En route vers la milice
Mon baluchon rempli de victuailles fournit par la généreuse épouse du propriétaire, je jetai un dernier coup d’œil à la stalle qui m’avait servi de maison ces derniers jours avant de suivre Adrayk qui poussait vaillamment la lourde porte de bois de l’établissement. Rapidement, et avec Pataud sur mes talons, je passai par l’étroite ouverture et échouai sur la rue creusée dans la dure pierre des montagnes du Duché.
Je n’eus le temps d’interroger mon copain sur la route à prendre que celui-ci prit les devants et nous conduisit jusqu’au bout du chemin de pierre qui déboucha au quartier central de la ville éclairé par de nombreux puits de lumières et dont le sol était recouvert par un solide pavé de pierre plates et grises. Mon compagnon perdit soudainement toute assurance, évidemment tout aussi perdu que moi devant cet immense réseau de tunnel. Ne voulant me montrer son désarroi et toujours aussi résout à prendre la tête de notre petite expédition, il partit à la recherche d’informations, nous laissant moi et Pataud à l’intersection.
Je le regardais s’éloigner lorsque j’entendis un bruit de pas derrière moi. Sur le qui-vive, je me retournai promptement, prête à faire face à un éventuel danger. Pour une fois, je m’étais alarmée inutilement. En face de moi, se tenait innocemment deux enfants nains à l’air ahuri.
« C’est une mignonne petite chose ! Tu crois que je pourrais l’emmener à la maison, Richi ? » Dis la petite rondelette aux nattes blondes au petit garçon tout aussi blond et légèrement plus grand. Ce dernier prenant un air important, lui rétorqua d’un ton qu’il voulait ferme.
« Non Rayma ! Maman a été claire, tu peux jouer avec toutes les petites bestioles inoffensives que tu veux, mais tu les laisses là où tu les as trouvés ! » Devant leur air admiratif vis-à-vis mon petit protégé, je ne pus réprimer un bienveillant sourire. Puis, comme toute maman fière de sa progéniture, je le présentai :
« Il s’appelle Pataud, c’est un canard. Je suis sa mère adoptive, tu ne pourrais pas le prendre même si ta mère l’autorisait. Il me suit partout, il est mon protégé. » Terminai-je d’une voix douce ne cherchant surtout pas à les effrayer.
« Oh ! Mais elle parle ! » S’exclama la fillette les yeux ronds comme des yus.
« Oui, je crois que c’est un lutin ! » expliqua le petit garçon à sa frangine, sans me lâcher des yeux.
Surprise de ma méprise, je restai immobile, la bouche grande ouverte, incapable de répliquer quoi que ce soit, moi qui d’ordinaire, avait la langue bien pendue. Richi en profita pour enchaîner :
« Nous savons reconnaître un canard ! Les canards, on en a déjà vu. Notre oncle Maturin se promène de ville en ville avec sa grosse charrette. Il vend les armes fabriquées ici, puis achète ce dont nous avons besoin. Parfois il nous rapporte des canards. C’est notre maman qui les prend et nous prépare un délicieux repas. » Termina-t-il en se pourléchant les babines devant ma mine désappointée.
« Mais on avait jamais vu de lutin, tu es mignonne, tu veux être ma poupée ? » Rajouta la petite naine.
D’abord surprise de sa demande, sans être le moins du monde offensée, je cherchais les bons mots à lui dire. Je me sentais bien en leur présence, ils étaient curieux comme des enfants savent l’être, mais ne semblaient pas méchants pour cinq yus. Comme j’ouvris la bouche pour lui répondre que je n’étais pas une poupée, Richi me prit de vitesse et sur un ton de réprimande, il s’adressa à la naïve Rayma.
« Même si elle est haute comme trois pommes, ce n’est pas une poupée ou un jouet, elle est bien vivante tout comme nous. Et puis, tu vois bien qu’elle n’est pas un enfant » À ces mots ses joues s’empourprèrent, mais il poursuivit tout de même son petit sermon.
« Elle a tout d’une… ben, elle a …. Tu sais.. » Pour ma part, je me contentais de rire sous cape, sans faire de commentaire. C’est la petite qui le sortie de l’embarras.
« C’est une maman ? » Le sourire fendue jusqu’aux oreilles, j’acquiesçai
« Oui, je suis une maman, je me nomme Guasina ! » Bien que je n’avais porté en mon ventre aucun enfant, en adoptant l’œuf, le couvant, le portant, le soignant, j’avais bel et bien endossé le rôle d’une maman.
Et sans perdre une seconde, j’enchaînai.
« Vous savez où se trouve la milice ? Je dois y retrouver une amie ! » En fait, je voulais plutôt m'assurer qu'Achel était derrière les barreaux et Hortense libérée, mais je jugeais inutile de tout révéler à ces charmants enfants.
Avec la fierté de quelqu’un qui veut se rendre utile, l’ainé répondit rapidement.
« Oui, bien sûr, vous prenez le tunnel de gauche et vous avancez tout droit jusqu’au pont, mais vous ne le traversez pas, et prenez à droite, puis encore à droite. »(Gauche, droite, droite, je devrais m’en rappeler.)Après avoir remercié les enfants, je rejoins Adrayk qui revenait vers nous, arborant le fier sourire de celui qui a obtenu l’information qu’il cherchait.
--> la milice