--> La Méduse NoirePelotonné dans sa cape de dissimulation, Sag-nilroë était immobile. Il essayait de parler mais cela lui était impossible. Il avait beau articuler et s’efforcer de faire vibrer ses cordes vocales, elles étaient comme glacées. Des larmes coulèrent sur ses joues et il ferma les yeux. Tout ce qui s’était déroulé la veille lui restait comme un songe cauchemardesque duquel il se serait réveillé en plein milieu et en serait prisonnier.
La grosse main du capitaine se posa sur son épaule. Il le regarda droit dans les yeux et lui proposa de faire quelques pas sur le pont. Ils allèrent ensemble jusqu’au gouvernail et le jeune semi-elfe frissonna en se remémorant ce qui hier s’était déroulé juste à cet endroit. Il se plaça à gauche du capitaine pour chasser ses idées noires et respira l’air salé de la mer. Il put le temps d’un instant oublier le début de ce qui serait sa tragédie et apprécia l’air qui s’engouffrait dans ses poumons. Il se prit à penser que cet oxygène vivifiant pourrai tle faire gonfler et s’envoler jusqu’aux côtes cotonnes de Nirtim.
Il rouvrit les yeux et le capitaine lui tendit une petite miche de pain ronde qu’on avait coupé en deux tartines sur lesquelles on avait étalé du miel, denrée aussi délicieuse que rare.
« ça adoucit la gorge » cru bon d’ajouter le marin. Sag-nilroë ne sourcilla même pas et se contenta de mordre à pleines dents le mets précieux. Il bu ensuite de l’eau mais le goût de peau de bête était infect. Il grimaça mais ne se plaint pas.
(Voilà une chose que je ferai plus, voyons le côté positif !)La nuit commençait à obscurcir le pont du bateau et les marins trébuchaient dans la pénombre. Ce pont était vraiment mal éclairé. Certes, la mer était calme et le ciel étoilé : on ne pouvait craindre une tempête. Sag-nilroë jura intérieurement lorsque se dirigeant vers ses tonneaux pour dormir il trébucha sur un tas de cordes. Il se retrouva à plat ventre, son bâton lui sauta des mains et se retrouva appuyé contre la cabine du capitaine sous une lampe à huile éclairait à quelques mètres seulement. En se relevant, Sag’ le récupéra. Une idée
(lumineuse ? Enfin, j’ai encore un peu d’humour…) lui vint en tête. Il se précipita vers le capitaine, les yeux brillants
(héhé), et lui expliqua… lui expliqua rien du tout puisqu’il n’avait plus la parole. Enragé, il montra son bâton plusieurs fois. Le capitaine ne comprit pas :
« Tu veux une arme ?-
Non, signifia de la tête Sag-nilroë et il montra son bâton.
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Tu veux un bâton ? demanda sans grande conviction le Shaakt.
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Oui », hocha-t-il avec un sourire.
L’elfe se gratta le menton, grogna et demanda finalement, ne comprenant pas :
« Pourquoi ? » Alors, le Semi-elfe courut à la lampe à huile, la décrocha de son clou et revint près du capitaine. Il mima quelqu’un qui coupe avec son bâton et le marin lui donna un couteau.
(Vraiment, je vais peut être finir par être expert en langue des signes). Il tailla le haut de son bâton jusqu’à faire une entaille de deux ou trois centimètres. Ensuite, il fixa l’anse de la lampe dans l’entaille et se promena sur le pont.
« Oui, gamin ! On y voit mieux, c’est certain ! Il faudrait toutefois quelque chose qui bloque l’anse dans son creux pour que la lampe ne vole pas au moindre mouvement. »Sag-nilroë fit un geste large qui englobait le bateau entier et chercha. Il abandonna l’idée de combler le creux avec de la mie, une grande partie du pain était déjà gâchée et il ne pouvait pas gaspiller plus de nourriture. Les têtes de poissons ne faisaient pas non plus l’affaire ! Il enragea en silence, devenant écarlate. Lorsque le capitaine lui demanda s’il avait trouvé quelque chose, il l’envoya valser en gestes désordonnés et presque comiques.
Puis, épuisé et malheureux, Sag-nilroë s’appuya un instant au bastingage, respira l’air frais et se calma. Il s’installa encore une fois entre ses tonneaux, contre la cabine du capitaine et s’endormit presque aussitôt. Le quatrième jour de voyage toucha sa fin quelques heures après.