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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Mertar
MessagePosté: Lun 25 Mar 2013 23:18 
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<-- Sur la route

Avant même d’atteindre Kendra-Kâr, Adrayk fut dévié de son chemin par une de ces pluies torrentielles à faire se noyer un lutin des forêts. Tant bien que mal, avalant la pluie, trébuchant dans la boue, le petit guérisseur rejoignit l’orée de la forêt bordant les montagnes intérieures de Nirtim.

Il se réfugia dans les hauteurs bienfaisantes des cèdres. A l’abri, sur les branches, Adrayk regarda le paysage brouillé par la brume et la pluie. N’ayant d’autres choix que de continuer sa route, le lutin avança d’arbre en arbre se demandant quand ce déluge finirait.

La route fut encore longue pour arriver jusqu’à Kendra-Kâr en un seul morceau, d’autant plus que les branches étaient devenues des pièges mortels pour un lutin de 22 centimètres.

Son voyage dans les branchages fut un tel bonheur pour lui qui avait passé déjà trop de temps à marcher sur les plaines, qu’il perdit toute notion d’orientation et sans même s’en rendre compte, il s’enfonça un peu plus vers le cœur de la forêt. Les arbres commencèrent alors à être de plus en plus rapprochés et étoffés. Le paysage commençait lui-même à changer témoin de l’absence de passage régulier dans la région. La cime des arbres se fit plus haute et plus feuillue, le sol lui était envahi d’herbes folles ou seule la nature y voyait un quelconque ordre.
Son errance au travers les bois dura deux jours. Deux jours de voyage au lutin lui firent reprendre conscience que son but premier était de se rendre à Kendra-Kâr.
Se maudissant intérieurement de sa maladresse, il s’arrêta et analysa les éléments à sa portée. La mousse sur un arbre, la course du Soleil, et il se dirigea sans plus attendre vers ce qu’il pensait être la direction de la ville, le nord-est.

Vers la fin de l’après-midi, Adrayk atteignit un grand lac. A première vue aucune âme qui y vive, mais il pouvait distinguer plusieurs traces d’anciens campements laissés à l’abandon après une nuit de repos dans cet endroit paisible. Et quelques barques paraissant de loin abandonnées là.

Se sentant soudainement vidé de sa journée, le lutin décida de profiter de la paix que lui procurait cette étendue d’eau pour y camper.



--> En chemin pour Mertar

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Dernière édition par Adrayk le Mer 17 Avr 2013 21:31, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Mertar
MessagePosté: Lun 15 Avr 2013 01:33 
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Repasser les portes

Les attentes de Caabon au sujet de la marche ne tardent pas à voler en éclat : l’Hiniön a certes adopté un rythme moins rapide que celui qu’il menait dans la grand’ rue de Kendra Kâr, mais la cadence de ses pas est toujours trop élevée pour que le Wotongoh la suive sans peine. Fort heureusement ces deux marcheurs, la route vers les Duchés des Montagne – c’est en effet la direction choisie par l’elfe blanc – est dallée bonnes pierres bien ajustées, et les joints ont été refaits avant l’hiver par les cantonniers, du moins sur les derniers kilomètres avant la cité ; l’état satisfaisant de la chaussée, ainsi que la demi lune brillant dans un ciel dégagé de tout nuage, environnée de nombreuses étoiles, rend l’avancée moins laborieuse que s’il avait fallu prêter attention à chaque ombre sur le sol de peur de trébucher ou se tordre une cheville. Cela ne suffit cependant pas à détourner Caabon de la douleur de ses mollets, du tiraillement de ses cuisses ainsi que de ses poumons en feu. L’Hiniön ne lui adresse pas la parole.

(Il n’a peut-être rien à me dire… Ou a-t-il oublié que je le suis… Ce serait difficile, je dois faire autant de bruit qu’un… qu’un… Un animal volumineux et essoufflé… Ou peut-être qu’il sait que je ne pourrai pas vraiment lui répondre… Mais pourquoi faut-il que nous allions si vite ? … Il pourrait parler sans peine, j’en suis certain, sans aucune difficulté… Peut-être est-il perdu dans ses pensées… Mais pourquoi ne m’a-t-il pas dit son nom ?... Il ne me fait pas confiance… Ou… Ah ! Je pourrai m’enfoncer encore toute la nuit dans le purin de mes suppositions, et ne rien en tirer ! … Multiplier les hypothèses pour finalement n’arriver à rien !... Ajouter à l’inconfort du corps celui de l’esprit !... Stupide !… Stupide… La nuit est belle, froide mais belle…)

En effet, la nuit est belle, pour celui qui regarde le ciel comme la campagne endormie, engourdie par le froid. Seulement, cette beauté est froide et silencieuse, nue et désolée. Les champs ont connu la récolte, les troupeaux ne paissent plus dans les pâturages, aucune lumière ne luit dans ces cabanes de fortune où les pâtres passent la belle saison au côté de leurs bêtes. La saison a également fait son œuvre, dépouillant les arbres de leurs atours chatoyants : or, bronze, pourpre, l’apparat de l’automne retourne à la terre, constituant un lit qui lentement deviendra terre, seules subsistent quelques feuilles irréductibles, accrochées à leurs branches, racornies par le vent du nord glacial. Les arbres, à l’exception de ces quelques-uns qui bravent l’hiver dans leur manteau vert et paraissent narguer leur semblable avec cette constance qui leur est propre, sont autant de silhouettes sombres se découpant sur l’horizon bleu-nuit, courbées ou dressées vers le ciel, caressant le sol ou griffant les étoiles ; ces branches tordues et dépouillées ressemblent à des excroissances monstrueuses de la terre. Pourtant la nuit est belle, et ce spectacle est à la hauteur de ceux que peuvent dispenser printemps, été ou automne ; la nuit est belle de cette beauté morte, froide, que l’on peut admirer dans la glace ou dans la pierre.

L’odeur frappe particulièrement Caabon, qui n’a jusque là vécu que les hivers depuis la ville. Tant les parfums riches l’ont accompagné sur les chemins de Nirtim, alors qu’il se rendait d’Oranan à Bouhen, puis de Bouhen à Kendra Kâr, tant il perçoit l’appauvrissement qu’apporte la mauvaise saison au tableau olfactif de la campagne. Il ne retrouve pas ces essences de plantes qui montaient des bords du chemin, ni même les senteurs de l’eau proche portée par la brise, et les effluves plus lointaines des embruns que l’on ne perçoit qu’assez près de la côte : rien de tout cela, le vent qui souffle du nord ne balaie que la pierre et une terre qui déjà en altitude la nuit gèle, ce vent qui à sa manière pince le nez du voyageur en l’engourdissant. De même que les parfums se font rares, les sons pourraient avoir disparus. Il y a bien ça et là les derniers oiseaux sifflant leurs dernières notes, mais la majorité de leurs congénères se sont tus ; les insectes ne produisent plus leur bruit de fond, les batraciens tapis dans le moindre cours d’eau ont perdu leur organe. Un bruissement feutré annonce l’envol d’un prédateur ailé, puis plus rien, sinon le vent.

Perdu dans les considérations sur cette désolation cyclique à laquelle se soumet la campagne, mais que ne semble jamais connaître la ville, dont la masse grouillante a sans doute oublié les saisons lorsque furent bâties les murailles, Caabon oublie un peu les efforts de la marche, et les questions qu’il pouvait se poser concernant son guide se sont estompées. Il a calé son pas sur claquement discret des bottes de l’elfe blanc sur la pierre, et s’est abandonné au balancement quasi hypnotique de son corps tendu dans l’effort. Aussi n’a-t-il pas avisé le bâtiment qui se découpe sur l’horizon avant que ne parviennent à son oreille les échos d’une chanson, et les notes d’un petit orchestre.

« C’est là que nous passerons la nuit. »

Caabon s’abstient de répondre, opine sans même se demander si ce geste est remarqué, car la proximité de la destination n’a en rien conduit l’Hiniön à ralentir, si bien que la porte ne tarde pas à se trouver son le poing ganté de l’elfe, qui y frappe avec vigueur, pour être certain d’être entendu.

Un homme de forte carrure vient ouvrir, gourdin à la main, nous sans avoir observé les voyageurs par un volet discret ménagé dans le battant de chêne. L’Hiniön lui explique en entrant son besoin, quelques pièces quittent sa main pour être remplacées par une clef assez lourde, et l’affaire est conclue. L’escalier menant aux chambres épargne de passer par la salle commune, dont le vacarme donne une bonne idée aux deux voyageurs de l’ambiance échauffée qui y règne malgré les températures extérieures en chute.

La chambre est petite, mais comprend deux lits, cadres de bois avec des planches en guise de sommier du fourrage dans de grands sacs de tissus pour matelas, bien assez pour des marcheurs fourbus. Bien assez pour Caabon. La porte verrouillée, il dépose son sac, retire ses bottes, sa brigandine, s’improvise un oreiller avec des rechanges, sous lequel il glisse son couteau, et s’allonge, trop heureux de ne plus avoir à subir la station verticale. L’Hiniön l’a imité ; voyant que ce dernier souffle la chandelle que leur a donné l’aubergiste pour seul éclairage, Caabon prend cela pour une invitation à s’endormir. Il ferme ses paupières et se laisse aller au sommeil, sans soucis du lendemain, la main non loin de son arme.

Petit déjeuner à l'auberge

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C'est par la sagesse qu'on bâtit une maison, par l'intelligence qu'on l'affermit ;
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Dernière édition par Caabon le Lun 15 Avr 2013 14:10, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Mertar
MessagePosté: Lun 15 Avr 2013 14:09 
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Marche d'une nuit d'hiver

Un bruit inhabituel tire Caabon de son sommeil, et les courbatures de ses jambes lui épargnent une replongée rapide dans un monde onirique ; instinctivement sa main se porte à son couteau, glissé sous son oreiller de fortune. L’arme est là, mais le danger hypothétique qui l’a poussé à réagir tarde à se manifester. Au lieu de cela, il croit distinguer la forme sombre de l’Hiniön sur son lit, des mouvements, avant qu’une étincelle jette soudain un éclair sur la pièce, laissant le relai à la flamme vacillante de la chandelle de mauvais suif.

« Content de voir que vous êtes éveillé. Il ne faut pas tarder à partir, si nous voulons pouvoir avancer à un rythme plus calme aujourd’hui. Rien ne presse, mais je n’aime pas m’attarder sur les chemins lorsque l’hiver vient et amène avec elle des maraudeurs. Préparez-vous pour la marche, et nous descendrons nous restaurer dans la salle commune, l’aubergiste m’a assuré que nous aurions de quoi nous remplir l’estomac en vue de notre voyage. »

La dernière opération est rapidement effectuée, et s’il s’exécute avec moins d’élégance que l’elfe, et force de grimace en plus, le Wotongoh est prêt à quitter la pièce en même temps que son compagnon. C’est parfaitement réveillé qu’il prend conscience des murs nus, du mobilier restreint aux deux couches, et de la piètre qualité de celle-ci, essentiellement parce que son dos pointe du doigt cet affront au confort ; au moins est-il reconnaissant que son matelas ne soit pas infesté de vermine, et de ne pas avoir hébergé un troupeau de puces abandonné là par un précédent usager de ce lit grossier.

