L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Re: Le port
MessagePosté: Ven 23 Sep 2011 22:32 
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Après un éternuement magnifique, qui fit s'éloigner Jasper, Heartless sembla... éviter? Ignorer? Outrepasser? La question d'Ambre, en répondant évasivement :

«  Sûrement sur le navire. Si t'as rien d'autre à faire maintenant on y va, dac ? »

La Semi-Femme prit donc son mal en patience, et, malgré sa curiosité grandissante, elle hocha la tête suivit le pirate sans discuter, contenant tant bien que mal un fou rire.

En effet, sa Faera boudait -et voir un loup bouder, c'est très comique-, et ronchonnait après le borgne.

(Pourrait faire gaffe... Grmmm... Ya des explosions primordiales qui se perdent... La prochaine fois, je jure que je laisse pas passer ça. Postillonner sur ma magnifique fourrure, quel manque de savoir-vivre...)
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 Sujet du message: Re: Le port
MessagePosté: Mar 27 Sep 2011 22:04 
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Le tricorne d'Heartless transperça encore une fois la foule de kendrans abasourdis par la fierté de son bâtiment. Cette ombre, suivie d'Ambre, se faufila entre les badauds pour rejoindre le pont de son navire. Alors qu'il marchait sur le ponton d'embarquement branlant, il se retourna en direction de sa nouvelle recrue et esquissa d'amples gestes pour accentuer ses répliques qui, si il n'avait pas été aussi fier de sa proie la Laide, aurait davantage ressemblé à une propagande idéaliste. Il vanta les mérites imaginaires de son navire tout en accentuant bien les insultes qu'il dédicaçait à Erzébeth, la reine de ses cauchemars. Il se fit aussi un plaisir d'écorcher tout nom qui y faisait référence, ou bien les avait-il déjà oublié dans son fol élan.

- Bienvenue sur mon humble navire, jeune demoiselle ! La Laide-les-Maines, le fleuron des fleurons en fleur de la flottille de la tout aussi laide, que dis-je, de l'horrrrible Baronne Arzébuth de Kreussture !

Aussitôt eut-il passé le bastingage qu'il s'attarda sur les voiles. Les voiles, ça inspirait la grandeur, c'était haut perché, impressionnant, rouge, lumineux... des voiles quoi.

- Un navire que moi et mes hommes, redoutables pirates, avons disputé à l'odieux capitaine Yvonne Crasse au terme d'un affrontement épiques ou j'ai, à moi, seul, défait dix de ses hommes ( des colosses de deux mètres ! ) avec une main attachée dans le dos avant de lui faire mordre la poussière de son propre rafiot ! Les voiles rouges sont les témoins de nos glorieuses batailles par les flots, les mers, les océans ! Alors quand je te dis qu'on est pas des rigolos, hein !

Dans sa hâte, il bouscula d'un mouvement trop ample du bras son ami Eliwin qui avait tout entendu de son monologue et, interpellé par la jeunesse apparente de la "recrue", se révolta contre l'inconscience de son capitaine.

- Sirius ! Qui est-elle ?

- C'est notre nouvelle recrue, Ambre ! Un problème ?

- Mais c'est... ! Viens avec moi !


Il emmena le borgne à l'écart pour ne pas se faire entendre de la Sinari. A la regarder, elle paraissait bien trop jeune et pure pour jouer les boucanières en haute mer et son âge était encore incertain.

- Qu'est-ce que tu fais, Sirius ? Tu vois pas que c'est une gamine ?!

- Ouais, c'est génial non ? On fait rêver les jeunes et...

- Écoute-moi quand je te parle ! Je t'ai entendu déblatérer toutes tes conneries en face de cette petite pour l'attirer ici, mais tu te rends compte qu'elle est... qu'elle est...

- Qu'elle est quoi ?

- Mais une gamine ! La piraterie c'est pas pour les gosses, si c'est pour se refaire un Von Klaash, autant qu'elle se pende tout de suite, ça lui rendra la mort plus douce !

- Mais qui t'as parlé de "mort" ? On va juste vadrouiller sur un navire et...

- Et la baronne ? T'y as pensé à la baronne ? Elle va te coller au cul après c'que t'as fait à son rafiot !

- Mais elle saura rien, j'te dis, fais moi de l'air !


Heartless, emporté par des illusions et des fantasmes de son enfance, croyait vivre en plein rêve et ne se souciait plus guère du monde qui l'entourait. Il ne pensait qu'à la mauvaise haleine d'Eliwin et c'était la seule ombre au tableau qu'il écarta rapidement pour passer à une personne plus intéressante : Ambre.

- Ce grand costaud là, c'était Eliwin, un bon gars qui me rappelle chaque jour que l'on a des affaires à traiter avec des petits seigneurs sans importance, pour le prestige t'vois. Alors, où on en était...

Là encore Sirius fut interrompu dans ses déboires extravagants par la silhouette endolorie du sage homme qui avait douloureusement donné de sa personne pendant cette aventure : Mazhui, qui le fixait d'un air grave. Son regard oscilla alors entre les mines de la hobbit et du capitaine, pour déclarer ensuite d'une tirade solennelle :

- J'ai besoin de m'entretenir avec toi en privé, "capitaine".

Dans sa voix étaient perceptibles l'ironie et le sarcasme. Heartless, saisi par la mine pathétique son compagnon dont il avait oublié la convalescence à force de s'enfermer dans une bulle rose, le prit sous l'aisselle pour l'aider à se mouvoir et, adressant de brèves excuses à sa recrue laissée sur sa faim, se retira dans un coin du navire avec l'Ynorien, en prenant soin de demander à l'un des quatre gardiens du navire ( Plagg, Iguru, Elias et Eliwin ) de continuer la visite guidée d'Ambre lors de son absence.
Assis près du beaupré, face au vent marin qui leur giflait le visage et ravivait discrètement les blessures brûlantes du blessé. Un silence amer s'installa entre les deux hommes, l'un ne sachant que dire à l'autre car il l'avait laissé sans se soucier de ses blessures, et l'autre dégoûté par ce sentiment d'abandon. Ce fut Mazhui qui fit le premier pas, mais aucun des deux ne se regardèrent, le soleil leur consumait l'iris mais il était préférable pour eux de ne pas croiser le regard, c'était plus douloureux que de se faire arracher un œil, l'orgueil était un pêché plus fort que celui de la chair et la matière dont l'humain est faite.

- Alors, fier de toi ? Tu as bien récolté tous les honneurs ?

Sirius ne répondit pas tout de suite, un sentiment de culpabilité poignardait son esprit et il savait bien qu'il était devenu indigne de répondre immédiatement par la positive à l'Ynorien, dont le visage était passé du serein au dur.

- Je m'étais laissé entraîner par... tout ça... Comme un gosse en plein rêve...

- Et ceux qui versent leur sang pour ton rêve, ça ne compte pas ?

- Non ! Enfin si... Écoute Mazhui ça fait trop longtemps que j'avais envie de faire ça...

- Et maintenant que tu "vis ton rêve", tu vas faire quoi ?

- ... Retrouver Gallion.

- Et bien sûr, tu ne te soucies pas de ceux qui te suivent et qui risquent leur peau pour assouvir ton ambition ? C'est bien cela, Sirius ? Tu n'en a cure de nous tours, toi seul compte.


La réponse du borgne fut violente, il se releva d'un saut et frappa le mât de beaupré du poing, la vérité faisait mal et Mazhui s'en servait comme d'une arme.

- C'est pas ça, bordel ! Tu délires complètement !

Il s’essouffla par ce seule geste, son imaginaire était un endroit trop douillet pour qu'il se laisse une nouvelle fois happer par la dureté du monde réel. Il voulait faire taire Mazhui, faire taire tout le monde, les avoir tous à sa botte et qu'ils ne discutent plus jamais ses ordres, même si il savait que c'était une pensée digne d'un gros bébé immature. Il se laissa retomber près de Mazhui après s'être calmé, son inconscient l'avait empêché de s'éloigner pour la simple et bonne raison qu'au fond de lui, le borgne connaissait la réalité sans vouloir l'admettre. La voix de Mazhui, qui était celle de la raison, le dégoûtait et inspirait en lui une peur nouvelle, ou plutôt une peur qu'il croyait avoir enterré depuis des années. C'était la peur de s'écarter de son chemin premier, du chemin qu'avaient tracés ces contes d'enfant pour lui et de les détourner à son avantage pour finir comme Von Klaash, un pirate qu'il aurait admiré si il ne l'avait pas emprisonné. Il se rendit compte que les habits de Von Klaash qu'il portait étaient en train de prendre le dessus sur sa personnalité, un serpent qui se glissait dans son esprit. Il voulait se croire en capitaine invincible mais il se rendit compte qu'il n'était qu'une ébauche... Il s'excusa alors qu'il cachait son œil unique sous son tricorne.

- Désolé, je sais pas ce qui m'a pris...

- Des excuses venant du grand capitaine Heartless ? J'en suis ahuri.

- Mais je peux pas... faire comme Gorilla m'a dit... Je peux pas vivre normalement, je veux pas. Une femme, des enfants... tout ça n'est qu'une distraction qui rend la vie sans saveur.

- Tout le monde ne pense pas comme toi, Sirius, accepte-le. En ce moment, il n'y a que Nark qui daigne te vouer une obéissance aveugle, mais qui sait combien de temps cela durera. Si tu ne veux pas entendre les autres, tu continueras tes vaines promesses et les embarquera contre leur gré.

- Mais alors, qu'est-ce que je dois faire ?

- Tu devrais d'abord arrêter de te conduire comme une bête de foire devant eux et écouter ce qu'ils ont à te dire. Qui, parmi les anciens prisonniers de Von Klaash, se soucie réellement de ce Gallion à part toi ? Commence par les écouter, tu apprendras beaucoup des autres, bien plus que tu ne peux l'imaginer. Et ne te laisse pas berner par ces images du héros idéal que l'on dépeint dans les récits pour enfants, ils sont pleins de mensonges, de faits magnifiés, de fiction chevaleresque, et par-dessus tout ce que je hais le plus en ce bas-monde...

- Et c'est quoi ?

- Ce mot vague et abstrait, écrit et parlé à tort et à travers de par les continents : l'honneur.


