parties tendres à souhait _ ne la renseignèrent au sujet d'une quelconque appartenance à un clan ou à une grande puissance.

Perchée sur le front mou du vaincu qui prenait très vite les marques de ses bottes, Oona inspecta du bout de son arme sa dentition là où ses joues avaient été dévorées, puis elle bondit gracieusement sur son torse éventré y découvrant les pointes encore figées de deux flèches brisées. Enfin, sous le regard plus que circonspects de Wydwan, l’exilée jeta un œil à ses mains et à ses pieds nus et crasseux que la peau commençait déjà à enserrer de près. N’étant pas du tout sûre de ses conclusions elle garda le silence et elles reprirent donc leur route, le long de la piste creusée par les fureurs belliqueuses. L’Aldryde n’avait relevé aucune trace des sévices habituels infligés aux forçats d’Omyre, le nez et les oreilles ne semblaient pas avoir été coupées ou bouillies, de même que les doigts ou les orteils n’avaient pas été retournés avec force et ficelés sur le dessus des mains ou des pieds. Oona espérait donc que le chemin qu’elles suivaient à l’aveugle ne les mènerait pas droit dans l’antre des suppôts de Oaxaca.

Finalement, le petit couple papillonnant à l’abri d’une calme futaie tout de brun et de jaune arriva en bordure d’un camp où flottaient des odeurs aussi familières que nauséabondes. Le petit fortin, ou du moins ce qu’il en restait, sentait les cendres et la mort, le parfum ce couple envoûtant qui ne cessait de langoureusement danser et frapper de leur bottes métalliques les stèles anonymes pavant les champs de bataille. Leur tango endiablé courait à travers montagnes et forêts pour partout faire succomber les spectateurs béats et bavant bientôt raidis par la douleur des talons aiguisés qui piétineraient leur corps juvénile. Les mèches grises et noires du duo tourbillonnant frisaient encore devant les aventurières, s’élevant ça et là des tours jetées à bas et des corps gonflés d’un enthousiasme post-mortem. Quand soudain une forme dépassa la palissade au rythme peu assuré d’une marche militaire improvisée puis se figea entre les deux battants de porte absents dans un ersatz de garde-à-vous. Les jeunes femmes détaillèrent l’individu à l’unisson, dans un silence absolu, ne s’attendant pas à tomber sur pareil gabarit. Celui qui faisait en effet office de garde était un gobelin de très petite taille, du moins son allure et sa posture écrasait sa carrure déjà bien frêle et Oona se demandait même où le Sekteg pouvait bien cacher les muscles lui permettant de se dandiner ainsi. Mais les souvenirs de ses affres précédentes dévièrent radicalement le cours de ses pensées et elle en avertit sa camarade.

« - Il est courant pour les peaux-vertes d’utiliser les plus petits membres de leur clan comme appâts. Cela a le double avantage de les prévenir du moindre danger et éventuellement de se débarrasser des incapables. Il est fort possible que celui-là nous tende un piège ou bien que l’on serve de lui en ce sens.

- Même si le camp a déjà été pillé ? Argua la fée.

- Il y a peut-être des survivants, je ne sais pas. Nous n’avons qu’à attendre quelques temps. Conclut une Aldryde véritablement soucieuse.

Bien cachées à la cime d’un frêne dépenaillé, les aventurières observèrent le jeune gobelin parader avec toute la fierté possible au milieu du champ de ruines et du charnier, semblant même bomber le torse et observer une quelconque pause devant la carcasse d'un gros peau-verte mort. L’Aldryde procéda à son petit rite divinatoire et toutes deux purent en constater le résultat. Le mince pendule, cette rognure cristalline pointait de toutes ses forces le campement, suivant précisément les tours de gardes du gobelin.