La salle commune ne révèle aucune opulence, et si les tenanciers de l’endroit ont de l’argent, ils ne s’empressent pas de l’exposer. Cependant, le mobilier est un bon travail d’ébéniste, de chêne solide en planches épaisses, ni les tables ni les bancs ne branlent, et l’on ne manque pas de s’effondrer sur le sol en posant son fondement sur un des escabeaux disséminés ça et là pour compléter une tablée. De même les poutres apparentes du plafond sont solides, provenant de pins robustes, autrefois vernies mais maintenant couvertes de noir par la fumée des chandelles, des lampes et des pipes, revêtement qui les protège sans doute autant de la vermine que le précédent. L’âtre est large, monté en pierre choisies et ajustées, de taille à y faire rôtir un porcelet ou un agneau ; pour l’heure est pendu à l’une des deux crémaillères un chaudron de bonne taille, marqué par l’usage, lequel conserve au chaud au-dessus des braises une bouillie de céréales agrémentée de tubercule et de salaisons, épaisse à servir de mortier, juste ce qu’il faut au voyageur pour calmer sa faim durant les premières heures du jour lorsque commence l’effort. Caabon en s’attablant comprend que s’il ne distingue nulle richesse, il n’a pas passé la nuit dans un taudis, et que l’absence de parasite dans son matelas n’était qu’une autre preuve de la bonne tenue de l’établissement.

Une servante affairée à effacer du sol dallé les traces de la veille agitée accueille les deux voyageurs, premiers levés ; le jour n’a pas encore pointé ses premiers rayons, et les autres habitants de l’auberge n’ont pas encore quitté leurs chambres ou le dortoir. Cette brave femme, d’environ une trentaine d’année, laisse en suspens son ménage pour leur amener deux bols de bois, et deux cuillères du même matériau, qu’elle a au préalable rempli d’une généreuse louchée de la mixture du chaudron. Une pièce glissée par l’Hiniön se voit convertie en quatre épaisses tranches de lard fumé mises à cuire dans un poêle à pied, sur les braises. Cet accompagnement est servi sur deux épaisses tranches de pain bis, et complété par deux chopes d’hydromel chaud épicé pour aider à la déglutition.

« Avez-vous remarqué quelque chose hier, quand nous avons passé les portes ? Quelque chose qui pourrait laisser supposer que l’on vous a vu et suivi jusqu’ici ? Quelque chose qui laisserait présager des ennuis sur la route ? »

« Pour avoir remarqué des choses, j’ai remarqué des choses, et j’ai souhaité m’en tenir au mieux à votre recommandation. Mais il y avait trop de monde, et bien trop de choses à voir. Qui sait, s’il y avait eu un espion, peut-être aurait-il attendu de s’assurer que nous passions bien les portes pour aller transmettre son information, auquel cas je n’aurais pas pu remarquer de départ étrange. Peut-être l’une des personnes présentes a-t-elle fait un signal que je n’ai pas reconnu, ou au moment où je tournais la tête pour observer un autre groupe. Si vous tenez vraiment à le savoir, je peux vous énumérer tout ce qui m’a paru suspect, tout ce qui pourrait laisser penser que, faire planer un doute. Mais je ne connais pas ceux qui m’en veulent, aussi pourrais-je leur prêter une rouerie, une habileté qu’ils ne possèdent peut-être pas, et mes suppositions seraient aussi évanescentes que ces images que les lanternes magiques projettent pour les enfants, appuyées sur des choses que j’ai pu voir, mais dont je ne connais pas la signification. »

« Bien… très bien… vous n’êtes pas idiot. Théoperce me l’avait bien dit, mais je voulais être certain que vous ayez un peu d’esprit. »

« Pardon ? »

« Je me fichais de savoir si quelqu’un allait veiller aux allées et venues des voyageurs, tout simplement parce que je savais qu’il serait très difficile pour moi, et à plus forte raison pour vous, de trouver le moindre signe que votre fuite a été repérée. Je voulais simplement savoir si vous alliez faire du zèle, me livrer des chimères qui nous auraient sans doute inquiétés pour rien, ou au contraire si vous alliez arriver au même constat que moi. Et je suis satisfait du résultat de cette petite… expérience. Mais mangeons, nous avons encore de la route à faire, et nous aurons tout le loisir de reparler lors de notre prochaine halte, pour notre prochain repas. »

Caabon ne se fait pas prier : l’aspect de sa bolée n’est certes pas engageant, mais il a été surpris du goût de la mixture gris-brun, agréablement relevée par un ensemble d’herbes et d’épices, et cette découverte l’a poussé à mettre les bouchées doubles. Dévorer lard et pain en sus, arrosé de l’hydromel, achève de le rassasier, sans quoi il aurait sans doute repris un demi-bol du brouet.

Lorsque l’elfe et le Wotongoh se remettent en marche, il fait encore nuit, et un vent glacial les contraint à garder closes leurs capes, et semble les repousser vers le sud, comme si les montagnes ne sont pas pour eux. Pourtant c’est bien la destination fixée par l’Hiniön, et résolu il s’y dirige, suivi par un Caabon dont les jambes n’ont pas eu le temps de se remettre du traitement de la veille.

Levée d'anonymat

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Dernière édition par Caabon le Jeu 25 Avr 2013 14:45, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Mertar
MessagePosté: Mer 17 Avr 2013 21:12 
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<-- Sur le chemin de Mertar

La nuit d’Adrayk se passa sans ombres, mis à part quelques réveils en sursaut dus aux hululements agressifs des chouettes chassant. Il s’était félicité d’avoir choisi pour dortoir le creux d’un arbre à l’abri des serres des rapaces.

En ouvrant les yeux le matin, il découvrit une scène incongrue, un nain trapu et roux échangeait des paroles et des pièces à un homme sur le ponton. Une barque y était amarrée attendant patiemment des passagers.
La transaction terminée, les deux hommes se dirigèrent vers le bateau et entreprirent la traversée du lac. Une fois à l’autre bout de la rive, le nain sauta à terre adressa un signe de la main au passeur et parti sans un regard en arrière.
Pendant ce temps, la barque faisait déjà demi-tour vers le ponton. Le petit lutin avait trouvé un moyen de locomotion simple et rapide.


Adrayk sauta de son promontoire et se dirigea d’un pas sur vers l’homme à la barque. Il ne restait plus qu’à marchander son droit de passage. Peut-être même qu’il arriverait à vendre son art, pour peu qu’il ne se trompe pas….


Ola petit ami ! T’veux traverser ? Je demande 2 pièces d’or, ni plus ni moins. Si t’es pas content tu peux toujours y aller en nageant !

Prenant une grande inspiration, Adrayk pris sa plus grosse voix, qui n’était à peine plus fluette qu’un petit garçon de six ou sept printemps.

Je te propose un marché : tu m’amènes à l’autre bout de la rive, et je soigne tes maux. Un passeur comme toi doit bien avoir besoin d’un baume contre la douleur, je me trompe ?

L’homme considéra le bout d’homme devant lui, réfléchit une poignée de minutes

(Sans doute, il lui manquait quelques synapses pour raccorder ses neurones)

C’est d’accord petit, mais pas d’entourloupes !

Sur ces mots, le guérisseur sauta sur ses courtes jambes, et entrepris de récupérer tous les ingrédients nécessaires autour de lui, et dans sa sacoche. Il mit environ deux heures pour terminer la préparation qu’il put enfin présenter au passeur.

Cette pommade sert à calmer la douleur, tu l’appliqueras à l’endroit douloureux et ça passeras sans aucun soucis ! dit-il espérant que cela fonctionnerais bien.

Merci ptit gars ! Allez montes, je t’emmène.

La traversée terminée, ils se séparèrent de la même manière que le nain précédemment, et Adrayk suivit les traces de son prédécesseur sans trop savoir pourquoi.


--> Aux portes de Mertar

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Mertar
MessagePosté: Jeu 25 Avr 2013 14:44 
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Petit déjeuner à l'auberge

« Quand est-ce que nous nous arrêterons pour manger ? »

« Nous ne nous arrêterons quand je le dirai. Le temps compte. Je veux que nous arrivions le plus tôt possible à destination, alors marchons, et en silence : ça économisera notre souffle. »

La remarque touche Caabon, qui dans le ton de la voix de l’elfe blanc encore anonyme ne décèle aucune agressivité, pas la moindre autorité : il ne s’agit que d’un constat que le Wotongoh partage. Ses poumons ont souffert plus tôt dans la journée de l’air glacé de l’aube, si bien qu’il lui semblait avoir deux blocs de glace dans la cage thoracique. Cette sensation s’est dissipée à mesure que la distance s’est creusée entre l’auberge et eux. L’Hiniön n’a pas au cours du début de la journée trahi le moindre signe de fatigue, ni ralenti le rythme de marche qu’il a adopté en passant le seuil de la demeure où ils ont passé la nuit. Impassible, il avance, et il a prononcé ses premiers mots pour répondre à la question, et n’en prononcera plus d’autre avant la prochaine halte.

Celle-ci tarde à venir, et le soleil va déjà vers son couchant lorsque les deux hommes s’arrêtent un peu à l’écart de la route pour laisser passer une caravane venue du nord sans être héler ou répondre à d’éventuelles questions que pourraient poser l’escorte. Un taillis, sans doute de ceux laissés à pousser par les paysans de la région pour offrir un refuge aux bêtes, leur offre un lieu où se poser le temps de tirer de leur bagages pain, viande, découper et mâcher en paix. La nourriture avalée à l’auberge a bien tenu au ventre de Caabon, et la faim ne s’est pas manifesté jusque là, mais c’est avec reconnaissance qu’il attaque le pain déjà un peu rassis, et déchire les tranches de viande séchée. Le goût des épices et des plantes avec lesquelles on a frotté la pièce rouge encore sanglante bien des mois auparavant submerge ses papilles et lui réchauffe le cœur, faute d’une bolée de nourriture chaude pour lui réchauffer le corps. On ne peut pas dire qu’il ait vraiment froid sous sa chemise et sa brigandine, mais le vent s’insinue assez dans ses vêtements pour lui faire regretter l’absence des flammes dansantes d’un feu. L’Hiniön a été catégorique : un arrêt pour manger, pas de feu, pas de repos.

