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Vivement déconseillé aux âmes sensibles
Lydia tenta de rassurer Victoire, lui répondant que non, les habitants de Beauclair n'étaient sûrement pas morts de la sorte, ce qui en soit était une maigre consolation. L'archère souffla un instant, se renfonçant dans le matelas, semblant réfléchir sur la suite des événements.
Cela ne sembla pas lui prendre si longtemps que ça, car bientôt elle en vint avec un plan pour quitter le village en toute discrétion. Enfin... L'idée était de partir par l'une des trois issues qu'elle avait repérées en entrant, issues que bien entendu Victoire n'avait pas du tout remarquées. Elle prit bonne note que c'était en effet une bonne idée que de toujours faire attention à ce genre de détails à l'avenir. C'était quelque chose qu'on lui avait appris à l'escrime, mais pas dans un contexte aussi martial.
Les trois sorties paraissaient toutes aussi dangereuses les unes que les autres de l'avis de Victoire, aussi eut-elle eu bien du mal à prendre une décision, sinon en se fiant à son instinct et à la chance. Se fier à la chance ne semblait pas leur avoir beaucoup réussi ces temps-ci, ceci dit.
La suite était beaucoup moins agréable, du moins pour Victoire. Elle devrait sortir, faisant suffisamment de bruit pour qu'un retardataire de la troupe orque la repère et se jette vers elle. Les flèches de Lydia seraient alors censées mettre un terme définitif à la menace, les abattant depuis la distance. C'était extrêmement dangereux, mais Victoire accepta sans même y réfléchir. Jusqu'à présent Lydia avait pris presque tous les risques, les avaient menées jusque là, l'avait sauvé par deux fois d'une mort certaine et l'avait protégée. Victoire ne voulait pas être un fardeau, elle ne voulait pas être une enfant comme l'étaient nombre des nobles des villes. Elle avait du courage et de la volonté.
Elle se leva, évitant soigneusement de poser les pieds sur la tête du garçon, avant d'enfiler ses souliers. Sa cheville avait commencé à bien dégonfler, ce qui était une bonne chose au vu de la tâche à mener. Elle vérifia avec l'archère où celle-ci pouvait tirer, et avec quel angle. Une fois prête, elle se dirigea vers la porte, jetant un dernier coup d'œil à l'intérieur de la maison. Elle repéra un tison froid qu'elle alla saisir, au cas où. Un dernier regard vers Lydia, puis elle sortit.
Devant elle, un paysage de mort et de souffrance s'étendait. Des dizaines de corps frais et démembrés étaient empilés les uns sur les autres, laissées dans la ruelle pour nourrir les charognard. Rouge, la terre en était rouge, visqueuse, absorbant peu à peu les scories de ce nouveau massacre. Un coup de vent putride fit flotter un instant le bas de la robe de Victoire, qui dans son état aurait très bien pu se dissimuler parmi les cadavres sans que l'on la voit. Elle faisait véritablement un appât crédible.
Elle regarda vers la fenêtre, apercevant seulement le reflet froid du métal. C'était une vision rassurante, la seule qui s'offrait à la jeune fille qui avança. Elle fit d'abord attention à là où elle mettait les pieds, évitant les endroits trop rouge, mais bientôt elle se rendit compte qu'elle n'avait guère le choix.
Ainsi l'adolescente passa au milieu des corps, poussant parfois de son tison des membres plus arrachés que tranchés ou des intestins qui seraient bientôt le festin de roi des mouches et des corbeaux. Les chaines qui avaient servi à attacher les villageois par le cou n'avaient plus de raison d'être et reposaient à moitié sur le sol, à moitié sur les corps, le métal rougi et gluant.
Dans ce champ de mort l'enfant avança, telle une valkyrie cherchant une âme à ramener avec elle. Une fois éloignée de la maison, mais étant soigneusement restée dans la ligne de tir de Lydia, elle tenta de pousser un cri. Tenta, car celui-ci resta coincé dans sa gorge, incapable de sortir.
Elle recommença, plus fort cette fois-ci:
"Au-secours... Aidez moi... S'il vous plait! Quelqu'un!"