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Ils s'étaient assis à une table un peu à l'écart. Le rodeur était allé chercher leurs consommations au bar afin qu'on ne les dérange pas durant leur conversation.
Bien, alors je t'écoute. Je suppose que tu as beaucoup de questions à me poser, j'y répondrai du mieux que je le pourrai.
La jeune elfe semblait avoir abandonné son attitude arrogante depuis leur passe d'arme verbale dans la rue. Le semi-elfe appréciait le changement. Il se sentait plus proche d'elle ainsi.
Reprenons tout depuis le début. À Hidirain tu as dit avoir des informations au sujet de la disparition de Jonweld ?
Absolument. A l'époque j'ignorais que la confrérie Nal Hakeb le recherchait. Quand j'ai commencé mon enquête suite à sa disparition, la première chose que j'ai faite a été d'aller fouiller sa résidence à Hidirain.
Jonweld avait une maison là-bas ?
Oui, mais il n'y allait que très rarement. Comme tu le sais il était toujours sur les chemins, dans la forêt, ou dans sa cabane aux environs du village où il t'a recruté. Quand je suis arrivée sur les lieux, j'ai trouvé la porte fracturée et le logement méticuleusement fouillé. Ils étaient allé jusqu'à renverser sa bibliothèque pour vérifier que rien n'était caché entre les pages des livres. Ceux qui ont fait cela n'ont manifestement pas réussi à mettre la main sur ce qu'ils cherchaient. Cependant cela m'a conforté dans l'idée que Jonweld cachait quelque chose dans sa maison. Je connais bien mon oncle, en fait j'ai été son élève il y a longtemps….
Tu es une rodeuse ?
Pas exactement, disons que je n'ai jamais trop adhéré à votre idéologie au sujet de la nature, et tout ce qui va avec. Moi je suis une habitante des villes, j'aime le confort. Par contre c'est lui qui m'a entraînée au maniement des armes. Quand nous battions la campagne ensemble, chassant dans les forêts entourant Hidirain, Jonweld avait pris pour habitude de cacher le produit de nos ventes dans certains endroits spécifiques. Un trou derrière une poutre, des lames de parquet en apparence soudées qui pivotaient, il avait plusieurs cachettes très difficiles à discerner quand on ignorait leur position. Après un moment passé à fouiller sa maison, je suis parvenue à trouver une carte représentant une île, loin au large de Pohélis. J'y ai également trouvé un parchemin plein de notes, à priori sans queue ni tête. La seule chose que j'ai retenue, était une phrase gribouillée tout en bas de la page qui disait quelque chose comme "clé dans la demeure de Tilkas de la maison Joffra, Khonfas"
J'aimerais bien pouvoir jeter un œil à la carte…
Je ne l'ai plus. Ils me l'ont prise quand ils m'ont capturée. Mais attend, ce n'est pas tout. Dans son bureau, j'ai également trouvé une vieille lettre avec le sceau du gouvernement de Pohélis. L'ancien maire de la ville lui avait écrit pour lui demander de l'aide, au sujet d'un grave problème nécessitant l'intervention discrète d'une personne extérieure.
Quel lien entre Jonweld et le maire de la Ville ?
Au vu du ton employé, ils se connaissaient bien. Le maire semblait même lui accorder toute sa confiance. Ce qui est étrange, c'est que la ville est aux mains des orcs depuis plus de deux ans. Je n'aurais jamais imaginé que le maire s'y trouvait toujours, ni même qu'il était encore en vie. En tout cas, il n'a certainement pas demandé son aide à Jon dans le but de libérer sa ville des orcs, une armée entière n'y suffirait pas.
Sur ce point je suis d'accord. Et ce n'est certainement pas non plus une coïncidence si la carte trouvée dans les affaires de Jon concerne une île tout près de Pohélis.
Le rodeur resta un instant silencieux, buvant une rasade de bière, avant de poser sa question suivante.
Pourquoi les tueurs de Nal Hakeb s'en sont pris à moi à la cascade ? Je n'avais aucune information qui pouvait leur être utile.