« Nous n’avons pas beaucoup de temps. Je souhaiterais que nous repartions le plus vite possible, car nous devrons probablement marcher de nuit, ou marcher plus vite. Bientôt la route va bifurquer pour se rapprocher du fleuve, et nous mener vers le lac du nord. Je veux atteindre le lac avant la nuit, car il nous faudra le traverser très tôt demain matin, probablement avant les premières lueurs de l’aube. Le lac ne m’inquiète guère, mais la forêt que nous devrons franchir pour rejoindre les montagnes un peu plus. Non pas que je craigne de faire des mauvaises rencontres, si nous sommes assez prudents, tout se passera bien. Mais je ne suis pas idiot, je veux être sorti de cette forêt avant la nuit, et trouver un abri dans les roches pour dormir. L’hiver est proche et a peut-être décidé certaines créatures à tenter une dernière fois leur chance pour rapiner sur les chemins empruntés par les derniers voyageurs. Ensuite nous serons dans les montagnes, et les choses seront peut-être plus éprouvantes, car il est des chemins escarpés et des pentes à faire cracher les poumons des marcheurs peu aguerris, mais également plus facile, car on se dissimule mieux derrière les roches que dans un bois sans feuillage lorsque l’on sait s’y prendre… »

« Où allons-nous ? »

« Nous nous rendons dans un endroit des montagnes assez particulier, pour retrouver un… ami… qui prendra part à notre voyage. Je vous laisse la surprise de l’endroit, c’est une chose que beaucoup préfèrent découvrir : pour ma part, j’aurais aimé la première fois être dans l’ignorance, mais mon guide n’avait pu résister à l’envie de m’impressionner avec ses connaissances de la région… Il parlait trop mais ne méritait pas la fin qu’il a eu… Ensuite nous nous rendrons à Dahràm, pour retrouver d’autres compagnons. »

« Dahràm ! La ville n’est pas tombée aux mains des troupes d’Oaxaca ? »

« Oh… Dahràm est une ville particulière. Certes, des garzoks et des sektegs, ainsi que d’autres séides d’Oaxaca l’occupent, mais ils n’ont pas été assez stupides pour ruiner ce qui faisait sa force. Tout passe par Dahràm, et tout circule : personnes, informations, marchandises… Il doit s’agir pour les nouvelles forces en présence de tirer un maximum de la cité, de contrôler une partie de ce qui y transite. Mais imposer une nouvelle loi ? Je ne crois pas. Les truands qui se retrouvent là ne respectent aucune loi, et rallient le plus offrant. C’est une population qu’il faut avoir de son côté, ou tout du moins sur laquelle il faut garder un œil. Les briser, ce serait en faire des ennemis. Dahràm est peut-être devenue plus dangereuse, et peut-être est-il nécessaire de faire plus attention que jadis, mais on y trouve encore ce que l’on y cherche. Du moins était-ce le cas quand j’y ai accosté plus tôt dans l’année. Et je pense que j’aurais été informé si les choses avaient à ce point changé. »

« Accosté ? Vous avez accosté à Dahràm ? »

« Oui. Mais cette question n’est pas la plus pertinente. Nous devons nous remettre en route, nous avons assez mangé, et assez parlé. Allons-y. »

Tandis que l’elfe recompose son bagage, Caabon s’éloigne pour soulager sa vessie, partant du principe que l’elfe ne lui accordera probablement pas de faire une nouvelle pause de sitôt, surtout pour un motif aussi trivial. Curieusement, c’est à ce moment qu’une question pertinente à poser lui vient à l’esprit, qu’à son retour il soumet à l’elfe blanc.

« Quel est votre nom ? »

« Je me nomme Céendel. »

« Et moi Caabon. »

« Je sais. Pouvons-nous nous mettre en route maintenant ? »

La traversée du lac

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Dernière édition par Caabon le Jeu 25 Avr 2013 16:30, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Mertar
MessagePosté: Jeu 25 Avr 2013 16:29 
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« Combien pour traverser ? »

« 10 yus chacun, et j’fais un bon prix ! Foi d’Mérou, qu’mon bateau coule comme une pierre et qu’mes dents s’débinent si j’vous mens ! Y’a pas meilleur qu’moi sur l’lac pour faire c’que vous d’mandez. J’pêche de nuit quand la lune est moins haute qu’ça, et j’vous ramène d’la poiscaille longue com’ vot’ bras. D’main vous s’rez d’l’aut’ côté avant qu’y ait l’soleil qu’ait montré l’bout d’son nez. Pour 10 yus par personne, payab’ de suite, j’serai l’passeur qu’y vous faut. Marché conclu ? »

Les yus passent avec un tintement métallique de la bourse de Céendel aux mains couvertes de viscères de poisson du pécheur Mérou, qui les fait disparaître dans une poche de ses braies. Comme si rien ne s’est passé, il reprend son travail d’évidage, ouvrant d’une main experte les corps brillant sur sa table, passant ensuite à une femme du même âge que lui les poissons dans lesquels elle lève des filets qu’elle passe sur une longue broche. Le travail préalable au fumage et à la salaison ne s’est arrêté que quelques instants pour négocier avec les étrangers : faire traverser le lac n’est qu’un appoint. Cependant, alors que s’éloignent les deux compagnons venu lui demander ses services, Mérou se sent pris d’un élan de générosité, lié au fait que ses deux interlocuteurs ont accepté sans négocier un tarif supérieur à celui de la plupart des passeurs.

« Si vous voulez, vous pouvez passer la nuit dans l’hangar où j’monte ma barque. Y’a du fourbi, ça sent p’têt’ un peu l’poisson, mais vous y s’rez à l’abri pour la nuit. »

« Merci. »

« J’passerai vous réveiller d’main matin. Parole de Mérou, vous s’rez com’ vous m’l’avez d’mandé, d’l’aut’ côté avant qu’y fasse grand jour ! »

Le hangar devait initialement n’être qu’un toit sur quatre piliers. A mesure que les saisons passaient, Mérou avait dû fermer les quatre ouvertures avec tout ce qu’il avait trouvé, essentiellement du bois flotté et de vieilles planches, si bien que l’endroit, tout en laissant passer les courant d’air, offre tout de même un abri raisonnable aux vents qui peuvent balayer le village de pêcheur installé sur les bords du lac. Un espace au centre doit accueillir la barque de Mérou lorsque qu’il s’impose de la tirer au sec, comme en témoignent les cales et les rondins nécessaires au halage ; tout le reste du lieu n’est qu’un empilement d’attirail de pêche et de culture de potager, vieux tonneaux, outils de toutes sortes, filets suspendus aux poutres. Le pécheur n’a pas menti : l’endroit sent bien le poisson, et plus qu’un peu. Cependant, l’Hiniön et le Wotongoh trouvent un coin à peu près propre qu’ils débarrassent de quelques débris et autres anfractuosités pour préparer leur couche. Le sol de terre battue est dur, mais le dos de Caabon peut s’accommoder ce cet inconfort : le corps a été épuisé par le rythme de la marche, et l’esprit par sa monotonie. Allongé sous la couverture, son sac en guise d’oreiller, il s’endort après avoir mangé un peu de ses provisions, viande séchée à nouveau, pain et fruits secs, sans se soucier de ce que peut faire l’elfe.

Le réveil sans être rude n’est guère plus agréable que la nuit. Une botte à petit coups dans l’épaule vient tirer Caabon du sommeil, qui en ouvrant les yeux et revenant à la conscience sent monter en lui les douleurs sourdes liées à son sommeil sur un sol inégal et plus dur que la pierre. C’est Céendel qui s’est chargé de le sortir de ses rêves, visiblement déjà prêt à partir.

« Dépêchez-vous de vous lever. La femme de Mérou peut nous servir une soupe de poisson avant le départ, ça nous fera un repas, ça économisera nos provisions, et ça ne nous coûtera rien. Aller l Debout ! »

La soupe est consommé dans des gamelles de bois durant la traversée, Céendel ayant insisté pour ne pas perdre de temps, la femme de Mérou a donné à l’elfe une jatte pleine, les gamelles et deux cuillères de bois grossières. La barque de Mérou est un esquif de bonne facture, assez grand pour que les deux passagers et le pilote soient à l’aise, chose qui aurait sans doute été plus difficile si la barque à voile avait été pleine de poissons. Barrant d’une main sûre, profitant d’une brise favorable pour ne pas sortir les deux rames, le pécheur mène son embarcation avec l’assurance d’un capitaine de navire, et une posture un rien digne que révèle une lanterne sourde. C’est sans encombre que l’autre rive est atteinte, et lorsque les deux passagers débarquent, le plus blanc d’entre eux glisse quelques pièces supplémentaires au passeur avant de se remettre en route, l’autre sur les talons.

« Nous avons eu de la chance de tomber sur un bon passeur comme lui. »

« De la chance ? Je ne laisse pas la chance décider pour moi, pas plus que le hasard. Les voyageurs qui traversent le lac ne manquent pas, et si l’on sait à qui demander, on peut savoir à qui s’adresser. Non, nous n’avons pas eu de chance. Je savais à qui demander en arrivant, et à qui demander ensuite si Mérou n’avait pas été disposé à nous faire traverser. Il n’y a que les idiots qui se laissent aller à la chance. Retenez-cela : toute information a une valeur, pour peu qu’on sache habilement la convertir. Le nom d’un passeur n’est peut-être pas une information pour laquelle paierait un homme influent ; cependant, pour un voyageur comme moi, elle peut s’avérer des plus utiles. »

« Vous saviez depuis Kendra Kâr ? »

« Non, depuis Dahràm. Je savais à qui m’adresser pour passer dans un sens, et également qui demander pour passer dans l’autre sens. Lorsque l’on va dans une direction, il est toujours bon de savoir que l’on peut sans peine rebrousser chemin. »

« Oui, c’est plus sage. »

« N’est-ce pas ? Vous voyez cette masse sombre, au Nord ? C’est la forêt que nous allons devoir traverser. Alors nous allons presser le pas, je veux être sur les pentes des Montagnes avant que le soleil ne se couche. »

Mauvaise rencontre en forêt

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Dernière édition par Caabon le Jeu 25 Avr 2013 17:51, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Mertar
MessagePosté: Jeu 25 Avr 2013 17:50 
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La traversée du lac

La traversée de la forêt aurait pu bien se passer. C’était sans compter les maraudeurs qui ne s’embarrassent guère du couvert de l’obscurité pour s’en prendre aux voyageurs.

« Nous ne pourrons pas les fuir longtemps. Ils n’ont fort heureusement par d’archers avec eux, du moins je n’en n’ai aperçu aucun. La chose sera moins compliquée. Au pire auront-ils des frondes, mais je pense qu’ils opteront pour le corps à corps dans les bois… Savez-vous vous battre ? »

« Je ne crois pas avoir le choix. Je n’ai jamais eu l’occasion de m’entraîner avec les griffes mais… je pense pouvoir me débrouiller. »

« Bien. Ce ne sont probablement pas des guerriers, au mieux des pillards, de la piétaille… Nous verrons. Je crois qu’ils sont cinq, alors nous allons devoir nous séparer pour les affronter. Bon, dissimulons nos bagages sous ce taillis, et débarrassons-nous de ce qui nous encombrera. »

Capes et sacs se voient donc glissés sous des buissons portant encore quelques feuilles mortes sur leurs branches, assez épineux pour que personne ne songe à s’en approcher ; non pas que les deux voyageurs souhaitent les abandonner là pour revenir par la suite, mais il n’est pas à exclure qu’un de leurs poursuivants s’empare de leurs possessions pour fuir avec sans livrer de combat. Dégagé de sa cape sans laquelle Caabon de l’a jamais vu, trop heureux de pouvoir s’endormir rapidement lors de leurs escales, l’Hiniön révèle dans son dos deux sabres courts croisés dans leurs fourreaux. Une fois les lames dégagées de leurs gaines de cuir, le Wotongoh admire tant leur facture que le noir du métal dans lequel elles sont forgées, et qui lui est totalement inconnu. Pour sa part, il a enfilé Sombrelouves sur son poignet droit, soigneusement lacé le brassard, et pris dans sa main gauche son couteau. Porter une brigandine le rassure, mais pas assez pour qu’il ne sente pas se nouer dans son ventre une boule d’angoisse. Face au calme de son compagnon, ou tout du moins à l’impassibilité de sa figure, il essaie lui aussi de faire bonne mesure. Lorsque les ombres approchent, il ne tremble pas.

