Partie précédenteJe montais sur le pont rejoignant l’équipage. Une dizaine de personnes en plus du capitaine étaient déjà là. J’arrivais en dernier malgré mon avance sur l’horaire prévu, me plaçant aux côtés du capitaine.
"Bon, je vois que tout le monde est là ! Nous appareillons dès que possible !"J’examinais la dizaine de marins qui me faisait face. Tous plus étrange les uns que les autres, cet équipage me laissait indécis.
"Chacun fait ce pour quoi il a été engagé. Au boulot. Hertann suis moi. Je vais te présenter l’équipage."Je me laissais guider sur le pont du navire par le capitaine. Après avoir gravis les quelques marches afin d’atteindre le gaillard d’arrière, nous avions une vue imprenable sur la totalité du bateau. Le capitaine me laissa observer l’activité qui y régnait durant quelques minutes. Chaque marin était expérimenté, et effectuait sa tache consciencieusement. Après cette courte observation, c’était finalement moi qui brisait le silence.
"Nous avons là un drôle d’équipage capitaine, je n’en ai jamais vu d’aussi étrange."Le capitaine tourna la tête vers ma direction, esquissant un sourire. Il pointa son doigt sur un marin que je connaissais déjà.
"Tu connais déjà Tunak. C’est un varockien comme aucun autre. Cela fait maintenant trois ans qu’il me suit sur ce navire. Il ne faut pas le sous-estimer à cause de sa taille, c’est un très bon négociateur et il m’a déjà aidé pendant pas mal de transactions. Il passe son temps à prier Meno, malgré le temps que je passe à lui répéter que seule Moura lui viendra en aide sur ce bateau. Il lui arrive parfois de pratiquer la magie, mais il n’est pas très bon dans ce domaine. Il sait refroidir des boissons lorsqu’il fait trop chaud. Cela peut paraître inutile mais tu seras bien content de boire quelque chose de frais en mer s’il fait très chaud."Le capitaine laissa passer quelques secondes afin de terminer son discours.
"C’est un très bon marin."Il levait maintenant les yeux vers la hune semblant rechercher quelque chose. Ne semblant pas trouver ce qu’il cherchait, son regard revenait sur les matelots qui s’affairaient à leurs taches.
Un homme traversait le pont, vérifiant que les haubans étaient bien fixés. Plutôt grand, et musclé, il portait une tenue étrangement élégante, chose rare pour un marin. Suivant mon regard, le capitaine repris la parole.
"C’est Archibald. Je ne le connais pas encore très bien mais il m’a l’air fiable. Il connait les ficelles du métier."Mon interlocuteur marquait une pause, cherchant ses mots.
"C’est aussi un bon séducteur. Je l’ai trouvé dans la taverne entourée de femmes plus belles les unes que les autres. Il faut dire qu’il est plutôt bien bâti d’après ce que la populace raconte. Ah ah ah."Je souris devant la réplique du capitaine. C’est vrai que les habitants de cette région étaient connus pour leur beauté et cet homme en face de moi ne salissait en rien cette réputation.
Le capitaine était lancé et comptait bien me présenter tout l’équipage.
"Nous avons aussi trois grands gaillards avec nous."Montrant du doigt l’autre bout du navire, je pouvais apercevoir effectivement trois hommes, poussant de toute leurs forces sur le petit cabestan afin de hisser les voiles du mât du gaillard d’avant.
"Ce sont trois triplés qui se ressemblent comme trois gouttes d’eau. Ils se battaient tous les trois contre cinq gardes dans la rue lorsque je les ai trouvés. Ça a été une victoire écrasante et je me suis dit qu’à défaut de ne pas être bons marins, avoir des gros bras à bord pourrait s’avérer utile. Ils s’appellent Tatak, Tutuk, et Totok Junior. Ils m’ont dit qu’ils étaient les fils d’un très grand combattant mais je n’ai pas très bien compris, ils ont un peu de mal à s’exprimer."L’un d’eux trébucha au loin s’étalant au sol à plat ventre. On l’entendait s’énerver d’ici, maudissant à peu près tous les dieux qu’il connaissait. Donnant un gros coup dans la barre qu’il tenait quelques secondes plus tôt, celle-ci se brisa et il hurla une nouvelle fois.