Le mot "honneur" en lui-même ne déplaisait pas à Mazhui, mais l'usage tordu que les hommes en faisaient avait mordu son esprit et meurtri son passé, passé qu'il dissimulait sous son visage trop calme pour être totalement serein. Il était impassible, un visage de pierre que seuls ses yeux tristes trahissaient. Les deux hommes n'échangèrent guère davantage et le Sirius soutint l'Ynorien alors qu'il le raccompagnait à l'infirmerie, sans mots et sans regards. Revenu près d'Ambre et des marins, il fit un signe de la main à la Sinari et si dirigea vers Eliwin pour lui demander la raison de l'absence de certains de ses compagnons dont il venait de remarquer qu'ils étaient sortis :

- Hé, El'. Toi qui sait tout sur tout, t'aurais pas vu où sont les autres ? N'Kpa, Rosa, Thalo et... Nark ?

- Je les ai vu sortir du navire y'a pas si longtemps. Je parierais ma langue qu'il sont au marché. Devraient pas tarder à revenir...

- Merci, et euh... encore une chose...

- Moui ?

- ... Non... rien du tout, oublie.


Sirius repartit vers Ambre. Il voulait se prouver qu'il était capable de retirer le meilleur de ses alliés mais après sa discussion avec Mazhui, il se sentit gêné de demander un tel service. Le borgne avait été très impressionné par la combativité d'Eliwin et désirait apprendre de lui quelques techniques de combat, mais cela l'aurait blessé dans son orgueil de nouveau capitaine. Mais l'autre était perspicace et avait deviné que le borgne désirait se racheter en acceptant d'écouter les autres pour enrichir sa propre expérience, mais il n'osait pas, pudique qu'il était. Heartless prit un air bien plus confiant en face d'Ambre et, ne sachant pas si elle avait eu le temps de visiter convenablement le bateau, l'interrogea :

- Alors, t'as visité la bête ? Pas mal, hein ?

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 Sujet du message: Re: Le port
MessagePosté: Mer 28 Sep 2011 14:12 
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Le capitaine était demandé partout sur le navire, un grand gaillard, nommé Eliwin, prit Sirius à part. Ambre n'entendit pas ce qu'ils disaient, mais Eliwin semblait la jauger de loin. Jasper partit en « infiltration »,et la Sinarie en exploration.

Elle se promena sur le pont, cherchant les endroits confortables, les points de vue, et les coins tranquilles. Elle n'entra même pas dans la cale, là ou étaient sensés dormir les marins. Le grand air lui convenait mieux.

Après avoir fait le tour, elle alla s'asseoir sur la rambarde, a-dessus du port, laissant ses jambes pendre au dessus des quais. C'est le moment que Jasper choisit pour revenir.

(Il te prend pour une gamine.)[/color]

(Sirius?)

(Oui, mais ça on le savait déjà. Non l'autre, le Eliwin.)

(D'accord.)

(Faut régler ça au plus vite.)

(Je sais. Merci.)

(T'as vu que je suis utile.)

Heartless revint vite vers elle, confiant.

« Alors, t'as visité la bête ? Pas mal, hein ? »

Elle le fixa, sérieusement, sans sourire pendant quelques secondes.

« Le pont est pas mal. J'aime beaucoup la vue qu'on a d'ici. »

Ambre marqua une petite pause. Puis, d'un ton encore plus sérieux :

« Je ne suis pas une gamine Sirius. J'en ai l'apparence, mais pourtant, je suis certainement plus vieille que toi. Nous, les Sinaris, sommes sous-estimés souvent, mais tu verras, quand le travail viendra, je saurai le faire, aussi efficacement que n'importe quel Homme. »

Elle avait dit cela lentement, pour être sure que le pirate enregistre tout ses propos. Son visage poupin s'était changé en figure sévère et adulte.

Puis, un sourire éclaira son visage, et elle sembla retomber en enfance :

« Y a quelqu'un qui fait la vigie? Parce que j'adorerais monter tout la-haut. »
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 Sujet du message: Re: Le port
MessagePosté: Ven 30 Sep 2011 20:36 
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« Pardon ? »

« N'kpa semble mal prendre votre distance. Vous ne devriez pas la laisser partir comme ça. Elle semblait avoir beaucoup de peine, figurez vous. »

« Encore une de tes conduites ! Qu'est ce que je dois faire ? Dire merci ? »


« Au revoir ? La chose est à la fois belle et nécessaire non ? »


« Que je sache, nous ne sommes pas pressés. J'ai horreur de votre bienséance ! D'accord, je vais dire « aurevoir » puisqu'elle a tellement envie de partir. »

« Merveilleux, je l'ai conduite à l'auberge, suivez moi ! »


Ils quittèrent la boutique et laissèrent ainsi le pauvre Nark face au terrible Chantelierre. Thalo pouffa discrètement puis prit le temps de regarder sa protégée, silencieuse et occupée, elle se montrait radieuse à sa manière. Le guerrier sourit derrière son casque puis échappa des mots gais :

« Vous êtes sûrement impatiente de profiter de vos nouveaux achats. »

« Qu'est ce que tu racontes ? »

« Oh rien... Je suis heureux de savoir qu'on ait parvenu à nous en sortir et de vous revoir comme avant... »

« Il t'en faut peu. »

« Eh !... »


Thalo crut lui décrocher un sourire, ils arrivèrent à la taverne le cœur léger mais on annonça que leur humoran était « partie ». La shaakt lui jeta un regard interrogatif, il haussa les épaules surpris.

Sa naïveté fit le reste.


Ils repartirent, N'kpa semblait être partie pour de bon et Rosa ne voulait pas s'attarder pour avoir une réponse. Pas d'adieux donc, cela arrangeait la mage mais il n'y décelait pas de la froideur. Le bateau attirait encore quelques curieux mais la garde s'en était désintéressée. L'elfe sombre fut la première à remonter sur le navire, son protecteur prit le temps de regarder une dernière fois Bouhen. Quelque part une partie dans son esprit espérait sincèrement le retour de la voleuse au doux pelage, l'avis changé et la ferme intention de ne pas les laisser à la compagnie désagréable des pirates. Aucune chevelure rousse parmi les passants, il soupira et conclut que seule la petite sorcière ne pouvait pas se passer de son aide. Une fois les pieds lourds posés sur le pont, Thalo rejoignit la shaakt déjà éprise dans sa lecture de son nouveau parchemin. Elle l'empressa alors de dégainer son épée. D'une confiance aveugle, sans se soucier qu'elle pouvait parfois avoir des idées tordues, il s’exécuta et brandit sa lame d'une main. Rosa mit ensuite sa magie à l'oeuvre, le pommeau de son arme devint alors bouillant, son gantelet ne retint que d'une seconde la douleur et surpris il lâcha son arme . Le combattant pris au dépourvu tourna la tête vers l'épée qui semblait floue de part l'importante température qu'elle dégageait. Après la conclusion de bien s'être fait duper, il avoua :

« C'est en effet bien pratique... Tiens qu'est ce que nous avons là ? »


L'armure observait le capitaine et la personne qui l'accompagnait. Une bien curieuse recrue s'annonçait : une jeune sinari. Thalo crut d'abord que la folie d'Heartless enrôlait désormais les enfants mais le fils de marchand se rappela soudain cette joyeuse race qu'était les hobbits. Quelques voyages lui revenaient en tête où la durée fut prolongée par leurs accueils chaleureux voire festifs. Rosa faisait une nouvelle découverte. Elle dévisageait ce petit être débordant de vie, toute cette énergie l'intriguait. La shaakt l'interrogea alors du regard :

«Une sinari... Le fardeau des voyageurs pressés... Des tas de récits les décrivent comme des gens de banquets et de fêtes allant même jusqu'à festoyer la mort des leurs... Enfin pour avoir assisté à une de leurs cérémonies, je ne peux m'empêcher de me rappeler de ce terrible mal de tête le lendemain... »

« Curieux... Ce doit être les bouffonneries de notre capitaine qui l'amuse. »


« Elle fait la même erreur que vous, devrais-je la ramener à la raison ? »


La mage soupira, surement blessée puis se mit à observer sa nouvelle potion, comme pour le fuir.

« Vous devriez attendre. Vous vous souvenez de la dernière fois ? »

« Oui, la fatigue. Cette fois c’est différent »


Sans plus attendre une objection du protecteur, elle avala le contenu de la fiole. L’effet fut quasiment instantané, une extrême chaleur puis une vision floue. Habituée, la jeune elfe crut voir un feu en face d’elle, comme ci le navire flambait. L’élément soudain l’entoura pour rendre le monde rouge cendre, soufflée par des vents brasiers, la sorcière ne ressentait aucune douleur, seulement cette sensation de puissance. Meno tentait-il de la déconcerter ? Ce dieu si discret l’avait-il remarquée ? Elle ferma les yeux, surprise. Un instant plus tard les effets se dissipèrent et cette incroyable scène s’envola, le ciel bleu azur reprit ses droits.


« Ca n’a pas l’air d’aller. »

« Je m’y habituerai. »

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 Sujet du message: Re: Le port
MessagePosté: Sam 1 Oct 2011 09:55 
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Le visage poupin de la jeune femme s'était changé en un regard sévère et mature, le genre de choses tout à fait inattendues de la part d'une hobbit. Elle ne devait pas aimer qu'on la traite comme une enfant.

- Le pont est pas mal. J'aime beaucoup la vue qu'on a d'ici... Je ne suis pas une gamine Sirius. J'en ai l'apparence, mais pourtant, je suis certainement plus vieille que toi. Nous, les Sinaris, sommes sous-estimés souvent, mais tu verras, quand le travail viendra, je saurai le faire, aussi efficacement que n'importe quel Homme.

Un profond silence s'installa entre les deux personnes. Sirius était à des lieues de savoir que l'appellation "gamine" pouvait lui déplaire autant. Il n'osa pas rajouter un mot sur le moment, mais la Sinari le fit, alors qu'elle regagnait son air naturellement enjoué :

- Y a quelqu'un qui fait la vigie? Parce que j'adore monter tout la-haut.

- Tes désirs sont des ordres !