Ce fut donc la pluie qui décida les deux espionnes à agir et alors qu’elles descendaient de branche en branche, elles préparèrent leur plan. En effet, le petit soldat semblait incroyablement accablé par ce début de déluge et n’osant pénétrer les ruines soudain auréolées d’ombres terrifiantes de quelques huttes dévastées ni même se mettre à l’abri sous un arbre, il resta simplement sur place. L’air abattu qui remodela la face du gobelin fit encore plus ressortir sa maigreur et bientôt l'eau ruissela lourdement sur lui, colorant son cuir d'innombrables larmes. Dès qu’Oona eut fini d’enfiler son armure et de cacher le reste de ses affaires, elle fit un signe à Wydwan qui confirma elle aussi qu’elle était prête, sa fronde et quelques gravillons à portée de main. Elles se mirent alors à bondir au milieu des buissons rabougris et des restes de fougères sèches, à faire le plus de bruit possible en agitant toutes les branches et toutes les feuilles en tout sens à l'orée de la forêt espérant attirer l'attention du garde.
Ensuite Oona respira profondément effleurant la torque autour de son cou puis jaillit à quelques mètres du Sekteg son arme pointée droit sur lui dans l’attitude la plus imposante que lui autorisait sa prestance de quelques pouces de haut. Elle aboya alors ses ordres sur son adversaire dans le parlé noir qu’on lui avait forcé d’apprendre, ce même dialecte pleins de borborygmes infectes qui lui permettait pourtant de communiquer avec son amie :

- Rends-toi Sekteg, tu es cerné ! » )))

_________________
Et sur moi si la joie est parfois descendue
Elle semblait errer sur un monde détruit.

Oona

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Dernière édition par Chak' le Lun 5 Avr 2010 16:51, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Jeu 18 Mar 2010 19:36 
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Une heure passa sans que Tips ne daigne remuer, admirant toujours la fiole qu’il tenait fébrilement entre ses petits doigts verts. Il ne s’était même pas rendu compte de ce temps qui filait sans crier gare, tant son admiration pour le liquide purpurin qui flottait tel une onde dans ce récipient de verre était puissante et vive. Bouche bée, un fin filet de bave s’était échappé de sa bouche, avait glissé sur son menton et gouttait maintenant régulièrement sur le sol devant lui, tant et si bien qu’une petite motte de boue s’était formée à ses pieds. Et puis, sans même plus voir cette fiole précieuse, son bras s’était abaissé de lui-même et il était resté, tête en l’air, l’air hagard, garde à vous, sans bouger, en train de contempler les cieux qui se couvraient d’inquiétants nuages grisâtres. Prudent, il avait alors rangé son précieux bien dans sa petite besace, et avait entrepris de faire des allez-retours répétés dans le campement, inaugurant ainsi un nouveau style de garde que celui qu’il avait adopté jusqu’ici. Ses pairs lui en auraient certainement été reconnaissants, s’ils n’avaient pas été tous morts… Enfin, non, ils s’en seraient moqués, comme à l’accoutumée, mais l’essentiel était que ce petit être famélique croyait faire quelque chose de bien par cette ronde scrupuleuse.

Puis, soudain, la pluie s’était mise à tomber, violente, froide, drue. Et Tips avait arrêté son tour de garde pour rester immobile à nouveau, devant l’entrée du campement. Il savait à quelles rudes conditions un garde pouvait être confronté, et avait décidé de prendre son courage à deux mains pour affronter la tempête, ennemi imprévisible mais tout aussi violent qu’une charge de sangliers. Les siens ne risquaient plus rien, mais le campement, terre sacrée de son peuple, de sa tribu, devait rester intacte. Et plus particulièrement le point précis sur lequel il était posté, celui-là même qu’il lui avait été ordonné de surveiller, avant l’anéantissement de tous les siens. C’est donc dans ce fier esprit de combattivité convaincue qu’il resta planté là sans rien faire, face à l’adversité… enfin, surtout face à l’averse…

Et puis aussi face à une drôle de petite chose ailée qui sortit du bois en bourdonnant sourdement des propos incompréhensibles. Ah ça pour sûr, Tips n’avait jamais vu d’insecte aussi gros et aussi bruyant que celui-là, surtout sous une telle pluie. Et le pire, c’est que ce machin semblait agressif ! Pourtant, les bourdonnements gutturaux de la bestiole lui rappelaient un langage que le chef de sa tribu utilisait parfois pour s’adresser à d’autres tribus non-belliqueuses que le clan avait déjà rencontrées dans ses pérégrinations montagneuses. Il n’en avait jamais compris mot, mais il avait entendu dire qu’il s’agissait d’un langage parlé dans un grand campement nommé Omyre. Il n’avait jamais vu ce campement, ni la tribu qui l’habitait, mais c’était sûrement une tribu puissante, avec un chef de guerre armé d’une belle lance en fer même pas rouillé, et avec un shaman habillé de restes d’ossements, ainsi que la tradition le voulait.

