L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Bouhen
MessagePosté: Mar 6 Nov 2012 21:18 
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[:attention:] Attention, certains passages de ce rp sont de nature plus ou moins gore et choquant. [:attention:]



D'un œil averti, je scrutais l'horizon, en quête de la source de ces bruits. J'eus rapidement une réponse. A quelques mètres seulement de notre position, sur notre flan droit, un squelette répugnant marchait nonchalamment, d'un pas claudicant, sans réel but apparent. Du moins, avant de nous voir. Heureusement, sa marche était relativement lente. La lutine commençait déjà à paniquer. Je me désintéressais d'elle, jugeant la situation. J'examinai les alentours, en quête d'une solution, d'un avantage ou d'un échappatoire quelconque. Les plaines Kendrannes étaient relativement désertes dans leur style. Les terres qui nous entouraient ne faisaient pas vraiment exception. Sur notre droite je pus apercevoir un talus assez imposant, à une vingtaine de mètres tout au plus. A la moitié de cette distance, droit devant nous résidait un groupe d'arbres de trois ou quatre mètres de hauteur pour les plus courts. La course serait bien entendu exclue comme échappatoire. Même s'il était lent, le tas d'os demeurait tout de même plus rapide que nous. Le tertre quant à lui ne représentait pas une solution assez sûre. Il ne restait donc plus que les feuillus. Je courus immédiatement en direction de ceux-ci, suivit de près par Nérine. Cette dernière était bien plus rapide que moi et arriva la première. Parvenu au pied de l'arbre le moins haut, nous nous rendions compte de son altitude et de la difficulté de son ascension. La lutine due me faire la courte échelle pour que je puisse grimper à la première branche. Suite à ça, je devais lui tendre la main pour l'aider. Le squelette quant à lui nous avait suivit et se rapprochait dangereusement. Un court instant, j'hésitai. Si je ne l'aidais pas, le squelette m'en débarrasserait. Et puis, je ne l'aurais pas tué. Ce ne serait pas moi. Je n'aurais donc rien à me reprocher. Tandis que je me plongeais dans mes pensées odieuses, la petite m'implorait d'un regard plein de peur et de supplication. Allons bon, pauvre enfant. Je n'allais tout de même pas la laisser mourir sous mes yeux. Reprenant mon esprit, je tendis la main pour lui venir en aide. Peu de temps après, nous étions tous les deux sains et sauf à la troisième tige de l'arbre, le cadavre ambulant collé contre le tronc cherchant désespérément à monter. La lutine chercha alors à escalader plus haut, pour avoir une distance de sécurité plus élevée.

« Par Phaïtos mais tu es stupide ?!  Arrête tes bêtises et... »

Elle ne me laissa pas finir ma phrase. Tentant tant bien que mal de mettre son pied à des endroits hors d'atteinte, elle glissa, nous faisant chuter violemment au sol. J'eus de la chance dans mon malheur. L'impact fut amorti par le corps de la lutine qui était tombée en première. Je subis donc bien moins de dégâts. Celle-ci cependant, demeurait au sol, inerte.
Me relevant rapidement, je pus évaluer le squelette boiteux. Celui-ci n'était pas très grand. Une petit mètre et demi tout au plus. Ce qui faisait tout de même cinq fois ma propre taille. Il n'avait quasiment plus aucun habit, sauf un léger haillon rapiécé qui partait en lambeaux. Son corps était cependant en relativement bon état. Aucun membre ne lui manquait.
Nous étions tombés de l'autre côté de l'arbre, ce qui me laissait le temps de m'écarter de Nérine pour voir qui le squelette attaquerait. Si c'était moi, je serais obligé de combattre. Si c'était la sylvaine... Cela me donnerait une bonne occasion de m'enfuir et de sauver ma peau. Je n'eus cependant pas cette chance, l'ennemi m'avait prit pour cible.