Un sourire narquois pointa le visage du borgne. Il fit signe à Ambre de rester au même endroit et appela Plagg en le sifflant. Aussitôt fait, une ombre véloce qui se balançait au bout d'une corde se saisit de la Sinari et l'emporta dans sa course folle, la malmenant entre les cordages comme une araignée dans sa toile, ignorant les complaintes de sa proie. Avant qu'elle ne puisse songer à se défendre contre cet agresseur, la hobbit se retrouva sur la vigie haut-perchée, le saint domaine de Plagg qui la regardait d'un air amusé avant de disparaître entre les lianes du navire. Heartless laissa à Ambre sa pause contemplation et se dirigea vers Rosa et Thalo, nouvellement revenus sur le navire. La Shaakts semblait mal en point, en proie à une nausée atroce, ce qui suscita encore plus l'interrogation du capitaine :

- Hé, tout va bien ? Où sont les autres ?

Pendant ce temps, Thalo, derrière son masque de fer, le fixait d'un air grave...

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 Sujet du message: Re: Le port
MessagePosté: Sam 1 Oct 2011 20:56 
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Quand il arriva au bateau, Rosa et Thalo s’approchaient de Heartless, l’air grave. Ils allaient sûrement annoncer au capitaine le départ de N’Kpa. Nark emmena son cheval dans la cale et l’attacha dans les prisons, maintenant vide. Le guerrier aurait du travail pour fabriquer un box de fortune. Il alla ensuite dans les cuisines pour trouver des pommes ou du foin. Il n’y avait pas de ce dernier, mais l’épéiste amena quelques fruits à sa jument, qui les avala rapidement.

En remontant, Nark déboucha une fiole de fluide. Comme il avait vu Rosa le faire, il avala le liquide grisâtre. Des petits picotements parcoururent tout son corps, comme des milliers de piqures d’aiguilles. Mais cela ne lui faisait pas mal. Une fois que les fourmillements se terminèrent, Nark s’approcha du petit groupe formé de Thalo, Rosa et Heartless, en pleine discussion. Il avala tout à coup le deuxième fluide. Mais cette fois-ci, les chatouillements furent plus intenses, douloureux. Pendant quelques secondes, cela alla crescendo jusqu’à ce que la souffrance fût insupportable. Le guerrier s’effondra sans un mot, au pied de son capitaine.

[Hrp : minuscule post originellement accroché à celui dans la boutique des Mille Arcanes. Je m’excuse encore pour la taille du post, c’était juste pour que l’on quitte Bouhen.]

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Nark, enchanteur de niveau 6, à la recherche de son passé perdu.


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 Sujet du message: Re: Le port
MessagePosté: Sam 1 Oct 2011 21:22 
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« Tes désirs sont des ordres ! »

Sur cette phrase, Heartless siffla, et Ambre fut happée vers le haut. Elle se débattit quelques instants, impuissante. Mais avant qu'elle n'ait pu mordre son agresseur, la Semi-Femme se retrouva perchée sur le poste de vigie. Puis celui qui l'avait emportée à cet endroit disparut dans les cordages.

Mais la Sinarie ne se souciait plus de lui. Elle était bouche bée devant la vue qu'elle avait. Même Jasper en resta coi.

Et ce fut l'apothéose : Une mouette, puis une deuxième puis une dixième... Des centaines d'oiseaux blancs qui voletaient autour de la nacelle dressée sur le mat. Des milliers de cris, de la vie... Une inspiration saisit Ambre. Elle sortit la flûte de sa ceinture, et souffla sa réponse. Certains oiseaux, amusés, se posèrent à ses côtés, et secouant la tête, se lancèrent dans une cacophonie enivrante, le cri de la mer...

*** *** ***

Non sans mal, Ambre descendit enfin de son perchoir. Ne connaissant pas bien ce chemin de cordages, elle parvint tout de même à poser le pied sur le pont.

De nouvelles têtes étaient là. Une... elfe -Ambre le supposait, elle n'avait jamais vu de Shaakt- tout de noir vêtue et très pâle.

(Elle doit pas manger assez pour être aussi maigre...)

Une sorte de grande armure -Vivante? Enchantée?- qui semblait bouger seule, dont deux lumières bleues filtraient du casque, ainsi qu'un -Cadavre?- jeune homme allongée sans vie ou sans connaissance près de Heartless.

Elle s'approcha doucement, sans pour autant se cacher, mais pour ne pas déranger.

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Dernière édition par Ambre le Mar 4 Oct 2011 12:21, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Le port
MessagePosté: Dim 2 Oct 2011 21:53 
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Le couple ne répondit pas sur le moment aux questions du borgne. Heartless sentait qu'au moins l'un d'entre eux voulait leur dire quelque chose d'important et cela ne faisait que le rendre plus impatient. Alors que le pirate tapotait nerveusement du pied les bras croisés, avide de réponses, il ne reçut qu'une brève et obscure réponse de la part de Thalo. N'Kpa avait quitté la danse. Sirius contint tant bien que mal son étonnement, l'armure lui confirma que c'était sans doute définitif. Un lourd silence s'installa sur le navire sous les yeux innocents d'Ambre. Au lieu de ressentir de la tristesse, le borgne ressentit du dégoût : comment, elle qui n'avait rien, avait-elle pu les quitter comme ça, sans rien dire alors qu'ils étaient en train de savourer leur victoire contre Von Klaash ? Aussi quand il vit Nark monter à bord à son tour, il lui lança impulsivement :

- Hé Nark ! Où est N'Kpa ?

Puis il se rendit compte que le guerrier titubait jusqu'à lui, fixant ses jambes affaiblies de son regard vide. Une fiole presque vide lui échappa des mains et se brisa contre le sol en émettant un léger arc électrique, à n'en pas douter, la substance gélatineuse qui s'échappait du verre avait causé l'état de Nark. Le guerrier silencieux continuait de marcher inconsciemment vers son capitaine, comme un mort-vivant :

- Nark.. ça va ? Nark !

Nark s'écroula aux pieds de Sirius dans un râle douloureux, et celui-ci se hâta vers lui pour le soutenir, l'appelant encore et encore, toujours plus près des oreilles, sans obtenir la moindre réponse. L'un des anciens soldats renégats de Kerezstur ( le même qui avait aidé Nark au cours de la mutinerie ) se précipita aussi vers la dépouille de son ami et découvrit rapidement la cause d'un tel malaise : les fluides. Il parla d'une énergie magique assez puissante pour désorienter, même à faible dose, le plus hardi des guerriers qui n'en aurait pas l'usage, l'ancien milicien avait dû pousser un peu trop loin la curiosité. On exposa la cruelle vérité à Heartless : il avait peu de chances de s'en sortir après avoir absorbé une telle quantité d'énergie magique si, par malheur, il se révélait être inapte à l'utiliser. Selon Eliwin, c'étaient aux dieux de décider de son sort, on ne pouvait "soigner" d'un fluide. On ne pouvait dire ce genre de choses à Sirius car pour lui les dieux n'étaient que des chimères isolées sur leur ilot bien loin de la terre et de la mer, à contempler les souffrances des races du bas-monde. Jamais il ne voudrait se soumettre au bon vouloir de ces cruelles déités, il les considérait comme des observateurs sans rêve et sans scrupules, rien de plus, et Sirius massacrerait le dos de Moura sans état-d'âme sur la fière Laide-les-Maines. Mais il y avait plus urgent à faire : des hommes aux bras musclés se saisirent de Nark et le conduisirent à l'infirmerie où se reposait déjà Mazhui. Alors emporté par les gaillards, du corps du guerrier tomba un léger bout de papier, que Sirius rattrapa avant que le vent ne l'emporte. Il serra la note dans sa main avant de frapper le sol de son poing.

Les marins tentaient tant bien que mal de rassurer Heartless, mais celui-ci ne se faisait pas d'illusions, car si son second venait à reprendre conscience, dans quel état serait-ce alors ? Sirius était déchiré entre peur et colère, il ordonna brièvement à ce que quelqu'un, n'importe qui, vienne veiller sur son chevet et ne le quitte pas des yeux avant de se retirer dans sa cabine puis ensuite, il somma le départ du navire, au diable la lâche humoran. Le borgne claqua la porte derrière lui et, alors emporté par un élan irrésistible, il se jeta sur son fauteuil et se prit la tête entre les mains. Nark... Pourquoi lui ? Son plus fidèle compagnon ? Pourquoi ?

Et ce fut à cet instant qu'il se rendit compte de la présence du bout de papier qui gisait entre ses doigts, quelque chose d'humide dans sa paume. Il retourna la note et s'aperçut qu'au milieu de celle-ci il y avait une tâche noire, noire comme le noir des noirs, le noir le plus profond et le plus noir... Il retourna ensuite sa main et il s'aperçut que le fond était noir comme la tache du papier. Le borgne mit un certain temps avant de se remémorer la signification d'un tel signe, mais c'était en fait tellement évident et redoutable qu'il tenait à garder sa lucidité alors qu'il découvrait sa véritable signification : la mort. Il l'avait lu dans un conte, sans savoir que cela fut vrai, et encore moins que ça l'était encore. Dans la superstition propre au domaine de la piraterie, le noir était synonyme de mort et s'en paraient alors les capitaines les plus cruels. Le simple fait d'envoyer une marque noire sur un bout de papier à une personne ne signifiait qu'une chose : elle était destinée à mourir de la main d'un semblable. Heartless paniqua et cracha sur sa main pour l'essuyer vivement avec le manteau de Von Klaash mais, même après des efforts furieusement répétés, la marque restait gravée sur sa paume. Écœuré, le borgne jeta le bout de papier loin de lui et se reprit la tête entre les mains : qui aurait pu lui envoyer cette menace de mort ? Gallion ? La Baronne ? Qui ?

Il se mit à réfléchir, Erzébeth n'était sûrement pas encore au courant pour la mutinerie, cela ne pouvait être que Thunderhead : se serait-il rendu compte de la montée en puissance de son ancien camarade et aurait décidé de sa mort ? Étrangement, cela ne ressemblait pas au personnage. Sirius entendit alors tes tapotements contre sa deuxième porte, celle qui donnait directement sur la mer. Redoutant un assassinat si ponctuellement après avoir reçu la marque noire, il s'arma de son sabre et avança vers la porte de bois à pas chassés. Lorsqu'il arriva à hauteur de celle-ci, il la tira vers lui et braqua son épée vers un ennemi imaginaire, mais il n'y avait personne, juste une boîte qui recouvrait tout le balconnet, un énorme coffre rectangulaire et noir jais attendait patiemment la venue du capitaine. En proie au doute et à la curiosité, le capitaine délogea le couvercle d'un mouvement rapide de la main...