Il ignorait complètement si ce truc ailé était allié ou ennemi, et se contenta de répondre charismatiquement :

« Euuuh… »

Ce qui était sûr, c’est qu’il n’abandonnerait pas sa position ! Pas cette fois. Si cet insecte voulait s’en prendre à lui et aux restes calcinés de sa tribu, il tâterait de la masse cloutée qui pendouillait en bas de sa chaîne.

Aussi décida-t-il d’adopter une attitude de gardien, prenant exemple sur les anciens vigiles du camp lorsqu’un étranger se pointait à la porte.

« Halte ! Qui voilà ? heu… Qui va là ? »

Sa langue commune était teintée d’un bel accent gobelin, mais bon… C’était la seule qu’il savait parler. Enfin, si on pouvait appeler ça parler.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Ven 19 Mar 2010 16:02 
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((( Oona reconnut sans trop de difficulté le regard trop fixe et insistant de celui qui ne parvient que difficilement à masquer l’incompréhension faisant voler en éclats la routine aliénante de son labeur quotidien. Un œil rond et plein qui redoute de ciller de peur de manquer une hypothétique illumination. Cependant l’Aldryde crut y déceler un léger voile supplémentaire, une fine cataracte de bêtise auréolant et biaisant la circonspection presque inquisitrice du garde. Il pleuvait de plus en plus fort et l’aventurière savait qu’elle ne pourrait pas continuer encore longtemps son petit numéro alors elle chargea droit sur le gobelin. En quelques battements d’ailes à l’envergure chargée de gouttes cristallines, elle fut sur lui et lâcha d’une voix cajoleuse, légers arpèges de flûte, de sourdes menaces :

« - Ce qui arrive ? Ce qui arrive, ce sont milles souffrances.

Elle feinta sur la gauche, glissant juste sous son nez crotté.

- N’as-tu pas remarqué la forêt qui s’agite tout autour de ton campement, garde ? Ce n’est pas que la pluie. Non, non.

Le petit ange détacha bien les derniers mots pour les offrir aux circonvolutions encrassées de l’oreille pointue du peau-verte. Planant pareil à un oiseau de proie avant de frapper, pareil à un charognard autour des émanations putrides de son dîner ou plus exactement comme une mouche horripilante, Oona continua à graviter près du Sekteg.

- C’est le bourdonnement de dizaines de guerrières comme moi, prêtes à se battre.

Oona passa derrière l’ovale chauve du crâne et accéléra au dernier moment pour se percher un instant sur l’épaule osseuse du gobelin, ne laissant apparaître d’elle que sa petite tête flamboyante et la pointe de son arme.

- Ce qui t’encercle de toutes parts, pauvre garde, c’est un essaim de colère et de souffrance. Une nuée de guêpes tueuses aux dards gonflés des plus atroces poisons. Et elles viennent pour toi.

La jeune femme repartit d’un petit bond et tournoya encore une fois en frôlant le Sekteg au plus près, menaçante et insaisissable. En fixant les arbres pleurant de leurs milles feuilles pourrissantes, la forêt devenait soudain sinistre, s’emplissant d'ombre et d’inconnu. L’Aldryde regarda le gobelin tout proche par-dessus son épaule et lui adressa sa dernière sentence :

- Tu es courageux de rester ainsi son bouger face à ton destin mais garderas-tu ton stoïcisme face à des éternités de torture ? »

Cela n’ennuyait pas l’oiseau de malheur de monter ainsi un tel tissu de mensonges et à y regarder de plus près, la forêt semblait soudain très sombre presque hostile. Peut-être bien qu’aussi ici, les monstres rôdaient tard le soir en quête d’infortunés à soumettre à leurs jeux sadiques. Quoi qu’il en soit Oona voulait tirer cette histoire au clair et le plus vite possible, le pendule enroulé sous sa manche n’arrêtait pas de vibrer en présence du gobelin. L’évidence voulait donc qu’il ait l’écu sur lui, peut-être dans une bourse ou ailleurs mais l’Aldryde n’était pas prête à lui prendre de force. Certes elle aurait pu s’attaquer à la veine palpitant à peine le long de son cou et attendre qu’il se vide et qu’il geigne comme un porc. Ou bien la guerrière aurait même pu s’attaquer au visage et en empalant l’un des gros globes vitreux du verdâtre, parfait miroir de ce simple d’esprit, elle aurait pu se frayer un chemin rapide vers son âme, sa chute.