"Je me demande encore si j’ai bien fait de les engager. Aller suis moi je vais te faire découvrir tes nouveaux appartements lors des grands voyages. Tu ne les utiliseras pas ce soir, nous devrions être rentrés en fin de journée."Suivant le capitaine, je descendais un escalier rejoignant une petite pièce qui me semblait être située en dessous de la chambre du capitaine. Une fois à l’intérieur, je pu découvrir les différentes décorations qui embellissaient la pièce. La chambre mesurait environ quatre mètres de long, donnant sur un petit balcon situé à l’arrière du navire. Pour ce qui était des meubles, seul le nécessaire avait été utilisé. Un bureau recouvert de cartes se tenait dans le coin de la pièce, face au lit qui se situait de l’autre côté. Un tapis venait recouvrir le sol, probablement une tentative du précédent propriétaire de cacher toutes ces planches de bois qui composait la pièce du sol au plafond.
"Alors ça te plait ? de toute façon tu n’as pas trop le choix, c’est la seule que j’ai à te proposer. Ça fait du bien parfois, en pleine mer d’avoir un endroit ou se retirer afin de réfléchir tout seul. Retournons sur le pont afin d’appareiller, le navire doit être prêt maintenant."Le soleil, était désormais levé. Tel une boule de feu posée sur l’horizon, il projetait une lumière rouge qui illuminait l’océan. Le capitaine montait sur la Dunette afin de pouvoir se faire entendre de tout l’équipage.
"Larguez les amarres moussaillons. Nous partons chasser la baleine."Les ordres furent exécutés instantanément. Les voiles furent larguées et le navire commençait à avancer. Afin de continuer la présentation de l’équipage, le capitaine donna la barre à Tunak.
"J’ai recruté des marins de tous les horizons, et certains ne vont pas manquer de te surprendre. Tu les as vu rapidement tout à l’heure mais eux ne te connaissent pas encore. Allons faire les dernières présentations."Après avoir descendus l’escalier afin de rejoindre le pont, nous atterrissions devant une chose qui ressemblait plus ou moins à un arbre. Mesurant plus de deux mètres de hauteur, cette créature était large de presque un mètre cinquante. Sa peau était entièrement faite d’écorce et des branches feuillues trônaient sur le haut de la tête de la créature. Au bout de ses longs bras, des racines désarticulées s’agitaient dans tous les sens lui servant probablement de doigts. Levant les yeux vers son visage, je remarquais une seconde personne, assise sur ses épaules. Beaucoup plus petite, elle mesurait quant à elle un peu moins d’un mètre cinquante. Sa peau verte pale, et ses cheveux verts foncés semblaient réfléchir la lumière. Elle était quasiment nue, ne portant qu’un long morceau de tissu, tel un drap posé sur ses épaules.
Les deux êtres m’observaient en silence.
"Je te présente Gruut et Tyrah. Gruut est un oudios, un homme arbre. Il vivait parmi les siens dans la forêt mais préférait visiter le monde. Il a choisi de quitter sa forêt, seul, afin d’explorer Yuimen et d’enrichir ses connaissances. Sur le chemin il a croisé Tyrah une Taurion. Elle n’était pas faite pour la vie d’ermite qui lui était destinée et a fait le choix de suivre Gruut lors de son périple. Ils sont venus jusqu’à Bouhen cherchant un équipage dans lequel se faire engager. Je suis tombé sur eux hier soir dans la taverne. Gruut ne parle pas notre langue mais comprend quelques mots. Tyrah est capable de traduire entre nos deux langues si le besoin s’en fait ressentir. Gruut n’est pas très bon sur les navires en général mais il travaillait le bois à Bouhen en attendant de trouver un équipage. Ses talents de charpentier pourrait se révéler utile, on ne sait jamais. Tyrah quant à elle est une excellente archère, elle ne m’a pas encore démontré tout son talent mais je n’en doute pas au vu de la flèche qu’elle a plantée hier soir à deux centimètres d’un marin qui lui cherchait des noises."Le capitaine s’esclaffa et repris sa route le long du pont. Laissant ces deux étranges personnages, continuer le travail qu’il venait d’interrompre. Je m’empressais de le suivre.
Je vois que vous avez effectivement recruté un équipage des plus inhabituels.""Et encore gamin, tu n’as encore rien vu !"Le capitaine siffla entre ses doigts, provoquant un son aigu, audible sur tout le navire. Je ne compris son geste que lorsque je vis une sorte de petit papillon descendre le long des voiles. Se rapprochant peu à peu, je découvris que la créature avait en fait une forme humanoïde, dotée d’ailes. Mesurant une petite trentaine de centimètres, sa peau laiteuse contrastait avec sa chevelure rouge feu. Une fleur d’arome était posée sur sa tête, lui donnant un aspect de légèreté.
