L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Mar 5 Avr 2011 16:58 
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Je n'ai pas fait de feu hier, me contentant des provisions d'Alnia qui arrivent à leur terme, si ce n'est les deux étranges fruits jaunes que je n'ai pas encore osé goûter. Ma nuit a été moins profonde que celle de la veille, je suis de nouveau seul sur des terres inconnues ; pourtant rien ni personne n'est venu me déranger.

Je ne m'attarde pas à mon lever et sans un regard pour la plaine qui s'éveille derrière moi je m'engage dans le sentier qui serpente doucettement vers les contreforts des Duchés des montagnes. Horace m'a dit de toujours marcher vers le nord si la piste venait à se diviser en plusieurs chemins et « vu tes grandes jambes » a-t-il notifié, je pourrais atteindre Amaranthe à la nuit tombée. Ce qui peut m'éviter des rencontres inamicales : le kendran m'a mis en garde contre les sektegs, de petites créatures vertes ou bleues qui peuplent les montagnes mais ne sortent souvent qu'à la nuit noire.

Celle-ci est loin pour le moment et le dénivelé qui va en s'augmentant ne ralentit point mon pas montagnard. Bien qu'habitué à voyager par monts et par vaux, c'est la première fois que je gravis une colline verdoyante ! La nature est en émoi et je peux admirer son renouveau sans une seule trace de neige. Mes bottes foulent un sol parsemé de petites fleurs multicolores, les arbres qui poussent alentour se parent de leur nouvelle robe de feuilles et bien que je ne puis la voir, j'entends parfois la faune qui vit par delà la sente, s'appelant et sûrement s'ébattant en cette période propre au libertinage animal.

Après quelques heures de marche, le layon se fait plus rocailleux et une bise se lève légèrement, apportant de longues traînées de brume. Un observateur s'interrogerait sur le sourire qui naît sur mon visage, tout randonneur serait dérangé, voir inquiété par ce changement d'atmosphère, mais ce temps incertain me donne l'impression de marcher vers mes terres, bien que je sais qu'il n'en est rien. Comme pour me rappeler que je suis sur un tout autre continent, le soleil ne cesse de réapparaître entre deux nuages, éclairant un décor au sol moussu et aux grands arbres serrés. Il me faut parfois user de mes quatre membres pour traverser quelques passages difficiles ou étroits, mais je ne ralentis pas ma marche, ne prenant pas la peine de m'arrêter lorsque l'astre solaire se trouve à son zénith.

(J'espère être sur la bonne voie...)

Comme me l'a souligné Horace, il n'est pas sûr des informations fournies et je me fourvoie peut-être en m'enfonçant toujours plus avant et plus haut vers le nord des Duchés. Pourtant je m'accroche à ce nouveau but : Amaranthe et le cousin Kenmare. Il faut qu'il sache quelque chose, l'emplacement du temple ou une autre piste. Je sais que je prendrais n'importe quelles révélations.

(Suis-je à ce point désespéré ?)

Une nouvelle fois le doute me traverse avec sa kyrielle de questions : ai-je fait le bon choix ? Est-ce la solution ? Mais que faire d'autre ? Lever une armée de mercenaires ? Je n'en ai guère les moyens. Me jeter tel quel au combat ? Mon père me l'a dit, c'est du suicide. Je suis un bon combattant, mais je sais qu'il me faut encore de l'entraînement. Et même si je trouve un puissant guerrier, est-ce que le Set des Glaces changera quelque chose ? Que sais-je d'Oaxaca ? Comment réduire à néant une entité et ses armées ?

(Arrête !)

Secouant la tête, je tente de chasser toutes ces questions sans réponse. Je ne dois pas me supplicier ainsi, cela ne sert à rien, il me faut garder le moral et l'espoir pour avoir la force de continuer, quoi que j'entreprenne. Pour empêcher mes divagations, je décide de débuter une méditation : tout en restant concentrer sur ma marche, je fais le vide dans mon esprit. A chaque fois qu'une pensée se présente je la renvoie d'où elle vient pour atteindre un calme et une transparence parfaite, qui laisse petit à petit entrer l'image de Yuia. Mon âme perd alors la notion du concret et s'entremêle de prières et de bénédictions. Puis le vide, au plus profond de moi, car mes sens restent en éveil.

C'est une forte lueur bleue qui m'accueille à mon retour. Il fait nuit mais le talisman polaire brille tellement que je m'arrête pour le saisir entre mes doigt, le flocon alterne entre une température glaciale et brûlante. Il semble qu'il ai réagi à mon recueillement car le calme que je ressent est immense comparé à ceux qui suivent habituellement mes absences contemplatives. Je suis comme dans du coton, détendu et sûr de moi. Le sourire que je ne peux retenir s'agrandit lorsque relevant la tête j'aperçois les lueurs d'un village à quelques distances d'où je me tiens et que j'espère bien être Amaranthe.

(((HRP : Personnage mis en pause, la route réelle m'appelle de nouveau !)))

(((HRP : Spécialiste des apparitions-disparitions, deux ans d'absence et Rurik est revenu titiller mon esprit... Une remise en route peut-être ?)))

>> Les ruelles de la ville d'Amaranthe

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Dernière édition par Rurik le Dim 21 Juil 2013 20:49, édité 3 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Sam 9 Avr 2011 17:49 
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Le château de Blanchefort fut rapidement derrière elle, alors que les sabots de Caelia heurtaient le sol dans un trot rapide. Le matin était calme, les paysans ayant tout juste commencé leur journée de récolte, continuant leur travail malgré toutes les difficultés que le duché affrontaient, aussi courageux que des soldats. Non, plus courageux même, rares étant les fermiers qui avaient déserté leur poste lorsque les choses avaient mal tourné.

Le coursier avait pris la tête de la chevauchée, avançant rapidement malgré son état de fatigue évident. Ce n'était pas une occupation facile que celle-là, devant toujours convoyer les information cruciales le plus rapidement possible. Il n'était pas rare qu'une nouvelle désagréable soit attribuée au messager, nombre d'entre eux trouvant une fin tragique simplement parce qu'ils avaient apporté le mauvais message.

Caelia tenait bien le rythme, ayant été habituée à des journées longues et difficile à Keresztur, sur des terrains bien plus accidentés que les routes reliant les duchés des montagnes à la cité blanche. Certes ils ne pouvaient se permettre d'emprunter les grands axes, les routes commerciales étant certainement surveillées par des espions, cependant le messager connaissait des chemins peu fréquentés mais très rapides.

Le sceau royal était très utile en cela, chaque ferme, chaque auberge, chaque maison se devant de fournir une monture à un coursier royal quand celui-ci en faisait la demande. Bien sûr, les chevaux étaient remboursés par la couronne, mais cela garantissait que même en-dehors des passages les plus commerciaux il serait toujours possible de changer de cheval.

Les deux cavaliers quittèrent rapidement le domaine ducal, laissant les montagnes loin derrière eux. Ils entrèrent dans les seigneuries du sud, un ensemble de nombreux domaines plus ou moins importants, constitué de divers vicomtés, baronnies et autres terres de chevaliers ou bannerets. Plus ils s'éloignaient de Beauclair, moins on risquait de reconnaître la duchesse, qui n'aurait alors l'air que d'une dame chevalier comme beaucoup d'autres.

Le soleil était déjà haut dans le ciel lorsqu'ils virent au loin la frontière sud, le domaine royal se trouvant bien plus au sud encore. Ce fut là que le coursier annonça à la jeune fille qu'ils étaient suivis depuis près d'une heure, par plusieurs cavaliers. Il n'en avait pas fait part à la duchesse avant d'être certain, mais à présent il en était sûr que ce n'était guère un hasard. L'adolescente n'avait pas été des plus discrètes dans le château, ayant interrogé l'homme dans le hall, étant parti avec lui de manière ouverte. Si des espions de Valorian s'étaient trouvés là, ils avaient peut-être pu entendre la conversation et avertir leurs pairs. Elle avait encore tant à apprendre...

La duchesse pressa d'autant plus Caelia, consciente qu'il faudrait mettre le plus de lieurs possibles entre eux et leurs poursuivants. Le coursier les dirigea vers des chemins plus étroits, passant par les bois au lieu des plaines. L'après midi atteignit rapidement son plein, le messager surveillant régulièrement la progression des poursuivants, ne semblant visiblement pas heureux de la situation. Il informa la jeune fille qu'il serait impossible d'atteindre la cité blanche avant la tombée de la nuit, si bien qu'il faudrait soit dormir dans les bois, soit chevaucher de nuit. Le problème de la deuxième solution était l'épuisement des chevaux, qui viendrait bien vite.

Tout à coup, alors qu'ils passaient entre deux hauts rochers, un sifflement se fit entendre, comme un oiseau que l'on imitait mal. Victoire porta aussitôt la main à son arc, encochant une flèche, à même la selle. Le messager jura, mentionnant la présence de brigands dans ces bois. Il avait été tellement occupé à distancer les ennemis qu'il en avait oublié les plus simples des précautions.

Il n'eut hélas pas le temps de proposer de solution de repli, une flèche fendant l'air, se plantant dans sa gorge dans un bruit flasque. Victoire estima aussitôt la trajectoire du projectile puis visa la source. Elle lâcha la corde, sa flèche partit et un cri se fit entendre un peu plus loin. La jeune fille attrapa la bourse de l'homme mort qui pendait mollement sur l'encolure de sa monture, tâchant le crin d'un rouge sombre.

D'un coup de talons, Victoire fit partir Caelia au galop. Elle essuya une volée de flèches, le buste plaqué contre la selle. Deux hommes jaillirent à de nombreux pas devant elle, armé d'une fronde pour l'un, d'un javelot pour l'autre. Victoire se redressa, une branche basse lui griffant le visage. Elle encocha une flèche, tira et blessa le frondeur à la taille. D'un coup sur les rênes elle força la jument à se décaler quand l'autre maraud lança son javelot. Caelia l'évita mais l'arme entailla la jambe de Victoire qui poussa un cri de douleur.

Elle ne ralentit pas sa course cependant, la monture piétinant l'homme blessé et forçant l'autre à se décaler tandis que d'autres projectiles se perdaient dans les arbres. Caelia trébucha un moment, ralentissant le galop sans s'arrêter pour autant. Victoire encocha une autre flèche, se retourna et tira sur les bandits, couvrant sa fuite. La chance voulut qu'aucun tir ne perce l'arrière-train de la jument ni le dos de l'adolescente. La jeune fille quitta les lieux du guet-apens, sans demander son reste, la poursuite n'étant pas donnée par les maraudeurs qui avait perdu au moins un de leurs hommes.

Sa jument boitait cependant, si bien qu'au bout d'une demi-heure de petit trot, la duchesse fut obligée de descendre de selle, gémissant alors que sa jambe blessée touchait le sol. Caelia semblait s'être entaillée le mollet avant-droit contre une racine, gardant la patte légèrement relevée. La jeune fille comprit bien vite qu'elle ne pourrait décemment plus semer les poursuivants de la sorte, maudissant ce fichu coursier et son manque de jugeote.

Sa cuisse droite avait été touchée, une entaille moyenne la longeant sur plusieurs bon centimètres. Seule la chair avait été ouverte, l'os n'étant résolument pas visible. Le messager lui avait dit qu'il y avait entre quatre et sept hommes tout au plus, peut-être moins si les brigands s'attaquaient aussi à eux. Si elle s'y prenait bien, elle pourrait peut-être les éliminer quand ils passeraient sur le chemin. Il lui faudrait viser à merveille, mais c'était le moins risqué, vu son état et celui de la jument.

Elle entraina donc Caelia vers la bordure du chemin avant de s'enfoncer un peu dans les bois. Elle l'attacha à une large branche basse, près d'une bonne touffe de fougère. Elle banda la blessure légère de la jument d'un morceau de tissu, avant de s'occuper de sa propre entaille. Un peu d'eau et un bandage improvisé firent l'affaire: elle aurait tout le temps de demander un pansement correct une fois au château, pour le moment elle n'avait guère le temps.

La duchesse se dirigea de nouveau vers la route, repérant un arbre haut et feuillu qui lui permettrait d'avoir une vue dégagée sur les arrivants. Elle avait pris soin d'effacer les traces de ces pas, comme le lui avait appris Lydia, avant de grimper du mieux qu'elle le put aux branches dures. Ce n'était pas évident avec sa jambe abimée, mais elle avait toujours une bonne demi-heure d'avance, prenant son temps plutôt que de se précipiter.

Elle parvint ainsi à atteindre une hauteur acceptable ainsi qu'une branche solide. Elle n'était équipée que de son arc, d'une douzaine de flèches et de son épée, qui pendait à la ceinture. L'écu et le reste des affaires était resté avec Caelia, un peu plus loin. La jeune fille avait une bonne vue, non seulement sur le chemin de terre, mais aussi sur sa jument.

Ne restait plus qu'à attendre l'ennemi...

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Dim 10 Avr 2011 01:26 
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La jeune fille était adossée au tronc de l'arbre, abritée du vent et des regards par la cape que lui avait offert Lydia. Elle avait fait attention à la façon dont elle avait posé sa jambe blessée, pour être sûre que le sang ne coulerait pas sur le sol, ce qui n'aurait pas manquer de donner sa position. L'arc prêt, le carquois suspendu sur une autre branche, juste à portée de la main, elle attendait.