L’exilée décida d’attendre sa réaction avant de passer à l’offensive car il restait encore Wydwan dans les fourrés, prête à étayer les mensonges le cas échéant mais surtout, Oona craignait que d’autres gobelins soient tapis quelque part en embuscade. Non pas qu'ils représentaient une trop grande menace, les cieux étant la plus sûre des protections, mais elle redoutait de perdre la trace de l’écu tant désiré au milieu de la mêlée. )))

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Lun 22 Mar 2010 18:58 
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Le truc ailé bourdonnait toujours aussi frénétiquement, remuant sans cesse autour de la tête de l’innocent gobelin-gardien qui montait sereinement la garde sur les ruines de son ancien campement, désormais sanctuaire et tombeaux des corps perdus de tout un clan sekteg. Tips avait décidé de ne pas suivre tous les mouvements vifs de cette fichue bestiole afin d’éviter une migraine assurée qui commençait déjà à poindre dans sa petite caboche ayant du mal à suivre autant de mouvements autour de son petit être. Il y avait toutefois un changement notable dans les sourds crissements de la petite chose : il arrivait à comprendre, tant bien que mal, ce que ça disait. Car oui, aussi surprenant que ça puisse être, cet animal agaçant parlait ! Bon, il était vrai que ce qu’il avait à dire n’était pas folichon, voire même carrément désagréable en soi, mais Tips resta tout de même un instant bloqué sur le pouvoir étonnant de la petite créature.

Il n’en manqua pas moins le message. Mille souffrances arrivaient. Le gobelin ne savait pas bien ce que c’était au juste que ces souffrances, mais il avait hâte de le savoir. Et apparemment, cela ne tarderait pas : la bestiole indiquait les buissons et touffes végétales environnantes pour étayer ses propos, et présenter des dizaines d’autres bestioles ailées, que l’esprit de déduction du sekteg malingre identifia comme les souffrances en question. Et les paroles de la créature qui venait de se poser sur son épaule confirmèrent cette hypothèse d’une logique à toute épreuve. En réalité, celle-ci fut même complétée, puisqu’en plus des souffrances, il semblait y avoir aussi des colères.

Vraiment, Tips était impatient de voir tout ce monde qui s’était déplacé pour venir jusqu’ici, et ce juste pour lui, selon les paroles empressées et longuettes de cette petite chose volante. Il en était fort fier, et les questions jouaient des coudes avec les heureux sentiments de désir de la découverte d’une telle surprise.

« Dis… Tu es une souffrance ou une colère, toi ? »

Mais à peine eut-il le temps de prononcer ces quelques mots que le papillon bavard poursuivait son discours enflammé, parsemé de mots que le gobelin sans éducation avait du mal à suivre. Il espéra tout de même en avoir compris le sens, même s’il désira corriger son nouveau compagnon volant :

« Ah non non, ça c’est pas un stoïcisme, c’est une mor-gen-stern. C’est le shaman qui m’a dit ça en me la donnant ! Alors oui, j’vais la garder pour toujours, même face aux colères et aux souffrances de mon destin ! »

Une hésitation arrondit un instant la bouche du gobelin.

« Mais… heu... Pourquoi elles sont venues pour moi, ces souffrances et ces colères ? Hein ? »

Il ne voulait pas entrer dans une activité qui pourrait, de près ou de loin, l’éloigner de ses activités importantes. Celles-là même que le défunt chef du campement lui avait confié quelques heures avant de crever la gueule ouverte sous les coups acharnés des ennemis de la tribu… Ah ça non !

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Mar 23 Mar 2010 12:47 
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((( Oona écoutait le gobelin piailler ses propos incohérents et à chaque navrante parole elle se demandait comment pareil bêta avait pu survivre aux rigueurs de sa tribu. Car, à moins que cette dernière ne fût une exception notable et éphémère, déjà fauchée par la barbarie du monde, aux lois de cette race veule, l’aventurière ne parvenait pas à comprendre la survie du garde. Jamais aux cours de ses mois d’emprisonnement et d’errance au cœur de la Très Sombre Cité, elle n’avait croisé un tel concentré empoisonné de naïveté. Accompagnant à merveille le tableau mélancolique griffé des rafales gelées qu’était la scène autour des deux protagonistes, vint sonner une certaine nostalgie douce-amère dans l’esprit de la guerrière. Omyre avait été pour elle la suite directe de son apprentissage des vicissitudes mortelles de ce monde brut, sans pitié et l’Aldryde savait pertinemment que cela l’avait profondément changé.