"Voici Syraèl, tu peux l’appeler Sisi, elle sera notre vigie. C’est une Aldryde, des êtres miniatures dotés d’ailes comme tu peux le voir. Ces êtres sont censés vivre tous ensemble mais celle-ci était assise sur la rembarde de mon navire lorsque je suis rentré de la taverne hier soir. Elle n’a pas voulu expliquer sa présence mais voulait absolument rejoindre mon équipage. Une vigie qui ne peut pas tomber est forcément un point positif dans un navire."Sisi me tendit la main afin de me saluer. Je la serrais avec prudence de peur de briser cet créature paraissant si fragile. Une fois les présentations faites, elle s’empressa de rejoindre le haut du mât, reprenant son rôle de vigie.
Le capitaine ne me laissait pas le temps de respirer, à peine me présentait-il un membre de l’équipage, qu’il m’emmenait vers un autre. Ainsi de suite, je fis la connaissance du reste de l’équipage. Un nain du nom de Tolmod faisait office de cuisinier. Il était assez petit, chose normale pour un nain, et était très âgé. Il semblait connaitre de nombreuses choses mais n’était pas en mesure de communiquer librement avec nous tant qu’il n’aurait pas encore confiance en tout le monde.
Un Humoran du nom de Daerius, espèce présentée comme rare par le capitaine faisait aussi parti de l’équipage. Croisement entre un Elfe blanc et un Woran, il en devenait encore plus rare. Cet homme à l’apparence d’un loup au pelage blanc et doté d’yeux rouges sang me faisait froid dans le dos. Il paraissait toutefois très amical, et j’appris par la suite qu’il maniait assez bien la magie de soin et les différentes formes de médecines. S’aidant de ses griffes pour les opérations rapides, il pouvait inciser la peau comme bon lui semblait avec une précision étonnante. Il avait donc le rôle évident du médecin à bord de ce navire.
Le dernier membre du navire était Yacohtez, déjà surnommé Yaco. Jeune Braptiens au pelage roux très clair d’à peine 19 ans, c’était le benjamin de l’équipage. Il ne connaissait pas grand-chose à la navigation, mais sa force de caractère et sa motivation en faisait un bon élément pour le futur.
Après avoir rencontrés tout l’équipage, nous étions maintenant à la proue du navire, faisant face à l’océan. Je m’appuyais sur la balustrade, savourant la chance d’avoir trouvé ce poste qui me semblait à cet instant, parfait. J’en profitais pour me remémorer les différents marins qui constituaient cet équipage et je souris intérieurement.
Pendant une bonne heure, j’observais les vagues onduler sur l’horizon, écoutant le son du vent qui se perdait dans les voiles. Le temps était clair et le vent dans notre dos, le voyage allait passer rapidement.
Je sursautais lorsqu’un sifflement se fit entendre du haut du mât. Je m’étais surement assoupis sur la balustrade et je vis Sisi, redescendant à toutes vitesse.
"Baleine ! Il y a une baleine à l’horizon ! Plein Est !"Le capitaine ne posa aucune question et se précipita vers le gaillard d’arrière afin de prendre la barre, tournant celle-ci à bâbord afin de prendre la bonne direction.
Nous venions de trouver la bête pour laquelle nous voyagions aujourd’hui, il était temps que j’effectue mon rôle de second. Je retournais ainsi aux côtés du capitaine, donnant au passage à certains marins les ordres de préparer les deux barques qui serviraient à chasser la baleine.
La distance jusqu’à elle fût parcourue rapidement. Tout l’équipage se précipita sur le flanc gauche du navire afin d’observer cet animal majestueux.
D’une bonne quinzaine de mètres et d’une couleur sombre, la baleine nageait tranquillement à la surface de l’océan laissant derrière elle un sillon d’écume. On pouvait distinguer d’ici des taches blanches qui parcouraient sa tête. Le capitaine ne se laissa pas absorber par le magnifique spectacle qui nous était offert et nous sortit de nos pensées en prenant la parole.
"C’est une baleine franche, cela va nous faciliter la tâche. Elles ont tendances à rester à la surface. A la fin de la chasse son corps va flotter naturellement à cause des gaz contenus dans son estomac. Il faudra agir rapidement afin de récupérer le maximum de choses sur la carcasse."S’approchant de la balustrade donnant sur le pont, le capitaine éleva la voie afin de se faire entendre par tout l’équipage.
"Très bien, écoutez-moi tous. Voici donc la baleine que nous allons chasser. Nous avons deux barques remplies de harpons. Le plan est simple, il va y avoir trois personnes dans chaque barque. Un lanceur de harpon qui sera assisté par une personne lui donnant les harpons, et un rameur. Dans la première barque il y’aura les triplés, Totok Tatak et Tutuk, organisez-vous comme vous le sentez. Dans la seconde barque je veux Archibald en lanceur, Hertann en passeur, et Tunak en rameur. Lancez en premier les harpons reliés à votre barque par une corde. Dès que vous êtes attachés à elle, ne la lâchez pas et lancez le plus de harpons possibles afin de l’affaiblir. L’embarcation qui achèvera ce monstre recevra une prime."Le capitaine s’arrêta de parler, semblant chercher ses mots avant de continuer.