En fait ils avaient certainement un espion qui surveillait la maison de Jon. Quand j'en suis ressortie, je me suis sentie suivie et épiée. Au début il se sont contentés de me surveiller discrètement. Puis nous nous sommes rencontrés et je t'ai donné rendez-vous à l'auberge. C'est ce qui les a décidé à agir. Quand ils ont obtenu la carte que j'avais idiotement gardé sur moi, ils ont immédiatement pensé que tu étais impliqué et que tu avais des informations. Par conséquent tu es à ton tour devenu leur cible.
Mmmh d'accord. Et ensuite que s'est-il passé quand tu as quitté le dispensaire? Comment t'es-tu retrouvée au service de Lizmyar ?
C'est une longue histoire. En résumé, je me suis réveillée environ 5 jours après ton départ. J'avais deux choix: soit je suivais la trace des notes de Jon jusqu'à Khonfas, ou alors je m'embarquais directement à destination de Pohélis. La seconde option me paraissait mauvaise car trouver un homme comme Jonweld dans une ville infestée d'orcs me paraissait au-delà du réalisable pour une personne seule. Et puis la piste de Khonfas m'intriguait.
Donc tu es venue à Khonfas ?
Oui, j'avais déjà entendu parler de la maison Joffra. Je savais que c'était l'une des plus puissantes maisons Shaakt de la ville. Pour enquêter là-bas j'allais avoir besoin d'un fort déguisement, heureusement Jonweld gardait toujours certain trésors dans sa maison. Elle sortit la bague qu'elle portait dans la forêt. Cette bague en faisait partie, elle a le pouvoir de changer l'apparence d'une personne.
Passionnant ! Tu veux dire que cette bague pourrais me transformer en orc ?
Non, la quantité d'énergie nécessaire pour modifier ta physionomie de cette manière serait trop grande. Par contre elle pourrait accentuer ton sang elfique pour te transformer en elfe d'à peu près n'importe quelle éthnie. C'était pareil pour moi. Déguisée en shaakt, j'ai facilement pénétré dans Khonfas. Là-bas, j'ai mené une discrète enquête sur la maison Joffra, ce qui m'a permis d'apprendre certaines choses utiles.
Quoi par exemple ?
Et bien tout d'abord qu'il y a des dissensions au sein de cette maison. La première prêtresse, Lizmyar que tu as rencontré ne rate jamais une occasion de provoquer sa mère, la Matrone Tilkas.
Tilkas ? n'est-ce pas le nom que tu as mentionné tout à l'heure, sur le parchemin de Jon ?
Tout à fait. Je voulais en savoir plus au sujet de cette maison, il me fallait donc l'infiltrer. Pour y arriver, j'ai dû passer un accord avec Xantor, un mercenaire que tu connais. Grâce à certains de ses contacts, j'ai été engagée comme garde de la propriété. Pendant une bonne semaine, j'ai étudié les habitudes des habitants et des autres gardes, puis nous avons mis au point un plan pour lui permettre de s'introduire clandestinement dans la propriété. C'était ce qu'il désirait depuis le début de notre accord.
Tu… Tu veux dire que tu étais présente dans cette maison pendant qu'ils me torturaient ?
La jeune elfe baissa les yeux.
J'ignorais ta présence en ces murs. Les gardes parlaient souvent d'un mystérieux prisonnier qui était "éduqué" par Lizmyar, mais personne ne l'avait vu. Seuls quelques initiés avaient accès aux cachots. Ce n'est que lorsque je vous ai vu traverser les jardins et foncer vers la sortie de la propriété que je t'ai reconnu. Je n'en croyais pas mes yeux, j'ai cru que je devenais folle, mais c'était bien toi. Je suis désolée Sild.
Elle avait complètement abandonné son attitude arrogante et sûre d'elle, une simple façade de sa personnalité compris le rodeur.
Je sais ce que tu as fait pour moi, à Hidirain, la vieille Guerda m'a tout raconté, j'aurais vraiment voulu pouvoir te rembourser ma dette.