En y repensant, même le Surin qui l’avait hébergé et plus ou moins protégé durant ce séjour sordide ne l’avait fait que par crainte qu’elle ne soit une espionne. L'exilée avait donc très vite appris que tous les Segteks, sans exception aucune, étaient retords et vicieux par nature et qu'ils devenaient même pire en s'enfonçant dans les étrons de leur culture. Ils constituaient à peine une race, seulement des trainées indélébiles aux fonds des langes pourris qu'était leur tissu social. Même ce compagnon d’un temps cachait derrière son masque inamovible de froideur des trésors de perversité, il s’était hissé au rang d’assassin renommé seulement en frappant dans le dos du maximum de ses congénères et en les retournant les uns contre les autres.
Par la suite le tueur avait supporté la présence de l’Aldryde en sachant très bien qu’elle n’était pas une menace, simplement un oiseau de malheur qui ne manquerait pas d’aller ternir les horizons d’autre malchanceux. Durant toute cette période et malgré les journées passées à écouter, à espionner et à apprendre, Oona ne connaissait aucun mot de cette langue abjecte relevant de l’amitié, de l’amour ou de l’honneur. Les termes les plus proches ne parvenaient qu’à décrire avec de plus en plus de précision, différents états de servitude, de menaces ou de récompenses indignes. Incapable donc de les formuler pendant plusieurs mois, l’exilée en avait perdu la simple notion.

D’avoir croisé Wydwan au détour de son errance lui avait certainement épargné une chute plus profonde dans des états de misanthropie sans retour, mais la jeune femme ne se sentait pas d’ouvrir à nouveau les fragments de son cœur par accorder le moindre élan de compassion. Cela confirmait le diagnostic qu’elle avait déjà établi depuis longtemps sur sa propre petite personne. La guerrière était devenue une forteresse de solitude absolument déserte, un imposant décor en trompe-l’œil derrière lequel elle se réfugiait constamment en équilibre au sommet de tours molles, derrière des créneaux cassants et tranchants. Cela suffisait à faire fuir les curieux et pour les autres, elle doutait même qu’elle pût constituer un décor digne d’être exploré. Oona sourit tristement. Elle n’avait plus de temps à perdre et ce gobelin devrait bien apprendre, tôt ou tard, que l’horreur du monde n’accordait aucun faux pas, aucune naïveté béate et bienheureuse. Non, le bonheur se devait de demeurer thésauriser au plus près pour n’être que prêter à de rares épargnants déjà en fuite avec leur butin de misère.

La jeune femme, attendit quelques instants, puis d’une geste violent et millimétré planta la lèvre supérieure du gobelin jusqu’à forer sa gencive, jusqu’à instiller la douleur et faire couler le sang. Puis elle pointa son arme sur l’œil du garde, si proche qu’un simple battement de paupière aurait rayé ce miroir d’ivoire visqueux.

« - Puisque tu ne sembles que comprendre la manière forte voilà pour mon unique somation. Maintenant déposes les armes et tes effets sur-le-champ ou bien sonne l’alarme pour ameuter tes pathétiques frères, mais sache que je serai sans pitié. Oui, je suis souffrance et colère ! »

Comme prévu la fée sortit des buissons à tir d’aile prête elle aussi à en découdre, sa fronde balayant l’air pour arroser de gravillons les soutiens éventuels du petit garde. )))

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Mar 6 Avr 2010 10:48 
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La mouche semblait décidément fort nerveuse, et virevoltait sans cesse avec frénésie et agitation autour de la tête ronde du petit gobelin, qui avait abandonné tout espoir de pouvoir suivre un jour les mouvements acharnés de cette petite bestiole dérangeante. Comment ne s’épuisait-elle pas, cette créature venue des bois ? Ainsi Tips ne vit en rien venir le coup en traître du parasite gêneur. La pique meurtrière de cet animal inconnu se ficha avec une cinglante cruauté dans la lèvre du gobelin dépourvu, qui n’eut d’autre réaction que de crier de toute son âme.