D'un pas vif et assuré, je m'élançai sur lui, en ayant au préalable saisis mes deux armes. Le laryngoscope dans la main gauche, le scalpel dans la main droite. Ce dernier était plus difficile à utiliser car il demandait une bonne maîtrise pour trancher comme il se doit tandis que le premier n'exigeait que force et brutalité. Je préférais donc avoir la lame dans ma main la plus habile. Néanmoins j'ignorais une chose. Ou plutôt, je n'y avais pas pensé. Un squelette... Ça ne se tranche pas ! Mon premier coup atteint son fémur. La bistouri n'entama même pas l'os. De la seconde main, je frappai son tibia. Là encore, peu de dégât à déplorer de son côté. Par contre, le cadavre avait bien des atouts en réserve. D'un coup de poing bien plus rapide que sa démarche, il m'envoya virevolter à plus d'un mètre. Ça force toutefois ne valait guère mieux que son allure. En l'absence de muscle, c'était compréhensible. Néanmoins, le coup qu'il m'avait porté avait eu l'effet escompté – si tant est que le squelette attendait une conséquence de ses attaques.
Je souffrais. Mais j'avais encore la force de me battre. Je me relevai promptement, repartant directement à la bataille. J'avais décidé d'exploiter mon avantage au mieux. Étant bien plus petit que lui, je pouvais aisément passer sous ses jambes sans qu'il ne puisse me toucher. Ce que je fis. J’assénai coup sur coup, cherchant à casser l'un de ses membres. Mon scalpel était tout à fait inutile contre un tel ennemi, je me contentai donc du laryngoscope. N'ayant que très peu de résultat, j'assaillis ses pieds, les os y étant bien moins solides. Cependant je dû rester devant lui pour le mutiler et il en profita pour me violenter. Je reçu une claque digne d'une mère en colère. La brutalité du coup emporta même l'une de ses phalanges qui tomba non loin de mon corps. J'étais étalé à terre, sonné par le choc. En me redressant, je pus constaté que le squelette vacillait. Sa chute fut lente mais inéluctable. Mes assauts sur l'un de ses pieds avaient portés leurs fruits. Cependant, j'étais affaiblie et il m'était difficile de me relever. Je tentai donc de lancer mon ombre vampirique. Mais je me rendis vite compte que ce sort ne fonctionnait pas sur les ennemis décédés. Il n'y a pas de notice d'utilisation pour les sortilèges, néanmoins, il me semble bien que celui-ci absorbe le fluide vital de l'adversaire. Or, nul doute qu'il ne reste plus rien de vital dans cet être et ce, depuis bien longtemps. En mauvais état, je cherchai une solution. La mallette de virgule ne contenait plus rien d'intéressant pour une situation de crise. J’aperçus alors le corps de Nérine, toujours inconsciente. Elle ne pouvait même pas m'aider. Inutile jusqu'au bout. Mais j'eus une idée, certes un peu diabolique, mais aussi très astucieuse. Je tendis la main dans sa direction et tentai le même sort que sur le squelette. Les fluides parcoururent mon corps avec intensité. Chacune de mes veines représentait mon pouvoir magique que je malaxai dans le but de les projeter sur ma cible. Cependant, quelque chose d'étrange se passa en moi. J'avais hésité à lancé ce sortilège, je trouvais cela plutôt déplaisant de trahir la pauvre fille comme cela. Pourtant, à peine un instant plus tard, tout cela me semblait obsolète. Voler l'énergie de la gamine devenait normal. C'était comme si le simple fait d'oser ce geste fourbe m'avait ôté tout état d'âme. De plus, le résultat était bien différent de l'ombre vampirique. Nérine me donnait bien plus d'énergie que lorsque j'utilisais ce sort sur mes ennemis. Ma seule hypothèse était qu'un individu consentant tel un allié offrait plus de fluide pour soigner le lanceur du sort. La force vitale que je reçu était d'autant plus agréable. Elle coulait lentement en moi, m'apaisant quelque peu. On aurait dit un maléfice différent, un dérivé en quelque sorte. Si j'avais su cela à l'avance, le nain m'aurait été bien plus utile.
L'énergie passa lentement mais sûrement dans mon corps, atténuant la douleur partiellement. Je pus toutefois me relever. Le squelette quant à lui se donnait du mal. Il s'était redressé, son membre amputé planté dans le sol. Il avançait encore plus lentement. Je réfléchis un instant. Si un cadavre d'os reste en vie même cassé et qu'on ne pouvait le couper, il restait la solution de le briser. Je m'approchai de lui aussitôt, tentant autre chose.
Dès que son membre valide fut à portée, je tendis ma main droite cette fois dépourvue d'arme. Faisant glisser les fluides en moi avec frénésie, je projetai mon souffle sur ses os, disloquant complètement sa jambe, jusqu'au tronc. Cependant, l'un des facteurs du combat m'était inconnu. Le mort-vivant, dépourvu d'une seconde jambe, chancela brusquement puis fini par s'écraser sur moi. L'une de ses côtes s'était plantée dans la chair de mon avant bras gauche.