Le rodeur passa une main réconfortante sur le bras de son amie.
Ce n'est pas grave, je suis bien vivant, et puis tu m'as doublement sauvé la vie cette nuit, en me libérant de Lizmyar et en m'empêchant de tomber aux mains des hommes de nal Hakeb.
La jeune elfe lui sourit ce qui lui fit chaud au coeur. Il aurait voulu rester une éternité ainsi, se noyant dans les yeux verts qui le regardaient intensément, mais elle devait encore éclaircir certaines choses:
Lizmyar n'a pas soupçonné ton implication dans mon évasion et le vol du talisman ? Sait-elle que c'est Xantor qui l'a ?
Non, au contraire cela m'a permis de me rapprocher de la prêtresse, un grand nombre de leurs combattantes ont été tuées dans l'effondrement de la tour. Par contre, tu te trompes, Xantor n'a pas le talisman dont tu parles. J'ai compris qu'il s'agit en fait de la fameuse clé mentionnée sur le parchemin de Jonweld. Xantor est venu me voir quand nous étions à Dahram. Il voulait savoir si Lizmyar l'avait récupéré.
Comment ? il ment, je le lui ai donné durant notre fuite, il s'en est même servi pour faire s'effondrer la tour qui a stoppé nos poursuivants.
La flûte d'os noire ? Oui il m'en a parlé. Lui aussi s'est trompé sur la nature de ce qu'il était venu chercher. Cette flûte n'est pas la clé. Ce n'est qu'une arme, puissante certes, mais ce n'est pas ce qu'ils cherchent. La clé est en fait un pendentif d'argent tout simple, qui était gardé dans la même pièce que la flûte.
Sildarim poussa une exclamation de surprise. Avec tous les évènements qui s'étaient déroulés, il avait complètement oublié l'existence du pendentif au fond de son sac. Il l'avait pris en même temps que la flûte, sans trop savoir pourquoi. Tout devenait clair dans son esprit, les hommes de Nal Hakeb qui le poursuivaient, les shaakt de Lizmyar, tous recherchaient ce pendentif.
Alors tu l'as ? demanda Miradlis
Le semi-elfe hocha la tête et fouilla dans son sac. Il était toujours là. Il le posa sur la table.
Ce n'est qu'un bout de métal, à première vue.
Ce bout de métal est la raison pour laquelle tant de personnes te courent après.
L'elfe semblait fascinée par le pendentif. Elle ne cessa de le fixer des yeux jusqu'à ce qu'il l'ait remit dans son sac.
Bon, certaines pièces du puzzle se mettent en place. Si on récapitule ce que l'on a appris, on sait qu'il y a quelque chose à Pohélis que convoitent la maison Joffra ainsi que la confrérie Nal Hakeb. Ce collier est un genre de clé qui doit être un élément essentiel de cette chose cachée à Pohélis, quel qu'elle soit. Maintenant, il nous faudrait découvrir pour qui travaille la confrérie.
Mauvaise idée. Tient toi aussi loin que tu le peux de ces assassins. Nous devons reprendre le plan de base et aller à Pohélis pour tenter de retrouver Jonweld. A nous deux, nous en sommes capables et Il saura quoi faire.
Le rodeur resta silencieux un instant, réfléchissant.
Moi aussi je crois qu'il est toujours vivant. Mais d'abord nous devons échapper à nos poursuivants. A ce sujet, j'aurais un service à te demander. Pourrais-tu me prêter ton anneau ? Tu n'es pas connue ici et personne ne te cherche. Par contre je suis prêt à parier que les rues grouillent d'agents de Nal Hakeb avec ma description, sans compter Lizmyar qui doit toujours être à mes trousses. Je ne quitterai jamais la ville en vie dans ces conditions.
L'elfe soupira:
Et bien je suppose que je te dois bien cela. Elle regarda autour d'elle. Prenons une chambre, tu ne dois pas changer d'aspect en public, on pourrait le remarquer.
Ils montèrent à l'étage.
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