"Et faites surtout attention à sa queue, elle détruirait instantanément votre embarcation. Si elle a le malheur de se retrouver au-dessus de vous, sautez directement dans l’eau."Le capitaine se retourna, me faisant face. Il arborait une mine sombre mais le ton de sa voix était posé et serein.
"Je compte sur toi Hertann, fais-en sorte de me ramener cette baleine."Sur ces mots, je rejoignis mes deux compagnons dans la barque qui m’était destinée retirant sur le chemin ma chemise. Les chasseurs de baleines chassaient généralement en pantalons, et torse nu.
La barque mesurait environ trois mètres, mais semblait solide. Une pile de harpons trônait sur le côté de l’embarcation à côté d’un énorme rouleau de corde.
Maintenant tous à notre poste, la pression montait peu à peu pendant que les deux barques s’éloignèrent du navire. On ne voyait plus la baleine mais tout le monde savait qu’elle n’était pas bien loin. Personne ne prenait la parole, écoutant avec attention le moindre bruit, ou le moindre mouvement qui pourrait surgir de n’importe où entre toutes les vagues.
Le silence régnait toujours après une bonne dizaine minutes d’attente. On voyait le navire flotter au loin s’étant éloigné petit à petit afin de ne pas déranger la chasse.
Tout se passa très rapidement. Totok poussa un hurlement désignant une forme sombre qui transperça la surface et il ne tarda pas à lancer son premier harpon qui fît mouche. Le projectile transperça la chair de l’animal, accrochant ainsi l’embarcation.
La barque des triplés prenait de la vitesse, désormais rattachée à la baleine par la corde. Cette accélération fit trébucher les trois hommes dans l’embarcation.
Archibald se leva à son tour, un harpon à la main prêt à accrocher notre embarcation à l’animal.
Je réussis à l’arrêter à la dernière seconde, lui arrachant le harpon des mains.
"Arrête. Si nous nous accrochons nous aussi, nous risquons de heurter l’autre embarcation lorsque nous serons tractés. Laissons-les faire pour le moment, de toute façon les baleines ont tendances à effectuer des cercles afin de se libérer. Elle restera dans la zone et nous prendrons le relais lorsqu’ils l’auront lâché."Archibald reposa le harpon, convaincu par ce que je venais de dire. Nous observons ainsi l’autre embarcation, profitant de ce court répit afin de faire connaissance. C’est Archibald qui entama la discussion.
"C’est rare de croiser un Sang-Pourpre dans les équipages, comment tu as atterri ici ?"Je ne connaissais pas encore bien l’équipage et l’occasion était parfaite pour commencer des présentations plus poussées. Je décidais de lui raconter toute mon aventure depuis mon arrivée à Bouhen jusqu’à mon arrivée sur le navire, omettant volontairement les détails les plus inutiles.
"Je vois, tu ne connais pas non plus très bien Bouhen. Je suis aussi arrivé ici il y a quelques jours. Je viens de Tulorim. Je devrais déjà être marié et vivre des jours heureux auprès de ma famille mais j’ai décidé que ma vie ne se résumerait pas seulement à forger des épées et à regarder mes enfants grandir. J’avais envie de voir le monde et j’ai ainsi quitté ma famille à vingt ans."Son regard se perdait à l’horizon, observant l’embarcation toujours accrochée au cétacé, qui traçait sa route sur l’océan. Ses longs cheveux châtains flottant légèrement dans le vent.
"J’ai rencontré le capitaine par hasard. Je voulais gouter à la vie de marin et le job s’est proposé à moi. J’ai tout de suite accepté. Je …"Archibald ne finit pas sa phrase, se relevant un harpon à la main. A l’horizon, on pouvait voir la queue de la baleine s’élever au-dessus de la barque des trois frères. Cet instant sembla durer une éternité et fut aussi majestueux que terrifiant.
Malgré le grondement des vagues et la distance, le bruit qui suivit résonna sur l’océan. La queue fracassa l’embarcation, la détruisant entièrement, laissant tout juste le temps à l’équipage de se jeter par-dessus bord.