« Sale charogne ! Dégage toi de là ! Poil de bouloum et crotte de lapin, je suis dans la merde et j'ai mal ! »


Le squelette essayait tant bien que mal de passer ses mains sous lui pour m'atteindre. Il en fut cependant incapable et s'en bloqua une entre ses côtes. J'étais éreinté énervé et dans l'incapacité de me sortir de cette situation. C'était vraiment un voyage épuisant.
Ma dernière option était d'exécuter une nouvelle fois mon sort, prenant le risque de me blesser au passage. Ses os allaient sûrement partir dans toutes les directions possibles et certains se ficheraient dans ma peau. Néanmoins, c'était véritablement ma seule éventualité. Si je restais là, il finirait par réussir à me saisir. Et même si ça n'arrivait pas, je mourrais d'une hémorragie due à ma blessure. Je tentai donc le coup. Il se passa exactement ce que j'avais prévu. Ses côtes et sa colonne vertébral volèrent en éclat dans tous les sens. Plusieurs morceaux pénétrèrent mon corps déjà meurtri. L'un d'eux se logea même dans mon œil gauche, qui devint aussitôt inanimé. Mon hurlement dut réveiller la petite, car je la vis arriver peu de temps après. Elle n'était pas en bon état non plus, son pas claudicant en témoignant. Mais elle au moins, n'était pas aveugle d'un œil. Moi, j'étais libéré mais mutilé. Le corps du squelette jonchait le sol dans un rayon de plusieurs mètres quant à lui. J'en étais au moins débarrassé.

((Apprentissage du sort évolutif Sacrifice ))

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Bouhen
MessagePosté: Mar 6 Nov 2012 21:21 
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[:attention:] Attention, certains passages de ce rp sont de nature plus ou moins gore et choquant. [:attention:]


Après avoir expliqué à Nérine comment me soigner grâce à la mallette de soin de Virgule, je me prélassais dans l'herbe pendant qu'elle s'occupait de moi. Elle ne cessait de se confondre en excuses. Tandis qu'elle s'attelait à désinfecter la plaie de mon bras après avoir extrait le morceau d'os y étant planté, je scrutai la pénombre de mon seul œil valide. Est-ce qu'un médecin pouvait soigner cela ? J'en étais moi-même incapable. L’œil est une partie très fragile et extraordinairement complexe de l'anatomie. Virgule aurait put lui, avec ses expériences. Néanmoins, je me serais retrouvé avec un œil de bouloum ou de calamar à la place. Il en aurait sûrement même profité pour m’extraire un ou deux organes. Cette idée me fit rire un instant. Mais plus sérieusement, mon voyage était compromis avec cette blessure. Il fallait maintenant que je me réhabitue, que je réapprenne à vivre avec une vue plus étroite. Au moins, on ne pouvait plus me reprocher d'avoir une vision des choses trop restreinte ! Le jour suivant, nous étions encore plus lent que la veille. Mais il fallait que nous arrivions à Kendra Kâr. Là-bas, nous serions plus en sécurité et pourrions nous reposer le temps que l'on voulait.

La lutine avait reprit ses habitudes. Elle discutait encore et encore. Je n'en pouvais réellement plus, mais j'étais plus ou moins obligé de la supporter. Par trois fois, je l'avais congédiée. Pour seule réponse, j'eus droit à « Que vous êtes drôle monsieur Metafix. Mais n'ayez crainte, je vais rester près de vous et m'occuper de vous comme il faut. » Il y avait des coups de scalpel qui manquaient, mais je ne pouvais décemment pas tuer une gosse. Du moins, je le croyais. Réellement.
Mais vers midi, nous étions arrivés à une sorte de mare, peu profonde. J'avais décidé de m'y installer pour manger le peu de nourriture qu'il me restait. Nérine continuait son monologue sur les squelettes. C'était son grand sujet depuis la veille.
Je sortis alors les quelques vivres, les déposai devant nous et commençai à m'en délecter. La pauvre lutine n’ayant plus rien pour elle, je lui laissai les fruits. Mais soudain, elle me frappa l'épaule gauche.

« Je suis désolé monsieur Metafix, mais vous aviez une araignée. Je vous l'ai enlevée, ne vous inquiétez pas. C'est normal que vous ne l'ayez pas vu, avec votre œil qui... Enfin vous comprenez. C'est handicapant ça. Je ne pourrais pas vivre avec un seul œil moi, ce serait trop horrible. Vous avez mal ? En plus c'est moche un œil comme ça... »