« AAAAAIE !! »

La bête sauvage miniature reprit son discours alambiqué et bourdonnant, mais Tips n’en avait cure. Cette lèvre sanglante et percée lui faisait bien trop mal pour qu’il fasse attention à autre chose. La douleur cinglante avait lancé une pique désagréable dans tout son système nerveux, et lorsqu’il vit l’insecte déplorable à quelques millimètres de son globe oculaire, il prit peur et instinctivement, recula d’un bond. Oh il n’avait nullement l’intention de se refaire percer par cette petite chose belliqueuse, non mais ! Bien qu’il ignorait totalement comment s’en débarrasser. Suivant toujours son instinct, il balaya l’air devant lui d’un revers brouillon de la main, empêchant tout coup bravache et traitre de la part de sa petite ennemie inconnue. Sans le vouloir, d’ailleurs, il lui donna un coup de sa paume, qui fit reculer également le petit papillon parleur. Aussitôt, il sauta sur l’occasion pour faire volte-face et déguerpir dans l’instant sans demander son reste.

Apercevant une autre bestiole sans doute belliqueuse, armée d’une fronde, il mit une main sur son petit casque de fer tout cabossé et entreprit de foncer dans la direction inverse. Plus rien ne l’intéressait tant que sa propre survie, dans cette fuite éperdue. Il courait, bondissait, sautillait nerveusement pour échapper à ses ennemies… Si bien que sans s’en apercevoir, une étrange pièce qu’il avait prise pour un Yu de valeur supérieure sauta de sa poche pour choir dans la boue du sous-bois, sous une trombe d’eau. Il ne s’en rendit pas compte, mais même si ça avait été le cas, il ne se serait en rien retourné pour ramasser ladite pièce, ce vieil écu dont il ne se souviendrait même plus.

La lèvre ouverte, le sans perlant sur son menton et coulant dans sa bouche, il n’avait rien d’autre à faire que fuir. Fuir toujours plus loin, afin que nul ne le rattrape.

Soudain, il trébucha sur une vieille racine tortueuse qui passait par là, et fit un splendide vol plané qui le fit atterrir dans la boue grasse d’un talus fort pentu. S’écrasant de tout son long dans l’élément semi-aqueux, il s’agrippa à son équipement, sac, arme et casque, alors qu’il commençait à rouler sur la pente, bondissant et rebondissant contre son gré, évitant avec une chance insolente les arbres sur son chemin.

Lorsqu’il fut enfin en bas de la pente, il atterrit au milieu d’un buisson touffu, qui l’accueillit en son sein comme un matelas inespéré, et une cachette parfaite. Bien malin celui qui pourrait retrouver sa trace après tout se périple. Il poussa un petit soupir soulagé avant de sombrer dans une inconscience cotonneuse et rassurante. Bientôt, tout ceci ne serait plus qu’un méprisable souvenir…

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Sam 17 Avr 2010 19:24 
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Une goutte de rosée pendait mollement à une petite feuille. Depuis les prémices du matin, elle s’était chargée de l’humidité ambiante pour se développer et grossir jusqu’à la taille respectable qu’elle arborait désormais. Elle s’était gorgée d’eau, s’était épanouie et avait vécu sa vie de perle matinale en quelques heures seulement. Et maintenant, au plus fort de sa forme, elle avait réussi son but ultime, l’apanage d’une génération : Faire courber l’échine à cette feuille support pour enfin prendre son envol dans la dangereuse vie. Son avenir, elle ne le connaissait pas. Tout ce qu’elle savait, cette minuscule goutte, c’est qu’elle allait se lancer dans l’étendue infinie du monde gigantesque qui l’entourait. Encore quelques efforts, et la feuille cèderait sous son poids. Alors, elle serait libre. Libre de s’envoler, de rêver à un destin paradisiaque. Nourrirait-elle les racines du buisson qui l’avait vue naître ? Glisserait-elle jusqu’à un cours d’eau pour le rejoindre et se mêler à ses eaux tumultueuses pour vivre la grande aventure, voyager par delà les fleuves et les océans ? Finirait-elle sur une roche où elle serait absorbée par les premiers rayons du soleil afin de se métamorphoser en fine pellicule nuageuse avec d’autres semblables ? Son arbre des possibles était gigantesque et enchanteur. C’est le cœur gonflé d’excitation qu’elle décida de se lancer. Sans un effort, elle glissa de sa feuille et tomba…

Droit dans la bouche grande ouverte d’un petit gobelin profondément endormi. Ah la chose était certaine : cela le réveilla sur le champ ! Manquant de s’étouffer, il se posta sur son séant pour tousser bruyamment, agitant toutes les autres feuilles du buisson qui lui accordèrent une douche forcée de gouttes de rosée…

« Keuf ! »

La petite goutte eut une vie courte, mais intense… Mêlée de salive, elle finit sa course dans la main poisseuse du petit Sekteg qu’elle avait éveillé, rejoignant ses consœurs pour débarrasser de la peau verte du petit être vivant la terre séchée qui la maculait.