Il fallut encore une bonne demi heure pour que le son des chevaux ne se fasse entendre: un son étouffé, les cavaliers ayant pris soin d'entouré de tissu les sabots de leurs montures. Ce n'étaient probablement pas des incapables. Victoire, silencieuse comme la mort, encocha une flèche et plaça lentement son arme en position. Cinq hommes à cheval apparurent bientôt, visiblement pressés.

Ils s'arrêtèrent à l'endroit où Victoire avait quitté le chemin pour s'enfoncer dans les bois. Ils auraient pu continuer, mais non, il ne leur avait fallu qu'un instant pour repérer le changement de direction de la jeune fille. Heureusement qu'elle ne s'était pas faite rattraper en pleine nuit, ce qui l'aurait mise en bien délicate position.

Les hommes se dirigèrent vers elle, deux d'entre eux passant d'abord, puis un troisième et enfin les deux derniers. Elle avait du mal à voir les armes qu'ils portaient, ni leurs visages. Ceci dit, elle avait tout l'espace nécessaire pour armer un tir. Les arbres nuiraient à la précision mais l'aideraient grandement à reste dissimulée, à l'abri d'une quelconque réplique. Elle devrait juste s'assurer qu'aucun ne pourrait rebrousser chemin, sans quoi elle perdrait son avantage et risquerait de voir venir des renforts.

Elle garda sa position, respirant doucement, ne faisant qu'un avec le bois de son arme. Elle observa les hommes, leurs gestes, perceptibles malgré la distance. L'un d'entre eux semblait faire des signes à ses compagnons, concentré sur le sol et les fourrées, alors que les autres semblaient surtout regarder autour d'eux. Cela trahit le rôle de l'homme, probablement pisteur ou chasseur, quelqu'un sachant lire le terrain. Si elle voyait juste, c'était lui qui avait permis aux autres de les traquer aussi aisément, malgré les précautions de feu le messager.

Ce fut donc lui qu'elle mit en joue, le regard entre la flèche et son corps, le suivant à chaque pas. Il lui faudrait être précise, le tuer net, pour être sûre que les autres soient déstabilisés. Si elle ratait, c'était celui qui avait le plus de chance de la repérer. Si elle avait vu juste bien entendu.

La corde se tendit, faisant subrepticement crisser l'if. Elle prit son temps, respirant lentement, suivant sa cible des yeux, concentrée sur la trajectoire de la flèche. Il n'était plus question de tuer des poursuivants, ni de fuir pour aller rejoindre le roi. Non, c'était elle qui tenait l'arc et qui chassait, sa proie étant droit devant elle, à cent pas. Elle repéra une ouverture, entre deux arbres. Elle n'aurait qu'une fraction de seconde, le temps que l'homme soit à découvert, mais il serait impossible de la repérer.

Elle visa, attendant que le pisteur soit dans sa ligne de tir, avant de finalement lâcher la corde. Le projectile siffla dans les airs, frôlant les branches d'un chêne, se faufilant entre des feuilles avant de passer dans un petit interstice entre les deux arbres. L'homme poussa un cri bref, avant de tomber de cheval dans un bruit de feuilles écrasées. Son cheval hennit, des oiseaux s'envolèrent et les quatre autres soldats se mirent à couvert.

Victoire ne savait pas si l'homme était mort, ayant à peine observé l'impact. Une autre flèche s'encocha à son arc, alors qu'elle reprenait l'exercice de visée. Elle avait tiré pour tuer, pour la troisième fois en quelques jours, pour la troisième fois en toute une vie. Tuer quelqu'un d'une flèche était moins personnel qu'à l'épée cependant, ne déchainant en elle presque aucune émotion. L'homme, tout comme le brigand qui s'était fait piétiner par Caelia, en voulait à sa vie. Ce n'était pas comme la triste exécution de son frère, à qui elle avait à moitié tranché la tête. Non, là c'était à la guerre qu'ils étaient tombés.

Un des hommes tenta de partir, lançant son cheval au galop pour quitter les bois, très certainement pour aller chercher de l'aide ou prévenir de la situation. Victoire le suivit du regard, visant et tirant une nouvelle fois. Toucher l'homme aurait été impossible, aussi se concentra t-elle sur le cheval qui chuta à l'impact, entrainant avec lui le cavalier. Ni l'homme ni la monture ne se relevèrent.

Elle reporta son attention sur les trois derniers. Ceux-ci étaient descendus de selle, se dirigeant vaguement dans sa direction, se cachant d'arbres en arbres, un par un. Ils étaient organisés, preuve que ce n'étaient pas là de simples brigands, mais bien des soldats ou des mercenaires.

Victoire n'avait probablement pas été repérée, les hommes ne se plaçant pas toujours hors de sa portée. Elle arma de nouveau un tir, prenant pour cible celui qui était le plus éloigné des deux autres, caché à présent derrière un hêtre. Lorsqu'il quitta l'abri, la jeune fille anticipa son mouvement, tirant un nouveau projectile. La flèche fut déviée dans les derniers mètres par des branchages qu'elle n'avait pas vus, manquant de beaucoup sa cible. L'homme en question s'accroupit, continuant sa course en se protégeant mieux des tirs potentiels.

Le manège recommença, mais elle changea de cible, tirant sur l'homme du milieu alors que celui-ci n'était pas suffisamment dissimulé. La flèche le planta dans la jambe, le faisant tomber sur le sol. Victoire l'acheva d'un second projectile, le clouant sur place. Elle entendit alors un sifflement, un trait manquant de peu son arbre. L'un des ennemis, celui qu'elle avait raté, l'avait repérée, indiquant à son comparse où elle se trouvait.

Les guerriers cessèrent d'avancer, ayant bien compris que dans leur position, ils avaient un désavantage. Ils allaient probablement attendre là que la jeune fille ne vide son carquois ou n'ait besoin de rations ou tombe de sommeil. C'est en tout cas ce qu'elle aurait fait dans pareille situation. Si elle essayait de descendre, ils n'auraient qu'à gentiment l'abattre depuis leur cachette.

Il lui restait sept flèches, ce qui était bien suffisant s'ils se montraient, mais ce n'était pas beaucoup pour autant. Par précaution, elle garda l'arme devant elle, prête à tirer si l'un d'entre eux commettait une erreur. Un peu plus loin elle aperçut leurs chevaux s'éloigner quelque peu, probablement effrayés par les combats.

La suite fut une longue et pénible attente. Elle, contre son chênes, toujours dissimulée. Eux, derrière leurs arbres, n'osant sortir de peur de se faire flécher. Elle n'aurait su dire si une heure avait passé, ou même deux, son dos commençant à lui faire mal. La maille n'était pas adaptée à ce genre de jeux et sa jambe la faisait souffrir de plus en plus. A ce rythme là elle perdrait, il lui faudrait une stratégie adaptée.

Lentement elle posa son arc puis se défit de sa cape, avec une langueur calculée, bien appuyée sur la branche pour être sûre qu'aucun projectile ne puisse l'atteindre. Elle dégagea ensuite le fourreau de son épée, enroulant celui-ci dans le tissu sombre, avant de reprendre son arc en main. Elle n'aurait qu'une seule chance pour mettre en action son idée, mais cela avait toutes ses chances de fonctionner. Si elle était suffisamment efficace.

Elle lança son arme vers un arbre voisin, le poids de l'objet cassant de petites branches de bois mort. Elle poussa alors un cri, le plus proche possible de celui qu'elle aurait pu émettre si elle était tombée de l'arbre, tout en encochant une flèche. Elle tira avant que la cape n'atteigne le sol, fixant cette dernière au tronc de l'arbre, la laissant pendre mollement.

De là où elle était elle apercevait seulement le tissu, qui bougeait sous le grée du vent léger. Elle encocha un autre trait, reprenant la position qu'elle avait depuis le début, totalement immobile. Elle était beaucoup moins discrète sans sa cape, mais on ne la repérerait pas à cinquante pas pour autant, pas sans mouvement brusque.

Il ne lui fallut pas attendre longtemps pour que l'un des soldats ne regarde dans la direction de l'appât. Il sortit doucement de son abri, accroupi, l'autre gaillard restant derrière son arbre pour le moment. Il se rapprocha de la même manière que précédemment. Victoire n'eut guère le choix, il remarquerait bientôt la supercherie et elle aurait deux ennemis contre elle. Elle arma son tir, prit son temps, avant de lâcher la corde de son arc.

L'homme fut touché à l'aine, tombant sur le côté en hurlant. Elle arma un deuxième tir, mais retint celui-ci au dernier moment. Le soldat criait toujours, se tortillant sur le sol. Si elle le laissait ainsi, agonisant de manière cruelle, l'autre homme finirait soit par regarder, soit par être terrorisé. Elle le laissa donc se vider lentement de son sang, rampant tel un animal blessé, s'égosillant de moins en moins fort.

Le son était abominable, Victoire voulant se boucher les oreilles, mais c'était le seul moyen qu'elle avait pour faire sortir le dernier homme de sa cachette. Elle ne fut pas déçue, voyant finalement un linge blanc s'agiter derrière l'arbre, avant que le soldat ne se mette à découvert, jetant son arme au sol. Il écarta les mains, en signe de reddition.

La duchesse s'était attendu à beaucoup de choses, mais pas à cela. Elle ne pouvait hélas pas prendre de prisonnier, pas en étant seule. Si elle laissait l'homme partir, il pourrait se remettre en chasse dès qu'elle aurait le dos tourné. Même si elle l'attachait dans les bois, ce serait un risque pour elle. L'homme blessé continuait de gémir, perturbant sa réflexion difficile de sa terrible agonie

Le soldat désarmé se rapprocha, les mains toujours écartées, la cherchant des yeux. Il ne mettrait plus longtemps à la repérer. Pourrait-elle l'abattre lorsque l'homme serait devant elle, sans arme, la regardant et la suppliant? Sa mâchoire se crispa, tandis que des doutes l'assaillaient. Non, elle ne pouvait pas le laisser en vie. Elle devait rejoindre la cité blanche au plus vite, elle devait sauver son duché de la menace de Tristan. Est-ce qu'on avait fait des quartiers pour les hommes de son père?

Retenant son souffle, elle arma son arc et tira, la flèche fendant le crâne de l'homme dans un craquement sinistre. Il n'aura jamais su ce qu'il s'était passé. Une autre flèche acheva le blessé, les cris de celui-ci laissant place à un silence de plomb. Victoire était seule, sur son arbre, cinq morts sur la conscience. Cinq vies qu'elle avait arrachées pendant ce douloureux combat. Les cris de l'homme agonisant résonnaient toujours à ses oreilles, un sentiment de malaise et de honte la saisissant.

Le cœur et les épaules lourds, elle descendit de son perchoir, récupéra cape et épée puis se dirigea vers l'une des montures des hommes qui n'était pas parti trop loin. Elle ne prit pas la peine de chercher ses flèches fichées dans les cadavres encore frais.

L'animal la regarda de ses grands yeux, sans tenter de s'enfuir. Victoire saisit les rênes, flattant l'encolure du hongre, calmant le cheval du mieux qu'elle le put. Il n'était en effet pas question de monter Caelia qui était blessée, ni de continuer le chemin à pied, ce qui aurait rallongé le trajet d'au moins une journée.

Elle monta en selle, se dirigeant ensuite vers sa propre jument qu'elle détacha, accrochant les rênes à la selle du hongre. Après avoir jeté un dernier regard aux corps des hommes, destinés à pourrir là sans la moindre sépulture, elle prit le chemin de la cité blanche, au rythme de Caelia qui ne pouvait avancer qu'au pas.

Le soir tomba assez vite, l'obligeant à trouver un abri pour la nuit. Elle ne fit pas de feu, se contentant de manger de la viande séchée qu'elle avait trouvée dans les sacoches du hongre. Elle parfit aussi son pansement, avant de s'accorder un somme de quelques heures, comptant sur les chevaux pour réagir s'il y avait du danger.

Elle repensa à ce même cheminement, lorsqu'elle avait du rejoindre cette même ville, là encore par des chemins perdus. A l'époque Lydia avait été avec elle. A l'époque elle était faible. C'eut été deux mois auparavant, elle n'aurait jamais trouvé le sommeil, seule dans le sous-bois, offerte à la nuit forestière. Elle soupira en se remémorant l'événement du serpent, contemplant la cicatrice à son avant-bras, qu'elle parvenait tout juste à deviner sous les rayons de la lune.

Au fond la vie était plus simple loin du château, loin des documents à parapher et des inventaires à tenir. Elle finit par s'endormir, le sommeil dérangé par des rêves douloureux, le cri de l'homme qu'elle avait laissé agoniser la hantant une bonne partie de la nuit.

