Exech – Les rues
La nuit était froide. L’air vif fit du bien à Wethrin après l’atmosphère renfermée de la taverne. Les quelques pintes qu’il avait dû boire l’avaient affecté plus qu’il n’aurait voulu. L’alcool est rare dans le désert, et mal vu qui plus est, et Wethrin ne s’y était pas encore habitué.
Togar se portait mieux que Wethrin ne l’aurait pensé. S’il ne semblait pas très vif, il avait l’air parfaitement conscient. Il paraissait faible, sans donner l’impression de tenir debout par miracle. À cette heure, les rues étaient pour la plupart désertes, les voleurs eux-mêmes étant pour la plupart chez eux, l’absence de victimes rendant leur activité de bandits de grands chemin peu rentables. Certains rodaient cependant encore, parcourant la ville à la recherche des quelques passants restants.
Les deux hommes prirent le chemin du retour. Ils marchaient en silence, rentrant au plus court. Le pas de Togar, plus lourd, provoquait un écho qui semblait devoir alerter toute la ville de leur position. Wethrin, sur ces gardes, ne pouvait entendre d’autre son. Pourtant, personne ne sembla noter leur présence. Ils arrivèrent ainsi près de leur quartier.
Alors qu’ils remontaient une ruelle aussi banale que la précédente, le son d’une corde heurtant son arc se fit entendre, venant de derrière les deux hommes. Un léger sifflement suivi, puis un grognement sourd de Togar.
Wethrin se jeta sur le coté, dans l’ombre de l’encoignure d’une porte proche. Une ruelle à quelques pas devant lui semblait offrir un abri sûr. Etrange. Rares sont les assaillants qui laisse ainsi une aussi belle occasion de fuite à leurs victimes. Une embuscade, probablement. Ou alors l’archer débute-t-il dans son métier.
Une seconde flèche partit, mais ne toucha personne et rebondit sur le sol. L’obscurité gênait le tireur, mais la position de Wethrin était loin d’être sûre pour autant. Un rapide coup d’œil lui apprit que Togar était à terre. Il semblait en vie, mais la nuit empêchait toute certitude.
L’arc résonna une troisième fois. Le carreau le manqua de nouveau, mais le tir était plus précis. Wethrin s’élança, remontant la rue en direction du tireur. Il espérait que celui-ci se cachait au coin d’une des venelles qu’ils avaient dépassé en arrivant. Aucun signe de l’archer n’était visible. Il ne devait se montrer que pour tirer sa flèche, se reculant ensuite.
Arrivant au niveau de la première rue transversale, qui s’ouvrait sur sa gauche, il s’engouffra dedans. L’archer ne s’y trouvait pas. Aucune flèche n’avait été tirée pendant sa course, mais le tireur avait dû le voir s’enfuir. Il ne pouvait pas espérer le prendre par revers.
Wethrin avança dans la nouvelle rue, obliqua une nouvelle fois à gauche, prit au pas de course une rue parallèle à celle de l’embuscade. Les complices, si complice il y avait, devaient se trouver dans la rue suivante.
Arrivant à l’angle de la rue, Wethrin ralentit son pas. Il s’accorda deux inspirations. Avec un peu de chance, l’archer pensait qu’il était à sa poursuite et n’avait pas alerté ses compagnons.
Wethrin passa doucement l’angle de la rue. À dizaines de mètres de lui se trouvaient deux hommes, lui faisant dos, l’un, plaqué contre le mur, armé d’une dague, près à prendre à revers toutes personnes pénétrant dans la ruelle, l’autre, un arc à la main, placé en retrait, un genoux à terre, une flèche encochée, près à tirer.
Dans le silence de la nuit, Wethrin n’avait aucune chance de s’approcher discrètement. Au moment où il allait s’élancer, un court sifflement se fit entendre. Le premier homme, répondant au signal, s’avança et disparut dans la rue où gisait toujours Togar. Le second archer se releva et s’apprêta à le suivre. Le chargeant, Wethrin le pris par surprise et réussit à l’atteindre avant qu’il n’ait compris la situation. Se jetant sur lui, il le mis à terre. Sa tête heurta le pavé, l’assommant.
Wethrin se remit debout, pour voir arriver le premier bandit. S’il était surpris du tour qu’avait pris la situation, il restait un adversaire plus aguerri que Wethrin. Le jeune homme dégaina sa dague, et hésita. Il ne pouvait fuir et laisser Togar, mais un combat en face-à-face ne lui était pas favorable. Par ailleurs, le premier archer finirait probablement par arriver.
Avant que Wethrin ait pris une décision, son adversaire se fendit, et tenta un coup d’estoc. Wethrin esquiva l’attaque en sautant sur le coté, faisant décrire à sa dague un large cercle, forçant son ennemi à reculer. Il ne pourrait le tenir à distance longtemps. Faire de grands moulinets n’est pas une tactique gagnante. Il n’avait pourtant pas vraiment le choix. Dans une fuite, son adversaire le rattraperait sûrement, et il ne se sentait pas assez habile pour réussir à porter un coup : l’homme qu’il combattait avait une meilleure allonge que lui, l’empêchant d’approcher.
Wethrin esquiva une nouvelle attaque, un coup de taille, en se jetant en arrière. Ce faisant, il trébucha, et tomba à terre. Son adversaire s’avança, près à l’achever. Wethrin recula maladroitement au sol, quand Togar arriva par derrière, s’appuyant contre le mur bordant la rue. Pris en tenaille, le bandit hésita, puis s’enfuit. Il sauta par-dessus Wethrin, et partit en courant dans les ruelles de la cité.
Togar saignait du flanc, mais la blessure semblait légère. Sans demander leurs restes, les deux hommes prirent également la poudre d’escampette. Togar s’appuyait lourdement sur Wethrin, mais leurs agresseurs ne les poursuivirent pas, ou tout du moins ne les rattrapèrent pas. Ils clopinèrent jusqu’à la forge, qui n’était plus très loin.
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