Surpris par ce réveil brutal et inattendu, Tips ouvrit de grands yeux, se remettant petit à petit de sa toux. Son visage était trempé, et une goutte perlait sur sa boucle d’oreille, revancharde et chanceuse perle de rosée qui n’avait pas dit son dernier mot. Il cligna des paupières deux fois, complètement perdu, ignorant totalement où il était, et surtout, où était passé son campement. Tips resta ainsi immobile pendant une dizaine de minutes, bouche béante, regard hagard, membres flasques et épaules basses, assis sur son séant au milieu d’un buisson, tout en bas d’une pente. Machinalement, il avait replacé sur le haut de son crâne son précieux petit casque de fer, tout en recoiffant ses trois beaux cheveux en dessous. Une main se posa sur sa morgenstern, contact rassurant qui lui permettait de rester sain d’esprit : toute la réalité ne s’était pas effacée en une nuit… Il lui fallait donc retrouver les éléments passés qui ne résonnaient plus dans sa petite caboche tourmentée par sa chute de la veille.

Ah ! Une chute ! Voilà un indice non négligeable. Et comme il se trouvait en bas d’une pente, sans doute que la chute avait débuté en haut de celle-ci. Une fois encore, son esprit de déduction logique le surprenait lui-même. Bon… Il n’avait jamais surpris que lui-même, à ce propos, mais là n’était pas la question : il devait maintenant se souvenir la raison de cette chute.

Pourquoi serait-il tombé ? Et surtout, pourquoi aurait-il quitté son poste de garde, son campement, sa vie, son avenir certain parmi les cadavres décomposés de ses pairs défunts ? Parce qu’ils étaient morts ? Non non, ça n’était pas une raison suffisante. Même si ils l’avaient lâchement abandonné en mourant sans le prévenir, il n’allait pas trahir l’esprit de son clan. Fidèle était le petit Tips. Non, il lui fallait donc chercher ailleurs. Et tout en cherchant, le gobelin oublia petit à petit ce qu’il cherchait. Ses pensées s’abandonnèrent à une contemplation inutile d’elles-mêmes, et bientôt, il fut tellement perdu que ça ne lui causa plus le moindre souci. Ces derniers jours avaient été durs pour lui, il était normal qu’il soit un peu secoué, à n’en pas douter.

Se frottant donc de ses mains récemment lavées contre son gré son arrière train terreux, il termina de ramasser ses quelques affaires éparpillées par sa chute. Par chance, rien n’avait été cassé, pas même cette magnifique fiole dont il s’était porté acquéreur la veille avant que cette saleté de mouche agressive ne le force à quitter sa position pour fuir…

Oh ? Mais voilà la raison ! Comme quoi, tout venait à point pour qui savait attendre. Et il avait e beau chercher, l’évidence avait fini par s’imposer à lui. Mais il n’en avait plus cure, désormais, et ce fut tout juste s’il s’aperçut avoir trouvé ce qu’il cherchait depuis son réveil. Il allait bien et c’était tout ce qui comptait. Ce qu’il ferait après ? Il n’en avait aucune idée. Il n’avait plus d’ordre à suivre, plus de chef à qui obéir, plus de clan à servir ni de comptes à rendre… Certains s’en seraient retrouvés fort heureux, gaies et ivres de cette nouvelle liberté, mais pas Tips… Il ignorait tout du concept de liberté. À ce point qu’il n’arrivait même pas à envisager ce que ça pouvait représenter, ou à quoi ça pouvait servir. Il était là, et puis voilà.