Victoire finit par se lever bien avant le lever du soleil, les yeux encore engourdis par la nuit trop courte. Caelia boitait moins, ce qui était bon signe, aussi put-elle presser le pas. C'est avant midi qu'elle rejoignit la cité blanche, la beauté de la ville lui échappant cette fois-ci, seul comptant le besoin de se dépêcher pour rejoindre le quartier général de la milice, l'endroit où le rendez-vous avait été donné.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Lun 11 Avr 2011 21:06 
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Lune marche désormais au pas, sur les routes rocheuses et escarpées des montagnes. Sur les premiers kilomètres, je reste sur son dos, mais bien vite, je suis forcé de descendre pour le mener à la bride, jaugeant chaque pierre pour vérifier sa stabilité. Notre vitesse s’en retrouve forcément réduite, et notre moral tombe en lambeaux assez vite. Lune n’aime pas la montagne, et je le sais. Mon étalon préfère nettement les plaines aérées où il peut piquer des pointes de vitesse au grand galop, sous le vent puissant qui accélère sa course et le rend ivre de liberté. Moi, c’est le fait de porter cette arme maudite à mon côté qui me rend morose et maussade. La volonté de m’en débarrasser s’est émoussée comme une lame sur de la pierre. Je sens son pouvoir sur moi, son emprise sur mon libre arbitre. Et loin de me rassurer, cette prise de conscience m’abat encore plus.

Sans un mot, d’humeur morne, je marche dans ces monts rocheux aux trop rares facilités. Pentes ascendantes et crevasses profondes deviennent vite les points noirs de notre avancée. Les premières pour l’effort que nous devons mettre pour les escalader et les passer, et les secondes pour le danger omniprésent qu’elles représentent, demandant sans cesse la plus grande attention, afin de ne pas y choir lamentablement.

Inlassablement, nous suivons une route effacée, qui fait plus figure de piste montagnarde que de voie réellement construite. Et à la fin de la journée, alors que le crépuscule dévore les cieux, nous arrivons en bordure d’un premier village des montagnes, dont j’ignore jusqu’au nom…

La pente s’est calmée, et c’est sur le dos de Lune que je pénètre dans ce village montagnard…

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Lun 18 Avr 2011 00:14 
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Victoire ouvrit la porte du relais, entrant dans une bourrasque de vent, trempée des pieds à la tête. Elle referma la porte derrière elle d'un grand coup sec, avant d'enfin s'autoriser à souffler. La pluie avait commencé à tomber bien deux heures plus tôt, alors qu'elle était loin de tout, au nord des terres de Kendra Kâr. Elle avait préféré continuer jusqu'à trouver un abri et le relais s'était révélé être la meilleure opportunité qu'elle avait trouvée.

Elle essora sa cape sur le sol en bois, sous le regard des quelques personnes présentes dans la petite salle commune. Le tenancier lui jeta un regard peu avenant. Les autres avaient l'ait de marchands pour deux d'entre eux, de criminels pour trois autres et d'un pèlerin pour le dernier. Au moins personne ne la reconnaîtrait en cet instant. Elle s'approcha de l'aubergiste:

"Une chambre, et du foin pour mon cheval."

L'homme resta de marbre. Il était plutôt bien bâti et devait avoir une quarantaine de printemps. Son crâne était rasé et sa barbe tressée, si bien qu'il ressemblait davantage à un barbare qu'à un tenancier d'établissement. Le large tablier et la bourse remplie à la ceinture ne trompaient pas sur sa profession cependant. Voyant que le maître des lieux ne répondaient pas, elle reprit:

"Vous m'avez comprise?
-Oui.
-Et bien?
-Plus de chambre. Plus de foin. Tu peux dormir sur le sol, gamine."

Un sourire narquois s'était greffé sur son visage. Victoire n'avait besoin que de ça, d'un aubergiste qui la prenne de haut parce qu'elle n'avait que seize ans. Elle avait déjà dirigé des hommes et même un duché, le temps de quelque jours, mais un simple tenancier lui cherchait des ennuis. Elle n'était pas d'humeur à jouer à ce genre de jeu. L'homme voyait bien qu'elle portait des armes de chevalier, il n'était pas aveugle, il cherchait simplement à l'humilier.

Elle porta la main à sa bourse, ou plutôt à celle du messager qu'elle avait oublié de rendre au conseiller royal, avant le passage des portes du temps. Elle trouva le sceau royal, qui prouvait qu'elle était un coursier de Solennel VI. Elle n'avait pas ramassé, ou plutôt sauvé, la bourse pour cela, mais à présent ça lui était utile. Elle l'agita donc devant le nez de l'aubergiste qui perdit quelque peu de sa contenance.

Victoire reprit donc:

"Une chambre, et du foin pour mon cheval.
-Très bien, très bien. Tiens, c'est la clef de la première chambre sur la droite. C'est lequel ton cheval?
-Une jument grise. Elle appartient aux écuries royales."

L'homme maugréa, laissant la clef dans la main de Victoire. Avant de franchir la porte, il se retourna cependant, observant la jeune fille des pieds à la tête. Il grimaça une nouvelle fois, puis lui demanda où était donc son message, car lui ne voyait aucun parchemin ni aucun étui. Sans réfléchir elle pointa ses lèvres du doigt.

"Tâche de pas te faire couper la langue alors..."

Sur ces douces paroles il sortit affronter la tempête pour nourrir Caelia.

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MessagePosté: Lun 18 Avr 2011 16:54 
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La chambre était exiguë au possible, mais cela ferait l'affaire. Elle avait à présent l'habitude de dormir à la belle étoile, alors ce n'était pas une paillasse mal tressée qui allait l'ennuyer. Elle ôta sa cape pour l'essorer et la secouer, avant de l'étendre sur une chaise au dossier bien abimé. Elle n'ôta pas encore sa maille ni son pourpoint cependant, par mesure de précaution.

Elle ne resta pas plus longtemps dans la petite pièce, qu'elle referma à clef, bien que un ou deux coups de pieds auraient certainement eu raison de la porte légère. Elle rejoignit la pièce commune, illuminée par un feu de cheminée qui était bienvenu. Elle s'en approcha, les mains en avant, laissant la chaleur lentement parcourir ses doigts et ses bras. Elle resta un instant, ainsi immobile, sans prêter attention aux autres personnes qui étaient présentes.

Une fois à peu près réchauffée elle alla s'asseoir à la dernière table de libre. Le tenancier, une fois rentré, lui demanda si elle voulait du gruau ou plutôt de la soupe. Après le repas de la veille, cela avait vraiment l'air d'une mauvaise plaisanterie, mais là encore elle devait faire des sacrifices. Et puis, c'était toujours moins mauvais qu'un cœur de lapin cru.

Alors qu'elle finissait de manger son gruau, sans avoir prêté attention aux discussions des autres personnages, elle vit le religieux se lever et se rapprocher de la table des marchands. Il était aveugle d'après ce que la jeune fille put constater, s'aidant d'un vieux bâton à l'embout forgé pour se guider. Son âge semblait avancé, à en juger par ses cheveux grisonnants et emmêlés. Elle ne reconnut pas son culte cependant: l'homme portait une robe, ou peut une aube de couleur blanche ainsi qu'une cape d'un vert clair.

Il se dirigea d'abord vers les marchands, la main tendue, leur demandant quelques pièces de monnaie. Aucun ne lui répondit, de même que les mercenaires qui continuèrent de discuter entre eux. Finalement il se rapprocha de Victoire, qui n'avait guère envie de devoir parler avec un ecclésiastique.

"Une petite pièce pour Rana?"

De près l'homme ne semblait pas si vieux que cela, son visage était assez peu marqué, mis à part ses yeux au blanc laiteux. Il ne sentait pas mauvais non plus, comme on aurait pu s'y attendre, si bien que Victoire perdit de son agacement naissant. Il s'agissait à priori d'un ranaïste et c'était bien la première fois que la jeune fille en croisait un.

"Que me donnerez-vous en échange?"

Elle n'aimait pas la mendicité. Donner de l'argent à un mendiant revenait à l'inciter à rester mendiant, à ne pas travailler puisqu'il pouvait se nourrir sans le faire. C'était en tout cas ce que lui avait appris son précepteur, qu'aider quelqu'un une fois ne l'aiderait certainement pas sur le long terme. La charité était souvent un moyen de se libérer de la culpabilité ou du poids de ses propres pêchés, non d'aider celui qui était dans le besoin. Elle comprenait malgré tout que certains hommes, pour des questions religieuses, renonçaient à la richesse et aux possessions terrestres. Elle n'avait pas à en faire les frais, cependant.

"Je vous apporterai la bénédiction de Rana.
-C'est bien aimable, mais cela vous aidera vous. Vous faîtes partie de son culte, ce qui veut dire que c'est votre mission que de propager sa parole et sa bénédiction. Ce n'est donc pas quelque chose que vous me donnerez, mais un acte qui vous apportera."

L'homme ne sembla pas prendre la remarque à cœur. Il sourit juste, puis, désignant une chaise libre à la table de la jeune fille, lui demanda s'il pouvait s'asseoir. Intriguée par sa réaction, elle accepta, le regardant se poser calmement, mettant les mains à plat sur la table de bois graisseux. Il sembla l'observer alors, malgré l'absence de ses deux yeux.

"Vous ne pensez pas, jeune fille, que Rana peut vous apporter ce que vous désirez?
-Je ne suis pas quelqu'un de très religieux je suppose, monsieur le prêtre.
-Pourquoi cela?
-Je n'ai pas très envie d'en discuter."

Elle n'avait pas envie de parler de son passé avec un illustre inconnu. Elle se souvenait, lorsqu'elle avait renié les dieux, à genoux près du moulin. Ils ne l'avaient probablement pas entendue cette nuit là, tout comme ils n'avaient pas entendu le cri de sa mère qui agonisait dans son lit, éventrée. La pluie n'avait pas cessé au dehors, toujours plus violente, tout comme le vent qui s'était changé en tempête. Elle espérait que l'aurore serait plus clémente, sinon elle ignorait comment elle allait faire pour rejoindre Valorian rapidement.

Interrompant ses pensées, l’ecclésiastique lui demanda:

"Vous pensez que les dieux vous ont trahie?
-Beaucoup de monde m'a trahie, les dieux ne font pas exception.
-C'est ce que disent beaucoup. Ils pensent que les faiblesses humaines, que les événements qu'ils ont vécus sont la faute des dieux. Que ceux-ci n'ont su les protéger. Certains au contraire se tournent vers leur temple quand ils vivent des événements tragiques. Dans tous les cas, ce sont toujours vers les dieux que les pensées et les âmes se dirigent.
-Vous avez probablement raison. Et j'imagine que vous êtes là pour que le plus possible de ces âmes brisées se tournent vers Rana et lui vouent un culte."

L'homme sourit une nouvelle fois, à la manière d'un grand père qui entendait les inepties de sa petite fille. Elle avait peut-être été un peu fort en effet, mais au fond, c'était ce qu'elle pensait. Les temples et les cultes étaient l'affaire des hommes, pas celle des dieux, qui n'avaient que peu d'intérêt dans la vie mortelle. Ce n'était de toute manière pas une discussion qu'elle souhaitait avoir maintenant.

Résignée, elle ouvrit sa bourse et en saisit quelques yus, qu'elle plaça sans compter sur la table, devant l'homme. Celui-ci posa la main dessus, faisant les comptes pièce par pièce, les yeux toujours dans la direction de l'adolescente.

"C'est beaucoup d'argent, beaucoup trop pour un simple missionnaire comme moi. Mais soit, j'accepterai votre cadeau et vous en remercie."


Il plaça alors sa main au niveau du visage de la jeune fille, puis murmura quelques psaumes qu'elle ne comprit pas, probablement dans la langue d'Oranan, le centre du culte. Le missionnaire partit ensuite vers le petit couloir et regagna sa chambre. Victoire n'y prêta pas plus d'attention que cela, retournant elle aussi aussi dans sa chambre.

Fermant bien la porte à clef, la bloquant même d'une chaise, elle enleva la maille et le pourpoint. L'épée à portée de la main, elle alla finalement se coucher, fatiguée de sa journée.

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MessagePosté: Lun 18 Avr 2011 20:45 
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Les volets claquaient, le vent grondait et les cieux se déchaînaient dans une tempête violente et irascible. Victoire se réveillait par intermittence, ses rêves ayant repris de plus belle. Ses cris n'étaient cette fois pas entendus, noyés sous le torrentiel déluge. Elle entendait malgré tout le grincement de ces insectes, sa peau qui se décollait et qui se faisait malaxer alors qu'on la dévorait vive. Cette fois encore elle entendit ce lugubre grognement qui lui signifiait qu'elle était un messager du chaos, un monstre qu'il fallait dévorer. Que sa cervelle devait pourrir, que ses muscles devaient se putréfier, que son cœur devait se décomposer et que sa chair devait se rancir.

Elle essayait de les chasser, mais elle était impuissante, prisonnière de la lourde étreinte du sommeil, du voile opaque des limbes. Quand par moment elle reprenait conscience elle essayait de se lever, de se contrôler, mais ses paupières se refermaient dans un souffle, irrémédiablement. Elle était impuissante, ne pouvant que hurler.

