C’était un dédale sombre et crasseux où d’obscures dalles tenaient çà et là en guise de route. La couleur du sol était indéfinissable et on pourrait mettre la main de Thimoros à couper que ce sentier avait bu plus de sang qu’un manticore. Et diable que cela peut boire ce genre de bête ! On voyait là qu’il ne fallait sortir qu’avec raison, précision et rapidité ; force gens se ruaient vivement, se faufilant entre la petite masse du monde matutinal. Certains pour voler, d’autres pour se rendre dans un lieu distinct. Syscar s’adapta tant bien que mal et adopta la coutume locale : aller vite, ne pas s’arrêter sous peine d’y laisser son argent, ses biens, sa vie.
Le mendiant l’avait prévenu que s’il voulait un travail dans son domaine, il lui fallait se rendre à la milice locale. Qui ne devait plus vraiment être une milice mais un bâtiment ou la basse besogne se rendait pour avoir un emploi avec risque et prime à la clé. La majorité ne devait pas revenir car morte ou suffisamment amochée pour comprendre qu’elle n’avait pas la trempe ou les capacités pour effectuer la tâche demandée. Peu importe pour Syscar, ses qualifications n’étaient pas dans le meurtre ou dans l’intimidation. Lui, son truc, c’est l’espionnage, le glanage d’informations, la délation… nommons-le comme on le voudra, c’était ça, son fond de commerce.
La route était calme ce matin. (Une chance.) pensa-t-il en la traversant ; il avait vu un panorama pas très accueillant à son arrivée : meurtre, racolage, bastonnade… toutes ses choses pas très amusante répandu tout le long de son chemin jusqu’à l’auberge, qui n’était pas mieux d’ailleurs. Sur le petit chemin, un brusque ébranlement fit sursauter Syscar dans sa marche. Il regard un instant partout pour trouver ce qu’il venait de tomber, c’était un homme. D’une main tâtonnante, il desserra sa broche pour rendre sa cape un peu plus ample puis, continua son œillade sur l’homme qui gisait sur le parterre. On l’avait violement défenestré du rez de chaussée... et sévèrement "accidenté" la chute fut brutale et, à la distance où il était, Syscar ne devina pas s’il en était mort. En tout cas, personne n’y prêta attention ; la meilleure chose à faire, c’était de faire de même. Un mort ou deux, cette ville devait avoir son cota de toute manière. La légère masse de gens devenait de moins en moins épaisse, on distinguait de plus en plus nettement la rue, les maisons et le corps de cet être qui n’avait pas dit son dernier mot. Il n’était pas mort, ça non. Il rampait doucement demandant à l’aide, une aide qu’il n’allait certainement pas trouver vu que tous désertait cette ruelle pour en accéder à une autre, plus « sûre ». Syscar continua sa route, ne prenant pas en compte des appels à peine audible, il poussa un soupir, se retournant rapidement pour examiner prestement l’individu.
Il était grand, assez costaud, au visage carré et aux sourcils se touchant presque. Sa chevelure brune ondulait à la racine alors qu’elle se raidissait à la fin. Sa bouche était couverte de sang, et du sang, il en crachait par mince filet et son nez semblait être explosé par le choc contre les pierres. Pour sûr, il avait sale allure. Le plus troublant était qu’il regardait Syscar assez fixement pour comprendre qu’il voulait quelque chose de lui. De l’aide, très certainement. Une aide qu’il n’aura pas. Pas de la part d’un être aussi terne et asocial que lui. Non pas par lâcheté mais par habitude de ne pas salir sa « non-réputation », il relâcha son œil du sieur souffrant puis continua sa marche en direction de la milice qui ne devait plus être très loin maintenant. Il pressa le pas, ne pouvant supporter que l’homme à terre pose les yeux sur lui.
La « milice » se trouvait quelque part dans la ville, caché par quelques baraquements aux anciennes prétentions militaires. Avant d’arriver à la place publique, un peu en retrait, dissimulée par une façade où de nombreuses pancartes surplombaient le mur : des recherches, des primes, des annonces sans grand intérêt pour Syscar. Arrivé devant la grande et double porte, il se demanda se que cachait en réalité ce contrôle partiel de l’organisation armée du roi de la cité par les clans de cette grande bourgade. Mais le ‘mouchard’ n’avait pas menti, ça sentait la corruption rien qu’à l’entrée de la bâtisse.
( Je sais bien que la ville est rongée jusqu'au bout par le vice mais je ne sais pas si la milice garde une prétendue dignité ou alors les clans de cette ville ne lui permet même pas cela ? Je n'avais qu'à bavarder un peu plus avec le mouchard. )
Un mouchard, un informateur, c’est comme ça qu’on nomme dans le jargon des espions un mendiant ou un vagabond qui passe son temps à écouter les conversations et les dernières rumeurs. Ils peuvent même vous dégotter du travail s’ils sont « assis » depuis longtemps. Ces mendiants ne le sont souvent pas. Généralement, ce sont des voleurs ou larrons de seconde zone en fuite qui préfèrent rester quelque part à croupir et à prêter l’oreille à la moindre donnée potable jusqu’à souvent la déformer pour la rendre plus croquante. Puis, quand ils savent qu’ils sont oubliés, on ne les revoit plus ou alors mieux dressé. Bien sûr, les mouchards sont de toutes espèces mais les plus "sûrs" et les moins suspects sont bien ceux de cette sorte, rajoutons qu'ils coutent moins cher à contenter, c'est important ça.
_________________ Syscar Lènta, voleur.
Tout est plus simple qu'on ne peut l'imaginer et en même temps plus enchevêtré qu'on ne saurait le concevoir. Johann Wolfgang von Goethe
Dernière édition par Syscar Lènta le Jeu 7 Oct 2010 17:27, édité 2 fois.
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