- Re... Renart ?!

Il le reconnut, l'homme dans le cercueil.

Sirius laissa tomber son arme et se hissa sur le rebord du cercueil d'ébène, pas de doute, c'était bien l'homme qu'il avait affronté il y avait au moins une ou deux semaines, inerte au fond d'un cercueil. Heartless n'était pas médecin, mais lorsqu'il vérifia le poux de celui qu'il croyait traître, il sut qu'il était déjà mort, et si froid... Ses blessures étaient couvertes par un voile blanc taché de sang au niveau de la poitrine, on l'avait tué au combat, ses bras étaient placés en croix et il tenait dans chacun d'eux ses faucilles jumelles, son arme favorite. Le borgne n'avait jamais réellement connu Renart, mais après s'être battu contre lui, il s'était bien aperçu qu'il n'était pas n'importe qui. Son visage, pourtant si arrogant au combat, était doux et paisible, encerclé par sa chevelure blonde et le soleil de midi. Il était mort à son insu, anonyme, sûrement abattu par Gorilla et ses hommes, Sirius l'imagina en martyr massacré par ce vieux loup de mer... Il en griffa la tombe de cet ami inconnu, ruminant le nom de son ennemi juré : Gallion Thunderhead. Cela ne pouvait être que lui, et l'évidence même était qu'aux côtés de Renart gisait la même marque noire qui annonçait la mort du premier qui l'aurait ouverte, en l’occurrence : Heartless. Heartless, à peine capitaine et déjà deux menaces de morts, plus un cadavre sur les bras, c'était plus qu'il n'en fallait pour hurler vengeance. Alors que Bouhen s'éloignait à l'horizon, Sirius referma solennellement le couvercle du cercueil. Il ne connaissait aucun dieu, n'en vénérait aucun, mais il se mit à prier intérieurement tous les dieux du monde pour que le sacrifice de Renart ne fut pas vain, que ses camarades ne subiraient jamais le même sort et enfin, que Gorilla paierait, où qu'il puisse être.

Attiré par les hurlements du capitaine, Eliwin surgit dans la cabine et contempla le triste spectacle, son intuition lui fit comprendre le contenu du cercueil. A ce moment-là, personne n'aurait trouvé les mots, les siens parurent froids, car volontairement dénués de sentiments, la réaction d'un homme en deuil de cette manière était imprévisible.

- Tu le connaissais ?

Heartless se rendit compte qu'il pleurait, il sécha ses larmes, elles étaient honteuses et, d'une certaine manière, insultantes à la mémoire de Renart. Il durcit son visage et se releva, les poings serrés, la marque noire était un secret qu'il garderait encore pour lui-même. Il ne voulait pas que trop de mauvaises nouvelles surgissent à la fois, à ce moment, il avait peur plus que tout de se retrouver seul. Il avait peur de sa propre mort et de celle des autres. Sa voix grave résonna dans la cabine :

- Oui. Je veux pour lui des funérailles dignes de ce nom.

- ... Ce sera fait, capitaine. Veux-tu que je me retire un moment ?

- A quoi bon ? Un capitaine ne pleure pas.


Ses mots sonnaient faux, mais Heartless arrivait tant bien que mal à contenir ses larmes, c'était une lutte acharnée contre lui-même qu'il menait. Pleurer était un signe de faiblesse, et il devrait s'en débarrasser, ne jamais plus verser une larme, c'était indigne du capitaine qu'il voulait devenir. Le test commençait dès à présent. Le borgne passa près d'Eliwin en évitant son regard, lui intimant l'ordre de prendre soin du cadavre en vue d'une cérémonie qui aurait lieu au plus tard le lendemain. Le borgne évita le regard des autres membres de son équipage alors qu'il faisait sembler de regarder les murailles de Bouhen qui disparaissaient au loin. Il rejoignit l'infirmerie et s'assit près de Nark, délogeant le veilleur, il voulait être seul. L'homme était encore inconscient, peut-être aux portes de la mort. Sirius s'endormit près de lui et durant son sommeil, fondit en larmes.

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 Sujet du message: Re: Le port
MessagePosté: Mar 19 Fév 2013 04:14 
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Interlude, partie 2

~1~



Le port de Bouhen est plus agité que celui d'Oranan en ce début d'après-midi. Capuche rabattue sur le visage, je ne lève ce dernier que pour jeter un coup d'oeil par-dessus mon épaule, en direction de ma monture nouvellement acquise. Le colosse gris pommelé, dont le garrot me dépasse de deux têtes, semble visiblement nerveux. Je m'assure à chaque instant pouvoir être prêt à réagir s'il se remet à montrer des signes d'agressivité. Après tout, il y a quelques heures à peine, il chargeait ses palefreniers et se cabrait pour se défaire de son cavalier. Je resserre donc les doigts sur les rênes enroulées autour de ma paume. J'ai hâte que mon avant-bras gauche soit guéri pour apprendre à le monter.

Devant moi, marchant à un mètre et portant mon Fang Bian Chan sur le dos, oncle Masaya ne parvient pas à s'empêcher régulièrement de jeter un coup d'oeil en arrière. J'esquisse un sourire en repensant à sa réaction en voyant la bête. D'abord un regard incrédule, un faciès pensant que je lui jouais un tour, puis un haussement d'épaules accompagnant un regard vers le ciel couvert. J'ai pris la responsabilité d'acquérir cet étalon, il est hors de question que je revienne sur ma décision. J'abaisse bientôt le regard sur ma gauche, distinguant la silhouette de Tohru. Il n'y a rien à faire, je ne sais toujours pas si cet enfant ynorien est un garçon ou une fille. Je n'ai d'ailleurs pas envie de lui poser de question à ce sujet.

Sentant sans doute que je l'observe, mon voisin de marche lève le nez, et tente de sourire. Une pointe coupable et bienveillante perce mon coeur quand je comprends qu'il ou elle s'y force. Sa main serre ma cape au point de s'en faire blanchir les articulations. Son comportement me réconforte, comme l'a fait sa présence. Si Tohru n'avait pas été là, j'aurais sans doute eu un élan négatif à mon sujet. Après tout, je n'ai pas eu le droit d'assister à la cérémonie d'union de la fille d'une connaissance de Masaya, et au titre de ne pas être un humain. D'un autre côté, je suis reconnaissant envers Zewen. Après tout, quelle autre force aurait pu infléchir la course de ma vie, et l'orienter ainsi vers un si puissant étalon, à part une volonté divine ? Le hasard ? Mais c'est aussi le domaine de Zewen.

Bientôt, notre quatuor parvient aux quais où est resté amarré le Terrible. Si l'endroit m'avait laissé de bons souvenirs, j'aurais jugé dommage de repartir à peine une journée après notre arrivée. Seulement, il n'y a rien ici qui m'y incite, ou presque. Après tout, l'enfant auquel j'ai appris les rudiments essentiels de la magie de lumière va demeurer à Bouhen pour longtemps. Je préfère le savoir ici qu'à la frontière nord. Déjà, des marins font des trajets entre des bâtiments et le navire, chargeant des marchandises.

Pendant que l'ynorien âgé, encore singulièrement revêtu de son kimono noir, s'avance vers un membre de l'équipage, je me mets à flatter l'encolure de Ganko. L'étalon agite ses oreilles devant et derrière lui, m'amenant à envisager de devoir lui couvrir les yeux. Je doute que l'animal ait déjà voyagé en mer, et le grincement du navire semble le rendre nerveux. Je l'interprète ainsi, mais peut-être qu'il s'agit au contraire d'anticipation.

"Kiyo' ?"

"Oui ?"

J'abaisse le regard vers Tohru, les doigts de mon jeune interlocuteur triturant nerveusement une mèche mi-longue. Pendant de longues secondes, c'est tout ce que cette jeune pousse fait. D'un coup, sa main se tend un peu dans ma direction, et une faible lueur dorée apparait au creux de la paume. Malgré la gêne, je fais émerger ma main côté blessure, et l'étends, imitant le geste de mon interlocuteur. Nos lumières diffèrent en puissance et régularité, mais je suis tout de même impressionné. Je ne donne pas à cet être d'un mètre plus d'une dizaine d'années, et pourtant il a déjà assimilé les bases de la magie.

J'ai bon espoir.

"Cultive ce don, mais n'en abuse pas. À trop compter sur la magie, on finit par ne plus rien savoir faire."

"Compris... Dis Kiyo' ?"

"Hum ?"

"Quand j'aurai appris à écrire, je pourrais t'envoyer des lettres ?"

J'ouvre des yeux ronds, surpris par sa demande. Mon expression semble déstabiliser mon interlocuteur, s'empressant alors de bredouiller quelques mots.

"Mais si tu veux pas, c'est pas grave..."

Un mince sourire m'échappe. Après avoir fait glisser les rênes de Ganko au creux de mon coude, j'étends doucement les doigts, venant tapoter gentiment la tête de Tohru.

"Je n'ai jamais dis non. Tu n'auras qu'à demander où adresser ton courrier à Marko. Il sait où oncle Masaya et moi vivons à Oranan."

Le visage de l'enfant s'illumine d'un sourire purement ravi. J'en viens presque à regretter l'instant où mon parent m'appelle pour prendre place à bord. Ceci me ramène à mon étalon géant, l'agitation du quai commençant sérieusement à déteindre sur lui. Pour éviter que des ruades ne viennent blesser les passants, je me hâte en direction de la passerelle. Contrairement à ce que j'avais cru, le colosse quadrupède n'est nullement impressionné par le franchissement de celle-ci. En revanche, quand un marin se propose de l'amener dans la cale et esquisse le geste de me prendre les rênes, il est accueilli par un puissant hennissement. Oreilles tendues vers moi, l'animal semble à l'écoute, mais surtout prêt à répliquer brutalement à toute source d'agacement.

