Un nouvel équipage - Chapitre XIUn nouvel équipage
Chapitre XII
L'humoran ne voulut même pas remarquer les vapeurs étranges qui s'échappaient de son verre qu'il le leva, trinqua avec le tavernier et avala le contenu d'une traite.
Elias le regardait faire avec une grimace sur le visage, disant par la même occasion à Iguru :
"Bordel, je sens qu'on va devoir l'ramasser à la p'tite cuillère..."Les craintes du pirate allaient sans doute bientôt se confirmer, car Mercurio était en train de comprendre peu à peu la nature du liquide qu'il venait d'ingurgiter. Ce n'était pas "juste" de l'alcool fort. On pouvait ressentir de la force dans l'alcool, et celle-ci, on pouvait la ressentir dans la sensation de brûlure qui traversait la gorge et barbouillait l'estomac. Mais là, c'était un autre niveau. Oui, quand on a la nette impression que notre langue fond à l'intérieur de notre bouche et que les parois de notre gorge se sont liquéfiées, c'est soit qu'il est temps d'arrêter de faire des gâteries à Meno, soit qu'on est en face d'une véritable boisson de guerrier. Le pire était certainement le manque de réaction de l'estomac. Un tel poison, on aurait été tenté de croire qu'un corps normalement constitué l'aurait déjà régurgité. Mais là, c'était comme si l'organe était mort sur le coup ou, au mieux, agonique. Bref, bien incapable d'opposer la moindre résistance au liquide. La victoire acquise, le capsésin n'avait plus qu'à se répandre dans le sang et à se ruer jusqu'au cerveau. Il pouvait presque le sentir se déplacer dans ses artères et dans ses veines, déferlant comme une armée de garzoks en rut dans l'empire des pucelles. Et ça faisait mal.
Alors qu'une soudaine force faisait tanguer le sol vers l'arrière, Mercurio agrippa le bar avec fermeté. L'heure était-elle donc déjà passée ? Pourquoi personne ne l'avait prévenu que la Rascasse partait ? Bande d'incompétents, la mer était d'huile ! Pourquoi ils tanguaient comme ça, bordel ? Qui l'avait foutu dans une équipe pareille ? Bon, au moins ils avaient oublié de laisser Elias et Iguru au port, c'était déjà ça... Puis ils avaient bien fait d'emmener le tavernier avec eux...
Mais il y avait un truc qui clochait... Il ne se souvenait pas avoir quitté la taverne. Comment ils étaient arrivés sur le navire ? Ah, ça lui revenait. Il était encore dans la taverne. Mais ça continuait à tanguer vachement quand même.
Alors qu'il essayait tant bien que mal de retrouver ses repères, un rire sourd cognait dans sa tête. C'était flippant. Il mis un temps avant de comprendre que celui-ci venait du tavernier, qui semblait beaucoup plus accoutumé au capsésin que lui.
Il entendit vaguement la voix d'Iguru :
"Hé, ça va vieux ?"Il tourna brusquement la tête vers lui. Son gros camarade semblait ondoyer comme l'eau d'une mare. C'était à la fois drôle et inquiétant. Mercurio aurait bien été tenté de lui répondre, mais la partie de son cerveau responsable de la parole avait du fondre, elle aussi.
Elias se rapprocha de l'humoran. Le vieux pirate lui ouvrit les yeux sans qu'il ne réagisse et conclut :
"Et ben ! Moins d'une heure t'auras suffi, mon p'tit harney !"Il grommela, régla le tavernier et dit à Iguru :
"Allez, c'est fini pour lui. Faut qu'on le ramène à la Rascasse tant qu'il tient debout."Mercurio était à des lieues de se rendre compte de ce qu'il se passait. Maintenant, il était plus un légume sur patte qu'un humoran. Elias et Iguru le prirent par dessous les aisselles et le trainèrent jusqu'au navire.
Lorsqu'ils furent arrivés, Iguru lui demanda :
"Hé, ça va aller ?"L'humoran leva mollement les mains, comme pour leur indiquer que tout allait bien maintenant et qu'il pouvait marcher seul. Lorsqu'il prit son équilibre, ses deux compagnons le lâchèrent.
Aussitôt fait, il leva les bras en l'air, hurla
"JE SUIS LE ROI DU MOOOOOOOOOOooooooooooooOOOOOOOOONDE !" si fort que la moitié de Tulorim devait l'avoir entendu, expulsa un jet de vomi en plein milieu du pont de la Rascasse et s'effondra inconscient à terre.
Un nouvel équipage - Chapitre XIII
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Playlist de Mercurio
A propos, j'ai trouvé la morale de la fable que ton grand père racontait,
celle du petit oiseau que la vache avait recouvert de merde pour le tenir au chaud et que le coyote a sorti et croqué...
C'est la morale des temps nouveaux.
Ceux qui te mettent dans la merde, ne le font pas toujours pour ton malheur
et ceux qui t'en sortent ne le font pas toujours pour ton bonheur.
Mais surtout ceci, quand tu es dans la merde, tais-toi !
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Jack Beauregard (Henry Fonda), Mon nom est Personne, écrit par Sergio Leone, Fulvio Morsella et Ernesto Gastaldi