Ses grands yeux se posèrent sur une roche étrange qui sortait du sol. Elle avait la forme d’un dragon qui prenait son envol. La similitude était flagrante : un être esseulé, à la peau verte, qui faisait ses premiers pas dans la vie pour s’envoler vers son avenir. C’était tellement évident ! Et pourtant, Tips n’y pensa même pas. Il souligna juste que le soleil frappait le museau de ce dragon de pierre, et décida de s’en remettre à ce guide providentiel : l’astre solaire. Il devrait marcher, afin de trouver un point de ralliement où il pourrait continuer à vivre. Trouver quelqu’un qu’il pourrait servir, rejoindre un autre clan gobelin ou périr seul… Mais pour l’instant, l’important était de marcher, inlassablement. Il fixa donc le soleil de ses yeux grands ouverts… Et les ferma aussitôt, ébloui par la lumière vive. Un guide ne devait pas toujours être gentil avec ses suivants. Déjà qu’il leur ouvrait la route, c’était nettement suffisant.

Légèrement aveuglé, Tips se mit donc à marcher vers sa destinée, baluchon sur le dos, morgentsern sur l’épaule, casque un peu de travers. Sans le savoir, il commençait à ressembler à ses idoles de toujours : les divins aventuriers et leurs épées argentées, leurs armures brillant au soleil et leur cape claquant au vent… Sur les routes, il s’aventurait… Enfin, il était surtout perdu en pleine forêt, sans aucune route à l’horizon, mais c’était tout de même un bon début.

Toute la journée, sans s’arrêter, il suivit un rythme constant. Il suivait toujours le soleil, qu’importe sa hauteur dans le ciel. Il allait droit vers lui, vers la lumière de la connaissance. Vers la fin de l’après-midi, son petit ventre commença à gronder. Il était bien vide, depuis la veille, et la faim se faisait cruellement ressentir. Il n’avait plus rien mangé depuis les restes un peu carbonisés du sanglier rôti dont personne n’avait pu réellement profiter.

Il s’imagina un instant partir à la chasse de son repas, mais il ne savait fichtrement pas comment s’y prendre. Les chasseurs de sa tribu étaient de fiers et valeureux guerriers armés de lances et de sagaies. Jamais ils ne se seraient rabaissés à raconter leurs techniques et leurs exploits à un gobelin si faible d’esprit que Tips. Il ne connaissait rien à la chasse. Et puis à quoi bon, même s’il savait allumer un feu, il n’avait pas de hache pour couper du bois, et le sol et les branches sur le sol étaient encore humides des pluies diluviennes de la veille. Contrit, il poursuivit donc son inlassable marche, et ce jusqu’au coucher du soleil. Lorsque l’astre de lumière commença à descendre par delà l’horizon, il crut à une mauvaise blague. Son guide l’abandonnait, le laissait tomber, sans plus se soucier de lui, pour s’en aller vers d’autres horizons. Quel lâcheur, celui-là ! Et puis, la frustration avait laissé la place à la peur. Que deviendrait-il, sans guide ? Le soleil reviendrait-il ? Remonterait-il dans ce ciel qui commençait à s’assombrir ? Visiblement, ça n’était pas son intention : il finissait de se coucher, et disparut bientôt totalement, plongeant la forêt dans l’obscurité.

Pourtant, à la lumière de la lune, Tips put voir juste devant lui un étrange rocher qui sortait du sol. Il avait la forme d’un dragon qui prenait son envol…

« Hein ? »

Il eut comme un sentiment de ‘déjà-vu’ assez troublant. Surtout pour lui qui avait la mémoire assez courte ! Non, il n’avait pas compris que tout le jour durant, il avait décrit un cercle parfait en suivant la course du soleil. De telles considérations astrologiques n’étaient pas de son ressors… Une personne illustre n’avait-elle pas dit un jour : « Heureux les simples d’esprit, le royaume des Cieux leur appartient… » Et bien tout en ayant raison, il s’était bien planté, ce type. Tips avait beau ne pas avoir l’esprit très éveillé, le ciel ne lui obéissait pas pour autant ! Au contraire même : le soleil le fuyait et le faisait tourner en bourrique ! Le principal dans tout ceci était qu’il ne s’en rendait pas compte. Las et fatigué, il s’assit contre la roche draconique. Il fureta un peu le sol avec la main et dénicha par chance une racine, qu’il arracha de terre pour la ronger une bonne partie de la soirée. C’était infâme, mais au moins, son estomac était rempli. Et comme un bon repas est la première étape d’un bon somme, il se laissa glisser jusqu’au sol, tout racrapoté contre lui-même, et s’endormit presque aussitôt à côté de sa pierre gardienne…

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