Après m'être assuré avoir réglé le prix de son embarquement, je le conduis à un pont inférieur. Plusieurs stalles sont présentes, mais vides. Ce n'est pas un mal, car je sais que l'étalon a un caractère fort. Je l'y place en lui laissant pour le moment son harnachement. Je reviendrai m'occuper de lui une fois en mer. J'ai à peine mis le pied sur la première marche de l'escalier que sa voix retentit.

(Il va falloir que je revienne plus vite que prévu.)

Je remonte sur le pont, surprenant oncle Masaya et Tohru se serrer le petit doigt. Amusé, je vais à leur rencontre, rajustant ma capuche grise au niveau de mes yeux.

"Il y a de la promesse dans l'air."

"Oui, mais c'est notre secret !"

"Hihi !"

L'ynorien âgé adresse un clin d'oeil complice à Tohru, celui ou celle-ci répondant par un sourire et une salutation typique de notre peuple. Ma gorge se serre un peu lorsque le départ approche, et que ma nouvelle connaissance doit rejoindre les quais. D'ailleurs, elle est bientôt rejointe par la haute figure présentée plus tôt comme son frère aîné. Sa main fait un rapide mouvement de gauche à droite, en réponse à la mienne, tandis que les matelots grimpent dans les cordages.

Pendant toute la durée des préparatifs, mon regard violet soutient celui de Tohru, qui me montre sa manipulation des fluides lumineux. Je tente alors de me reprendre, me surprenant à ressentir de la fierté mal placée. Je dois demeurer humble, quand bien même sa capacité à mieux employer sa magie tient à ce que je lui ai enseigné.

Finalement, le Terrible se dégage des quais, s'orientant vers la sortie du port. La main de mon oncle se pose sur mon épaule.

"Désolé que cela se soit passé ainsi, mon garçon. Bon ! J'espère que ce voyage va être reposant, au moins !"

J'émets un souffle nasal amusé et m'apprête à répondre quand je perçois distinctement le hennissement mécontent de Ganko. Il y met vraiment toute la voix cette fois-ci. Masaya repousse sa longue natte blanchissante sur son épaule, affichant un large sourire taquin.

"À mon avis, tu ne verras pas grand-chose de la traversée. Va vite, monseigneur cheval te réclame !"

Un rire léger m'échappe, accompagnant une appréhension. Je crois que mon parent a totalement raison.



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Dernière édition par Kiyoheiki le Mar 19 Fév 2013 15:39, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Le port
MessagePosté: Lun 21 Oct 2013 12:49 
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Les habitations de Bouhen

Le vent marin soufflait fort dans les rues de Bouhen. Le soleil venait d'entamer sa longue descente vers son crépuscule. Il restait plusieurs heures avant que l'astre rougeoyant ne s'éteigne en plongeant dans l'immensité de l'océan. La journée était belle pour cette saison automnale. En cette période, des tempêtes frappaient souvent la cité. Les habitants profitaient de cette clémence pour sortir, discuter, faire leurs achats sur le marché.
La zone la plus active de Bouhen restait sans aucun doute son port. Les marins s'afféraient autour de leurs navires, allant de la petite barque de pêche jusqu'aux majestueux trois mats. Les marchands veillaient au grain. Il fallait que leurs marchandises soient bichonnées par les rustres qui les soulevaient. Dans tout ce tumulte s'ajoutaient les enfants qui couraient dans tous les sens, faisant fuir les oiseaux marins, ou tentant de chaparder un poisson à la volée.
C'est face à ce spectacle qu'Easley fit son entrée dans le port. S'il n'avait pas été préoccupé, il aurait pu s'attarder sur tous ces détails. Mais il s'arrêtait uniquement pour questionner les passants. Il tenait dans sa main un petit papier griffonné sur lequel était indiquée l'adresse où il pouvait avoir des informations sur son père. Il recherchait un comptoir commercial. Mais dans ce lieu, ce n'était vraiment pas ce qu'il manquait.
Une fois de plus, il dérangea un homme beaucoup trop pressé pour lui répondre. Il finit tout de même par obtenir un bras tendu à la va-vite vers le nord du port. Easley pressa le pas en slalomant entre chariots et badauds. Il finit par tomber nez à nez avec l'enseigne qu'il recherchait. Levant son bout de papier devant ses yeux, il s'aperçut qu'il était bien devant “Le vieux loup de mer”. Ca en disait long sur l'activité de ce comptoir commercial dédié au transport de marchandise par bateau. Le jeune mage ne comprenait toujours pas le lien entre ce lieu et son père. Ce dernier avait fait fortune dans le commerce de la soie et des étoffes de luxe. Ses envois de marchandises sur les autres continents restaient assez rares. Pour avoir des réponses, il n'avait d'autre choix que de rentrer dans le bâtiment.
Son propriétaire ne devait pas rouler sur l'or. L'extérieur pouvait être qualifié de délabrer. L'intérieur, lui, était d'une tristesse déconcertante. Le mobilier se limitait à quelques chaises bringbalantes face à un comptoir usé par le temps. La poussière semblait s'être installée définitivement dans une couche de plusieurs centimètres d'épaisseur sur le sol. Alors que le lieu aurait dû grouiller d'activité en pleine journée, il n'y avait pas âme qui vive.
Easley s'avança vers le comptoir et tapa de la main sur le bois pour signaler sa présence. Il entendit tousser grassement dans l'arrière-boutique. Un homme se présenta en claudiquant dans la pièce. Le mage comprenait pourquoi le comptoir portant ce nom. L'arrivant avait vu suffisamment de printemps, et les années passées en pleine mer avaient profondément marqué son corps et son visage. Il portait une barbe blanche dense, mais irrégulière à cause des nombreuses cicatrices qu'il arborait sur son visage. Ses yeux, presque blancs, laissaient deviner que sa vision ne devait plus être très bonne. Le dessus de son crâne était complètement dégarni. Quelques touffes de cheveux pendouillaient lamentablement sur l'arrière de sa tête. Sa démarche mal assurée était due à une vieille blessure à la hanche qui n'avait jamais vraiment guéri. Il lança un regard fatigué à Easley avant de prendre la parole.

« C'est pour quoi encore? Si c'est pour me faire une nouvelle offre de rachat, je vous répète que vous perdez votre temps. Je ne vendrais pas le vieux loup de mer avant que le dieu de la mort ne m'emporte. Et je vous l'assure, je suis solide comme un galion. Je ne suis pas prêt de disparaître pour vous le céder. Dites-le partout où vous irez, le vieux Cross ne partira pas! »

« Je vous prie de bien vouloir excuser mon intrusion, mais je ne suis pas là pour racheter votre commerce. Je viens du quartier résidentiel où je vivais autrefois. Mon père a vendu sa maison pour une raison que j'ignore totalement, et on m'a conseillé de m'adresser à vous pour en apprendre plus. Il s'agit de Calbin, un marchand de soie. Est-ce que vous savez quelque chose à ce sujet? »

Les yeux du vieillard s'ouvrirent tout rond avant qu'une profonde fatigue transparaisse à nouveau sur son visage. A chaque fois qu'Easley prononçait le nom de son père, cela provoquait la même réaction. Cela commençait à l'agacer, car personne ne lui disait rien.
Le vieux Cross fit le tour de son comptoir et invita Easley à s'asseoir sur l'une des dernières chaises encore en état.

« Je ne connais pas toute l'histoire gamin. Mais je peux au moins te dire ce qu'il est arrivé à ton père. Calbin est venu me voir, il y a quelques mois. Je ne sais plus quand exactement, ma mémoire commence à me faire défaut. Il m'a brièvement expliqué qu'il avait besoin de travailler. Cela m'a surpris, sa réputation était grande chez les marchands, et l'argent ne manquait pas pour lui. Mais son commerce s'était achevé brutalement. Il avait pris le risque d'envoyer une grande caravane sur les chemins, et il avait tout perdu dans une attaque. Calbin a dû se séparer de tous ses biens pour rembourser ses fournisseurs. L'histoire a fait le tour de la cité, et les gens se sont mis à le surnommer Calbin le chat noir. Il s'est mis à chercher du travail. Mais tous les superstitieux lui refusaient leur aide, même ceux qui avaient bénéficié des faveurs du marchand par le passé. Je ne le connaissais pas personnellement, mais son histoire m'a touché quand il est venu me voir. J'ai donc accepté de le prendre sur un de mes navires. Il s'occupait de la gestion de mes marchandises, et c'était bien pratique. Mais cela n'a duré que quelques semaines. Ton père est parti en mer il y a un bon moment, mais il n'est jamais revenu... »

« Mon.. mon père a disparu? »

« Ton père porte bien son surnom de chat noir. J'ai perdu mon navire dans une tempête, avec une quinzaine d'hommes, dont Calbin. Mes concurrents en ont profité pour couler mon commerce également. Il ne me reste plus rien, sauf ce bâtiment qu'on essaye également de me piller. »

Il aura fallu moins d'une journée pour que la vie d'Easley bascule. Hier encore, il était sur la route de Bouhen, impatient de raconter ses aventures de Kendra Kâr à son père. Et aujourd'hui, il apprenait sa mort. Le fait que le mage n'ait pas eu de nouvelles de lui ces six derniers mois ne l'avait pas surpris. Les lettres parvenaient en fonction des caravanes de son père qui passaient dans le coin.
La tête et le cœur d'Easley se vidèrent. Il n'avait pas vu son père depuis neuf ans. Et il ne le reverrait plus jamais. Maintenant, il était absolument seul.