Une douleur violente la prit au niveau du visage, puis une seconde. Elle essaya de bouger, alors que tout autour d'elle le monde tremblait. Finalement elle ressentit quelque chose de glacé lui percuter le corps, la réveillant sur le champ. Elle mit un moment avant de se rendre compte de ce qu'il se passait. Une silhouette massive était tout près d'elle et la tenait par les épaules, une autre un peu plus loin semblait porter un seau.

Elle secoua la tête pour reprendre ses esprits, sentant encore la douleur au niveau de ses joues. L'homme qui la tenait et qui l'avait sûrement claquée était le tenancier, elle le reconnut. La porte était ouverte et dans l'embrasure se tenait une femme bientôt fanée. C'est elle qui tenait le seau d'eau qui avait fini par la réveiller.

La jeune fille se redressa, lentement. Elle rabattit les couvertures quand elle se rendit compte que son tricot de nuit était à moitié enlevé. L'aubergiste la lâcha, se reculant un peu avant de prendre la parole:

"Je serais toi, c'est pas de ça que j'm'inquiéterais. Le padré, il a prit tes affaires et ton cheval et il a tué tous les autres. Un véritable sheitan!"

Victoire regarda autour d'elle. Il y avait en effet des traces rouges, notamment près de la fenêtre qui était ouverte et dont les volets claquaient avec force. Elle se releva, cherchant son épée, qui avait malheureusement disparu, tout comme le reste de ses affaires. Seule la maille était encore là, sûrement trop encombrante pour le voleur. La porte avait volé en éclat, des traces de sang encore dessus. Elle avait encore du mal à comprendre, tout était confus dans son esprit embrumé.

Elle ne mit pas longtemps à redevenir soupçonneuse cependant. Le missionnaire en question était aveugle et elle le voyait mal réaliser pareil forfait. L'aubergiste en revanche... Mais pourquoi l'aurait-il réveillé elle, alors qu'en plus elle était en plein cauchemar?

"Que s'est-il passé. Depuis le début.
-J'l'ai entendu. Il s'est levé dans la nuit. Il a tué les marchands et les mercenaires. J'ai pas osé descendre. Je t'ai entendu hurler après et j'ai cru qu'il t'avait tué aussi. Mais il est parti et toi tu continuais de crier. Cru qu'il t'avait maudite, ou empoisonnée.

Victoire se releva, saisissant aussitôt sa cotte de maille qu'elle enfila. Le métal froid contre ses bras nus lui fit mal, comme si elle s'était encore arraché la peau dans son sommeil. Désarmée, elle sortit de la chambre, repérant immédiatement que les autres portes avaient en effet été défoncées. Le vent soufflait toujours aussi fort au-dehors, ce qui donnait vraiment un air lugubre, presque malsain au relais.

Elle prit le bougeoir qu'avait posé la tenancière sur une table de nuit, avant de se diriger vers la première chambre. Elle ne put réfréner un hoquet de surprise en apercevant trois hommes, le corps lacéré, baignant dans leur sang. Instinctivement elle porta la main à sa bouche, pour se retenir de vomir.

La jeune fille repéra une épée, posée dans son fourreau contre l'une des parois. Ainsi, s'il s'agissait vraiment du prêtre, il avait uniquement pris ses affaires à elle. Peut-être était-ce parce qu'elle lui avait donné quelque chose la veille, contrairement aux hommes morts à présent. Dans tous les cas, elle avait un mal certain à trouver un sens à tout cela. Elle saisit l'épée ainsi qu'une petite arbalète, posée près de l'oreiller de l'un des types.

En voyant les blessures de plus près, elle ne put s'empêcher de frémir d'horreur. Ce n'étaient pas une lame qui avait agi. Non, les blessures étaient nombreuses et dispersées sur tout le corps, principalement au niveau du ventre qui était à vif. Cela ne put que lui rappeler son propre rêve et la terrorisa.

Elle ressortit presque en courant de la pièce, le visage livide. Elle n'avait hélas pas le temps que cela passe. Si l'homme avait vraiment pris Caelia, il lui fallait le retrouver au plus vite. Il possédait de plus ses armes et sa bourse, sans lesquelles elle ne pouvait tout simplement pas se rendre à Valorian. Elle aurait donné beaucoup pour simplement s'enfuir et partir vers le nord, mais elle n'avait guère le choix. Elle devait donner la poursuite à cette chose qui avait pris la forme d'un prêtre, à cette créature immonde.

Ce n'était ni par grandeur d'âme, ni par courage pour sauver des victimes potentielles. Non, simplement parce qu'elle en avait besoin. Une idée saugrenue la prit alors... S'il ne l'avait pas tuée, peut-être voulait-il qu'elle le poursuive, dans la nuit noire et sous la tempête? Il avait bien pris ses affaires à elle, mais pas celles des mercenaires. Cela ne la réjouissait vraiment pas.

Elle repassa dans sa chambre, prit sa couverture pour se protéger des averses et sortit par la porte principale, aussitôt accueillie par la pluie démentielle.

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MessagePosté: Mar 19 Avr 2011 20:18 
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La jeune fille se figea devant l'écurie. Caelia avait en effet disparu, mais trois autres chevaux gisaient sur le sol, éventrés et baignant dans leur propre sang. Victoire se demanda quel esprit malade pouvait agir de la sorte, le ventre retournée par l'horrible vision. Une des montures frémit, toujours vivante malgré la douloureuse agonie. L'adolescente se rapprocha de la pauvre bête. Ses pieds nus baignaient dans le sang, mais elle ne glissa pas. Elle s'accroupit et posa une main sur l'encolure de l'animal encore vivant qui gémit péniblement.

La jeune fille murmura quelques mots, avant de se relever et de planter sa nouvelle lame dans le crâne du hongre. Elle n'avait pas le temps de se lamenter sur son sort, ni sur celui des chevaux ceci dit. Le missionnaire fou était parti à cheval et plus le temps passait, plus le rattraper se faisait difficile.

Elle retrouva assez aisément la trace de Caelia. Elle avait appris à reconnaître l'empreinte de ses fers ainsi que la taille de ses sabots. De plus, elle avait elle aussi marché dans le sang, ce qui était encore repérable sur le sol. Plus pour très longtemps, certes. Victoire suivit les empreintes tout en se protégeant du vent toujours plus violent et rageur. Ses pieds s'enfonçaient dans la terre et dans la boue, mais elle n'avait guère le temps de penser à ce détail.

Elle se rendit vite compte que les traces de Caelia ne menaient pas vers la route, mais au contraire vers les bois voisins. Ce n'était là encore pas logique, car s'il avait voulu distancer qui que ce soit, partir sur une route pavé aurait été bien plus rapide. Mais non, il s'était dirigé à cheval vers la forêt.

L'adolescente ne traina pas et se rapprocha des clôtures de bois qui entouraient le relais, pour celles qui étaient toujours debout. D'après l'espacement des empreintes, l'homme avait du partir au trot, malgré le déchaînement des éléments. Elle se demandait toujours comment il faisait pour se repérer avec ses yeux morts, maintenant qu'elle était pratiquement sûre qu'il ne s'était pas agi là d'une feinte des tenanciers.

Lancée à la poursuite du dément elle quitta le maigre abris du relais pour s'enfoncer dans l'orée du bois, toujours cinglée par la pluie. Sa peau nue ripait contre des pierres et des ronces, si bien qu'elle dut bientôt découper la couverture et enrouler des morceaux de tissu autour de ses pieds. Les bourrasques en profitèrent pour s'échouer d'autant plus violemment sur son visage de nouveau vulnérable. Par chance, les arbres s'attelèrent bientôt à briser les charges du déluge, ne serait-ce qu'un peu, en échange d'une pénombre bien plus dense.

Elle continua son périple, suivant tant bien que mal la piste de Caelia et de son cruel cavalier. La jument avait très vite ralenti la cadence, elle en était persuadée. Elle parvint même au bout de plusieurs dizaines de minutes à regagner du terrain. Il fallait dire que de se faufiler entre les ronces et les arbustes ou encore d'escalader des arbres renversés et de vieilles souches était plus facile à pied que monté.

Plus elle avançait, plus les lieux devenaient difficiles d'accès, opaques. Il lui fallait beaucoup de concentration pour suivre la trace de l'homme. Tout l'entrainement que lui avait offert Lydia était mis à profit en cet instant, car sinon elle se serait perdue mille fois. Elle était perdue, bien entendu, mais au moins elle arrivait à suivre le prêtre sanguinaire.

A plusieurs reprises elle eut l'impression de voir des formes se mouvoir dans la nuit sombre. Entre deux éclairs, les silhouettes semblaient se rapprocher, mais jamais suffisamment pour qu'elle ne les aperçoive clairement. Son épée était au clair, mais elle doutait que c'était ce qui retenait d'éventuelles créatures. Éventuelles, car rien n'était sûr, dans cette jungle inextricable.

C'est alors qu'elle commençait à perdre totalement espoir qu'elle déboucha sur une clairière. Un éclair éclata comme pour l'accueillir, lui révélant un grand bâtiment de pierre qui semblait abandonné depuis des lustres. Sa jument était devant l'entrée, attachée et debout. Elle eut envie de se précipiter vers elle, mais quelque chose ne tournait vraiment pas comme cela devrait.

Lentement, l'arbalète dans une main et l'épée dans l'autre, elle s'approcha. L'orage lui en montra plus sur l'édifice, qui était petit mais qui comportait un escalier extérieur, escalier qui descendait vers les entrailles de la terre. Surveillant ses arrières, elle rejoignit Caelia, qui semblait véritablement excitée et tourmentée. La jeune fille lui flatta l'encolure, vérifiant bien que la jument n'était pas blessée.

La monture avait l'air d'aller, mais ses armes n'étaient pas là, tout comme sa bourse. Son attention se porta à ce qui semblait être un ancien temple souterrain, ou un mausolée de pierre. En effet, à la surface ne restait que des ruines, qui semblaient là pour encadrer et révéler l'escalier descendant.

Un dernier éclair mit en lumière des tâches brunes sur les premières marches. Victoire s'accroupit, prit un peu de la substance visqueuse entre ses doigts et la renifla: du sang, et frais. Elle prit une grande inspiration d'air glacial avant de se relever et de commencer la descente.

Elle ne vit pas l’inscription au-dessus d'elle, encore gravée dans la pierre:

"Toi qui entre ici abandonne toute espérance".

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Mer 20 Avr 2011 00:11 
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Étant donné qu’ils existent, elle croit pouvoir, avoir, devoir, le droit, un détroit vers un canal, un échappatoire mais ce devoir ou cet isolement, soutient fermement un pressoir, souffrant une enclave, cachant, tenant, crevant, tuant le temps, l’enfermement.
Elle voulait revoir la mer, oublier ce mal, naviguer. Fuir ce naufrage où elle se sentait isolée.
Solitude amère.

Les deux personnages n'assistèrent pas à l'exorcisme d'Heartless.

Ainsi Thalo était parti, il avait laissé la sorcière fragile seule. La rupture fut vive et imprévisible, elle n’avait laissé à Rosa que la réplique du rôle tragique. Une personne face à son destin qui agit en vain, la mort qui plane. Sans son bouclier tout paraissait dénaturé, terrifiant et agressif. La mage prit l’habitude de cette sotte protection d’acier qui écartait les griffes du monde. Kendra Kar ressemblait à un abattoir dont il fallait s’échappait. Ca a commencé d’une simple lettre à une discussion naturelle.

« Si je m’y attendais ! Mon maître d’arme fait halte au village d’Amaranthe au nord d’ici ! Vu le temps de la lettre a mis pour me parvenir… Hm non, il doit encore y être ! Dame Aqamaq, pouvons nous y faire un détour ? »

« Tu n’as plus cette euphorie pour la mer ? »

« Pardonnez moi, mais il faut que je le revois. C’est important… »


« Non. C’est une perte de temps. »

« Très bien. Dans ce cas vous me réprimanderez à mon retour. »


Sans prendre le temps d’emporter ses affaires, il marcha d’un pas ferme vers la sortie de l’auberge. Trop orgueilleuse, La Shaakt pensait disposer du sort du guerrier. Persuadée d’avoir une autorité légitime, elle ne voulait pas lui accorder cette faveur, par sadisme ou par égoïsme. L’honneur triompha dans une éclatante victoire. Folle de remords ou simplement apeurée pour elle, la mage fit un pas en avant comme pour s’élancer à sa poursuite. Rosa se stoppa puis fixa la porte. D’une simple négation, l’elfe sombre perdit son instrument de tempérance. L’esprit torturé n’avait plus de remparts, son protecteur pour la première fois choisit son chemin plutôt que celui de la cruelle mage. Voilà qui paraissait… Très embarrassant. Hors de question de s’élancer dans une quelconque aventure même avec l’équipage d’Heartless sans Thalo. Il semblait pour cette Shaakt impossible de réfléchir clairement ou de se sentir en sécurité sans lui. Des souvenirs allaient revenir, des images horrifiantes allaient la harceler, comment pouvait-il, ce parvenu affranchi ? Elle lui devait tant, le voilà qui dictait les règles à présent ! Comme pour nourrir sa colère, Rosa se remit une énième fois à lire le titre de propriété sur l’esclave qui lui échappait. Il méritait une trace au fer chauffé, sur le crâne pour rappeler ses devoirs. Le plus important, elle ne cessait de lui répéter, ne jamais oublier de la surveiller. Thalo accomplissait cette tache si bien que cela semblait aller de soi qu’il le ferait jusqu’à sa mort. Cette maudite lettre qui rompait l’harmonie d’une relation soigneusement tissée, Rosa s’obligea à la lire. Le « maître d’arme » écrivait comme un porc, des mots détestables et une invitation qui n’avait pas sa place.