« Alors mes mignons, on voyage seuls en forêt. Pas de chance pour vous, pas de chance… »

Le Garzok s’est exprimé avec une voix doucereuse que l’on n’aurait pas imaginé dans sa gueule pleine de crocs. Ses quatre compères partent dans ce qui semble pour eux être un rire. Courte hilarité cependant : leurs lames à la main, ils se déploient en arc de cercle, l’air de ceux qui veulent en finir au plus vite, pour ce que pense déceler Caabon sur ces faciès qu’il n’a jamais eu l’occasion d’étudier. Un peu plus grands que lui, un peu plus larges, ils ne semblent pas aussi menaçants que ce que le Wotongoh a entendu dire des garzoks. Vêtus de toile sombre, chaussés de bottes de cuir, ils portent pour seules pièces d’armure une mauvaise brigandine de cuir sur laquelle est peint grossièrement un crâne, l’emblème d’Omyre, et un casque de fer plus utile à protéger le crâne d’une chute de pierre que des coups. Leur équipement est complété par des sabres d’acier et un bouclier rond de bois tendu de cuir, lui aussi orné de l’emblème de leur cité.
Visiblement, le Garzok qui a pris la parole est le chef de cette troupe, et l’attaque a été planifiée. D’un geste le cercle se sépare, trois attaquants se portent sur l’elfe, deux sur le Wotongoh.

La forêt n’est guère dense là où ils se sont arrêtés, Céendel ayant jugé qu’il vaut mieux combattre dans de bonnes conditions. Mais Caabon a repéré deux arbres ayant poussé en parallèle, devant lesquels il s’est positionné. Ne cherchant même pas à esquiver les deux lames de ses adversaires, maniées comme des hachoirs, trop conscient de leur force supérieure à la sienne, il recule vers les deux troncs avec lesquels il compte jouer. Cette stratégie oblige les deux guerriers à se séparer, incapable qu’ils sont de continuer à évoluer côté à côte. Mais pour Caabon la menace change : il risque de se voir encerclé, coincé sur quatre côtés et par les troncs et par les garzoks. Au moment où le second va achever de contourner le tronc par la droite, et le premier de lever son sabre pour porter un coup assez puissant pour faire reculer le Wotongoh vers la nouvelle menace dans son dos, ce dernier plonge dans les jambes du premier adversaire et lui plonge son couteau dans la cuisse. Le Garzok pousse un hurlement mais ne tombe pas, contrairement à ce qu’espérait Caabon : sans lui laisser le temps de se remettre, il lui assène un coup de pied dans le dos qui le couche au sol. Avant qu’il puisse lui plonger ses griffes dans la nuque, le second Garzok est de retour pour lui faire face.

Le blessé ne se relève pas, son casque ayant heurté une racine dans sa chute, il est assez sonné pour donner quelques secondes de répit à Caabon, faveur à laquelle l’autre combattant n’est guère disposé. L’avantage du terrain perdu, il faut trouver au Wotongoh un nouveau moyen de l’emporter sans se mettre trop en danger. Le garzok essaye d’enchaîner un coup d’épée et un coup de bouclier, dans une tentative pour déstabiliser l’homme en face de lui : l’épée est esquivée sans peine, mais le bras portant le bouclier n’est pas assez rapide, et un coup de griffe vient sanctionner cette lenteur, lacérant le tissu de la chemise et la chair en dessous perpendiculairement au poignet. Entraîné par l’élan, ou déstabilisé par la douleur, le Garzok titube et se porte légèrement sur le côté, laissant son flanc sans protection. L’ouverture est trop belle pour que le Wotongoh, mobilisant ses rudiments de combat à mains nues appris lors de son enfance à Oranan, ne lui assène pas un coup de pied latéral. La botte porte, mais moins fort et avec moins de précision que Caabon l’a espéré, sans doute à cause du manque de pratique et de la fatigue de la marche. Le temps de reprendre son équilibre et de se remettre en garde, le Garzok a fait de même.

Lever son bras lui semble difficile, aussi le laisse-t-il pendre à demi, le bouclier au bout étant devenu un handicap plus qu’une défense efficace. Ses coups de sabre se font en revanche plus forts et moins précis à la fois, comme si la blessure a réveillé en lui une rage le renforçant tout en l’aveuglant, trop pressé qu’il est d’en finir. Cet assaut est cependant suffisant pour obliger Caabon à reculer, n’ayant pas assez confiance en ses capacités pour essayer de passer ce mur d’acier en mouvement qui lui fait face et avance dangereusement. Il guette l’ouverture et le moment où le Garzok commettra une erreur, fera un mouvement moins vif ou épuisera frénésie.

Le Garzok, sentant que le combat échappe à son avantage, tente une dernière manœuvre désespérée, une charge sur le Wotongoh, le sabre en avant. Caabon fléchit les jambes assez pour que la lame glisse sur les renforcements aux épaules de sa brigandine, et plante Sombrelouves dans la gorge de son assaillant, faisant ensuite un pas de côté pour laisser le corps tomber sur le sol sans l’entraîner ; la menace immédiate est écartée, répandant son sang sur le sol par la déchirure de son cou. Avisant l’adversaire neutralisé le premier essayant de se relever, le jeune homme fond sur lui en deux enjambées, retire de sa jambe le couteau et le lui plonge dans la nuque. Les bras se dérobent sous le Garzok qui s’effondre à nouveaux.

« Bon travail, un peu grossier, mais bon travail tout de même. »

Céendel ne semble avoir reçu aucune blessure, et derrière lui gisent trois corps parfaitement aligné, comme s’il n’avait eu besoin d’aucune manœuvre pour venir à bout des guerriers. L’un d’eux cependant remue encore : il s’agit du chef.

« Il y en a un qui n’a pas succombé… »

« Je sais, je sais, c’est tout à fait volontaire. J’aimerais avoir quelques réponses à des questions avant de nous remettre en chemin, et je ne sais pas encore faire parler les morts. Mais celui-là va chanter quand je me serai occupé un peu de lui… »


Fuite en avant

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Dernière édition par Caabon le Sam 27 Avr 2013 17:57, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Mertar
MessagePosté: Sam 27 Avr 2013 17:56 
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La fin du trajet dans la forêt s’est fait sans encombre, mais avec la crainte pour Caabon de croiser un nouveau groupe armé. Après quelques minutes de questionnement assez convaincant du Garzok, appuyé par un poignard parfaitement aiguisé, l’elfe blanc a obtenu des informations imprécises mais rassurantes au demeurant : les cinq combattants, de nouvelles recrues, pas assez bonnes pour intégrer les groupes destinés à s’affronter avec les groupes militaires mais assez pour harceler les voyageurs sur les routes. De ce qui a été craché par la gueule ensanglantée, ils étaient les seuls dans cette partie de la forêt à leur connaissance.

(Heureusement que Céendel a perçu ce groupe sur nos traces… Sans ça nous nous serions fait surprendre… Nous pouvions toujours veiller à ce qui pouvait se passer devant nous… Leur stratégie est intéressante… Patrouiller en lisière, attendre que quelqu’un pénètre dans la forêt et se mettre sur ses pas, en s’en prenant aux cibles qui évitent les chemins trop fréquentés… Des cibles comme nous… traquées comme des bêtes…)

Les arbres sont aussi nus que les bosquets rencontrés dans la plaine, mais à l’approche des premières pentes les sapins se font plus présents, ainsi que les mélèzes ayant presque tous perdu leurs épines et affichant eux aussi des silhouettes privées de tous volumes. Personne n’est venu ramasser du bois mort dans cette partie de la forêt, des troncs gisent couchés en travers des fourrés, soumis à la lente décomposition sous l’action combinée du temps, des intempéries, de la faune et de la flore. Un rongeur se précipite dans l’un deux à l’approche des deux marcheurs qui l’ont sans doute interrompu dans les derniers temps de sa collecte de nourriture en vue de jours bien pires. Pourtant, au milieu du chaos végétal où nul être n’a mis la main depuis des décennies, quelques chemins ont été tracés par les pas des voyageurs successifs ou par des animaux massifs poussés par la crainte de quelque prédateur, la faim ou tout autre raison qui leur est propre.

L’incident des Garzoks a poussé Céendel à sacrifier la pause du repas, non pas du fait du temps perdu, relativement faible tant le combat s’est déroulé vite, mais à cause du risque de s’attarder dans une forêt que nul ne contrôle vraiment. Les raisons exposées ne manquent pas de convaincre le Wotongoh de la nécessité de se hâter de gagner le refuge relatif des montagnes : le Garzok interrogé a pu mentir, et s’il n’a pas menti, peut-être n’était-il pas informé de l’existence d’autres groupes de maraudeurs en mission ; les armées d’Oaxaca ne comptent pas que des humanoïdes, rien n’exclut que des bêtes autrement plus redoutables que quelques troufions légèrement équipés. De plus, le petit rituel auquel s’est livré l’elfe blanc sur les cadavres ne manquera pas de mettre à leur trousse ceux qui trouveront le lieu de la boucherie : tous les Garzoks ont été décapités, les têtes plantées sur des pieux taillés à la va vite dans des branches mortes et alignés en face du tas de corps. Voilà qui manifestait, selon l’auteur de la macabre mise en scène, une volonté de nuire plus qu’une rencontre impromptue avec les mauvaises personnes.

« Etait-ce vraiment nécessaire de s’attarder pour traiter les cadavres comme cela ? »

« Avez-vous déjà vu ce que les Garzoks portant les armes d’Omyre font dans les villages sur lesquels ils fondent parfois dans les Duchés des montagnes ? »

« Non, mais j’ai entendu des gens en parler à demi-mots, et vu la grimace que certains témoins faisaient, je me doute que ça ne devait pas être joli. »

« C’est tout sauf joli. C’est le genre de spectacle que l’on voudrait ne jamais voir de sa vie, et encore moins revoir. Mais c’est la guerre, et pas une guerre que l’on mène sur un champ de bataille, et où on a parfois la chance à la fin de la journée de venir ramasser les soldats tombés de son camp. Je mène un combat à mort, et je crois que l’important est de montrer que l’on est aussi déterminé que l’adversaire. Et je suis déterminé. »

« C’est parce que vous êtes déterminé que vous allez en Nosvéris ? Il y a de quoi faire ici. »

« Je suis né dans le grand Nord, j’ai grandi là-bas, et même si j’ai beaucoup voyagé, le Nord est ce que je considère le plus comme mon foyer. Les changements politiques qui y ont eu lieu ne me conviennent pas. On s’en est pris à moi, à mes intérêts là-bas. C’est un combat à mort qui s’est déclaré. »

« Et vous croyez qu’il est rationnel de vouloir affronter seul les forces d’Oaxaca ? »

« Marchez donc au lieu d’épuiser votre souffle. Nous ne sommes pas encore arrivés. Et nous trouverons un moment plus propice pour entamer cette longue discussion. »

Alors Caabon s’est tu, et a continué à marcher. La voix de l’Hiniön a été plus douce qu’au cours du reste de la courte conversation, son ton dépourvu de tout tranchant : la question ne semblait pas avoir chez lui éveillé une quelconque forme d’énervement. Mais il avait raison : ce n’était pas l’heure de parler, surtout si la conversation devait traîner en longueur. Les bruits inhérents à l’évolution rapide dans la forêt peuvent encore passer relativement inaperçus pour une oreille inexercée, mais les voix trahissent mieux que cela une position, un nombre, la qualité des locuteurs, même leur provenance pour qui distingue les accents. Trop d’informations qu’il n’est pas bon de confier aux quatre vents.