« Ton père n'avait presque plus rien. Il ne m'a pas demandé de solde pour son travail, mais uniquement un service. Je devais garder quelques objets pour le jour de ta venue. Je t'avoue qu'après avoir tout perdu, j'ai hésité à les revendre, mais une parole est une parole. »

Laissant Easley plongé dans ses pensées, le vieillard se leva et partit chercher une boîte usée dans l'arrière-boutique. Il la posa sur la table et s'éloigna pour offrir un peu de solitude au jeune homme. Pendant des heures, son regard contempla le vide. Easley fini pourtant par poser sa main sur la boîte. A l'intérieur, pas même une lettre. Son père avait sans doute la volonté de lui remettre lui-même au retour d'une de ses missions en mer. Le mage découvrit plusieurs babioles. Un objet retint principalement son attention. La bague de sa mère.
Easley gardait peu de souvenir de sa génitrice. Mais il gardait en mémoire son jeu qui consistait à attraper l'anneau attaché au cou d'Eléa, sa mère. Il avait depuis appris qu'il s'agissait d'un artefact magique ayant appartenu à son grand-père, lui-même magicien. Calbin ne l'aurait vendu pour rien au monde, car c'était tout ce qui lui restait de sa mère. Maintenant, c'est le seul souvenir familial qu'il reste à Easley.
Sans même prendre la peine d'adresser un mot au marin, le jeune homme quitta le comptoir. Dehors, le soleil était sur le point de disparaître à l'horizon. Le port était maintenant beaucoup plus calme. Les badauds et les marins étaient tous rentrés chez eux. Easley accueillit cette solitude avec soulagement pour ce qu'il s'apprêtait à faire. Il se rendit sur le ponton le plus éloigné de la terre ferme. La bague de son grand-père était maintenant sur sa main.
Debout, Easley regarda le soleil disparaître complètement. Une fois la nuit tombée, la mer commença à s'agiter autour du ponton. Le vent se leva subitement, agitant les vagues qui venaient frapper violemment la structure de bois. Les quelques barques attachées étaient ballottées dans tous les sens, uniquement retenues par des cordes.
Au centre de cette tempête, le mage levait les bras. Il déchaînait toute la magie présente dans son corps, évacuant en même temps la douleur de la perte de son père. La tempête monta crescendo pendant plus d'une heure. Une part de l'esprit d'Easley le résonnait et l'empêchait de détruire quoi que ce soit. Tout Bouhen pouvait néanmoins entendre les vents s'agiter sur le port.
Le calme finit par revenir pendant la nuit. Le lendemain matin, les marins, qui vinrent prendre leur poste sous un magnifique ciel bleu, découvrirent un jeune homme assoupi sur un de leur ponton. Comment avait-il pu rester là pendant une telle tempête? Toutes les personnes présentes se posèrent la question. Quand ils réveillèrent le mage, il ne fut pas très causant avec eux.
Easley avait retrouvé un semblant de paix intérieur, mais il ressentait un besoin irrépressible de quitter Bouhen. Sans demander son reste, il entreprit de quitter la ville pour débuter le voyage qu'il avait imaginé.

(Rana, donne-moi la force de surmonter cette épreuve. Tu as su me donner la force d'avancer par le passé. Maintenant que je n'ai plus de famille, je dois me réfugier dans ta sagesse et ton réconfort. Guide mes pas vers la connaissance et aide-moi à accomplir tes volontés sur cette terre.)

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 Sujet du message: Re: Le port
MessagePosté: Sam 13 Déc 2014 18:42 
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Après la Tempête - Chapitre III



Après la Tempête

Chapitre IV




La présence de l'armée était importante dans Bouhen. Impossible de traverser une rue sans croiser des militaires de toutes parts. Sans doute avait-il renforcé la sécurité dans la ville en prévention d'une attaque d'Oaxaca.

C'était du moins ce qu'il crut jusqu'à arriver au port.
Une flotte immense s'y trouvait et autant de monde pour les remplir. Les kendrains ne rigolaient pas niveau défense. Il comprenait mieux pourquoi il avait entendu tant de pirates darasmois dirent éviter les côtes du royaume kendrain. Des corvettes, des flûtes et des frégates se partageaient une dizaine d'amarrages d'un côté là où de l'autre, seuls deux ou trois vaisseaux de guerre prenaient la même place. Autre détail : le nombre de mâts par navire. C'était parlant. Pour faire avancer un bateau, en marine, il n'y avait pas cinquante possibilités. La première possibilité était la rame. Avec la rame, on pouvait voguer par tous temps et sa fiabilité n'est plus à prouver. Là où une voile était inutile sans vent et pouvait s'arracher ou brûler au gré du temps, de l'incompétence de certains membres d'équipage ou des attaques, la rame ne subit pas ses désagréments. Son principal hic, c'est qu'il fallait énormément de rameurs. Pour les marins de Dahràm, d'Omyre ou de Caix Imoros, ça ne posait pas un gros soucis. Il suffisait de faire ou de s'acheter des esclaves et on pouvait les faire trimer jusqu'à un épuisement mortel. Mais pour les pays qui ne voyaient pas l'esclavage d'un bon œil, c'était une dépense énorme que d'embaucher des rameurs. Car aucun soldat n'aurait accepté un tel poste, il fallait aussi pouvoir trouver de la main d’œuvre, et ce n'était pas une mince affaire car la pénibilité de ce travail n'était plus à prouver. La seconde possibilité était, logiquement, la voile. Lorsque le vent soufflait dans le bon sens, le navire, en fonction de la grandeur de la voile et du nombre de mâts pouvait être très rapide. Beaucoup plus qu'avec un équipage de rameurs. Mais on y dépendait énormément du temps, et les voiles étaient fragiles. Il fallait aussi que le chef d'équipage soit un marin confirmé pour pouvoir gérer efficacement un tel navire. Kendra Kâr n'avait pas à prouver sa compétence dans le domaine. Avant l'arrivée d'Oaxaca, leur marine était omniprésente tout autour de Nirtim et au-delà. Ça a bien rendu service aux pirates darasmois, l'arrivée de la reine noire, ça a libéré les côtes. C'est en parti pour cela qu'ils n'ont pas trop cherché à se défendre lorsque celle-ci envahit la ville. Les équipages kendrains sont organisés, solidement entraînés et expérimentés. Ils ne se mutinaient pas tous les deux mois, eux, au moins. Seule l'élite des marins accédaient aux postes importants de chefs de navires ou de flotte, pas n'importe quel brigand avec un peu d'autorité. Ce système strict leur a toujours réussi. Une troisième possibilité se trouvait dans l'usage de ces deux techniques sur un même navire. L'usage de voiles lorsque le vent le permettait, et de rames lorsqu'il le fallait. Technique certes utile, mais assez rare, plutôt réservé aux gros vaisseaux. Le genre qu'on ne voyait pas assez souvent dans le port de Dahràm pour que Mercurio en sache beaucoup plus. Et enfin, une dernière possibilité était d'utiliser la magie. Celle-ci pouvait s'utiliser de bien des formes. Les "mages-marins" les plus courants étaient des mages d'eau ou d'air, pour des raisons évidents, bien que des mages d'autres éléments soient aussi utilisés pour l'offensive. Mais la plupart de ces mages agissent sur des navires classiques et ne sont ainsi pas indispensables au fonctionnement du bateau, qui peut se contenter d'une des trois techniques précédentes. Mais il existerait aussi des enchantements pouvant donner toutes sortes de caractéristiques aux navires, comme les vaisseaux volants des elfes gris, qui préféreraient mourir plutôt que de plutôt livrer le secret d'un tel prodige.
Après, des légendes parlent de vaisseaux tractés par des monstres marins ou encore de navires aux constructions originales qui ne pourraient n'être commandés que par de très puissants sorciers... Mais pour ce que l'humoran en savait, cela restait des légendes.

Quoi qu'il en était, les kendrains étaient d'ardents utilisateurs de voiles en tout genre et ici, dans le port de Bouhen, ça se remarquait plus que jamais. Des mâts, voilà ce que l'on voyait en abondance ici. Et aucun esclave. Mercurio trouvait ça toutefois bête, cette volonté à toute épreuve qu'avait ces sudistes à ne pas vouloir d'esclaves. Bon, pour la haute mer, d'accord, la voile avait ses avantages. Mais s'ils ne se limitaient pas avec ça, il pourrait facilement avoir des navires à rames ou mixtes beaucoup plus fiables sur les côtes. Et avec leur sens de l'organisation et la compétence de leurs équipages, ce seul changement ferait d'eux les rois des mers.
Mais enfin bon, ce n'était vraiment pas son problème.

Le souci, maintenant, c'était qu'il se demandait vraiment où il pourrait bien trouver un navire civil car même le port de pêche était envahi de bateaux militaires.

Il chercha conseil auprès de passants, qui lui dirent que les équipages étrangers étaient chassés de la ville petit à petit pour libérer le port. Il apprit aussi qu'un bateau tulorien de transport de voyageur, nommé "La Perle bleue", faisait souvent le trajet entre Bouhen et Tulorim, était encore là la veille, mais ses interlocuteurs ne savaient pas s'il était déjà parti ou pas.

Il restait donc de l'espoir. L'humoran chercha et enfin trouva. "La Perle bleue" était un deux-mâts assez long. Il devait certainement être rapide, mais il n'était que peu armé. Trop peu. Une petit équipage de pirate sur un vaisseau léger n'en ferait qu'une bouchée.
Au bas du navire, sur le quai, un grand whiel aux cheveux gris d'une cinquantaine d'année s'engueulait avec un soldat kendrain. Celui-ci semblait être le capitaine, et il gueulait comme un chiffonnier qu'il trouvait ça inacceptable d'être obligé de reprendre la mer à peine trois jours après son arrivée et exigeait qu'on attende qu'il ait fini de faire le plein de vivres et de voyageurs avant de partir, que ça ne lui prendrait qu'une journée ou deux. Le militaire lui rétorqua que ce n'était aucunement négociable, qu'il avait déjà de la chance que le royaume ne réquisitionne pas son navire et qu'il avait intérêt de filer dans l'heure s'il ne voulait pas que ce soit le cas. Impuissant, le capitaine rageait de devoir obéir et le soldat finit par partir dans une dernière menace.

Ce fut à ce moment que Mercurio s'avança vers lui et lui dit :
"Il est à toi, ce bateau ?"

"Oui pourquoi ?", dit-il sèchement, encore énervé de sa précédente discussion.

"J'dois aller à Tulorim, c'est combien ?"

"Vous avez un titre de... Oh et puis merde, c'est cinquante yus."

Sur ce, l'humoran embarqua. Le bateau n'ayant pas eu le temps de faire le plein de voyageur, il se retrouvait seul avec l'équipage. Ils ne mirent que peu de temps avant de lever l'ancre, direction Tulorim.