Une misérable créature sur la route, voilà ce qu’elle était. Rosa rampait vers son bouclier perdu. Elle n’arrivait pas à se résoudre d’une telle solitude. La jeune elfe se mit à observer les voyageurs qu’elle croisait. Cette route semblait incroyablement fréquentée, la Shaakt se croyait dans une galerie d’une grande fourmilière. Les négociants ne manquaient pas, elle dut même laisser passer une impressionnante caravane transportant du minerai de Blanchefort. Aucune fourmi ne prenait attention à l’araignée intruse. La diversité des passants ne manquait pas, elle passait inaperçue.

Une journée de marche de moins, Rosa dormit à l'abri dans une cabane de bûcheron abandonnée. Un sommeil léger sans cesse brisé par des bruits menaçants. L'aurore à peine présentée, elle se précipita dehors pour reprendre la route. Elle n'en voyait pas la fin, jamais Rosa n'avait marché une telle distance. Passer d'une forteresse scellée troglodyte à des continents entourés d'océans infinis, elle sentait les heures s'écouler péniblement.

Dans un soupire, la mage décida de prendre une pause et de s’assoir sur un rocher un peu plus loin. La foret vivait paisiblement, une mésange charbonnière vint montrer son beau plumage à l’elfe quelque peu lasse. Joyeuse sur sa branche, elle se mit à chanter pour souhaiter la bienvenue à cette curieuse passante. Le vent vint apaiser la shaakt, bougeant les branches des chênes vénérables, le feuillage offrit une ombre bienvenue. L’oiseau s’envola puis un silence s’installa. Une telle atmosphère d’harmonie était un concept inexistant pour Rosa jusqu’à ce jour. Son clan d’origine, la mer déchaînée, Kendra Kar agitée, aucun environnement n’avait donné l’opportunité à cette jeune sorcière de se reposer. Une longue route l’attendait mais ce coin de tranquillité réduisait son empressement. Un grand mars changeant vint saluer Rosa de ses couleurs éclatantes, l’apaisement vint rappeler son épuisement. Ses paupières tombèrent, elle ne lutta quasiment pas.


« Dame ? Tout va bien ? »

Apparemment Le ciel s’obscurcissait, le vent gagnait en intensité.

« Non, Thalo ?»

La voix ne ressemblait pas à son protecteur, son esprit réveillé venait de se tromper. Rosa se leva afin d’être assise, elle put voir son interlocuteur. Un jeune humain l’observait surpris, apparemment il ne s’attendait pas à ce que la jeune princesse endormie soit en réalité une Shaakt assoiffée de sang. Il fit un geste comme pour s’excuser et tenta de fuir mais la descente de la sorcière hors du rocher le paralysa net. Le pauvre manqua de peu de trébucher sur sa cape, un courrier sans doute, vu qu’il disposait d’un cheval. De plus ses vêtements venaient d’un atelier modeste, l’individu ne cachait pas son inquiétude. Les Shaakts qu’on croisait au nord annonçaient toujours un signe de mauvaise augure, bien que la mage ne se donnait pas les traits d’une esclavagiste.

« J’ai cru que vous aviez des ennuis, pardonnez moi. »

« Mais vous n’avez pas à vous excuser. Où vous rendiez vous avant de m’apercevoir ? »

« Je… Eh bien Je retournai vers Kendra Kar. »

« Formidable. Auriez vous croisé un guerrier en armure de plate sur le chemin ? Ça ne doit pas être fréquent n’est ce pas ? »

« En effet… L’autre jour j’ai… »

« Hier ? »

« Oui … Vous le connaissez ? »


Un jour d’avance et Thalo marchait vite malgré son équipement. Dans une nouvelle réflexion, la shaakt paraissait plus intrigante qu’avant. Le messager se contenta de reculer sans quitter des yeux cette prédatrice endormie. Curieuse rencontre pour lui, une simple information pour elle, voilà ce à quoi le cavalier se résuma la scène. Rosa le laissa partir, par simple fainéantise non pas qu’elle ne brulait pas assez à l’idée de se défouler sur lui. Le cheval hennit puis s’élança au galop, le bruit résonna un long moment dans ses oreilles puis un nouveau silence, plus pesant. Contrairement à sa cible, Rosa disposait de vivres. Avec un peu de chance, elle le rattraperait demain dans une halte quelconque. La sorcière hésitait sur la réaction qu’il fallait prendre une fois le guerrier rattrapé. Un châtiment ne servait à rien face à un être aussi borné or elle n’en avait pas envie non plus, de crainte de rendre ce douloureux voyage futile. Pourtant laisser une telle fuite impunie équivaudrait à lui donner une autorité complète. Pourquoi devait-elle lui courir après ? Rosa n’avait pas la force nécessaire et son orgueil lui interdisait de se jeter à ses pieds. Sa tête lui faisait atrocement mal, elle agissait par peur et par ennui.
Soudain, l’aube fuyante s’inclina devant la nuit. Non loin une autre caravane s’installa pour y passer la nuit. On lui proposa malgré son apparence de camper avec eux. Un tel acte d’altruisme la laissa perplexe mais face à la nocturne mouvementée, Rosa accepta d’un léger signe de tête. Tout ce petit monde décida de manger joyeusement. Une dizaine de personnes chantaient autour du feu, leurs ombres dansant sur les arbres. Naturellement, L’elfe sombre restait à l’écart jusqu’à ce qu’un garçon vint à sa rencontre.


« T’es une elfe noire pas vrai ? T’as d’la chance que mon père est sympa parce que les autres t’auraient déjà chassé ! »

« Ah. Il faudra que je le remercie. »

« T’es toute seule ? T’as plus de famille ? »

« Oh non, figure toi que tous ceux de mon clan sont morts d’une épidémie de peste bubonique. Tu les aurais vus, ils gonflaient en gémissant le corps déformé par le pus. »


L’éloquence de Rosa fit son effet, le poussin partit piailler ailleurs et lui accorda une nuit tranquille.

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Dernière édition par Rosa le Ven 29 Avr 2011 00:06, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Mer 20 Avr 2011 13:54 
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[:attention:] Texte horrifique, déconseillé aux entomophobes et personnes sensibles

La jeune fille s'enfonça dans les entrailles du mausolée, ses pieds cherchant à tâtons les marches de pierre, en partie détruites pour certaines. Bientôt toute lumière disparut et seule resta derrière elle le pâle reflet de la sortie. L'atmosphère était écrasante; elle lui rappelait sa fuite de Blanchefort, quand elle avait du ramper dans pareille noirceur.

Elle avait peur, vraiment peur. Une arme dans chaque main, elle ne pouvait s'empêcher de trembler. Ses pieds simplement couverts par les restes de la couverture déchirée la guidaient mollement. Sa main droite, celle qui tenait l'épée, se plaça sur la paroi, pour qu'elle puisse au moins se guider dans la bonne direction. Si au début ses doigts n'étaient en contact qu'avec de la pierre, elle sentit peu à peu qu'une substance recouvrait les murs. Dans le noir il ne lui était pas possible de décider de quoi il s'agissait: cela aurait pu être de la simple moisissure, comme la trace de goules terrifiantes.

Victoire s'arrêta, figée. Elle prêta l'oreille à un son distant qui venait du contrebas, un son qu'elle reconnaissait. Le grattement, le crissement des insectes qui étaient par deux fois venus la dévorer pendant son sommeil, ce qui avait tant alerté la magicienne. Elle se souvint du symbole que Dame Odeline avait dessiné sur son ventre, lui disant bien de faire de même. Conseil qu'elle avait ignoré, ou tout simplement oublié.

Elle hésita. Elle pouvait encore remonter, monter sur Caelia et fuir dans la forêt sombre. Elle aurait toujours pu rejoindre Blanchefort et sauver son duché de l'attaque, à défaut de piéger Tristan. Si elle mourrait dans cette tombe, sa famille serait détruite et son alter ego devait se retrouver dans la même situation qu'elle. Un instant elle se demanda si une autre Victoire n'était pas déjà morte dans ce tombeau et avait de fait échoué dans sa mission. Peut-être même que cela arriverait éternellement...

Elle déglutit. Quelque chose lui murmurait qu'elle devait descendre, qu'elle devait comprendre. Elle ne pouvait pas remonter, même si chacun de ses sens criait, hurlait au danger. Prenant une inspiration, s'imprégnant de l'air moite, elle se décida à continuer. La descente lui parut longue. Elle n'aurait su dire d'ailleurs si l'escalier était vraiment profond où si c'était là l'effet de la terreur qui emplissait chaque parcelle de son être. Plus elle avançait, plus les crissements se faisaient entendre. Elle avait arrêté depuis un moment de se servir des murs pour se guider et plusieurs fois elle eut l'impression que ceux-ci se mouvaient, comme s'ils étaient recouverts de ses insectes ignobles.

Finalement son pied ne trouva plus de marche, mais le sol plat. Tout autour d'elle résonnait le son des créatures de ses cauchemars, qui lui rappelaient la sensation de se faire dépecer vivante. Elle voulait hurler, mais préférait garder la bouche fermée. Elle ne voyait rien dans l'obscurité totale, mais il lui semblait être dans une pièce à présent. Au centre de cette pièce, quelque chose de sombre se trouvait. Elle ne l'apercevait pas, mais c'était comme un cri de ténèbres qui s'en échappait.

C'est alors qu'un grognement sourd se fit entendre. Les insectes se mirent à crisser plus fort encore, certains atterrissant sur sa tête avant qu'elle ne les chasse à l'aide de son arbalète. Une lueur commença à poindre, tout autour d'elle, tandis que les bestioles se mettaient à luire, à la manière de lucioles. Bientôt la pénombre fit place à une lumière tamisée et lugubre, offrant à Victoire une vision d'indicible horreur:

Les murs tout comme le plafond de la salle, de forme ovale, étaient tapissés de milliers de petites créatures aux couleurs sombres et aux pattes nombreuses, dont l'abdomen vibrait presque à l'unisson. D'autres insectes se déplaçaient sur le sol, rampant et crissant mollement. Victoire se rendit compte que son pourpoint en était aussi couvert, la panique montant en elle.

Elle ne bougea pas cependant et son regard se posa sur une autre forme, celle qu'elle avait perçue au milieu de la pièce avant même que la lumière ne soit. Le prêtre était assis, en lotus, au milieux des bêtes qui lui grimpaient dessus dans une danse sinistre. Les armes de Blanchefort étaient posées à ses côtés, submergés par les monstruosités rampantes.

Les deux humains restèrent immobiles un instant. Les yeux de la jeune fille étaient posés sur le tueur, dont les vêtements avaient été souillés par le sang versé. Les yeux vitreux du missionnaire étaient toujours dans le vague, mais il semblait totalement réveillé.

Finalement, l'homme se redressa, sans se presser. Il ouvrit la bouche pour la première fois, un son guttural sortant de celle-ci. Victoire vit alors l'un des scolopendres sortir de sa gorge et remonter sur sa joue, avant de tomber sur le sol. Cela lui arracha un frémissement de dégoût, tandis qu'il prenait la voix sombre qu'elle avait déjà entendu dans son sommeil:

"Messager du chaos. Tu dois disparaitre. Pour nous tous. Messager du chaos. Messager du chaos..."

Elle ne dit rien, totalement traumatisée par la vision d'horreur qui se jouait devant elle. Elle serra ses armes avec force, même si elle ignorait totalement ce qu'elle pouvait faire. L'homme n'était pas dément, il était totalement possédé, par la même chose dont elle avait rêvé. La créature de ses rêves... Elle était bien réelle, elle le savait maintenant. Malgré le voile de la peur, elle se souvint des paroles d'Odeline, ainsi que du symbole qui n'était pas difficile à réaliser.

Elle devait gagner du temps cependant. Si le monstre donnait l'ordre, elle ne doutait pas que les insectes nécrophages se jetteraient sur elle en un battement de cil, la dévorant vive.

"Je ne... Je ne suis pas la messagère du chaos."

La réaction ne se fit pas attendre: à peine avait-elle prononcé ces mots que les insectes se mirent à vibrer avec plus d'intensité encore, leur bourdonnement et leurs crissements faisant vrombir l'air de la petite pièce. Lentement, très lentement, elle avait commencé à dénoué le laçage de son pourpoint.

Le missionnaire ouvrir la bouche en grand, un nombre incalculable d'insectes en jaillissant d'un seul souffle. Victoire faillit rendre devant cet odieuse pantomime, mais elle se retint de justesse. Les insectes ne se jetèrent pas vers elle cependant. Non, ils se contentèrent de se rassembler, entre le prêtre et elle, et commencèrent à dessiner quelque chose dans l'air malsain.