La fin de l’après-midi en cette fin d’automne coïncide avec la tombée du jour, et les pentes des Montagnes, dernier obstacle et non des moindres entre les voyageurs et leur destination, connue précisément de Céendel seul.

« Nous allons encore marcher un peu, jusqu’à trouver un lieu assez à couvert pour nous servir d’abri, puis nous nous installerons pour passer la nuit. Pas de feu, et cette fois nous devrons organiser une veille. Je prendrai la première partie de la nuit, vous la seconde. Vous semblez avoir besoin de dormir pour avoir l’esprit suffisamment clair. J’aurais aimé avancer encore un peu, mais les pentes sont déjà assez traîtres au clair de lune, je ne veux pas prendre de risque avec les nuages qui commencent à s’amonceler. »

Un coup d’œil de Caabon au ciel lui inspire les mêmes sentiments pessimistes à l’égard du temps. Lorsqu’ils trouvent enfin un repli de terrain dans lequel ils jugent pouvoir se coucher en toute discrétion, le jeune homme, craignant une chute de neige, ou pire, de pluie, s’emmitoufle dans les couvertures et se couvre de sa cape imperméable, trop heureux d’avoir cette double protection. Il ne tarde pas à s’endormir, d’un sommeil lourd, sans rêve, profond.

Assez profond pour qu’il sente à peine l’Hiniön le secouer, si bien que ce dernier est contraint de le secouer avec plus de vigueur. Une fine pellicule de neige commence déjà à couvrir le paysage et les dormeurs tandis que les flocons dansent dans la nuit, invisibles en l’absence de toute source lumineuse.

« Bougez le moins possible, fiez-vous à vos oreilles et pas de feu, surtout pas la moindre lumière. Restez bien enveloppé dans vos couvertures, et au moindre doute, réveillez moi. Pour ne pas perdre de temps, enfilez vos griffes : on ne sait jamais ce qui peut arriver. »

Une nuit en montagne

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Dernière édition par Caabon le Sam 27 Avr 2013 22:25, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Mertar
MessagePosté: Sam 27 Avr 2013 22:25 
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Le temps semble s’étirer tout en longueur dans le silence de la montagne, à peine troublé par le sifflement du vent et les échos de bruits lointains. Pas une lumière ne perce l’horizon là où le regard du Wotongoh se pose, les villages des montagnards sont dérobés à son regard par le relief du terrain et dans la plaine, les hameaux et les bourgs sont trop lointains, la neige forme un rideau trop épais ou les habitants ferment bien leurs volets pour se protéger du froid et masquer le signe de leurs présences aux forces hostiles. Combien il aimerait apercevoir une chandelle à une fenêtre, déceler le rougeoiement d’un âtre, une marque de chaleur, de présence humaine. L’impératif de l’absence de feu est d’autant plus difficile à tenir que le froid se fait mordant, même si la couverture sous la cape de cuir doublée de fourrure offerte par Théoperce lui permet de conserver la chaleur de son corps et de former comme un doux cocon dans cet environnement soudainement hostile.

Rien n’éveille l’attention du veilleur au cours de son tour de garde, seule lui vient l’hésitation quant au moment d’éveiller son compagnon endormi, qui ne lui a laissé aucune indication, et rien ne lui permet de savoir combien de temps dureront encore les ténèbres. Attendre l’aube ? L’elfe blanc n’a rien dit à ce sujet, et sa hâte de parvenir à destination ne semble pas compatible avec l’idée de prendre son temps pour dormir assez. Cependant, Caabon estime qu’il vaut mieux le laisser dormir que de le réveiller trop tôt : c’est Céendel qui fait office de guide et doit avoir l’œil vif et l’esprit affûté, c’est lui qui a repéré les Garzoks la veille et demeure le plus rompu aux attentions du voyage, c’est lui enfin qui a su sans peine se débarrasser de trois combattants. Mieux vaut que l’Hiniön soit au mieux de sa forme, et tant pis pour les récriminations.

(Il lui suffisait de me donner un bon moyen de savoir quand le réveiller... Un sablier peut-être, ou une indication quelconque sur comment mesurer le temps qui passe en pleine nuit, quand le ciel est couvert… De toute manière à quoi bon voyager avant le retour de la lumière ?... On n’y voit goute !... Et je préfère ne pas me risquer à aller de nuit dans les montagnes… J’ai entendu à Kendra Kâr des voyageurs évoquer des groupes de Lykors noirs descendus vers les montagnes, et déjà des rumeurs semblables circulaient à Oranan… La faute aux troupes d’Oaxaca… Comme si ce n’était pas déjà un assez grand mal, il faut qu’elles poussent vers des régions qu’ils avaient quitté ces monstres… Des chasseurs disent certains des textes que j’ai pu consulter à leur sujet… Des chasseurs… Et nous leur proies… Au moins ne font-ils pas de conquêtes, du moins je ne crois pas…)

Sur ces sombres pensées, Caabon prend le parti de se restaurer quelque peu. A tâtons, il sort ses mains de sa cape, maudit le peu de prévoyance qui l’a conduit à ne pas se procurer de gants à l’étal où l’elfe blanc s’est procuré les couvertures et les peaux, et tire de son sac un morceau de pain et un sac de tissu contenant sa provision de noix et noisettes. Alors qu’il mâche, il lui semble faire un bruit qui résonne et roule sur les pentes des montagnes et les quelques éboulis rocheux qu’il a aperçu avant le coucher du soleil au loin. S’il est conscient que le vacarme de ses mâchoires broyant les fruits secs ne doit retentir que dans sa tête, et lui paraître si important du seul fait du silence ouaté dans lequel il est enveloppé, il se sent mieux la dernière bouchée déglutie, probablement aidé en cela par son ventre plein.

(Il part en Nosvéris… Mais où irai-je moi par la suite ?... C’est une destination comme une autre, assez loin pour m’éloigner de ceux qui me cherchent à Kendra Kâr… Je les avais presque oubliés… Voilà plus de deux jours que nous marchons, je me demande quand nous parviendrons à Mertar, si c’est bien là que nous allons… Dahràm comme destination finale sur ce continent… Dahràm… Je n’ai rien entendu de bon, et les échos que j’ai eus de la conquête n’ont pas amélioré cette image… Que m’avait dit…)

Repenser soudainement à son mentor, au moment où il s’y attend le moins, noue une boule dans le ventre du Wotongoh. Voilà des semaines qu’il n’a pas eu une pensée pour celui qui l’a élevé, un oubli en partie volontaire, intimement lié à la crainte de la douleur que pourrait faire resurgir les souvenirs.

(Pessimiste, il était très pessimiste, notamment en ce qui concernait l’avenir d’Oranan et de la république d’Ynorie… Il doit être marié maintenant… C’est pour cela que j’ai disparu de sa vie… Je n’ai pas déserté son cœur et ses souvenirs, je le sais, tout comme il est toujours présent dans les miens…Mais je ne pouvais pas rester… C’aurait été… trop compliqué… Peut-être reviendrai-je un jour, lorsque je serai un homme, lorsque la vie m’aura apporté un statut, quelque chose de plus qu’un enfant orphelin, apatride… Comme Céendel, il a voyagé, c’est ainsi qu’il m’a trouvé, il me l’a dit… La vie entre les murs d’une cité est certes rude pour beaucoup, mais que pourrais-je apprendre ?... Notre monde est en guerre, la violence est partout…Ces Garzoks dans la forêt, ces hommes qui veulent ma peau à Kendra-Kâr… Je pourrais me cacher, mais me cacher toujours ?... Non !... Céendel va en Nosvéris pour se battre, et j’irai avec lui… J’apprendrai à me battre, j’apprendrai à me servir de ces griffes, j’apprendrai à tuer et à survivre, car c’est une chose importante pour moi… Je lutterai peut-être contre les forces d’Oaxaca… Mais avant de lutter, je dois être capable de me battre… J’apprendrai…)

Cette songerie est comme un résumé des pensées qui lui traversaient l’esprit au cours de la marche des deux derniers jours et de l’après midi où ils avaient quitté Kendra-Kâr, le point de convergence des indécisions auxquelles il a été confronté.

Une lueur qui ne peut être que celle du soleil pointe à l’horizon. Caabon secoue l’elfe blanc pour le réveiller. Ce dernier passe à l’état d’éveil avec une rapidité surprenante pour le Wotongoh qui a depuis le début du voyage eu beaucoup de mal à émerger au matin, et pose une série de questions sur la nuit. Rassuré par les réponses, il prend le temps de manger et invite son compagnon à faire de même.

« Nous avons parcouru un peu plus de la moitié de la distance, mais il nous reste autant de jour de travail, peut-être même plus. Nous irons moins vite compte tenu du dénivelé, des conditions climatiques et du terrain accidenté. Nous devrons être prudents : nous n’irons pas loin avec un membre brisé, ou même une simple foulure. Prêtez moi votre bâton de marche : je pensais me procurer une branche solide dans la forêt, mais les évènements m’ont poussé à reléguer ce besoin à plus tard ; je m’en servirai pour sonder le sol sous la neige, je ne veux pas que nous nous prenions le pied dans un terrier ou dans une petite crevasse dissimulé par la neige. Nous devrons renouveler de prudence. Vous vous sentez en forme ? »

« Assez oui. »

« Bien, si c’est toujours le cas, nous conserverons ce rythme de sommeil jusqu’à notre arrivée. Allons, en route, il nous reste moins de trois jours de voyage, mais ce n’est pas une raison pour traîner. »


L'arrivée au lac gelé d'Höd

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Mertar
MessagePosté: Dim 11 Aoû 2013 22:30 
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<< Auberge de la Marmite d'Or, Mertar

Les yeux fixés devant moi, je tape du pied de temps à autre pour me réchauffer en cette fraîche matinée d'été. Je sais que la journée sera plus chaude, quoi que jamais assez pour Al et moi, mais le soleil ne darde pas encore ses rayons sur l'immense entrée de Mertar. Battant le parvis qui s'étend au-delà des portes nous attendons les trois marchands qui ont accepté de nous emmener avec eux pour leur retour au sud. Deux frères kendrans et le fils de l'un d'eux, qui n'ont d'abord guère été enthousiasmés par la présence de mon compagnon à quatre pattes, mais l'aîné avait fini par acquiescer.