Un nouvel équipage - Chapitre I

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Playlist de Mercurio

A propos, j'ai trouvé la morale de la fable que ton grand père racontait,
celle du petit oiseau que la vache avait recouvert de merde pour le tenir au chaud et que le coyote a sorti et croqué...
C'est la morale des temps nouveaux.
Ceux qui te mettent dans la merde, ne le font pas toujours pour ton malheur
et ceux qui t'en sortent ne le font pas toujours pour ton bonheur.
Mais surtout ceci, quand tu es dans la merde, tais-toi !

--------------------
Jack Beauregard (Henry Fonda), Mon nom est Personne, écrit par Sergio Leone, Fulvio Morsella et Ernesto Gastaldi


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 Sujet du message: Re: Le port
MessagePosté: Mer 19 Aoû 2015 19:45 
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Son corps emporté par l'océan vint se cogner contre le ponton. L'iode envahit ses narines et lui donna de violentes nausées alors que l'embrun fouettait son visage qui restait péniblement hors de l'eau.

Le Sindel s'accrocha au bois vermoulu, ses ongles s'enfonçant et arrachant la mousse incrustée sur les planches, ses forces commençaient à l'abandonner mais il tint bon malgré les flux et reflux de la marée quitte à avoir ses doigts fins ensanglantés et couverts d'échardes. Le mage sentait sa bouche être pâteuse, il désirait ardemment de l'eau mais douce et non ce liquide âcre qui venait agresser son estomac et lui brûlait la peau tout comme le soleil. Une bise marine venait gifler sa peau et en même temps le rafraîchir.

De nouveau, il put percevoir des sons humains et non le ressac des vagues venant s'échouer contre les barques et les navires de guerre. Il entendait les hurlements commerciaux du crieur de la criée, les bruits de pas des citadins et des marins. Ses fines oreilles parvinrent même à capter le frottement des mains calleuses sur les cordages.

Soudain, des mains puissantes agrippèrent les siennes et tirèrent son corps hors de la mer traîtresse. Un instant, Aeglos se débattit, il voulait enfin mourir et ainsi méditer pour l'éternité, mais ces mains le maintenaient trop fermement et son corps était trop faible pour lutter. Des voix brutales presque aussi tranchantes qu'une lame de rasoir semblaient s'enquérir de son état et cherchaient à obtenir des réponses à leurs questions. Nul réponse inaudible ne sortit de sa bouche avant qu'il ne parle Sindel quémandant de l'eau. Personne ne semblait vouloir lui donner ce qu'il désirait.

(Veulent-ils me torturer psychologiquement ? )

Ses lèvres craquelèrent lorsqu'il tenta de formuler un autre mot.
- Tahelta, Tahelta...

Ses yeux s'ouvrirent lentement et il se força à ne pas fermer les yeux, trop aveuglé par le soleil. Il vit des marins dans leur costume traditionnel discuter avec ardeur et le regarder avidement. Un autre marin apparut dans son champ de vision avec en main le bâton des Maenauster, il tendit sa main droite dans sa direction pour le recevoir, cependant l'homme n'esquissa pas le moindre geste dans sa direction et il tomba de nouveau, inconscient.

Dans sa torpeur, des images brutes lui revinrent à l'esprit. Tahelta, magnifique cité où il avait appris à vivre, à aimer et à se battre en tant que prêtre de Yuia, déesse des glaces et de la beauté selon certains elfes et les humains.

Il se souvint des discours royalistes convaincus qu'il déclamait dans la capitale au milieu d'un petit groupe d'autres prêtres de Maenauster. Il savait que les prêtres de Sithi, déesse lunaire douée de fluides d'ombre et de lumière lui ayant donnée accès à la capacité de voir le futur, pouvant sans peine contraindre par leurs décisions le roi et la reine Sindel logés au palais de Tahelta. Au vu des derniers événements, il paraissait évidemment que l'un des prêtres ou des apprentis avaient prévenu les prêtres de Sithi d'un tel comportement. Dès lors, la fuite avait été nécessaire pour leur échapper.

La douleur était revenue, il les voyait tels des spectres le hantant jusqu'à la fin de sa vie. Plus de quatre siècles de traque à travers différents mondes pour revenir sur Yuimen, là où tout a commencé. Leur dernier combat l'avait mis dans un état déplorable, les prêtres de Sithi étant doués tout autant en sortilèges qu'avec des armes, son corps n'était plus qu'une loque. Des langues de feu avaient essayé de s'enrouler autour de lui et des pics de pierre l'avaient esquinté au niveau du torse.

Ses yeux s'ouvrirent et il vit un plafond en chêne, puis il déplaça son champ de vision pour constater qu'il se trouvait dans une sorte de cabane et que son corps reposait sur un lit miteux. Il sentait encore l'iode et il entendait les rouleaux de vague percuter les pierres du port.

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 Sujet du message: Re: Le port
MessagePosté: Jeu 20 Aoû 2015 14:24 
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- Tahelta...

- La célèbre cité des elfes gris, n'est-ce pas ?

Ses yeux fixèrent là où la voix provenait, c'était un homme plutôt âgé, la cinquantaine. Des cernes creusaient son visage déjà squelettique tout comme son corps. Ses yeux bleus le fixaient avec intérêt.

- Des marins vous ont ramené jusqu'à moi mais à vrai dire, je n'avais encore jamais vu de Sindel jusqu'à aujourd'hui.

Il se leva péniblement, tout son corps lui faisant mal, pour fixer le vieillard qui s'assit à ses côtés sur le tabouret. Il lissa sa longue toge brune de ses doigts décharnés et tremblotants.

- Qui êtes-vous et où suis-je ?

- Je m'appelle Jack.

A mesure qu'il reprit des forces, il parvint à faire attention aux détails dont la voix éraillée et sifflante du vieillard. Jack s'approcha de lui et il eut un mouvement de recul, néanmoins le vieillard arriva à le toucher au front du bout de ses doigts d'où émanaient une lueur. La lumière baigna son corps et Jack lui enleva les bandelettes qui couvraient son torse, ses blessures avaient cicatrisé.

- Vous êtes guérisseur. Puisse Gaïa veiller sur vous.

- De même pour vous. Pour votre information, vous êtes à Bouhen sur le continent de Nirtim. Vous êtes bien loin de Tahelta donc.

Le Sindel agrippa l'armature du lit et se déplaça pour poser ses pieds au sol. Il devait partir d'ici rapidement, les prêtres de Sithi savaient toujours où il se trouvait comme s'ils avaient le même don que la déesse lunaire. Il chercha du regard ses affaires mais ne vit que sa tunique rehaussée de plumes noires près de l'entrée sur le porte-manteaux, cependant où était son bâton ?

- Le bâton, où est-il ?! s'enquit Aeglos dont l'humeur commençait à s'assombrir.

Le guérisseur s'éloigna et revint avec sa tunique qu'il aida à enfiler.

- Je n'en ai aucune idée, vous êtes arrivés ainsi... Demandez aux gens du port, ils sauront vous renseigner.

- Combien vous dois-je ?

- Je ne suis pas devenu guérisseur pour être payé, ne vous inquiétez pas. Mangez un peu et vous pourrez partir pour rechercher votre bien par la suite.

Le mage hocha la tête et évidemment du poisson lui fut servi comme attendu d'une ville où la pêche est fondamentale. Aeglos avala la sole meunière rapidement, oubliant momentanément la grâce Sindeldi et le maintien propre à sa race. Il n'avait pas mangé depuis des semaines et la chaleur du plat lui donna la force qu'il lui manquait. Il remercia le guérisseur et quitta la cabane près du port. Il devait être plus de midi, le soleil commençait à décliner. De légères bourrasques venaient caresser les visages des marins en permission qui cherchaient la compagnie de filles de joie ou se dirigeaient vers les tavernes pour une pinte. Les humains ressemblaient réellement à de minuscules fourmis incapables de rester en place. Ils n'avaient rien de comparables avec les elfes sans aucun doute du fait de leur longévité. Personne ne pouvait penser qu'il avait déjà cinq cent ans avec un visage aussi jeune. Quatre cent huit ans s'étaient écoulés depuis sa fuite de Tahelta.

Loin des autres Maenausters et de la royauté Sindeldi, il se sentait terriblement seul. Aeglos avait le mal du pays, il se demanda s'il reverrait un jour sa cité, ses amis et sa famille. Ses parents pensaient-ils encore à lui, continuaient-ils à construire des Aynores ? Etaient-ils déjà vivants surtout en sachant qu'ils approchaient sans doute de leur trois mille ans. Il se rendit directement vers les navires amarrés aux pontons pour commencer. Il reluqua les navires de commerce et de guerre, certains étaient de fiers trois mâts dont la coque était renforcée par quelques plaques de métal. Il reconnut celui le plus proche du ponton, un deux mâts dont l'avant il y a une sculpture de sirène. Lorsqu'il s'en approcha, des marins voulurent l'arrêter et il pila net pour éviter de percuter la bande qui s'était amassée.

Un homme avec un bandeau à l'œil gauche et une cicatrice en forme d'éclair au niveau de sa lippe supérieure se tenait devant lui, un foulard noir retenait à grand mal ses cheveux noirs pouilleux. Il portait un long manteau en lin de couleur mauve. Son haleine aviné lui parvint lorsqu'il lui parla d'une voix rendue rauque par l'alcool et l'herbe à fumer.

- Ce vieux briscard de capitaine n'accepte pas les oreilles pointues, alors dégage de là avant qu'il ne te les arrache pour t'faire un collier !

Apparemment ledit capitaine aimait se parler à la troisième personne, un fou qu'il aimerait transformer en bloc de glace avant de le laisser couler au fond de l'océan. Il était trop faible cependant pour utiliser sa véritable puissance magique et les humains trop nombreux. Encore un humain qui détestait les elfes parce que jaloux de leur longévité et de leurs dons. Il valait mieux la jouer fine sur ce coup là.

- Je cherche un bâton de couleur noir avec une obsidienne en son centre, vous l'avez sans doute vu.
- Et alors, oreilles pointues ?!
Aeglos écarquilla les yeux avant de les froncer, le capitaine savait donc où il était et il était possible qu'il l'ait même en sa possession.
- Vous l'avez?! l'accusa-t-il.
Et lui qui voulait la jouer diplomatique, c'était raté.
- Dégage !
Le borgne fit mine de s'en aller.
- Attendez ! Une partie de cartes...
Le capitaine se retourna et un sourire sadique se dessina sur son visage abîmé.
- Va à l'auberge de la vieille Paulette et demande "Le jongleur", puis à la rue des plaisirs où tu demanderas Paul Leluar. Si tu les bats alors nous jouerons sur ce bâtiment, le "Sirena".

