((( message précédent du RP ))) Le gredin court vite. Et moi désespéremment, je suis lente. Mes mouvements ne sont que peu entravés par cette robe - autrefois si belle, aujourd'hui si usée ! - noire que je porte tout le temps.
Mon coeur s'affole, mes jambes deviennent douloureuses. Je n'ai plus le choix, si je dois continuer encore longtemps, le gredin aura l'avantage et filera avec mes yus. D'ailleurs, dans peu de temps, il aura atteint la place, où je peinerais à l'identifier.
Je poursuis ma course, mais me concentre ardemment. Mes yeux n'arrivent plus qu'à le voir lui. Je serre mon épée dans mes mains, comme si cela me donnera de la force, avant de la mettre à la verticale, serrant toujours si fort le manche que cela en devient douloureux.
Ma concentration a atteint son paroxysme. Je ne peux pas me louper cette fois : cinquante yus sont en jeu.
Pécule d'un labeur difficile, économies fragiles : impossible de les dépenser aussi bêtement !
Je charge. Accélère. Mes pas sont lourds, et je continue à visualiser ma cible. Peu m'importe de trouer l'abdomen d'un voleur. C'est un crime, mais ma foi, il n'avait qu'à pas me voler. Pourtant, je me précipite, et il perçoit mon souffle court. Il fait un mouvement d'esquive, mais je ne le laisserais pas filer. Certes, il est indemne, mais je me projette sur lui, catapultant mon corps sur le sien, l'écrasant de tout mon poids sur le sol, lui imposant un dur contact avec les pavés de la belle cité.
Dans ma main droite, j'ai toujours mon épée, et la passe habilement sous la gorge du voleur, qui m'observe avec un sourire narquois.
Quoi ? Mais quoi, bon dieu ?
« Eh bien, qu’avez-vous à me sourire de la sorte ? A votre place, je ne ferais pas le fier. Je pourrais vous égorger comme un porc... » menaçais-je
Un rire amusé et sarcastique franchit ses lèvres. Comment pouvait-il se moquer aussi ouvertement de moi ?
Je décidais pourtant de rester calme, et de réfléchir à ce que je ferais de lui. Je passais ma main sur l’arme, et repris de l’autre ma bourse. Pleine, qui gisait dans la main droite du voleur.
« Bien... Vous me laissez maintenant ? » osa-t-il exiger
Pardon ?
Je le détaillais gravement. Son regard est clair, bleuâtre, aussi tranchant que de l’acier, sa peau est claire, et il a des cheveux noirs comme de l’ébène, mi-longs, qui flirtent avec ses épaules. Un de ses sourcils est arqué, en signe de défi, et ce fichu sourire ne disparaît pas...
« Pourquoi le ferais-je ? » lançais-je, restant toujours à cheval sur lui, raccrochant avec peine d’une main ma bourse
Il sembla hésiter. Me regarda. Droit dans les yeux cette fois, comme s’il essayait de me convaincre
« Mais pour avoir les mains libres... Allons, une dame telle que vous ne va pas se salir les mains sur un ignoble gredin dans mon genre... » souffla-t-il, caustique, exagérant les mots qui traitaient de sa situation
Il m’amusait. Aussi étrange que cela puisse paraître, cet arrogant Kendran – il me paraissait certain qu’il appartenait bien à cette ethnie fière – me semblait assez sympathique. Il avait un certain humour, et une belle assurance.
Mais était-ce une raison pour le garder sous mon joug ?
[color=#80000]« J’hésite. Après tout, ne faut-il pas éliminer la vermine... »[/color] plaisantais-je, avec un vague sourire au coin des lèvres
Son sourire aussi se transforma. Pourtant, il restait ma victime ! Il souffla d’ailleurs :
« D’accord, d’accord... Si je vous plais tant que ça, payez moi un verre... Nous en discuterons là-bas. »Interdite, j’écarquillais les yeux. Comment osait-il me dire ça ? Comme si c’était une faveur qu’il m’accordait que de boire un verre avec lui !
Quel goujat ! Et pourtant...
« Hmm... Vous ! Vous m’invitez »Je perdais décidément toutes les notions de savoir vivre que ma douce mère m’a rudement inculqué. J’étais en train de converser et de jouer avec le lâche brigand qui s’était saisi de ma bourse !
C’était impensable... Incongru, malvenu. Que diraient-ils s’ils me voyaient, à califourchon sur ce séduisant et insolent Kendran ?
« Mais vous plaisantez ! Si je vole, c’est bien que je ne suis pas riche... Votre bourse est pleine à craquer.- Pleine à craquer ?! Cinquante Yus tous ronds... Vous appelez ça plein ? » fis-je, m’indignant faiblement
Il sourit, jaugea la bourse qui reposait maintenant sur mes hanches, et souffla :
« Pour sûr... C’est bien maigre. Mais dans ce cas, pourquoi ne m’avez-vous pas laissé m’en emparer ? »Quel culot ! Il voudrait maintenant que je cautionne ses rafles ?
« Parce que c’est tout ce que j’ai... Ah ! Qu’à cela ne tienne... »Je saisis la bourse qu’il avait lui-même à la ceinture, frôlant en rosissant la cuisse musculeuse du gredin, et jaugeais l’intérieur. J’en tirais quinze yus. De quoi payer nos consommations, et la raccrochais vigoureusement à la ceinture du jeune homme
Soit.Allons y, maintenant. »Son expression a changé. Je crois déceler dans son regard de la surprise, et sur ses lèvres un rictus contrarié. Est-ce le fait que je lui ai subtilisé sa bourse ? Que je ne me sois pas conduite comme il l’entendait ?
« Tout va bien ? » demandais-je, avec le même sourire en coin, en refermant solidement ma bourse, passant la main dessus – par sécurité – et en me relevant, emportant avec moi l’épée de mon père
Il poussa un grognement affirmatif, avant de reprendre son air sympathique et séducteur. J’arquais un sourcil devant cet exemple de versatilité et soupirais bruyamment. Il se leva à son tour, refusant l’aide que je lui proposais en s’appuyant sur le mur plutôt que sur ma main.
Sans relâcher ma garde, je rangeais mon épée, et protégeais ma bourse en plaçant à nouveau ma main dessus. Geste dont il s’offusqua d’ailleurs :
- Eh ! Que craignez-vous ?
- Vous n'êtes pas le seul voleur dans le coin... Hélas. »le rassurais-je, même si évidemment, cette protection était plutôt destinée à empêcher le malandrin de me piller une nouvelle fois.
Et rapidement, nous nous mîmes en route vers la taverne...
(((Suite)))