Les voilà enfin qui sortent de la cité thorkine, menant par la bride six petits chevaux qui les accompagnent dans chacun de leurs voyages, portant leur matériel et leurs produits. Je me rends tout de suite compte que deux personnes de plus les accompagnent. L'ouverture d'esprit des kendrans dont j'ai tant entendu parler se vérifie une nouvelle fois, car les deux hommes qui les suivent ont une peau d'un noir ébène mais ne ressemblent en rien à des Shaakts. Malgré l'orgueil que j'ai pu décelé chez certains habitants de la métropole, on doit leur reconnaître cette grande qualité, ils considèrent tout étranger comme leur égal, tout du moins à la première rencontre.

(Sauf s'il est à quatre pattes.)

Je caresse Al entre les deux oreilles, souriant de cet humour dont il fait parfois preuve. Mais mon visage redevient rapidement impassible tandis que la petite caravane se rapproche de nous. Le grand frère s'avance vers moi pour me saluer et je peux une nouvelle fois admirer ses yeux émeraudes dans ce joli visage à la peau diaphane. Derrière, son frère et son neveu semblent être taillés sur le même modèle : élancés, un nez aquilin et des oreilles assez larges, ils sont tous les trois blonds mais les deux autres ont un regard bleu acier. Nous avons déjà fait connaissance autour d'une bière il y a deux jours, j'ai rapidement compris que l'aîné Ralf Haldorson était le chef de famille, bien que son frère Halvard soit pour l'instant le seul à avoir un descendant : le jeune Odomar.

J'oublie bien vite ces trois kendrans lorsque Ralf me présente les deux autres personnes qui vont marcher avec nous : Koum l'adroit et Azril le forestier. Leur visage aussi noir que la nuit est couvert de décorations étranges et lorsqu'ils ouvrent la bouche pour me saluer je ne peux ignorer leur dentition, presque semblable en plus petite à celle d'Al-Ayrad. La présence de ce dernier ne semble heureusement pas gêner les chevaux, peut-être ont-ils déjà voyagé avec d'autres animaux.

"Bien, en route. Cette première journée va nous mettre en forme pour la traversée du Col Blanc demain." - conclue Ralf.

Lors de notre première rencontre, les Haldorson m'ont brièvement expliqué le trajet, ils ont du faire de même avec les deux autres voyageurs. Cinq jours de voyage nous attendent avec la traversée de la grande chaîne de montagnes de Nirtim, passage le plus délicat même en été. Sans plus parler que nécessaire, nous nous mettons en route. Les marchands mènent leurs montures sans nous demander de l'aide et prennent la tête du convoi, les deux hommes noirs leur emboitent le pas et je ferme la marche avec Al.

Je jette un dernier coup d’œil à Mertar avant de tourner résolument mon attention vers l'avant. Un grognement de mon compagnon m'encourage à ne plus regarder en arrière, nous n'avons passé que trop de temps parmi le peuple thorkin. La vue du paysage qui s'étend devant nous parvient presque à me gonfler le cœur de joie, mais la noirceur de mon passé empêche tout débordement. J'observe d'un œil triste la petite vallée encore brumeuse où se terre Mertar. Nous quittons rapidement la roche qui s'étend devant l'entrée de la cité souterraine pour rejoindre la terre meuble et l'herbe encore toute humide de rosée. Le ciel est bleu et l'air vivifiant, la faune s'éveille tout comme la flore qui s'ouvre à ce nouveau jour. Le chant de l'eau du fleuve nous accompagne et mes yeux vont et viennent entre le sentier marqué par les multiples passages de caravanes et le bondissement joyeux des gouttelettes d'eau fraiche.

Bien que nous ayons toujours eu une vie active physiquement, le souffle vient rapidement à me manquer car le dénivelé est abrupt dès le début, la fraicheur des lieux ne m'aidant guère. Laissant Mertar derrière nous, nous nous élevons vers les cimes des montagnes en remontant le lit du fleuve. Ralentissant quelques peu la cadence, je me concentre sur ma respiration pour la faire régulière, puis ayant trouvé un rythme j'accélère de nouveau le pas pour ne pas me faire distancer par les cinq hommes.

Nous marchons depuis quatre heures quand les marchands décident de faire une première pause. Le soleil s'est levé depuis notre départ, réchauffant de ses rayons bienfaiteurs mon corps engourdi. Nous nous asseyons en silence dans l'herbe, observant les alentours et grignotant des fruits secs, arrosés de quelques gorgées d'eau. La famille de marchands échange parfois à voix basse sans que cela nous intéresse. Les deux autres hommes et moi nous observons quelquefois à la dérobée, mais aucune discussion n'est entamée. Puis les kendrans donnent le signal du départ et nous reformons la colonne à l'identique.

La journée se poursuit et l'astre solaire parvient à son zénith sans que personne n'ait prononcé un mot, même Al n'a pas émis un son ou une pensée. La dénivellation n'est pas étrangère à notre mutisme, chaque bouffée d'air est utilisée par nos muscles qui fournissent un effort constant depuis plusieurs heures. Mes pieds brûlent dans les bottes de cuir et j'ai parfois l'impression que mes genoux vont se dérober sous moi. Sept années passées de façon presque tout le temps sédentaire dans ces montagnes m'ont fait oublier mes mois d'errance sur le continent de Tulorim. Toute à mes pensées, ma main vient masser un instant ma nuque raidie et je change une nouvelle fois ma besace d'épaule. Une truffe humide vient se loger dans ma paume, ressentant mes douleurs physiques Al s'est rapproché pour m'encourager.

"Mon pauvre ami, soit je me fais vieille, soit il était vraiment temps de nous remettre en marche !"

Il semble hocher sa grosse tête et je crois qu'il est lui aussi soulagé lorsque devant nous la caravane s'arrête pour une nouvelle pause. Nous nous restaurons tous ensembles, n'échangeant que quelques mots sur la route déjà faite et le temps qu'il nous reste avant le col. Ralf est optimiste, notre départ matinal nous permettra d'après lui de nous arrêter avant le coucher du soleil pour profiter d'une bonne soirée de repos. La halte ne dure pas longtemps et nous repartons pour notre dernière étape du jour.

Les dires de Ralf se révèlent être plus que corrects car l'après-midi n'est pas terminée lorsqu'il annonce l'arrêt pour la nuit. Nous avons marché une bonne dizaine d'heures et le Col Blanc se devine au loin.

"Inutile d'aller plus loin pour camper, mieux vaut avoir une bonne lumière demain et profiter de la relative chaleur de cette altitude pour la nuit." - explique le kendran.

La famille Haldorson s'active alors pour décharger les bêtes et monter un petit campement, tandis que les deux autres voyageurs disparaissent sans un mot, laissant leur maigre baluchon sur place. Je propose mon aide pour étriller les chevaux, que les hommes acceptent avec plaisir. Alors que je termine de frotter la dernière monture, Odomar part à la recherche de bois et je me retrouve seule avec les deux frères. Assis à même le sol, une conversation dont je n'ai guère envie s'engage.

"Pardonnez-moi dame, mais puis-je vous nommer par votre prénom, car je crois avoir de nouveau oublié votre nom de famille." m'interroge Halvard. Puis poursuivant après mon hochement de tête. "Merci Ariane, vous n'êtes pas de notre continent comme les deux Wotongohs n'est-ce pas ?"

Je note avec intérêt le nom que le cadet donne aux deux hommes noirs avant de le renseigner à mon tour sur mon origine.

"Non, je viens d'Imiftil au sud, mon peuple vit dans un désert de sable d'où notre nom de Peuple des Dunes. Je voyage depuis que je suis jeune pour découvrir le reste du monde."

Ce n'est pas tout à fait vrai mais je n'ai aucune envie de parler de mon passé avec des inconnus et j'espère que cette explication coupera court à toute autre question.

"Êtes-vous déjà allée à Kendra-Kâr ?
- Non c'est la première fois, je ne connais que le nord de votre continent.
- Que faisiez-vous à Mertar si ce n'est pas indiscret ?
- J'étais la plupart du temps à Stanrock pour aider aux défenses."


Halvard hausse les sourcils de surprise puis affiche un grand sourire.

"Un altruisme que je ne peux que respecter car ce n'est là ni votre peuple ni votre pays. Vous êtes là depuis longtemps ?
- Sept ans."


Halvard hoche la tête avec déférence et je sens sur moi le regard de Ralf. La conversation cesse avec le retour d'Odomar qui s'occupe aussitôt d'allumer un feu. Son père et son oncle sortent plusieurs victuailles et je me permets à mon tour de les interroger.

"Où sont donc partis Koum et Azril ?
- Observer les environs et chasser sûrement, nous les avons rencontrés avant vous et ils nous avaient offerts leurs services pour faire le voyage.
- Voyagent-ils simplement comme moi ?
- Vous allez pouvoir leur demander, les voilà."


Je tourne la tête vers la direction qu'indique Ralf mais ne suis pas satisfaite, j'aurais bien aimé en savoir un peu plus avant que les deux étrangers ne reviennent. Ces derniers ramènent quelques lapins et s'affairent aussitôt à les préparer. Humant le fumet, Al qui s'était allongé à quelques pas, se lève et disparaît dans la nuit tombante.

"Votre animal s'en va seul." m'indique Koum.

"Il a un nom et est bien plus un compagnon qu'une simple possession animale." répliqué-je d'un ton sec que je regrette aussitôt. "Pardonnez-moi messire Koum, la réaction de certaines personnes face à Al-Ayrad en a fait un sujet délicat.
- Ne m'appelez pas messire et ne vous excusez pas, je comprends votre relation. Notre peuple est proche de la nature et j'ai mésusé du langage commun, ne connaissant pas le nom de votre ami. Que veut-il dire ?
- Le lion dans la langue de mon peuple, tout simplement."


La réponse intelligente de Koum radoucit mon humeur et nous entamons le repas dans une ambiance plus décontractée que durant nos répits de la journée.

"Comment saviez-vous que Al-Ayrad signifiait forcément quelque chose ?
- Nous avons voyagé sur Imiftil, nous connaissons le peuple des Dunes auquel votre physique nous a fait penser que vous apparteniez.
- C'est juste, vous semblez être de grands voyageurs, car les Haroldson m'ont dit que vous n'étiez pas d'ici et je crois connaître assez bien Imiftil pour savoir que vous n'êtes pas de là-bas non plus.
- Nous venons d'un continent plus au nord : Nosvéris.
- Je crois savoir que la même noirceur plane là-bas.
Glisse Ralf, se mêlant de la conversation.
- Oui, Oaxaca."

Le nom de la déesse maudite prononcé dans un lieu inconnu alors que nous ne sommes plus éclairés que par le feu jette un froid pendant un moment. Percevant le retour de la chasse de mon ami et me sentant plus en sécurité près de lui, je reprends la conversation.

"Elle sévit chez vous aussi ?
- Oui c'est pour cela nous voyageons, pour observer ses actions sur les autres continents."