Le mage sentit qu'il ne valait mieux pas tenter plus en avant sa chance avec le capitaine du "Sirena" et s'en alla en direction de l'auberge de la vielle Paulette pour sa première partie de cartes avec "Le jongleur".

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 Sujet du message: Re: Le port
MessagePosté: Sam 22 Aoû 2015 22:00 
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Boitant dans les rues attirant les regards méfiants et méprisants des passants, il passa devant la cabane du guérisseur, Aeglos tapa vigoureusement contre la porte aux planches moites. Jack lui ouvrit après quelques minutes qui semblèrent être une éternité. Sans un mot, il lui offrit le couvert et le gîte en plus d'un soin gratuit. Savourant les produits de la terre et de la mer, il sentit ses forces revenir et il s'endormit sur un matelas défoncé à même le sol que le vieillard lui prêta pour la nuit.

Pendant sa méditation, il eut une vision. Il se trouvait près d'un escarpement montagneux, il devait être assez haut en altitude pour voir très clairement les neiges éternelles. Dans son rêve, il marchait avec difficulté dans une épaisse couche de neige. Il regarda son corps couvert de maille et son cher bâton en acier noir orné d'une obsidienne de belle taille. Sa main gantée se posa sur l'escarpement rocheux et monta lentement mais sûrement, empruntant un col jusqu'au sommet. Le ciel gris et venteux apportait son lot de tourbillons de flocons de neige.

- Aeglos ! Aeglos ! appela sensuellement une voix qui lui parvenait en même temps que le sifflement du vent.

- Qui est là ? hurla-t-il avant de se reprendre lorsqu'il vit un bloc de glace se défaire du pic, manquant de l'écraser lors de sa chute.

- Aeglos...

Il poursuivit son chemin en direction de la provenance de cette voix presque divine tant elle était cristalline. Au bout d'une trentaine de minutes, il arriva dans un village ou ce qu'il en restait totalement pris dans la glace tout comme ses habitants. Au milieu, un bloc de glace qui brillait doucement l'attira. La voix reprit de plus belle, elle venait de son sein. Aeglos s'approcha et posa ses mains sur la stèle de glace.

- Libère-moi ! Aeglos...

Il y vit une forme féminine à l'intérieur, ses lèvres aussi bleues que ses yeux. La terre trembla tout autour d'eux et il décida de rompre sa méditation dans l'instant en dépit de la supplique de la femme.
Des gouttes de sueur ruisselaient le long de son front et il avait le souffle court. Etait-ce sa déesse bien-aimée, Yuia ? N'avait-elle pas justement quitté Nosvéria à cause du désastre engendré par sa colère suite à la volonté de la maintenir prisonnière ? Yuia était bien le signe qu'il ne valait mieux pas interférer dans les affaires des Dieux sous peine de représailles, néanmoins cet appel ne l'obligeait-il pas à justement s'y mêler ? Nosvéris, le continent où la Déesse est née, il était certain que la femme de son rêve qui que ce soit avait besoin de son aide, il devait donc y aller par n'importe quel moyen.

Il se leva sans faire de bruits pour éviter de réveiller Jack le guérisseur qui dormait sur le vieux lit à côté et profita de la douce bise marine ainsi que la pleine lune qui éclairait le port de sa douce lueur. L'image de la femme lui revint à l'esprit, c'était bien la première fois en cinq cent ans qu'il avait une vision pendant ses méditations. Il se souvenait de ce corps presque sculpté dans la glace, c'était peu de le dire, qui émanait à la fois d'une certaine puissance malgré la fragilité du corps. Ses lèvres bleues avaient réveillé chez lui un profond désir, tout comme ses yeux bleu glace comme les siens.

N'était-ce pas plutôt un piège astucieux du premier élémentaire créé par Yuia, Yui-Thu ? En tant que prêtre de Yuia, il connaissait fort bien l'histoire du premier élémentaire qui essaya dans sa grande démence de tuer ses frères pour récupérer leur fluide et qui a voulu surpasser sa créatrice. Personne ne sut ce qu'il l'avait rendu ainsi, les élémentaires étaient honorés par les elfes, craints par la plupart des humains et servant à protéger les sites importants des nains. Qu'importe qui lui avait envoyé un tel message, il ne pourrait rien faire sans récupérer toute sa puissance d'antan et encore moins sans le bâton offert par les Maenausters.

Bien vite, il trouva le Sirena où il allait retrouver le capitaine. Présentant les deux jetons gagnés devant deux matelots, ces derniers l'emmenèrent dans la cabine du capitaine qui l'attendait déjà près d'une table. Des godets entourés de cuir et des dés étaient posés sur la table.

- Je croyais que nous allions jouer au carte, capitaine.

- Il me disait qu'une partie de Menteur nous changerait tous les deux... Il claqua des doigts et un colosse, un Garzok pour être précis, se tint près du capitaine. Dans l'une de ses mains, il tenait son bâton et dans l'autre, il tenait fermement une chaîne duquel était pendue une esclave Earion qui le regardait avec désespoir. Jouons maintenant !

Il jeta les trois dés dans le gobelet et le secoua avant de le claquer violemment contre la table. Les parties se succédèrent, aucun des deux adversaires n'étaient réellement gagnants si bien qu'il fallait une dernière partie pour les départager. Il la gagna en le traitant de menteur lorsqu'il énonça qu'il y avait six six. Le capitaine jura, son visage devenant rouge vif.

- Navré cher capitaine, ce soir, je gagne !

Il émit un léger rire qui enleva le sourire au mage. Avant qu'il ne puisse se saisir de son bien et libérer l'esclave qui avait été le nouvel enjeu pendant la dernière partie, les deux matelots plaquèrent la lame de leur sabre contre sa nuque, leur main libre maintenant ses épaules contre la table.

- Le capitaine gagne toujours ! Allez Grok, emmène le dans la cale avec les autres esclaves, nous nous dirigeons pour Dahràm !

- Aeglos... murmura la petite voix de son rêve.

La voix semblait l'exhorter à se battre ou tout du moins c'était la sensation qu'il ressentait à ce moment là. Créant aisément plusieurs pics de glace, il les envoya contre les deux marins qui tombèrent à terre. Il ne sut s'ils étaient morts et il n'eut pas le temps de s'en faire que Gark le Garzok agrippa sa lourde hache maintenue dans son dos et de l'abattre avec violence contre la table. Il récupéra son bâton en roulant sur le côté pour éviter l'énorme masse de muscles qui détruisait le bateau sous les insultes du capitaine. Cependant lorsqu'il tenta de fuir, le Garzok lui donna un coup de manche, l'envoyant valdinguer contre des planches de bois. Le raffut rameuta les autres matelots et une forêt de sabres se dévoila. Coincé, il se rendit et le Garzok dans un rugissement l'assomma.

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 Sujet du message: Re: Le port
MessagePosté: Dim 1 Oct 2017 22:56 
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Partie précédente

La traversée de la ville jusqu'au port fût assez rapide, franchissant le grand marché ainsi que les ruelles sans encombre, malgré le nombre de personnes dans la cité. Une fois arrivé, une odeur prononcée de poisson et d'alcool atteignit mes narines, me rappelant toutes sortes d’odeurs de ma jeunesse. L'activité du port était déjà bien lancée. Les pêcheurs vendaient leurs poissons fraichement pêchés à la criée, et les commandants hurlaient afin de faire dresser les voiles.
Je me sentais bien. L'air marin légèrement salé me remontait le moral, oubliant ma mésaventure de la nuit. Partant en quête d'un potentiel travail dans l’un des nombreux équipages, je longeais le port, évitant au possible les matelots qui portaient les provisions.

Après quelques heures, mes recherches étaient toujours vaines. Trouver un gagne-pain n'allait pas être chose aisée pour un Sang-pourpre. Le seul endroit où je pouvais travailler était sur un bateau, et les équipages étaient souvent complets, ou refusaient d’engager un matelot sans être certain de ses compétences.
Enchaînant les refus pendant toute la matinée, je m’autorisai à manger un maigre repas composé d’un morceau de pain, et d’une pomme glanée dans des caisses. Je devais économiser mes maigres possessions. Le goût acidulé de la pomme afficha sur mon visage une grimace. Jetant le trognon dans l’eau, je croquai avidement dans le bout de pain qui n’était pas de meilleure qualité. Des cris de colères attirèrent mon attention. Ils provenaient d’un attroupement de marins en colères qui descendaient d’un navire.

"Cette fois s’en est trop ! On a failli tous y passer ! Je quitte l’équipage !"

"Non mais traverser une tempête, et puis quoi encore ?"

Intrigué par toutes ces paroles, je me rapprochai de ces marins, espérant y glaner certaines informations.

"Excusez-moi, que se passe-t-il ?"

"C’est encore le capitaine, chaque sortie en mer nous rapproche un peu plus de la maison de Phaïtos. Nous ne sommes pas des marins faits pour ce genre d’aventures, nous quittons l’équipage !"

Un autre, tenant son bras entouré de bandages s’exprima à son tour, lâchant au passage une grimace de douleur.

"La dernière fois il avait levé les voiles et éperonné un navire ! Cette fois il nous fait traverser une tempête, toutes voiles dehors ! Je vous le dis, cet homme est fou !"

Le groupe de marins furieux s’en alla, me laissant seul devant le navire dans lequel ils travaillaient il y a peu. D’une trentaine de mètres, il ressemblait à tous les autres navires de cette taille.
Deux mâts trônaient fièrement sur le pont. Une écriture à l’avant laissait deviner le nom du bâtiment.

(La Mouette, joli nom pour un navire.)

Simple rectangle de couleur noir, le pavillon flottait fièrement en haut du mât principal.

(Si des marins quittent l’équipage, je devrais avoir une chance de me faire embaucher ici.)

Je décidais de monter à bord afin d’y tenter ma chance.

Partie suivante

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Dernière édition par Hertann le Lun 2 Oct 2017 22:45, édité 4 fois.

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