Peu à peu, une forme ressortit, une forme que Victoire reconnut. Les insectes avaient crée une étrange mimique du fluide qu'elle avait traversé, derrière les portes du silence. La ressemblance était totale, impossible, et pourtant bien là. La voix du prêtre ressortit, toujours aussi inhumaine:

"Messager du chaos. A modifié le temps. Chaos. Chaos. Chaos. Effacer le chaos."


Elle avait fini de dénouer le pourpoint. Sans geste brusque elle coinça les armes entre ses cuisses, avant de se pencher et de péniblement retirer son armure, ainsi que le tricot. Elle frémit lorsque quelques insectes tombèrent du plafond, se cognant contre sa peau nue et délicate. La maille tomba lourdement sur le sol tout en écrasant certaines de ces bestioles dans un petit craquement immonde.

Le buste nu, elle saisit un carreau d'arbalète qu'elle approcha de son abdomen. Le crissement contre son corps était presque insupportable, mais elle ne craqua pas. Elle savait que si elle perdait son calme, tout ce qui suivrait ne serait qu'une lente et terrible agonie, ce qui lui donnait la force de continuer.

"Vous avez modifié le temps. En tuant tous ces hommes."

Elle tenta de se rappeler exactement de la forme du sigil, tandis que le métal froid caressait son ventre. Il y avait un cercle, puis un rectangle, un triangle et un autre cercle plus petit. Elle n'avait aucune idée de la signification de ceci, mais c'était le seul début de solution qu'elle parvenait à entrevoir. Elle grimaça quand l'acier mordit sa chair alors qu'elle se scarifiait à vif.

Les insectes crissaient toujours plus forts, visiblement agités par ses dernières paroles. Certains étaient tombés dans ses cheveux, s'affolant en essayant de se faufiler.

"Chaos! Libérer le chaos. Dévorer le chaos!"

Elle gémit de douleur quand un des insectes la mordit à l'épaule. Elle se pressa de tracer le dernier cercle du symbole, affolée. Le mur, le plafond et le sol semblèrent prendre vie d'un coup d'un seul, les infernales créatures s'animant d'un même mouvement. Victoire poussa un hurlement de terreur tandis qu'une vague grouillante et infecte fondait vers elle dans un sinistre déluge vivant...

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MessagePosté: Jeu 21 Avr 2011 03:00 
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[:attention:] Texte horrifique, déconseillé aux entomophobes et personnes sensibles

Victoire fut percutée par le bloc monstrueux, propulsée en arrière. Les créatures lui fouettèrent le corps à moitié nu tout comme le visage, la griffant et la giflant avec virulence. Elle tenta en vain de se débattre, tombée au sol à présent. Elle hurla seulement au début, fermant la bouche lorsqu'elle sentit des scolopendres volants lui heurter les lèvres et les dents.

Elle ne se fit pas dévorer vive cependant. Aussi horrible que puisse t-être sa situation, elle ne ressentit pas sa peau se faire arracher alors que les insectes entraient dans ses chairs. Non, les milliers de monstruosités se contentaient de la heurter, si bien qu'elle prit peu à peu une position fœtale, allongée sur le sol, figée et terrorisée.

Le calvaire parut durer une éternité, mais il trouva cependant une fin. Le flot d'insectes se fit moins virulent, peu à peu, jusqu'à ce que seules les créatures posées sur son corps n'y restent. Elle entendit un vrombissement autour d'elle, qui sembla se diriger vers le centre de la pièce, vers le missionnaire dément.

Elle aurait voulu rester immobile, faire croire qu'elle était morte, alors que les bestioles lui rampaient dessus, la chatouillant douloureusement de leurs nombreuses pattes pointues. C'eut été tellement simple, de simplement arrêter, d'attendre ce qui viendrait et de l'accepter. Mais elle ne le pouvait pas. Peut-être que le symbole avait fait effet, ou peut-être pas, elle avait du mal à en juger. Dans tous les cas, elle était encore vivante alors que l'entité voulait sa destruction. Vivante elle ne le resterait pas dans cette position.

Prenant son courage à bout de bras, elle se redressa, chassa les multiples créatures qui étaient collées à son visage et à sa poitrine découverte avant d'observer le prêtre. Il était entouré d'insectes, la bouche grande ouverte, les inspirant comme s'il s'était agi simplement d'air. Imaginer la sensation de tous ces corps pénétrer dans sa gorge lui donna la nausée. Sur son propre corps grimpaient encore des insectes, qu'elle essayait de chasser en donnant de grands coups de pieds dans l'air, ce qui eut un effet très modéré.

L'homme arrêta bientôt son manège grotesque. Ses yeux blancs cherchèrent de nouveau Victoire, alors que dans un mouvement digne d'un pantin de chair il se pencha. Ses genoux se dérobèrent et il tomba sur le sol. Sa peau ondulait de manière grossière à présent, sous l'effet des insectes qui l'habitaient. Son bras se détendit d'un coup brusque, avant de lentement se diriger vers l'épée de son père, sa propre arme.

Victoire comprit avec terreur que le monstre allait tenter de l'abattre, puisque les insectes n'avaient pu la dévorer. Les doigts grouillants de l'horreur encerclèrent la garde de l'arme alors qu'elle se relevait un peu moins gauchement.

L'adolescente prit l’arbalète dans sa main droite, l'agitant pour chasser les bestioles, avant de la pointer sur l'être. Elle prit à peine le temps de viser et appuya sur la détente, libérant le mécanisme du carreau. Le trait siffla et se planta dans l'épaule du missionnaire qui recula sous le choc en poussant ce qui pouvait se rapprocher d'un cri de douleur.

L'homme ne saigna pas, mais elle aperçut des scolopendres sortir de la plaie, comme s'ils avaient remplacé le sang humain. Il se releva toutefois, l'arme de Victoire toujours en main. Ses jambes formaient un angle étrange, il n'aurait pas du tenir debout, mais pourtant...

Sans crier gare il se précipita vers la jeune fille et leva son arme. Elle eut tout juste le temps d'interposer l’arbalète qui se fendit sous le coup violent. La jeune fille fut surprise par la force de l'être qui allait bien au-delà de la frêle apparence du prêtre. La créature n'arrêta pas là son attaque et arma un deuxième coup, laissant tout juste le temps à l'adolescente de rouler sur le côté. Elle sentit des corps d'insectes éclater contre sa peau, alors que l'épée s’abattait sur le sol, l'ayant ratée de peu.

L'épée du mercenaire était à présent sous les pieds du missionnaire, inaccessible. Elle se redressa rapidement, pour se précipiter vers le centre de la pièce, où gisait le bouclier familial. Elle le saisit, se mettant en position défensive. Du sang et de la lymphe d'insecte coulaient sur son bras, ce qui lui donnait un air de folle furieuse.

La créature était lente, les insectes n'étaient pas habitués à contrôler ce corps. Le prêtre se retourna péniblement, dans un équilibre précaire que l'on aurait davantage imaginé chez un mort vivant. Il repartit mécaniquement à l'assaut, la lame formant un arc de cercle qu'aucun humain n'aurait pu produire. La trajectoire était cependant prévisible et le fer s'écrasa contre l'écu, ankylosant les doigts fins de la jeune fille.

Elle écarta l'épée, avant de pousser l'être d'un coup de bouclier. La chose ne chuta pas mais mis quelques secondes à retrouver l'équilibre, secondes que Victoire consacra à récupérer l'épée du brigand. Ainsi armée, un sentiment tout autre commença à poindre en elle, un sentiment guerrier. Elle reprenait en effet un peu confiance en elle, les armes étant un domaine dans lequel elle avait fait ses preuves. Cet être était bien plus faible, à l'arme en tout cas, qu'une femme telle qu'Erzébeth. Elle avait déjà vécu plus difficile, elle pourrait y arriver.

C'est alors qu'elle repéra une forme sombre un peu plus loin dans la pièce. Des insectes s'étaient de nouveaux rassemblés dans une masse compacte, qui ne tarda pas à filer en direction de Victoire. La jeune fille se protégea par réflexe de son bouclier: la boule grouillante s'écrasa contre l'écu dans un choc sourd, la forçant à reculer sous la puissance conjuguée des milliers d'insectes. Le missionnaire en profita pour se jeter vers elle, assénant un autre de ses coups étranges.

Elle interposa de justesse l'épée, mais la lame ennemie ripa contre celle-ci. Victoire vit clairement l'acier glisser et se diriger vers sa cuisse, entrant dans ses chairs et lui arrachant un hurlement de douleur. Elle manqua de lâcher ses armes sous le coup, ne les retenant que par un immense effort de volonté. Elle contempla alors stupidement la plaie béante: du sang rouge et noir sortait et se collait au tissu et à sa peau, la faisant atrocement souffrir.

Une seule chose en cet instant était plus forte que la douleur: l'instinct de survie. C'est cet instinct qui la poussa, malgré la souffrance, à relever son écu et à encaisser une nouvelle attaque, qu'elle ressentit comme un déchirement dans tout son corps. C'est ce même instinct qui la força à écarter le bouclier malgré tout et à faire ainsi glisser l'arme du monstre vers le sol. C'est toujours cet instinct qui prit possession de son bras et qui transperça de l'épée le corps du missionnaire.

Tel un animal blessé l'homme maudit recula, s'arrachant à l'étreinte froide de l'acier qui venait de lui lacérer le ventre. Des insectes sortirent de la plaie, coulant là encore comme le sang, mais morts cette fois-ci. L'être gémit, de sa voix rauque, mais aussi d'une voix plus humaine, qui l'espace d'un instant s'imposa dans le silence des lieux. Elle tenta même de murmurer quelque chose, mais se tut lorsque le corps se mit à convulser, comme si les insectes avaient repris le contrôle qu'ils avaient perdu l'espace d'un instant.

Elle n'eut guère le temps de appesantir sur la question. L'être, résolument moins vivace, se jeta sur elle. Le corps en avant, il sauta l'arme en l'air, prêt à l'abattre sur la jeune fille. Celle-ci interposa le bouclier ainsi que sa lame, qu'elle plaça sur la trajectoire du monstre.

Le choc fut lourd et violent, la projetant sur le sol. Sur le dos, écrasée par le poids de la créature, elle, frappa, en aveugle, cherchant les chairs. La lame de son père la pénétra de nouveau, à l'épaule cette fois-ci. Elle poussa un nouveau cri de douleur strident, lâchant son bouclier qui se trouvait entre le monstre et elle. Elle se rendit compte du désespéré de sa situation: elle ne pouvait plus bouger, seulement subir les coups que lui donnerait l'abomination. Tout ce qu'elle pouvait faire était de frapper de sa main droite, de détruire les chairs de l'ennemi avant qu'il ne détruise les siennes.

C'est la force du désespoir qui la poussa à transpercer encore et toujours, avec acharnement, tel une proie blessée cherchant à tout prix à s’échapper de l'étreinte du prédateur. Elle avait peur de mourir, si peur qu'elle se battait de plus belle. Plusieurs fois elle sentit le fer de son arme déchiqueter la créature, mais elle ne s'arrêta pas pour autant. Elle criait, gémissait, jurait et pleurait en luttant...

Elle sentit finalement le monstre rouler sur le côté, grognant et sifflant. Du coin de l’œil elle l'observa, alors que sa bouche s'ouvrait en grand et qu'une nuée d’insectes commençait à sortir. Dans un vacarme, toutes les bestioles répugnantes se rejoignirent, bourdonnant et grinçant ensemble, alors que de cette masse immonde des paroles retentissaient:

"Aujourd'hui tu vis, demain nous dévorerons le chaos. Nous ne sommes pas seuls. Nous sommes légion, car notre nombre est grand."

Sur cette menace sourde, les créatures se lancèrent vers les escaliers, comme aspirés loin de ce lieu maudit, disparaissant dans un vrombissement assourdissant. Victoire était toujours immobile, entourée par l'obscurité qui avait repris ses droits...

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MessagePosté: Jeu 21 Avr 2011 12:49 
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Victoire était paralysée. Elle sentait la douleur à sa cuisse et à son épaule, douleur qui peu à peu se faisait moins vive; c'était mauvais signe, elle le savait. Il ne fallait pas qu'elle perde confiance où jamais elle ne se relèverait. Elle respirait lourdement, péniblement. La présence malsaine avait disparu, la laissant seule avec le corps du prêtre qu'elle avait abattu.

Pendant qu'elle cherchait la force de se relever, elle entendit un son, un glissement sur le sol sale. Elle sentit bientôt la main du missionnaire saisir la sienne, doucement. Elle ne savait plus à quoi s'en tenir, mais elle n'avait plus la force de résister. Elle se sentait tellement faible...

La voix de l'homme résonna alors, à peine audible:

"Merci de... De m'avoir libéré..."

Le cœur de la jeune fille se serra dans sa poitrine. Elle n'avait guère imaginé que l'homme fut toujours vivant, pire, qu'il fut emprisonné dans sa geôle de chair alors que la myriade d'abominations entrait en lui et le dominait. Ce devait être un destin d'une incommensurable horreur qu'il avait vécu, bien pire que ce que le monstre lui avait infligé à elle.

