Un nouvel équipage - Chapitre IXUn nouvel équipage
Chapitre X
La chose-arbre qui servait de capitaine enroula ses doigts autour de sa main comme s'ils furent de fins et longs serpents, ça lui remontait jusqu'au poignée, c'était vraiment étrange. L'humoran grimaça à cette poignée de main un tantinet déconcertante. Il aurait bien été tenté de l'enlever vite fait, mais elle était comme emprisonnée dans la sienne et la secoua trop vivement pour lui paraître honnête.
En même temps, sourire en coin, elle se présenta :
"Capitaine Mythanorië. De race oudio, Mercurio le non-druide."Bon ben hé, ce sera "capitaine" et puis basta. Impossible pour lui de retenir un nom dans le style. Oudio ? Jamais entendu parler. En même temps, ça courrait pas les rues.
Et... "Mercurio le non druide" ?! Elle se fichait de lui ou bien ?
Lorsqu'elle relâcha enfin son emprise, l'humoran resta bloqué un instant à regarder sa main. Comme pour voir si elle n'avait pas changé entre temps. Puis il fut comme parcouru d'un frisson avant de reprendre un air sérieux en essayant tant bien que mal de capter les pupilles si claires de son interlocutrice.
Enfin, tout se passait bien. Elle l’accueillit en flattant sa qualité de guérisseur. Ce Mazhui était un bon piston, à ne pas perdre de vue. Elle lui fit aussi part que l'équipage comptait pas mal de cabochards. Ouais enfin, c'était des pirates quoi. Il voyait bien qu'il avait affaire à une bleue. Un capitaine qui avouait avoir peur de son équipage, c'est comme se tartiner de confiture devant un brok'nud affamé. Ça ne pouvait lui apporter que des emmerdes. Elle finit cependant son discours par une petite pique, lui faisant subtilement comprendre que membre de la confrérie ou pas, elle restait tout de même le maître à bord.
Il fronça les sourcils à cette phrase et la regarda sévèrement.
Pas encore en mer qu'elle en était déjà à presque menacer des membres de l'équipage. Sans raison qui plus est. Pour y aller comme ça aussi tôt, c'était qu'elle devait vraiment avoir les glandes de gérer cette cour des miracles. Ce n'était pas de cette façon qu'on justifiait sa position de chef. Ce n'était pas à quai, avec de belles paroles. Il fallait la voir en action, résoudre des conflits, devoir prendre des décisions difficiles, se distinguer au combat, gérer efficacement les hommes en situation de crise. Des questions s'imposèrent alors d'elle-même dans l'esprit de Mercurio : Avait-elle au moins déjà dirigé des hommes ? Avait-elle au moins déjà pris la mer ? Mais qu'est-ce qui nous avait été foutu à la barre de ce navire, par le scrotum de Zewen ?!
Elle embraya en présentant deux individus à ces côtés :
"Voici Leyna'Sëraya, prêtresse de Moura et son... Ami Snorik... Snori. Mais si vous nous rejoignez, vous apprendrez tout cela très vite."L'humoran se figea un instant à cette vue. C'était des sangs-pourpre ! Jeunes, mais sangs-pourpres quand même. Nom de nom... Et celle-ci, une ouaille de Moura en plus ! Parfait. Vraiment parfait. Vous voulez le bordel sur votre navire ? Embarquez un sang-pourpre. Il va chauffer les oreilles de tout le monde avec Moura jusqu'à n'en plus pouvoir et quand quelqu'un lui dira enfin de se la fermer, il perdra les pédales. Le genre d'histoire qui peut partir en vrille très rapidement.
En bon darasmois, il en avait vu et entendu, des trucs et des machins rapport aux sangs-pourpres.
C'était un peuple ultra-communautaire.
Ils passaient leurs vies sur des navires et faisaient escale dans les ports le moins souvent possible. Et lorsque c'était le cas, c'était souvent qu'il y avait une quelconque connerie de fête religieuse mouraïque qui allait encore finir en bain de sang. Ces enfoirés ne se mélangeaient jamais. Ils restaient dans leurs groupes, snobant le reste du monde et lorsque venait l'heure de se battre, ces connards déboulaient à trente et c'était coup bas sur coup bas. Et fallait pas compter sur la petite bagarre de taverne qui défoulait avec eux, c'était à mort leurs délires. Qu'est-ce qu'ils l'avaient fait chié, lorsqu'il était videur. Il pouvait plus se les piffer.
