Après la Tempête - Chapitre IVUn nouvel équipage
Chapitre I
L'équipage de la Perle Bleue était plutôt sympathique.
Bien qu'ils digéraient tous assez mal l'écourtement de leur escale à Bouhen, ils n'en tenaient pas rigueur à l'humoran, bien au contraire. Un voyageur, c'était peu, mais c'était toujours mieux qu'aucun. Et puis ça les obligeaient à garder Tulorim comme cap.
Le capitaine devait être un bon gars, en temps normal. Ça se voyait vu comment il parlait à ses hommes. Il était assez décontracté, savait se faire obéir sans gueuler tout le temps et n'hésitait pas à faire lui-même certaines tâches plutôt ingrates dans le vaisseau.
S'il ne voulait pas le faire paraître, tous le ressentait cependant bien amer.
Les trajets entre Tulorim et Bouhen, Mercurio avait fini par le comprendre, c'était le fond de commerce de la Perle Bleue. Ils étaient connus à Tulorim et Bouhen pour ça d'ailleurs. Départ de Bouhen, six jours de voyage, arrivée à Tulorim, deux jours de permission pour l'équipage, une journée pour la vente de titres de transport et le ravitaillement et c'était reparti pour Bouhen, où c'était le même refrain. Bref, pour les ports de ces deux villes, la Perle Bleue était sur le départ tous les quinze jours. Ils étaient connus et habitués au voyage. La plupart étaient natifs du Compté de Whiel et ils y avaient de la famille et des amis. Bien qu'ils soient marins, leur train de vie n'avait rien de ceux des baroudeurs des mers qui erraient d'un port à l'autre, dont le timing était tellement chaotique et dépendant de tellement de facteurs qu'aucune véritable vie "conventionnelle" à côté n'aurait pu être espéré. Pour l'équipage de la Perle Bleue, c'était une routine qui se répétait encore et encore. Juste un travail comme un autre. Des problèmes et des retards étaient possibles mais plutôt rares, auquel cas les permissions étaient raccourcies.
Et cette routine était maintenant foutue en l'air, Bouhen étant bloquée par la marine kendraine. Les inquiétudes du capitaine et de l'équipage étaient multiples. En plus des tracas occasionnés par les récents événements et de leur départ précipité, ils ne savaient pas ce qu'ils allaient pouvoir faire si la situation se prolongeait.
Mercurio leur raconta aussi brièvement l'histoire avec le dragon. Si certains, incrédules, ne voulurent croire à son histoire, beaucoup angoissaient. Oaxaca était crainte. Qu'elle puisse prendre Oranan et peut-être toute l'Ynorie était déjà une tragédie, mais ce qui leur faisait surtout peur, c'était qu'elle prenne Bouhen. Ils connaissaient des gens là-bas...
On parla de faire les trajets jusqu'à une autre ville, comme Kendra Kâr.
Mais un autre bateau assurait ce trajet à la même fréquence qu'eux, la Perle Rouge, dont le propriétaire n'était autre qu'un des frères du capitaine. Décidément, c'était de famille.
D'autres villes ont été suggéré, mais toujours le même problème.
Ils ne savaient vraiment pas quoi faire. Ils voulaient aussi voir si Orinël, le capitaine de la Méduse Noire qui faisait les trajets jusqu'à Oranan, était à Tulorim. Celui-ci, d'après ce qu'en comprit Mercurio, était un des capitaines de vaisseau civil les plus expérimentés de la ville. Si Oranan connaissait le même problème, celui-ci avait déjà dû plancher à d'autres solutions avec son équipage.
A plusieurs reprises, l'humoran faillit trahir son identité de pirate.
A Dahràm, c'était considéré comme normal que des gens se baladent et se proclament pirates comme si de rien n'était. Mais là, c'était une autre histoire. Ces marins n'étaient pas vraiment des guerriers. Les exactions des pirates leur faisaient peurs, certains avaient des proches qui en avaient fait les frais quand ce n'étaient pas eux-même qui avaient subi des expériences traumatisantes en les rencontrant ou en luttant contre eux.
Et ce couillon de Mercurio faillit échapper de nombreuses fois ses origines darasmoises. En fait, ils étaient assez curieux quant ils entendaient l'humoran pouvoir tenir avec aisance une discussion technique sur la marine ou, lorsqu'il s'ennuyait trop, à les aider au travail comme s'il avait fait ça toute sa vie. Il s'inventa alors un passé de pêcheur de Henehar qu'ils n'avalaient qu'à moitié.
Toujours était-il qu'après les six jours de voyages, il ne s'était pas découvert et arriva ainsi au port de Tulorim. Il remercia l'équipage, avec qui il avait sympathisé, et leur promis une bière un de ces quatre. Mais pour l'heure, ils avaient bien à faire.
Le port de Tulorim était bien calme. Le temps y était chaud et un brin humide, c'était agréable, ça ressemblait au climat de Dahràm. Il n'avait pas encore fait plusieurs mètres qu'il avait déjà compris être dans une ville de commerçant. La plupart des vaisseaux amarrés étaient de gros vaisseaux-marchands et le port était fiché de bien plus de petits commerces en tout genre que d'estaminets et de bordels. C'était assez singulier.
Il repéra cependant une grande taverne dans laquelle il pensait bien aller dépenser quelques yus et commencer son enquête pour trouver Klaus, lorsque son regard fut attiré par une vision étrangement familière.
Une baraque branlante, sur laquelle était collée une affiche de recrutement de la Confrérie d'Outremer. C'est vrai que malgré son rapprochement avec Heartless, celui-ci ne parlait jamais vraiment de son passé. Mercurio était parti du principe que la Confrérie d'Outremer, c'était l'équipage que Heartless avait abandonné comme un chien à Henehar et rien d'autre. Ce fut à ce moment-là seulement que l'humoran réalisa que c'était un petit peu plus complexe que cela. Il y avait la Grande Prostituée, qui appartenait à la Confrérie d'Outremer. Il aurait fallu lui dire, au Garriar, que Heartless était porté disparu, probablement mort. L'ancien équipage de Henehar lui aussi aurait certainement voulu le savoir. La Confrérie avait besoin d'un chef ou, du moins, de quelqu'un qui se charge de prévenir tout le monde de la disparition de Heartless. A cette réflexion, Mercurio se sentit une pulsion de folie des grandeurs. Et s'il reprenait le flambeau ? Si Heartless se révélait toujours vivant, il aurait pu toujours lui dire qu'il avait gentiment garder le bébé jusqu'à son retour. Oui, c'était une bonne idée.
Il se rendit alors dans la cabane.
Il y faisait sombre. On y voyait comme à travers une pelle. Il gueula alors :
"Oh ! Y a quelqu'un ici ?"Un nouvel équipage - chapitre II
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Playlist de Mercurio
A propos, j'ai trouvé la morale de la fable que ton grand père racontait,
celle du petit oiseau que la vache avait recouvert de merde pour le tenir au chaud et que le coyote a sorti et croqué...
C'est la morale des temps nouveaux.
Ceux qui te mettent dans la merde, ne le font pas toujours pour ton malheur
et ceux qui t'en sortent ne le font pas toujours pour ton bonheur.
Mais surtout ceci, quand tu es dans la merde, tais-toi !
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Jack Beauregard (Henry Fonda), Mon nom est Personne, écrit par Sergio Leone, Fulvio Morsella et Ernesto Gastaldi