Elle déglutit péniblement, mais ne trouva rien à lui répondre. Il reprit:

"Je... prierai pour vous. Rana... Ô Rana, aidez cette enfant, je vous en conujre ma déesse. Elle est perdue, si perdue. Elle ne doit pas périr dans les limbes. Prenez mon dernier souffle de vie et insufflez lui. Rana je vous en conjure..."

La voix de l'homme se faisait murmure, puis simple gémissement pathétique. La jeune fille savait que ce qui lui était arrivé était de sa faute. L'esprit le lui avait dit, il la poursuivait, il voulait la détruire, et cette fois il avait utilisé ce prêtre. Encore une âme sacrifiée en son nom, torturée pour qu'elle ne réalise son but; but qu'elle ne risquait plus de réaliser, baignant dans son sang et sa souffrance.

"Adieu mon enfant. Que Rana veille sur toi."

Quelque chose de glacé percuta la jeune fille, lui glaçant les os et la forçant à ouvrir de nouveau les yeux. Elle les cligna, peu sûre de ce qu'elle voyait. En effet, au-dessus d'elle se tenait une silhouette massive, qui la tenait par les épaules, tandis qu'une autre, plus frêle, portait un vieux seau.

Elle était trempée et gelée. Elle secoua la tête pour reprendre ses esprits, habitée par une furieuse impression de déjà-vu. Elle reconnut l'aubergiste et sa femme, les deux individus ayant un visage froid et fermé.

"C'est l'heure de partir. Il fait jour."

Elle regarda tout autour d'elle: c'était bien sa chambre; ses armes et ses affaires étaient bien là et il n'y avait guère de trace de sang. Elle se rendit compte qu'elle était à moitié nue, les yeux du tenancier n'ayant pas manqué de plusieurs fois se poser sur sa poitrine. D'un réflexe elle tira les couvertures vers elle.

L'homme se redressa et se dirigea vers la porte. Victoire lui demanda avant qu'il ne sorte de la chambre:

"Il y avait un prêtre cette nuit. Où est-il?
-Dans la grange. Mais il causera plus beaucoup, froid comme il est."

Il haussa les épaules, pas plus intéressé que cela par la vie de cet être. Pour Victoire tout était confus; les événements passés lui avaient semblé tellement réels, elle n'avait pas cru un seul instant que c'était là un cauchemar. Elle retira les couvertures, pour voir sa cuisse et son ventre: si la jambe était intacte, son abdomen lui faisait mal. Elle releva son tricot de corps, soufflant de douleur.

Elle frémit en voyant le symbole qu'elle s'était gravé, avec ses propres ongles. C'était extrêmement grossier, mais elle le reconnut parfaitement néanmoins. Les ongles de la main droite étaient rougis d'ailleurs, preuve supplémentaire de son action nocturne. Elle ne savait plus quoi penser, totalement perdue, prise dans des événements qui n'avaient guère de sens pour elle.

Ce n'était pas le moment de rêvasser cependant. Le jour était levé et la tempête semblait derrière elle. Elle se redressa, le corps un peu faible, et se nettoya le ventre avec un peu d'eau. Elle s'habilla en suite, avant de quitter les lieux et de se diriger vers la petite grange qui attenait aux écuries.

Elle prit une inspiration avant d'entrer. Le corps du missionnaire était effectivement étendu sur de la paille, attendant certainement que la milice locale ne vienne l'enlever. Elle détourna les yeux au début, par réflexe et par pudeur, avant de se rapprocher. L'homme était toujours vêtu de son aube, propre, sans tâche de sang. Il avait un visage étonnamment serein, pour quelqu'un qui était mort dans la nuit. Peut-être avait-il péri dans son sommeil, tout simplement. Peut-être que tout cela avait été un mauvais rêve...

Quelque chose en elle n'adhérait pas à ce confort utopique, cependant. Elle remarqua alors que le prêtre tenait quelque chose entre ses mains croisées. En y regardant de plus près, elle aperçut une sorte de corde, extrêmement fine et d'une jolie couleur claire. Cela aurait presque pu ressembler à un long cheveu, mais qui n'aurait pu appartenir qu'à une princesse de conte de fée tant il était long et soyeux.

Elle sursauta quand les poings du prêtre se relâchèrent. Un instant elle se demanda s'il était encore vivant, approchant son oreille de sa bouche; hélas aucun souffle n'en sortit: l'homme était bien mort. Ses doigts croisés s'étaient pourtant déliés et les paumes étaient ouvertes, vers le plafond. Le long et fin cordage était comme offert. Elle hésita un instant: elle ne voulait pas profaner son sommeil ou piller un mort, mais si elle ne faisait rien, le prochain coup de vent allait faire disparaitre l'étrange objet.

Comme pour répondre à ses pensées, une brise entra dans la grange. Victoire tendit la main par réflexe, agrippant le cheveu juste avant que celui-ci ne s'envole. Le contact contre un tel objet fut étrange. Elle se doutait que c'était quelque chose d'important pour le prêtre et certainement pour son culte, mais elle ne savait pas ce que c'était. Dans tous les cas, le simple toucher était doux et agréable, mais il y avait une sensation supplémentaire, qu'elle n'aurait su identifier.

Victoire le noua doucement autour de son cou, le faisant disparaitre sous la maille. Elle s'excusa auprès du prêtre, persuadée que c'était elle qui avait causé sa mort, indirectement. Elle se releva ensuite, pour se diriger vers les écuries. Elle n'avait guère le temps de le pleurer et de se laisser aller à la culpabilité. Il fallait qu'elle rejoigne Valorian au plus vite, sinon toute cette terrible aventure nocturne n'aurait servi à rien.

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MessagePosté: Jeu 21 Avr 2011 20:04 
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Par un désagréable vacarme matinal, un garde parvint à réveiller la mage noire. Elle leva péniblement sa tête à peine présentable et c’est ce qui fit sourire le responsable à la vue d’un tel spectacle. Dormir à la belle étoile dans une modeste couverture semblait être un point que la jeune elfe avait oublié à propos de l’exploration du monde. Rosa s’était résignée à faire confiance aux caravaniers, trop fatiguée pour continuer, elle espérait ne pas se faire étriper dans son sommeil. Elle se rassura de voir tous ses membres intacts, L’araignée était visiblement trop paranoïaque pour une simple bande de larves. Le chef vint même la voir pour vérifier si son hôte antipathique se portait bien, un illuminé de la charité ou un intéressé discret peut être. Néanmoins, la shaakt ne cracherait pas sur un tel traitement dans son état actuel, seule et désemparée elle ne pouvait que le remercier à sa façon : un silence poli aux airs sages. Satisfait de la voir à peu près matinale , il s’empressa de réunir tout le monde afin de discuter de la suite du voyage.

« Nous nous rapprochons de Beauclair mes amis, les montagnes ne sont plus très loin. Cependant vous connaissez tous les risques. Je vous demande donc à tous de faire très attention, les gobelins ne vont jamais très loin dans les plaines mais j’ai un ami qui s’est fait agressé à quelques lieux d’ici. Cette cargaison de vignes est importante pour nous alors n’allez pas tout gâcher d’une seule négligence ! »

La plupart prirent ce discours avec le sourire et un soupçon de naïveté ou simplement de flegme, les gardes quant à eux connaissaient apparemment la chanson. Une petite razzia de sektegs, voilà ce qui serait amusant pour redorer l’image de ce voyage déplaisant. Le chef descendit de sa vieille caisse précédemment utilisée pour lui donner des airs de grand orateur pour interpeler l’elfe sombre.

« Dites moi, vous êtes bien mage ? »

« Je sors à peine de mon apprentissage, si vous cherchez une bonne protection attendez vous à être déçus. »


« Tout ce qui peut contribuer à garder intacte ma caravane est bon à prendre. Je vous paierai quelques Yus ne vous inquiétez pas… Vous allez aux duchés n’est ce pas ? »

« Soit. Pour l’hospitalité d’hier. »

L’homme sourit à pleine dent puis alla assister un caravanier à faire bouger un bœuf récalcitrant. Après tout, Le voyage serait plus sur, elle pourrait jeter quelques boules de feu ,en échange une petite paie et surtout la possibilité de dormir tranquille. Rosa surprise d’un tel nouveau rôle n’insista pas sur une nouvelle réflexion, le travail était un parfait divertissement. Quelques instants après, le groupe put se remettre en chemin vers l’imposante ossature du monde qui leur faisait face. La sorcière appréciait le rythme plus lent des chars, elle n’avait plus aucune chance de rattraper Thalo mais au moins ses vêtements tiendraient le coup et son endurance déplorable allait respirer un peu. Une légère pluie vint ternir l’enthousiasme de cette vaillante bande, il y avait des toiles de fortunes pour les chars mais pas pour les pauvres marcheurs. Les hommes d’armes pestaient en silence, la mage leur accordait ce point car elle méprisait la nature quand celle ci la rendait d’avantage faible. Sa magie naissante ne pouvait rien face à une pluie diluvienne, voilà une jolie vanité pour clôturer la marche. Ainsi une deuxième journée s’achevait paisiblement. La même scène se répéta, ils firent avancer les bœufs hors de la route et installèrent un bivouac. Cependant une autre surprise attendait la sorcière escorte de fortune, La femme du responsable dans un élan de courage l’invita :

« Vous viendrez volontiers manger avec nous ? Nous avons assez pour nourrir tout le monde et il y a assez de gardes pour surveiller cette nuit ! »


« Je ne crois pas… »

« Allez ! Un repas avec nous ne va pas vous tuer ! »


Tout cela devenait ridicule, voir dérangeant. Rosa se laissait entraîner devant une communauté qu’elle n’appréciait guère et à part le couple bienheureux cela semblait réciproque. Sa présence imposée fit un froid dans la discussion autour du feu qui crépitait comme pour combler ce silence. La Shaakt s’assit sur la caisse qu’on lui indiqua, tint du regard ces observateurs, tous baissèrent leurs yeux.

« Dis moi Pascal, tu ne manges rien ? »

« Pas faim, elle m’a refilé la peste. »


La scène devenait délicieusement désagréable. Dommage qu’elle soit le centre d’attention mais néanmoins elle pouvait se délecter de la gêne occasionnée… A moins que ça ne se change en lapidation.


« Excusez le. C’est son premier voyage il est un peu tourmenté, si loin de la maison. »

« Ce n’est rien. »


L’elfe avait pris un ton subtilement affecté, histoire de tisser un peu sa toile sur ce garnement qui osait la regarder comme une pestiférée. Le garçon qui tentait tant bien que mal de légitimer son mépris prit une bonne gifle et dut aller se coucher. Rosa dut remarquablement solliciter son esprit pour cacher un sourire ravi devant la rage infantile. Vint enfin la fin du repas, on parla peu mais on se résigna à la présence de la sorcière. Peut être n’était-elle pas aussi cruelle que les autres de sa race au final. Ils se couchèrent l’un après l’autre, La shaakt observa une dernière fois les deux sentinelles puis s’allongea. Elle contempla les montagnes désormais à moins d’une heure de là où ils se trouvaient. Thalo devait très certainement déjà être en train de marcher sur leurs sentiers escarpés. Le sommeil l’enveloppa peu à peu.


Réveil brutal, elle stoppa un coutelas. De sa respiration suffocante, elle observait l’arme qu’elle maintenait à quelques centimètres de son visage. Rosa leva les yeux sur son assassin, c’était le gamin qui laissa tomber l’arme tremblant désormais face à son échec fatal. La sorcière jura dans sa langue mère et balança l’outil de boucher sur le côté.

« J’voulais juste vous arracher des cheveux ! »

« Petit imbécile. »


Rosa saisit son bras fermement. Elle était persuadée qu’il mentait, ce rejeton puait le mensonge. Elle avait envie de lui faire mal, de se calmer les nerfs sur sa petite tête. Elle ne pouvait se résoudre à une simple tentative d’humiliation en ruinant sa coiffure déjà bien négligée. Une vengeance espiègle ne s’annonçait pas envisageable, en revanche un léger châtiment sur ce monstre dégoûtant… Pourquoi non ? Il voulait jouer, elle aussi. Un cri retentit. La shaakt laissa l’enfant tomber complètement sous le choc. Deux ombres, de la taille du rat à terre les regardaient.

« Y’a deux là. »

« Ouais. Mais grande perche bizaRre. Pas humain. »

« Ouais. Ouais. On croque p’tit humain et l’autre ? »

« Elfe crottin ! C’est une esclavagiste ? Elle travaille pour la dame noire ? »

« Nan, nan, nan, nan ! Tais toi ! Le chef a dit mort à tous, alors on mord à tout ces deux là. On troue l’elfe aussi ! »


Rosa eut le temps de prendre son bâton, elle ne sentait pas la moindre bonne fortune pour l’issue de ce combat. Les deux sektegs semblaient bien armés et le môme s’accrochait à sa jambe droite. La sorcière fit apparaître une boule de feu qui eut le mérite de faire reculer d’un pas les deux sauvages. Elle lança son projectile sur l’un des deux ce qui le projeta un peu plus loin. L’autre eut une grimace vicieuse et en profita pour se ruer sur sa proie. Rapide, la peau verte bondit en pointant son épée vers le ventre de la mage. Parade maladroite de son baton, Rosa ne put dévier le coup que sur sa jambe gauche l’entaillant légèrement. La douleur la fit fléchir et le monstre bondit sur elle la plaquant sur le dos. S’en suivit une lutte désespérée entre l’elfe et le gobelin, Rosa tentait difficilement de repousser avec son bâton le monstre qui riait au fur et à mesure que sa lame s’approchait. Soudain, l’horreur hurla recevant un coup dans le dos. C’était l’enfant qui lui asséna un coup de coutelas. Le gobelin gesticulait en braillant.