Je hoche la tête et reste silencieuse alors que Odomar oriente nos entretiens vers des sujets plus légers. La suite de la soirée se déroule tranquillement, parlant de choses et d'autres. Là, en extérieur sous le ciel étoilé, je me sens presque bien. Je finis par m'allonger sur le flanc d'Al-Ayrad, participant de moins en moins aux échanges et c'est dans cette position que je finis par m'endormir.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Mertar
MessagePosté: Mar 13 Aoû 2013 10:30 
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Le réveil se fait aux premières lueurs de l'aube, les deux Wotongohs sont déjà levés et je les salue d'un signe de tête. Bien qu'hier le jeune Azril ait moins parlé que son aîné, il se dégage d'eux une sagesse simple qui force le respect. A moitié réveillée, j'observe la famille de marchands encore endormie et décide d'aller marcher un peu en attendant leur lever.

Remettre mon équipement n'est pas aisé, la journée d'hier pèse encore sur mes épaules et mes jambes courbaturées. Heureusement que j'ai troqué mon vieux barda de métal pour une tenue en cuir bien plus légère et agréable à porter. Dans quel état serais-je aujourd'hui ? Al ouvre un œil mais le referme aussitôt me laissant seule pour ma promenade matinale. Je ne veux pas marcher loin ni longtemps, j'aurais assez à faire avec le franchissement du col aujourd'hui, mais j'ai besoin de réveiller mes muscles et mon esprit. Je ne regrette pas d'avoir quitté l'enclave thorkine, où Halvard voit de l'altruisme moi je vois un refuge, une cachette pour une âme blessée qui s'est laissée pourrir sans rien tenter. L'image d'Iluz traverse fugacement mon esprit mais je reste sereine, le temps a passé depuis et l'homme que j'ai cru aimé n'est plus qu'un souvenir, celui d'un pantin aux mains d'un fou. Je m'abime dans la contemplation du ciel matinal et essaye de ne plus rien penser.

Tout dans ce paysage appelle à l'apaisement, les cailloux lisses ou rugueux naissant un peu partout au milieu de l'herbe folle où grouille une vie imperceptible, les grands arbres qui vont en diminuant vers les cimes des montagnes... La lueur diffuse du soleil à travers la brume donnant un côté féérique à l'ensemble. Mon regard revient en contrebas où j'ai laissé le campement. Tout le monde s'active et les chevaux sont déjà chargés, je décide de les attendre là. Lorsqu'ils parviennent à ma hauteur, nous échangeons tous des salutations polies puis nous nous remettons en route dans le même ordre qu'hier.

La matinée se déroule tranquillement malgré le chemin que nous font prendre les marchands kendrans et qui s'accentue de plus en plus. Nous nous arrêtons à peu près à la même heure que la veille pour nous reposer, autour de nous l'herbage se couvre de neige par endroit, annonçant la proximité du Col. Notre deuxième étape voit disparaître le moindre coin d'herbe verte, seule quelques fleurs tenaces percent encore le sol devenu blanc : le Col porte bien son nom. L'avancée devient difficile pour Al et moi à cette altitude, bien que vivants dans les montagnes depuis plusieurs années, nos corps nés sous des températures bien plus chaudes ne sont guère habitués à de tels climats.

"Si nous revenons un jour par ici Al, rappelles-moi de ne jamais entreprendre ce voyage l'hiver !"

Al ne répond rien, concentré qu'il est sur ses pattes qui s'enfoncent de plus en plus profondément dans la neige à son grand désarroi. Je ressers les pans de ma cape autour de moi et poursuis la route silencieuse, observant moi aussi mes pieds disparaître régulièrement dans le sol avec un étrange crissement. Je lève plusieurs fois la tête pour observer le ciel bleu, espérant de tout cœur qu'il reste ainsi.

"Aie pitié de nous Yuimen et accorde nous une route sûre, que Gaïa continue d'éclairer nos pas."

Que ma simple prière ait été entendue ou que le temps n'ait pas décidé de tourner, la journée avance doucement mais sûrement tout comme notre caravane. Le col est franchi sans encombre si ce n'est le froid et la désagréable sensation d'avoir les pieds trempés. Peu enclins à s'arrêter dans ce lieu ouvert à tous vents, nous poursuivons à marche forcée jusqu'à tard dans l'après-midi, redescendant vers une contrée plus accueillante. Pour la seconde fois nous montons un petit campement, allumant rapidement un feu pour nous réchauffer car il n'y a pas que Al-Ayrad et moi qui avons souffert du froid. Le vin chaud que transporte les Haldorson est le bienvenu et nous nous régalons une fois de plus de la chasse des Wotongohs. La discussion revient sur Oaxaca puis Halvard nous parle de Kendra-Kâr, comme à mon habitude je reste la plus silencieuse et m'endors rapidement auprès de mon ami, fourbue par cette seconde journée de marche.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Mertar
MessagePosté: Mar 13 Aoû 2013 23:33 
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Une main me secoue doucement et une belle voix grave prononçant mon nom parvient dans mes rêves. M'étirant j'ouvre les yeux sur le visage de Ralf qui fait une moue penaude.

"Désolé Ariane, mais nous devons y aller."

Je me redresse brusquement, écartant la main du marchand et cherchant Al du regard.

"Il est parti tôt et n'est pas encore revenu."

Me raclant la gorge, je remercie Ralf et m'active pour me préparer. Un seul coup d’œil aux alentours me montre que les hommes m'ont laissé dormir. Ne parvenant pas à déterminer si je suis en colère ou vexée de cette attention je suis sur le qui-vive en quelques secondes et les darde d'un regard vert sombre.

"Devons nous attendre Al-Ayrad ?
- Non partons, il peut très bien nous retrouver par lui-même."


Je fronce les sourcils en croyant voir apparaître un bref sourire amusé sur le visage de l'aîné des kendrans mais me garde d'ouvrir encore la bouche. Sans les attendre, je commence à descendre la pente d'un pas leste. Les douleurs dans mon corps sont différentes d'hier, moins aigües elles semblent pourtant s'être propagées dans le moindre recoin de ma chair. Monter était une torture pour le souffle mais la descente n'est guère agréable pour les genoux. Malgré le soleil qui éclaire les sous-bois, j'observe plus d'une fois les environs avec la désagréable sensation que nous ne sommes pas seuls.

Nous marchons depuis une heure lorsque mon compagnon nous rejoint enfin, il vient se placer à côté de moi et confirme aussitôt mes impressions.

(Il y a du monde dans ces montagnes, des Sektegs notamment.)

Me retournant pour voir qui est le premier à me suivre, j'aperçois Odomar tenant par la bride l'un des petits chevaux.

"Faites vous de mauvaises rencontres lors de vos allers et venues ?"

Le jeune kendran relève la tête vers moi, surpris par ma voix et ma question, il faut dire que nous cheminons en silence depuis ce matin.

"C'est arrivé oui, certaines nuits des Sektegs viennent se servir dans les paquetages, mais ce n'est pas régulier. Pourquoi cette question ?
- Al en a repéré certains justement."


Le regard bleu d'Odomar va de Al à moi plusieurs fois.

"Euh... Il vous l'a... dit ?
- Oui."


Odomar ouvre la bouche mais se contente de la garder ouverte un instant sans prononcer un mot avant de finalement la refermer. En d'autres temps j'aurai sûrement ri devant son visage interloqué, mais sa candeur ne m'arrache qu'un bout de sourire sur le coin des lèvres.

La journée se poursuit, rythmée comme les précédentes. Un arrêt en fin de matinée puis la marche de nouveau, le paysage montagneux laissant place à des collines moins abruptes et au décor moins austère.

"Nous pouvons nous arrêter ici, nous sommes assez bas dans les Duchés pour ne pas être embêtés cette nuit."

Chacun hoche la tête aux paroles de Halvard et pour la troisième fois nous dressons notre campement. Ralf s'approche de moi avec deux arcs en main.

"Je me propose d'aller chasser à la place de Koum et d'Azril ce soir, si vous savez manier l'arc, voulez-vous venir avec moi ?
- Bien sûr que je sais manier l'arc."


Ralf sourit tandis que je lui décoche un rictus narquois tout en m'emparant de l'arc long en if qu'il me tend.

"Après vous."

L'homme s'éloigne du campement et je le suis à la trace, Al reste derrière ayant brièvement perçu mes pensées. Nous marchons un temps en silence jusqu'à ce que le camp s'efface à nos yeux. Ces derniers, de teinte identique, se croisent plusieurs fois.

"Que croyez-vous que nous puissions trouver dans ces sous-bois si ce n'est de petits bonhommes verts impropres à la consommation ?
- Sûrement un lapin ou deux, mais je ne suis pas pressé de terminer cette promenade. Et vous ?"


Je souris, ayant parfaitement compris les sous-entendus du grand kendran. Je n'ai pas vécue en célibataire depuis la disparition d'Iluz, comme je ne l'étais pas avant depuis mon départ d'Azzaï, l'oasis où je suis née. Si les premières années d'errance m'ont tenue éloignée des lieux peuplés, j'ai toujours lié diverses amitiés durant mes séjours dans les cités. Sans m'attacher, je n'ai pas laissé ma couche vide tous les soirs. A Stanrock nombreux ont été les mercenaires et les soldats de tout âge et tout horizon. Mais cela fait longtemps que je n'ai pas connu un homme exempt de larges blessures de guerre. Ralf a presque des allures d'elfe avec sa silhouette élancé. Ses longs cheveux blonds entourant son faciès rasé de près ne sont pas pour me déplaire et ses yeux ont un côté enchanteur. Ils sont d'ailleurs tout près de mon visage, car ayant senti mon regard le déshabiller, Ralf s'est arrêté et s'est rapproché de moi.

"Je ne vois pas de Sektegs dans le coin, l'herbe a par contre l'air fort épaisse par ici."

Je ne réponds rien et attire le marchand à moi, l'embrassant pour qu'il ne parle pas plus.

***

Les battements de mon cœur ralentissent doucement alors que j'aspire de grandes bouffées d'air nocturne. Étendue dans les bras de Ralf, sans le moindre bout de tissu, je contemple les étoiles naissantes à travers la ramure des arbres qui nous entourent. Logés dans le creux des racines de l'un d'eux, le kendran joue d'un air absent avec mes cheveux frisés. Les gouttelettes de sueur glissent encore sur nos corps nus et échauffés mais la fraîcheur de la nuit nous pousse bientôt à nous rhabiller.

"Il s'agit de ramener quelque chose maintenant ou, en plus de sembler plus rapides, Koum et Azril vont paraître bien plus adroits que nous à la chasse !"

Je me surprends à rire doucement bien que je sache que cette euphorie ne durera pas.

"Sauf que si Al peut chasser en pleine nuit, moi non.
- Tant pis, il nous reste un peu de viande séchée, ça fera l'affaire."


Nous revenons en silence vers le camp, savourant cet instant d'intimité. Un bruissement plus avant nous fait soudainement nous arrêter. Serrant l'arc d'if, j'observe les alentours, regrettant que Al ne soit pas à mes côtés. Oreilles tendues, nous sommes aveugles car la lune n'est pas assez brillante pour éclairer la scène. Des branches bruissent de nouveau, quelqu'un marche à quelques pas devant nous. Ralf fait doucement glisser deux flèches hors de son carquois et m'en tend une que j'arme aussitôt. Mais alors que je vise l'endroit d'où vient le bruit, une sensation bien connue m'envahit et je baisse mon arme en jurant.

