Depuis la route entre Kendra-Kâr et MertarCela faisait déjà plusieurs heures que Godril naviguait paisiblement sur le fleuve, il n’avait rencontré aucun incident notable et avait même profité de la journée pour se reposer. Le soleil commençait à tomber quand il aperçut une cabane abandonnée à quelques centaines de mètres de distance sur la berge. C’était l’occasion de terminer son voyage, en effet s’il continuait sur cette frêle embarcation elle ne tiendrait sûrement pas face aux courants de l’estuaire. Il prit donc la décision d’utiliser ce cabanon comme sorte de point d’ancrage. Il rama afin de ramener la barque vers le bord du fleuve et se prépara. Il n’était qu’à une dizaine de mètres de son objectif et tendit alors sa hache derrière son dos prêt à frapper. Il espérait que le bâtiment ne soit pas trop abîmé afin d’y planter profondément sa hache, stopper son élan et pouvoir s’arrêter, et ceci car les courants du fleuves, il en avait peur, risquaient de l’emporter et de le noyer s’il tentait de débarquer simplement.
Il élança donc sa hache en direction de cette cabane tout en sautant de l’embarcation. Sa hache se planta dans le bâtiment mais le traversa aussitôt, il bascula tête à l’envers et chuta dans l’eau. Il cria alors très fort et ferma les yeux, craignant pour sa vie. Il rouvrit rapidement les yeux et constata qu’il était assis dans le fleuve, de l’eau jusqu’à la taille avec son bas et ses bottes complètements trempées.
« Bon bah gagné, j’ai l’air du con de service. » Cette réflexion formulée à haute voix, il se releva et s’éloigna de la rive en maugréant dans sa barbe d’un air furieux. Alors qu’un petit serpent passait par là, il lui sauta dessus à pieds joints en exprimant sa colère :
« Raclure de serpent, tu va voir ce que ça fait d’être mouillé, ça te fait marrer c’est ça ? »Il termina son œuvre par un monumental crachat sur le cadavre de la pauvre petite bête écrabouillée au sol. Regagnant ses esprits, il regarda la direction que prenait le fleuve et décida de suivre la direction Sud-Est qui s’éloignait de la rive. Avant de poursuivre son périple et d’atteindre enfin Kendra-Kâr, il marqua une pause d’une vingtaine de minutes pour faire un feu, manger, boire et sécher ses vêtements. Il en profita également pour s’attarder sur son environnement alors que le soleil projetait ses dernières lueurs sur les plaines. Il n’y avait pas beaucoup de haute végétation ni de forêts environnantes. Les changements de niveau du terrain ne lui permettaient pas d’étudier avec précision son futur trajet mais il estima que la ville devait se trouver à une vingtaine de kilomètres. Les plaines semblaient également relativement calmes avec peu de mouvements.
Il renfila donc ses vêtements secs, se chaussa, alluma une torche, éteignit son feu et prit enfin la route. Il pensait déjà à une bonne nuit dans une auberge et les bienfaits qu’il en tirerait quand à peine une centaine de mètres après son départ, il fit une nouvelle rencontre :
Deux hommes se tenaient au travers de la route, le premier portait une tenue verte, un chapeau vert surmonté d’une plume blanche et tenait dans sa main un arc peint en rouge, de la même couleur que sa cape qui flottait légèrement dans le vent. Le second était habillé d’une armure de cuir complète et d’un bandeau vert sombre. Ils se ressemblaient comme deux gouttes d’eau, leurs nez fin, leurs oreilles légèrement pointues, leurs corpulences fines et leurs yeux marrons clairs étaient en tout point similaires. La seul contradiction était leurs cheveux, le premier portant une tignasse bouclée et mal coiffée brune alors que l’autre possédait des cheveux blonds et lisses. Le blond lui adressa la parole :
« Halte, intrépide voyageur ! Ne savez-vous pas que ces contrées pullulent de dangers la nuit venue? »« Si mais honnêtement j’en ai rien à faire, alors bougez de là les deux tiges, regardez-vous on dirait que vous allez vous envoler héhéhéhé! »Ils se regardèrent d’un air passablement outré et le brun rétorqua avec colère :
« Vous me semblez bien peu au courant du danger qui vous attend maître Thorkin ! Délestez-vous de votre bourse et vous pourrez repartir sans craintes ! »« QUOI ! TU VEUX MON OR ? A L’ATTAAAAAAQUE ! »Godril chargea furieusement la personne qui avait osé lui demander son or, on ne touche jamais l’or d’un Thorkin ! Il franchit la distance le séparant du bandit en à peine quelques secondes et tenta de lui faucher les pieds. Son adversaire bondit en arrière, pris de panique, et s’écrasa l’arrière-train contre le sol de la route. Celui qui semblait être son frère, ou du moins son compagnon, était hésitant à la vue de Godril, en effet malgré sa petite taille ce dernier invectivait les deux brigands, les traitant d’imbéciles et d’une multitude innommable d’insultes variées et divers. Il semblait complètement fou et en hurlant une insulte sur le métier de la mère de ses adversaires, chargea à nouveau le brun.