« J’vais t’bouffer le morpion ! »

La sorcière rugit puis donna de toutes ses forces un coup en plein sur son crâne. Il chancela, étourdi. Elle en redonna un puis un autre jusqu’à ce qu’il s’effondre. Lorsqu’elle vit que les mouvements de l'arme étaient accompagnés de projections de sang elle se stoppa, une haine déraisonné l'animait. Complètement aveuglée par la violence de son geste, la shaakt boita jusqu’au premier qui se remettait difficilement du projectile enflammé. Lorsqu’il vit la main de l’elfe, le sekteg comprit la fin. Le monstre écarquilla les yeux avant que ceux ci ne brûlent d’un dernier sort de flammes à bout portant. Sauvée, Rosa put sentir la douleur. Essoufflée, elle se laissa glisser contre un char. La mage redressa la tête, un troisième arrivait pour finir le travail. C’en était assez, n’entendant plus que sa respiration bouleversée, elle ferma les yeux.

« Rosa ? Tout va bien ? »


Ses yeux s’entrouvrirent, une armure de plate familière. Un profond sentiment de sécurité l’envahit, Thalo se montrait en face d’elle, ses deux yeux cyans l’observant attentivement. Rosa ne dit rien, elle se contenta d’observer.

« Je suis arrivé en retard, je n’ai pu qu’avoir le fuyard qui voulait se venger sur vous. »

« Gaïa nous préserve ! Votre amie va bien ? »


« Oui, elle a une taillade mais ça n’a pas l’air trop grave. »
Thalo se remit debout. « Pas trop de dégâts ? »

« Deux gardes sont sévèrement blessés… Pour le reste, je pense que ça va aller. Je voulais vous remercier… Dame Aqamaq c’est bien ça ? Mon fils dit que vous l’avez sauvé. »


Le comble, c’était trop. L’elfe sombre soupira et les laissa s’agiter dans tous les sens . De plus, son esprit voulait oublier cette attitude répugnante qu’elle avait eu à laisser son instinct de survie dominer.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Sam 23 Avr 2011 01:58 
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« Au départ je cherchais une bonne halte pour la nuit » commença le protecteur « les lueurs du feu m’ont attiré. Lorsque les cris suivirent, j’ai couru comme j’ai pu. Vous vous en êtes très bien sortie face à ces deux là. »

« Peut être aurai je du improviser l’enfant comme arme de jet. » répliqua la mage dans une réflexion feintée « Je suis certaine que cette blessure m’aurait été épargnée. »

« Vous n’étiez pas obligée de me suivre, que faites vous de l’opportunité que vous apportiez ce capitaine ? »

« Je n’apporterai aucune réponse. Cette route m’a assez dégoûtée or je suis sur le point de craquer. Tu veux voir ton maître ? Très bien nous irons le voir mais ne joue plus avec ton serment. »


« Pardonnez moi, je sais que vous souffriez mal Kendra Kar. L’honneur et les leçons passées m’ont quelques peu empressé d’aller le rejoindre… »


« Plus rien à cette conversation. Il suffit ! »


Thalo regrettait désormais son geste. Elle marquait un point et le guerrier se sentait responsable de sa sécurité. Il avait sous estimé les dangers du voyage entre Kendra Kar et les duchés, Nirtim était après tout rongé par divers fléaux et la guerre rodait non loin. L’armure mal à l’aise se tourna vers les marchands. Ces derniers s’occupaient de tout remettre en ordre, ils allaient bientôt repartir. Les deux blessés furent allongés dans les chars tant bien que mal mais il semblait hors de question pour eux de rebrousser chemin. Heureusement pour eux, il restait assez de gardes pour assurer une bonne protection. Thalo observa les corps des gobelins, une bande d’une dizaine qui avait peut être sous estimé sa cible. Il jeta un œil ensuite vers les montagnes assaillies par les nuages, un peu éloignée de leur territoire cette attaque. Les temps semblaient bien troubles pour un voyage jusqu’à Amaranthe. Les trois enfants de la caravane étaient en train de le regarder, son armure faisait de l’effet chez la jeunesse. Leur visage bouché bée montrait un profond respect pour l’aventurier. Il eut un léger rire pincé par la flatterie et les salua d’une main.

« Vous avez tué des gobelins m’sieur ? »
osa l’un d’entre eux qui retenait son empressement en maintenant ses bretelles.

« Je suis arrivé un peu tard. »
expliqua amusé Thalo « Je n’ai pu en avoir qu’un seul. »

« Vous êtes plus fort que la sorcière, hein ? »

« Hm ! Je dois vous avouer qu’au bras de fer je n’ai aucune chance. »


La Shaakt afficha une mine inquiétante, appuyée par un regard méprisant. Sans doute n’appréciait-elle pas ses bambins amicaux ou tout simplement devait-elle penser qu’il témoignait encore de son imbécillité. Par sagesse, le guerrier opta pour les deux options et se dirigea vers le chef comme pour reprendre un peu de sérieux. Celui ci se préoccupait du comportement des sektegs. Thalo proposa sa lame pour remplacer humblement les deux perdues. Il vit alors le visage du marchand s’illuminer d’un sourire, la proposition vint remonter quelque peu son moral et la dernière caisse fut rangée avec plus d’entrain. Les bœufs râlèrent, un rude labeur s’annonçait : les dangereux sentiers montagneux. L’avancée fut terriblement longue, les caravaniers ne prenaient aucun risque. On envoyait d’abord un éclaireur pour déceler une quelconque embuscade de peaux vertes puis on faisait passer les chars un par un, ce qui parfois paraissait extrêmement périlleux. L’habitude cependant faisait son office et celui qui s’inquiétait le plus devait très certainement être le dévoué guerrier.

« Qu’est ce que tu vas demander à ton ancien mentor ? »
planta Rosa qui le dévisageait depuis le début du trajet.

« Voyez vous, il m’a accordé un enseignement assez particulier ; outre le fait que le port de l’armure lourde me soit désormais naturel ; Mon maître ne cesse jamais de voyager et lorsque je parviens à le retrouver il m’accorde une leçon après lui avoir narré tous mes péripéties jusqu’à nos retrouvailles. Pour lui la route est le meilleur professeur et ne se termine que lorsque notre corps ne parvient plus à se mouvoir. »

« Je vois. Et le prix d’un tel entraîneur ne doit être accessible qu’aux grandes familles. »

« Certes… »


« Cela a t-il un rapport avec ce vœu qui consiste à dissimuler son visage ? »


« En effet. J’aperçois le visage d’Alkil ! Nous ne sommes plus très loin. »


Elle arracherait son heaume un jour ou l’autre. Il pouvait éluder la demande, sa curiosité ne s’atténuait pas. Rosa étouffa peu à peu sa colère envers son bouclier aveuglé. Grâce à lui, Les idées claires revenaient et son crâne se montrait moins douloureux. Instants nuls, toujours nuls, mais qui faisaient le compte, que le compte y était, et l’histoire close. La Shaakt secoua la tête, coupables pensées qui agitaient des souvenirs qu’elle croyait oubliée. Elle n’aurait jamais du parler de l’épidémie qui ravagea son clan. Rosa revoyait sa matriarche délirer par une fièvre mortelle, de magnifiques bubons sur tout son maigre corps. La vieille femme tomba de son vénérable fauteuil et tenta même de l’étrangler. En y repensant, l’image la fit sourire, cette grande Shaakt qu’elle prenait pour l’autorité suprême, la source de toutes ses peurs, rampa vers elle, persuadée que la jeune mage était la source de sa douleur. Finalement, la « vilaine apprentie » se rappela sans trop d’amertume la déchéance de son foyer clos. Celui de sa mère en revanche la dérangeait, voilà la nourriture qu’elle voulait laisser à ce monstre qu’était l’oubli.


« J’imagine que c’est ici que nous devons nous séparer messire. Tenez, comme promis… C’est peu pour ce que vous avez fait …»

« C’est suffisant, nous n’avons pas besoin de plus ! »


La dernière heure de marche s’acheva. Les caravaniers firent des adieux touchants auxquels seul Thalo répondit. La sorcière trop occupée à observer le village illuminé par la lumière du soleil à son zénith ne prit pas la peine de leur adresser un regard. Elle se fixait le paysage d’une curieuse façon, cela devait être la première fois que l’elfe sombre se retrouvait au sommet de ses monts impressionnants. Recouverts de splendide verdure, ils donnèrent le vertige à cette fragile mage qui se penchait vers un précipice. Elle scruta le pont qu’ils devaient traverser.

« N’ayez crainte ! Je vais passer le premier »


Rosa pensa tout au long de sa traversé « craquera, craquera pas ? » mais une bonne étoile fit apparemment oublier aux vieilles lianes du pont qu’une armure en plate le traversait d’un pas enjoué. La Shaakt prit une inspiration, ce n’était qu’un petit pont. En bas un immense vide horrifiant. Finalement Thalo retourna sur ses pas et fit le porteur…

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Mer 27 Avr 2011 12:10 
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II/Chapitre 2: La forêt de Meno


-Au Nord!

Rudy avait prononcé ces mots avec une énergie contagieuse. Cela faisait bien trois jours que les worans avaient quitté Kendra kâr. Marchant à vive allure, la cité n'était plus qu'une tache au loin de leur horizon. Devant s'élevait toujours la chaine de montagne de Nirtim couverte de son manteau de neige éternelle. Aztai doutait de ne pas avoir quitté la zone dite Kendrane. Depuis quelques heures, seules les plaines aux collines montantes et descendantes leur tenaient lieu de paysage. Le crépuscule obscurcissait peu à peu le chemin, ils ne ralentissaient cependant pas la marche. Ils s'étaient mis tous les trois d'accord pour ne pas arpenter les chemins publics mais sillonner plutôt les champs et cultures des paysans. Rudy prenait souvent la tête du trio. Bon voyageur, il ne perdait jamais le Nord de "vue" et ne manquait jamais de donner un conseil à son fils ou son ami. De temps à autre il marchait cent mètres devant ses deux autres compagnons, d'autres fois il s'arrêtait presque pour caresser les feuilles de quelques arbres ou buissons... Cette odeur de nature leur chatouillait sans cesse les naseaux, et Aztai s'en serait privé pour rien au monde. Cette fuite s'était transformée, en quelques heures, en une promenade familiale. Partir de nuit avait été une bonne idée, Waor l'avait reconnu peu après. Le woran roux aussi paraissait décontracté. Cependant, il jouait souvent avec son couteau. Lorsqu'une branche lui tombait sous la main, il taillait distraitement des animaux, des silhouettes, et finalisait le tout à coup de griffes... Ces véritables petits chef-d'oeuvre émerveillaient intérieurement Aztai. Il l'avait fait remarquer à son ami, qui souriait à présent tout le temps en voyant le regard enfantin du woran neige.
Ils devenaient tous les trois plus aptes à la conversation. En quelques jours Aztai s'était rapproché de son père. Toute la journée celui-ci avait pris un malin plaisir à le surprendre en le frappant, doucement, à différentes parties du corps:

-Augmente tes réflexes! Avait-il dit. Car ils avaient reparlé de la façon dont Rudy avait esquivé le carreau d'arbalète lors de leur fuite. Aztai restait fasciné. Bien sûr il s'était prêté au jeu, et lui-même avait tenté de surprendre son père... en vain. Dans un éclat de rire rugissant il parait ses coups et ripostait à un endroit imprévu pour son jeune fils.

-Il faut savoir te concentrer aussi, avait répondu Waor. Rudy avait approuvé du chef.

-Ne t'en fais pas. Arrivés à destination, tu en apprendras beaucoup...

Ce soir Rudy allait lui expliquer où ils allaient.
Le vent s'était levé et devenait un souffle incessant à leurs oreilles. Aztai dégaina son épée en os de fulminaire.

-Inutile! Nous ne ferons pas de feu ce soir. je crois... commença Rudy. Vous êtes fatigués? Les deux autres firent non de la tête. Malgré leur rythme soutenu de marche, Waor et Aztai avait été habitués à aller plus vite. Très bien! Nous ferons une courte pause et marcherons toute la nuit: nous somme presque arrivés!

A ces mots le pouls d'Aztai s'accéléra. Dans la nuit tombante il ne voyait pas précisément les traits de Waor ni de Rudy mais il imaginait leurs sourires.

-Alors! Où allons-nous? Demanda impatiemment Aztai.

Rudy écarta théâtralement les bras:

-Ambervalle! Une cité woranne!

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Dernière édition par Aztai le Dim 1 Mai 2011 18:23, édité 3 fois.

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