Les seuls qui allaient parler aux autres races d'eux-même, c'était les religieux de Moura qui faisait un prosélytisme insupportable dans la rue, gueulant des prières à la con sans arrêt et allant harceler le moindre gland qui s'aventurait à passer devant eux. Et le pire, c'était qu'il s'en trouvait toujours pour les écouter. Et dire que ce pauvre Klaus s'était laissé embrigader par ces allumés du temple...
Lorsqu'elle prit la parole, les craintes de Mercurio se confirmèrent :
"Leyna'sëraya de Moura, fille de deux océans dont le cœur appartient au corail, main de la reine des flots qui a triomphé du scorpion."Il contenait tant bien que mal son exaspération devant ce genre de phrase plus que pompeuse et rétorqua sèchement :
"Mercurio de Dahràm, fils de pute qui aime les phrases courtes."Il se rendit compte après coup que ce n'était pas vraiment malin de révéler son ascendance un peu honteuse. Mais bon, avec un peu de chance, personne n'aurait vraiment compris ce qu'il voulait dire par là.
En tout cas personne ne releva sur l'instant.
La capitaine alla alors annoncer à son équipage le départ du navire vers les côtes d'Ynorie. Comme quoi il y avait une épave pleine de pognon. Et, bien sûr, elle juge utile de dire que cette épave avait déjà dû être pillée par d'autres. Super pour la motivation de l'équipage comme remarque, ça, vraiment. Mais qu'elle se montre à tout le monde comme étant la dernière des tartes à l'huile, ça n'était pas forcément pour lui déplaire. Cependant, si elle y allait à ce rythme, il n'aurait pas le temps de s'imposer en chef des mutins que dix autres gars auront déjà songé à la même chose.
Et puis merde mais, les côtes d'Ynorie... Il en venait, lui, de l'Ynorie. Le pays en pleine guerre, le port d'Oranan fermé et les flottes d'Oaxaca et des Kendrains prêtes à s'entretuer au moindre pas de travers... Ça pouvait être intéressant comme objectif, mais pas comme ça, avec un équipage qui ne se connaît pas et une capitaine si inexpérimentée... Même lui n'aurait pas tenté une telle entreprise aussi tôt. Se rendait-elle au moins compte du danger ? Il fallait qu'il lui cause plus posément, elle ne devait pas connaître la situation là-bas. Parce que là, elle les emmenait droit au casse-pipe.
Mazhui ajouta cependant à la suite de Mythanorië :
"Très bien, soyez sur vos gardes. Remplir les coffres de la Confrérie est une chose mais n'hésitez pas à vous replier quand le péril est trop grand. Et essayez de rassembler des informations sur les équipages de sangs-pourpres que vous rencontrerez lors de votre voyage. Nous avons prévu de partir dans une heure. La Rascasse Volante pourrait quitter le port en même temps que le Masamune, si cela vous convient."L'humoran se disait de plus en plus qu'il avait mal jugé cet homme. Même si l'interrogation restait complète quand au choix de mettre cette oudio au poste de capitaine, au moins il n'était pas totalement dépourvu de bon sens. On voyait bien qu'il ne voulait pas saper l'autorité de madame-arbre et que c'était pour cette raison qu'il en était resté là, mais ce n'était pas anodin. Il comprenait bien que ce voyage, il puait. Sinon, pourquoi parler de la sorte ? Il manquait cependant d'un peu de poigne, de conviction. Quand à sa demande d'informations sur les sangs-pourpres, elle était bien étrange. Mais Mercurio n'eût pas le temps de s'interroger à ce sujet qu'il vit une silhouette forte et bien familière se ruer vers lui. C'était Iguru, pleurant de joie, qui venait le serrer dans ces bras.
"Mercurio ! Hahaha c'est toi ! J'ai cru qu't'étais mort, mon pote ! J'ai cru qu't'étais mort, caput !!"Sacré Iguru, ce mec était une crème. Il l'avait d'abord pris pour un gars un peu gentillet qui bouffait comme un troll et qui n'avait pas vraiment sa place dans un équipage de marins, mais après leur expérience commune auprès des Lances Ardentes de Hénéhar, il se révéla être un cuistot hors pair, un ami en qui on pouvait placer toute confiance et il était quand même loin d'être con. Mais ce dernier point restait selon les standards de Mercurio.
Quoi qu'il en était, l'humoran était prêt à buter le premier péquenaud qui chercherait des noises à son camarade.
Elias le railla gentiment au passage :
"Olà mon gros ! Va pas chialer comme une gonzesse, on t'regarde !""Ben pour être franc j'ai eu beaucoup de cul mais au final ouais, j'suis toujours de c'monde ! Alors, t'es du voyage toi aussi ? Qu'est-ce tu racontes de neuf depuis ?"Un nouvel équipage - Chapitre XI