"Al sors de là crétin."

Le lion rit si fort que j'ai l'impression que même le kendran peut l'entendre. Ce dernier me regarde sans comprendre. Mais mon compagnon à quatre pattes, qui s'était bien gardé de me signaler sa présence sort alors d'un fourré et s'approche de nous, trois lapins ensanglantés entre les crocs.

(Heureusement que j'ai chassé pour vous aussi, vous m'avez l'air de rentrer bredouilles.)
"Tu fouilles mes pensées quand ce n'est pas permis et tu caches les tiennes lorsqu'il ne le faudrait pas. Serais-tu jaloux mon ami ?"


Al dépose ses proies à mes pieds et me donne un coup de langue sanguinolente.

(Je veille sur toi c'est tout.)

A moitié convaincue je tends les lapins à Ralf qui les contemple l'air perplexe.

"Je ne suis pas sûr que les autres prennent ces morsures pour des trous de flèches ! Mais merci Al-Ayrad !"

Il rit et se remet en route. Al et moi le suivons, le campement n'est plus bien loin. Nous sommes accueillis avec le sourire et personne ne fait de remarque sur notre chasse ou l'état de la viande. Nous mangeons et veillons tard dans la nuit, la soirée se déroulant agréablement. Est-ce parce que nous commençons à nous connaître tous un peu mieux ou la menace d'une attaque nocturne renforce-t-elle nos liens ? Je ne le saurais pas, car je m'endors une fois de plus sans m'en rendre compte, me sentant en sécurité au milieu de ces six mâles.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Mertar
MessagePosté: Jeu 15 Aoû 2013 10:09 
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Vivre à l'extérieur me fait réellement du bien me dis-je en ouvrant les yeux sur le ciel au-dessus de moi pour la troisième fois. Le reste du campement est encore endormi, ils ont du veiller encore plus tard que moi hier soir. Une fois mon équipement sanglé je range les affaires et apprête les chevaux. Dispersant les restes du feu d'hier j'observe Ralf s'éveiller puis m'avance vers lui pour lui rendre l'arc qu'il m'a prêté.

"Bonjour, dommage que je n'ai pu l'essayer, c'est un bel arc que tu as là. J'ai vu que tes initiales y été gravées, tu dois y tenir."

Le kendran se lève et jette un coup d’œil alentour avant de me saluer d'un baiser langoureux, s'étant assuré que les autres dorment encore. Il rit doucement en voyant mes sourcils se froncer. Aucun mot n'avait été nécessaire hier pour comprendre ce que nous faisions, c'était une nuit et des plaisirs partagés, rien de plus.

"Ne fais pas cette tête. J'en profite juste encore un petit peu. Quant à l'arc, ce n'est pas mon premier et je fais souvent graver quelque chose dessus..." Il hésite avant d'ajouter dans un sourire. "Si tu veux le conserver en souvenir."

Mon visage autoritaire s'adoucit devant ce bel homme dont tous les attributs sont mis en valeur dans la lumière naissante.

"Pourquoi pas."

Mon doigt caresse le R et le H taillés dans l'if, un souvenir... Oui pourquoi pas, j'ai mon lot de mauvaises réminiscences, alors un objet évoquant un bon moment qu'aucun malheur n'est encore venu gâcher ne peut me faire de mal. C'est à mon tour d'observer rapidement nos compagnons avant d'embrasser Ralf pour le remercier. Nous en restons là et éveillons le reste du campement, il est temps de partir.

La route qui nous attend a des allures de balade au vu des jours précédents. Halvard nous annonce qu'il ne nous reste qu'une demi-journée de marche à travers la forêt pour rejoindre un grand lac que nous aurons traversé avant la nuit. Nous progressons bien plus rapidement que lors de notre cheminement dans les montagnes quoi que certains passages soient parfois malaisés pour les chevaux. Mais après la seconde halte en début d'après-midi nous parvenons à la lisière de la forêt. Le lac annoncé par les Haldorson borde l'orée des bois donnant un certain charme à ce petit bout du continent. La famille de marchands nous fait suivre pendant un temps les berges de l'étendue d'eau pour nous amener jusqu'à un petit ponton de bois qui se lance gracieusement sur le bassin. Une longue barque rectangulaire à fond plat y est retenue par une épaisse corde, ondulant doucettement sous la brise qui souffle sur le lac.

Koum, Azril et moi aidons les deux frères à décharger les chevaux pour passer les sacs à Odomar qui les réceptionne afin de les ranger dans le bac. Puis vient le tour des chevaux qui semblent être habitués à ce mode de transport. Al-Ayrad n'hésite pas non plus, ce n'est pas la première fois qu'il va sur l'eau. Je ne peux m'empêcher de penser à la dernière fois où nous avons embarqué... Pour fuir l'immonde manoir imaginaire de Lark. Revenant à la réalité je descend à mon tour dans l'embarcation ignorant la main tendue par Ralf. Halvard libère la barge rejetant le cordage sur le pont avant de s'emparer de la perche de navigation. Je l'observe faire tandis que la barque se met à glisser sur l'eau en direction du sud. Nous sommes tous silencieux, contemplant la vie de la faune aux alentours du lac. Les Haldorson se relaient pour nous faire avancer car la manipulation de la perche a l'air fatigante. Laissant les hommes suer, je profite de ce moment sur l'eau sous le soleil qui s'est réchauffé depuis notre départ il y a quatre jours.

Mais cet agréable interlude prend fin, trop rapidement à mon goût, lorsque nous touchons la rive sud de l'étendue. Nous répétons nos gestes du chargement pour décharger cette fois-ci l'embarcation et remettre tout le matériel sur le dos des chevaux.

"Nous allons suivre le fleuve pour retrouver la route qui mène à Kendra-Kâr. Nous camperons à proximité."

La plaine s'étale devant nous, promettant une marche encore plus aisée que dans la forêt qui s'élève maintenant au loin, au-delà du lac. Al et moi savourons avec plaisir la tiédeur de cette calme fin de journée. Mon compagnon hume plusieurs fois l'air et je sens que cette tranquillité ne va pas durer, observant plus avant je finis par voir ce que lui a senti depuis longtemps : un groupe se déplace au loin. Alors que je m'apprête à prévenir les autres, Odomar s'exclame en agitant les bras.

"Il y a une autre caravane là-bas !"

Étonnée par la bonne vision du jeune kendran je plisse les yeux pour tenter de mieux voir les silhouettes qui vont grandissantes. A mieux y regarder je distingue effectivement le profil de quatre chevaux menés par deux personnes. Nous nous rejoignons d'ailleurs assez rapidement et il s'avère que les Haldorson connaissent les deux autres marchands qu'ils nous présentent aussitôt : Dratan et Shaert Malod, encore des frères kendrans. Ils décident de passer la nuit tous ensemble et l'installation se fait dans leurs rires et les échanges d'informations. Si je ne fais pas attention aux plaisanteries qui fusent, je tends l'oreille lorsqu'ils parlent des dernières nouvelles de Kendra-Kâr et des environs, mais rien de croustillant ne retient réellement mon attention.

Les Malod sont fort intéressés par les Wotongohs et se lancent avec eux dans une grande conversation. Aucune chasse n'est prévue pour ce soir dans cette plaine dénudée, nous accommodons les restes des victuailles du voyage. Les Haldorson insistent pour que Dratan et Shaert conservent les leurs pour les jours qui viennent, car demain notre groupe sera à l'abri des grands murs de la cité du sud et pourrons nous remplir la panse dans une auberge. Plusieurs fois dans la soirée mon regard croise celui du blond kendran, mais nous ne nous décidons jamais à quitter le reste du groupe. Je regrette déjà la liberté et la solitude des monts. Je finis par les laisser sans un mot, m'éloignant pour aller dormir un peu plus loin avec Al pour seule compagnie.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Mertar
MessagePosté: Jeu 15 Aoû 2013 15:47 
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Quelque chose me chatouille le nez me faisant tressailler. Chassant la mouche importune j'ouvre les yeux sur ce dernier jour de voyage. Encore allongée, la vision à moitié cachée par le poil d'Al-Ayrad, j'observe le campement à quelque pas à travers les herbes agitées par la brise matinale. Tout le monde semble encore dormir à part Dratan et Shaert qui s'affairent pour préparer leur départ. Je vois Dratan se pencher sur Ralf pour le secouer doucement, ils échangent quelques mots à voix basse puis les Malod attrapent la bride de leurs chevaux et quittent le camp en silence.

Dans le ciel, quelques nuages blancs s'effilochent, promettant une journée aussi belle que les précédentes. Me mettant sur mon séant, je contemple les environs vide de toute construction humaine, juste de la verdure à perte de vue. Ramassant mes affaires, je regarde la petite caravane disparaître peu à peu au nord puis me rapproche des hommes en train de se préparer.

"Voilà notre ultime étape arrivée ! Si nous marchons d'un bon pas, nous serons aux portes de Kendra-Kâr avant la nuit."

Le rituel du matin terminé, nous reprenons la route à travers la plaine marchant parfois de front avec les premières montures. Je suis contente de savoir que notre destination n'est plus très loin car ce voyage commence déjà à me lasser.

"Tu ne regrettes pas notre départ ?"

Je secoue la tête pour répondre à mon ami, non, je ne regrette rien, c'est juste la monotonie et la répétition de nos actions ces derniers jours qui me fatiguent. Sans nier que j'ai passé quelques bons moments, la promiscuité des cinq autres me pèse. J'ai envie de me retrouver seule avec Al-Ayrad, nos discussions télépathiques me suffisent largement parfois. Alors que je rumine cet état de fait, Halvard remue le couteau dans la plaie, déclarant le temps de la halte arrivé. Comme hier, comme avant-hier et comme les jours d'avant nous nous arrêtons à la même heure au cours de la matinée, j'ai envie de poursuivre la route sans plus m'attarder. Je décide d'attendre que nous soyons sur la route qu'ils ont évoquée, menant directement jusqu'à la métropole.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Mertar
MessagePosté: Dim 18 Aoû 2013 10:28 
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Alors que tu trouves non loin des portes de la ville de Kendra Kâr, un groupe de kendrans passe devant toi à pied et tu ne peux t'empêcher d'entendre le contenu de leur conversation.

- "Dites les amis, vous connaissez le manoir à l'extérieur des murs ?"

- "Bien sur ! Rien que d'en parler j'ai des frissons dans le dos."

- "Pourquoi tu en parles Artie ?"

- "Vous connaissez les rumeurs qui circulent à ce sujet ?"

- "Oui. Les plus folles rumeurs circulent au sujet de cette ancienne demeure. Un manoir qui ferait perdre la tête et la vie à ses occupants ! Je n'y crois pas une seconde ! Pourquoi tu en parles aujourd'hui ?"

- "Il paraîtrait que de nombreuses personnes s'y rendent pour comprendre ce qu'il s'y passe. Le manoir va ouvrir de nouveau ses portes."

- "Je souhaite bien du plaisir à ceux qui s'y rendent."

Ils acquiescèrent tous les trois de la tête et continuèrent leur route.

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