<< AuparavantCas de conscience
La vision de ce qu’il se passait dans la cellule me fit frissonner. Dans une pièce de quelques mètres de large et de long, deux hommes, mal habillés et armés de gourdins accrochés à leurs ceintures, étaient en train de frapper un jeune homme. Le pauvre homme était maigre, ne portait qu’un pagne souillé et était couvert de marques de coup. L’un des deux tortionnaires portait une torche et regardait son comparse frapper le jeune homme enchaîné, une expression cruelle sur le visage. La pauvre hère enchaîné n’allait pas résister très longtemps, je devais agir vite. Je pris une grande inspiration puis sursautai légèrement lorsqu’une voix provenant de ma gauche m’interpella en sifflant.
- Psssst! Hé petite! Pssst!Un peu circonspecte, je jurai, je n’avais pas vérifié les cellules, quelle idiote ! Dans l'une d'elle, légèrement en retrait sur ma gauche, un homme, visiblement pas gâté par le temps, me faisait face. Son visage buriné était fendu d’un cicatrice qui lui avait arraché un morceau du nez et sa barbe hirsute contrastait avec son crâne chauve et lisse. Il était collé aux barreaux de la porte et ses yeux gris me regardaient d’un air froid et calculateur, comme s’il avait quelque chose en tête. Je lui fis signe de se taire mais visiblement il s’en fichait pas mal car il continua.
- Approche petite! T'es pas avec eux, hein? Sors-moi d'là ou j'gueule assez fort pour qu'toute la troupe débarque!Quoi ? Il était sérieux ? Ah mais merde, il allait tout faire foirer ! Je n’étais déjà pas bien sereine, mais là je commençai à angoisser. Je pris une grande inspiration pour me calmer et lui fit signe de se taire en m’approchant lentement. Chaque cellule était fermée par une grosse serrure donc je n’allais pas réussir à l‘ouvrir seule, il me fallait la clé. Je regardai le type et pris une expression contrariée pur qu'il me prenne au sérieux.
- Pour vous libérer j’ai besoin des clés, elles sont où ?Il désigna la cellule ouverte du menton.
- A la ceinture d’ces maudits, où veux-tu qu’elle soit petite ?Evidemment... ça ne changeait pas grand chose à mon plan de départ mais j'aurai bien aimé pouvoir faire autrement. Je proposai quelque chose au prisonnier.
- Très bien je m'en occupe, je vous libère et vous m'aidez à sortir l'autre type d'ici. Pas d'entourloupe, ma lame n’est pas là pour faire jolie. Une fois dehors, j'aurai des questions, alors vous barrez pas. Marché conclu ?- Marché conclu petite, sors-moi d'là et j'réponds à toutes les questions qu'tu veux.- Parfait ! Votre nom ?- Makan le Noir, mais c'est pas l'moment d'faire les présentations cornes de bouc!J’acquiesçai et sortis ma lame en silence avant de retourner près de la cellule. Je devais faire vite ! Les deux n’avaient pas bougé et celui à la torche ricanait devant l’état du pauvre homme enchaîné. Je serrai les poings, je détestai ce genre de type ! Je me concentrai et générai une boule de feu en réduisant la puissance, je ne voulais pas blesser l’homme enchaîné et ma magie n’était pas illimitée. Je respirai un grand coup et visait le dos du porteur de torche. Il pris l’orbe de plein fouet et hurla de douleur en se jetant au sol tandis que son collègue se tournait vers lui. Je profitai de sa confusion pour lui foncer dessus. Il me vit arriver et cria mais dut reculer en urgence lorsque ma lame traça un sillon sanglant sur son torse. Merde, pas assez profond. L’autre était toujours en train de se tordre de douleur par terre et celui débout sortit son gourdin et me fonça dessus en hurlant. Il n’était guère rapide mais il avait une sacré allonge avec ses bras de gorilles et je dus me baisser en