Ça allait être à nous de chasser. Tunak ne réfléchit même pas et se saisit des rames, se rapprochant le plus vite possible afin d’offrir à Archibald le meilleur angle possible. Nous ne tardâmes pas à rattraper la créature déjà bien affaiblie. L’eau prenait une teinte pourpre qui prouvait que la baleine commençait à être sérieusement blessée. Le harpon fendit l’air à une vitesse impressionnante, se plantant lui aussi du premier coup dans sa cible. La corde enroulée dans notre barque se déroulait progressivement. Nous étions maintenant à notre tour attaché à la baleine. La barque accéléra peu de temps après, entraînée par l’animal qui effectua un virage très serré faisant ricocher la barque. La corde était encore en train de se dérouler et Archibald se prit le pied dedans après avoir été déséquilibré. Il n’eut pas le temps de se dégager qu’un nœud s’était formé autour de sa jambe le maintenant prisonnier. J’attrapais instinctivement une lame de harpon afin de couper la corde mais elle était trop épaisse. Le nœud se resserrait de plus en plus autour de la jambe d’Archibald sous la puissance de la baleine qui déroulait la corde. Cisaillant la chair du pauvre marin, le sang commençait à couler de la jambe prisonnière. Le bruit sec de la corde qui se détendait claqua dans l'air tel un arc qui décochait une flèche. La jambe fût arrachée instantanément, produisant un craquement sonore à cause de l’os qui venait d’être cassé. Archibald hurla de douleur, maintenant le restant de sa jambe. Du sang se répandait de la blessure, tachant le sol d'une couleur pourpre. La jambe, elle, avait été emportée à la mer sous la puissance de la rupture.
Je ne savais pas quoi faire, tiraillé entre l’homme que je connaissais depuis moins d’une journée, ensanglanté au sol, et la baleine que j’avais promis de tuer, je ne savais pas comment réagir. Tunak fût plus rapide que moi et se précipita sur Archibald, essayant comme il pût d’arrêter l’hémorragie avec des morceaux de tissus provenant de son pantalon.
Pendant qu’il s’occupait du blessé, il était de mon devoir de terminer cette chasse. Toujours accroché à la baleine, l’embarcation ralentissait peu à peu, surement à cause des grandes blessures qu’avait infligées les autres.
Sans m’arrêter j’enchaînais les tirs de harpons sur l’animal qui les encaissaient les uns après les autres. Il fallait en finir rapidement afin de pouvoir sauver Archibald. Après avoir fait mouche avec une dizaine de harpons, la créature s’immobilisa enfin, recrachant un dernier filet l’air par son évent.
La créature ne bougeait plus lorsque la Mouette arriva à notre portée. Totok et ses frères furent remontés à bord par l’équipage, après avoir rapatrié Archibald de toute urgence. Sa vie ne tenait qu’à un fil et Daerius faisait ce qu’il pouvait afin de le maintenir en vie.
Le laissant à son travail, je m’approchais de la balustrade afin d’observer la carcasse flottante de l’animal. Les hommes n’ayant pas participés à la chasse s’affairaient à la dépecer, récupérant tout ce qu’il était possible de prendre. Je n’entendis pas le capitaine se rapprocher de moi.
"C’est une belle prise que nous avons là, elle devrait nous rapporter pas mal de yus au port. Nous allons enfin pouvoir changer les voiles de ce maudit rafiot. Je suis fier de toi Hertann, ainsi que de tous les autres chasseurs. Je n’étais pas là pour voir ce qu’il s’est passé avec Archibald, mais c’est un homme robuste. Je suis sûr qu’il va s’en sortir."Confirmant les paroles du capitaine, Daerius nous interrompit dans notre conversation.
"Il va s’en sortir. J’ai réussi à arrêter son hémorragie grâce à quelques sorts de soins, et en cautérisant la plaie avec du feu. Il s’est évanoui dans la douleur et va devoir se reposer plusieurs jours afin de se remettre de cette aventure. Il a perdu sa jambe et devra faire avec toute sa vie, j’en suis désolé pour lui.""Merci Daerius, tu as fait tout ce que tu pouvais, va te reposer un moment, l’opération et la magie ont dû te fatiguer."La carcasse fût dépecée durant une bonne partie de l’après-midi, la graisse de la baleine étant fondue sur le pont afin de la transformer en huile, stockée dans des tonneaux. La cale était remplie de divers produit tels que de la viande, du cuir, ou même les intestins, qui une fois séchés, serviraient de cordes solides.
Laissant les restes du squelette à la dérive, le capitaine ordonna le retour au port de Bouhen. Il était temps de rentrer.
Les voiles furent déployées, gonflées par les vents qui étaient dans notre dos.
(La chance est avec nous, nous allons rentrer rapidement.)Partie suivante