Cette fois-ci le blond eut la présence d’esprit de tenter une attaque du revers de sa courte lame, d’environ vingt centimètres. Il manqua de peu la tête de Godril, ce dernier l’ayant baissé dans sa course folle. Son coup dans le vent ne lui fit pourtant pas perdre espoir et il revint à la charge. Godril ne pensait plus, il se contentait juste de suivre ses réflexes et son instincts, guidés par sa rage meurtrière. Alors que sa hache s’entrechoquait avec l’épée du bandit brun, qui avait perdu son chapeau, il sentit que le blond ne tarderait pas à lui causer des ennuis. Se servant de son poids et de celui de son arme, il fit basculer en arrière son premier adversaire et fit volte-face juste à temps pour voir le second lever sa petite épée dans sa direction.
Ce bandit apparemment novice dans la maitrise des armes avait lancé son coup trop tôt, ce qui permit à Godril d’anticiper ce dernier et de se décaler du côté gauche de son attaquant afin de se retrouver sur le flanc de ce dernier et de conserver la vue sur le l’autre malfrat. Il envoya valser le blondd’ un coup de pied dans les côtes, ce qui le fit tomber la tête la première contre le sol. Godril s’appuya sur son corps qui tentait de se redresser pour se projeter vers le brun qui lui arrivait dessus. Le corps du blond s’écrasa sous le poids du Thorkin et alors que les protagonistes du combat entendirent un léger craquement le blond hurla de douleur. Son frère jeta un coup d’œil rapide au sol, mais apparemment pas assez car les genoux de Godril lui vinrent en pleine tête. Les deux guerriers s’écrasèrent au sol dans un fracas notable et peinèrent à se relever, encore confus.
La tenue de cuir du blond était fortement endommagée ou elle paraissait l’être, des pièces de cuir gisaient sur le sol à divers endroits. Malgré cela, il se releva et, se tenant le buste, il tenta une attaque surprise sur celui qui lui avait fracturé les côtes. Le vif Thorkin para rapidement la lame avant d’infliger un coup d’estoc à son porteur, ce qui fit voler sa cible un peu plus loin. Pendant ce temps-là, son second adversaire avait repris ses esprits, il réussit à lui infliger un coup d’épée au niveau du thorax, il ne fit qu’entailler la chair, mais suffisamment pour blesser Godril qui tomba au sol, surpris de cette attaque.
Sa plaie saignait abondamment mais ce n’était pas sa principale préoccupation, en effet celui qui avait porté cette attaque revint à la charge et tenta de finir son œuvre en plantant son arme dans le ventre du Thorkin. Godril roula alors vivement sur le côté et esquiva la lame qui se planta profondément dans le sol et fit lâcher prise à son utilisateur surpris. Profitant de ces quelques moments de répit, Godril asséna un violent coup de hache au bandit brun, sa tenue verte se macula rapidement de sang et son teint bronzé devint rapidement livide.
Mais le Thorkin n’en avait pas fini et à peine son coup donné, il se retourna face au bandit blond. Ce dernier avait un air complètement apeuré mais Godril lisait de la rage dans ses yeux et alors que les seuls bruits que l’on pouvait entendre depuis le début du combat était des insultes, halètements, fracas des lames et autres joyeusetés sonores, le brigand survivant lâcha quelques mots, souvent interrompus par sa respiration et ses larmes :
« Tu as…t-t-tué mon frère. Je-j-j-je ne te le pardonnerais jamais. »« Et je vais faire de même avec toi si tu ne te rends pas. », fit Godril qui appuyait sur sa plaie de sa main libre.
Le bandit réfléchit un court instant, la tête vers le sol, mais releva son regard empli de haine vers Godril en prononçant ces mots :
« Jusqu’à la mort... »Il s’avança lentement vers Godril en se tenant les mains, se stoppa puis rigola. Godril maintenit sa garde et commença à tourner autour de sa cible. Cette dernière ne s’arrêta de rire que lorsqu’elle se mit en position d’attaque, sa lame levée et posé sur des appuis fermes. L’homme vêtu de cuir s’éjecta en avant et tenta un coup d’estoc qui fût dévié par Godril qui tenta à son tour une attaque mais verticale cette fois. Le malfrat se décala sur la droite et élança son coup en direction de l’épaule du Thorkin qui, d’un simple mouvement du corps, esquiva le coup. Pendant la légère inertie du corps brigand due à cette attaque ratée, Godril balaya son ennemi qui s’écrasa au sol.
L’arme du bandit avait volée au loin et il se retrouvait à terre, terrorisé et sans défense face à son destin probable. Godril hésita longuement et se rappela des paroles de Lokri. Il mit alors un violent coup de pied dans le nez du brigand qui s’étala complètement au sol, endormi. Godril pansa rapidement sa plaie au thorax puis dévêtit intégralement le brigand endormi après l'avoir dépossédé lui et son frère de leurs biens terrestres. Il se réveillerait nu comme un vers aux premières lueurs de l’aube.
« Et que ça lui serve de leçon à celui là, il a cru que c’était aussi facile de voler un Thorkin ? Héhéhéhéhé ! »Il reprit ensuite sa route vers Kendra-Kâr alors que le soleil venait de disparaître complètement et que sa vision n’était assurée que par sa torche qu’il venait de rallumer. Sa blessure le tenaillait mais il espérait qu’il pourrait tenir jusqu’à la ville.
Vers les terres cultivées autour de Kendra-Kâr