tout hâte pour na pas finir avec la tête broyée contre son arme. Emporté par son élan, il se déséquilibra une fraction de seconde que je mis à profit, imprimant un mouvement ascendant à ma lame en visant son poignet. Je ne fus pas assez rapide pour le blesser à cet endroit mais je lui tranchai deux doigts de sa main et il grogna de douleur en m’injuriant copieusement. Il revint à la charge et je dus reculer d’un bond devant son attaque verticale. Ce type utilisait uniquement sa force brute, il n’essayait pas de faire autre chose. Pas question que je pare ces coups, il m’enverrait voler jusque dans le couloir avec son arme… La pièce était étroite, donc je n’avais pas une grande place pour manœuvrer, mais lui non plus… je mis ça à profit et reculai vers le coin du mur. Il me chargea et attaqua d’un grand mouvement horizontal tandis que je fonçai sur lui. Son arme ne me toucha pas, elle cogna contre le mur, le déséquilibrant, et je pus enfoncer ma lame dans son torse. Un flot de sang jaillit lorsque je retirai la lame et me donna la nausée. L’homme regarda stupidement la plaie béante et recula en lâchant son arme. Alors que je pensais le combat fini, je reçu un coup de poing sur la tempe qui me jeta au sol. Je vis quelques lumières blanches avant de reprendre mes esprits et d’esquiver de justesse un coup de gourdin destiné à mon crâne. Je roulai hors de portée du deuxième geôlier. Son dos fumait encore mais la boule de feu n’avait pas suffi apparemment. En voyant son camarade au sol, il devint fou de rage et se jeta sur moi en hurlant. Toujours un peu sonnée par le poing reçu juste avant, j’eus un peu de mal à esquiver l’avalanche de coups qu’il fit avec son arme et reçu un coup de pied dans le ventre, m’envoyant de nouveau au sol, le souffle coupé. Il me surplomba et abaissa son arme, manquant de peu ma tête tandis que je roulai sur le côté. J’en profitai pour enfoncer ma lame dans son bras et il hurla de douleur. Il lâcha son arme et je jeta sur moi, la bave aux lèvres. J’eus un moment de panique en voyant son regard fou et j’enfonçai de toutes mes forces ma lame dans sa gorge, la faisant ressortir de l’autre côté dans un bruit écœurant. J’entendis un gargouillis immonde avant qu’il ne s’affaisse complètement.
Je restai allongée quelques instants, le temps de reprendre mon souffle puis je récupérai ma lame, me retenant de vomir en voyant tout ce sang jaillir lorsque je la retirai. L’autre geôlier n’était pas encore mort, mais il respirait avec difficulté. J’avais probablement perforé un poumon… J’eus pitié de lui, mais elle disparut bien vite lorsque je posai mon regard sur le pauvre type enchaîné. Alors que je m’approchai du tortionnaire blessé, il me lança un regard chargé de haine et de peur. La peur de mourir que je lus dans ses yeux me fit frissonner… je devais…
(Achève-le !)(Quoi ? mais…)(Il va mourir de toute façon, abrège ses souffrances.)(Je ne peux pas faire ça ! Je peux le…)(Bon sang Yliria, on n’a pas le temps, vu le boucan, toute la ville va débarquer. Dépêche-toi, je m’occuperai de tes cauchemars !)Résignée, je posai la pointe de mon arme sur sa gorge tandis qu’il m’implorait presque du regard. Je détournai la tête et, la main crispée, j’enfonçai ma lame jusqu’à ce qu’il ne bouge plus. N’y tenant plus, je vomis dans un coin. Jamais je ne m’y ferai… encore moins de cette façon.
(Et tant mieux, prends les clés et va libérer l’autre vieux, pour qu’il libère et porte ce pauvre garçon. On se dépêche !)J’obtempérai, récupérai la clé de la cellule et me dirigeai vers « Makan le Noir » pour le libérer, attentive au moindre bruit de course qu'il pourrait y avoir.