Ma main saisit instinctivement mon scalpel posé à ma droite. D'un geste rapide et habile, le tranchant de ma lame entama sa gorge d'un côté à l'autre, faisant jaillir un flot de sang sur notre repas. Je ne savais plus ce que je faisais. J'avais agis sans vraiment réfléchir. Je voulais qu'elle se taise, qu'elle arrête de parler de mon œil, de cette monstruosité qu'il représentait maintenant. Mais elle était à présent là, agonisant, crachant des gerbes de liquide écarlate. Son regard m'implorait. Ses gros yeux d'où coulaient d'innombrables larmes me fixaient avec tristesse. Je pouvais aisément y lire « pourquoi ? ». Je n'aurais pus réellement y répondre. Mais pour l'une des rares fois de ma vie, je culpabilisais. J'avais tué une enfant sortant à peine de l'adolescence et qui - hormis le fait qu'elle ne cesse jamais de parler - n'avait rien de mauvais en elle. Des larmes commencèrent à couler le long de mon visage, quelques unes seulement. Penché sur son corps, je pleurais. Mais mon esprit divagua. Au lieu de ressentir de la peine, je me rendais compte de mon vice. J'avais tout de même pris du plaisir à lui trancher la gorge. Oui. Je n'étais pas quelqu'un de bien. Cette façon de toujours justifier mes meurtres comme étant « pour le bien de tous », de tuer en disant que c'était pour sauver des vies, de dire que je ne tue que par nécessité... Ce n'était ni plus ni moins qu'un masque servant à légitimer mes fantasmes. Je n'étais absolument pas mieux que Virgule. Même bien pire puisque c'est moi qui l'avais emmené sur ce chemin. Je n'étais qu'une anomalie. J'aimais bien plus la mort que la vie.
Me ressaisissant rapidement, je poussai son corps dans l'étang, rangeai les quelques vivres encore non souillés par le sang et repris mon chemin.

Mes pas étaient nonchalant, sans plus aucune motivation. Je ne savais plus qui j'étais réellement. Un tueur sanguinaire ? Un médecin au service de l'humanité ? Un peu des deux ? Peut-être bien...
Mais je ne voulais pas de cette part d'ombre. Une partie de moi désirait ardemment que je reste bon, tandis qu'une autre me poussait à faire des atrocités comme celle qui venait d'arriver. Je m'étais mis à douter de tout ce en quoi je croyais. Ma volonté n'était plus qu'un petit tas de centre au fond de mon esprit. La seule chose qui demeurait était cette affreuse incertitude. Finalement je ne continuais pas ma route. Je m'asseyais au bord du chemin, sans vraiment savoir pourquoi. Pour attendre un signe peut-être ? Ou pour me laisser mourir ? Non, même pas. Juste par manque cruel de motivation.

« Ô Phaïtos, dis moi toi. Je suis mauvais ? Après tout tu ne t'en souci guère... »

Je restais là, assis sur la pierre pendant plus de deux heures durant lesquelles mon esprit fit des tours surprenants, allant de « je suis vraiment très mauvais » à « je suis un lutin foncièrement bon ». Finalement, je fus interrompu dans mes pensées par une carriole de marchands. Le conducteur était accompagné d'une jeune fille et tout deux se dirigeaient vers Kendra Kâr, ma destination. Phaïtos en avait peut-être eu marre que je me plaigne. L'homme était assez cordial. Il devait avoir plus ou moins une quarantaine d'années. Sa barbe était brune, comme sa longue tignasse descendant jusqu'à ses épaules. Ses yeux de la même teinte étaient petits mais témoignaient d'une grande bonté. Son sourire avenant laissait entrevoir ses dents jaunes et sales. La fille elle, était blonde et plutôt jolie pour une humaine. Ses yeux étaient d'un bleu très clair tandis que ses courbes généreuses étaient mises en valeur par une robe moulante de couleur rose foncé.

« Bonjour, lutin ! Tu t'es perdu ? »

Je grommelai une seconde avant de rétorquer qu'un lutin ne se perd pas, il emprunte juste un chemin qu'il ne connaît pas, et que d'autre part, la route n'était pas bien difficile à suivre. Il m'invita alors à monter, me signifiant que ma compagnie semblait des plus agréables.
La leur cependant n'était pas vraiment mon style. Je détestais les humains. Toutefois, elle se révélait une nouvelle fois forte utile, le voyageur ayant dans sa calèche assez de nourriture pour m'en offrir tout le long du trajet. Le reste de ce dernier fut, heureusement, très calme. Moins de deux jours plus tard, j'étais aux portes de la cité kendranne.

« Et bien, je suppose que nos chemins se séparent là, lutin ! A la revoyure ! »


Je lui fis un geste de la main rapide et entrepris de pénétrer dans la cité. Les portes de celle-ci étaient anormalement grandes. Un instant je me demandai s'ils comptaient un jour faire pénétrer des dragons dans la cité, ce qui justifierait cette énormité. Les remparts quant à elles étaient imposantes et j'aperçus en haut de celles-ci des sentinelles guettant les alentours. L'entrée de la ville était très agitée. Plusieurs groupes de personnes s'y trouvaient, discutant, tandis que quelques voyageurs et marchands franchissaient son enceinte. Je m'avançai rapidement sans plus de cérémonie. Certes tout ceci était impressionnant mais mon voyage avait été rude et j'étais pressé. L'un des gardes en faction m'interrogea sur ma venu. Je lui répondis d'un air grave en montrant mon œil gauche que j'étais venu me faire soigner. Ainsi, il me laisserais tranquille. Je n'avais aucune mauvaise intention, mais je n'avais pas vraiment envie de converser. Sans plus attendre, je pénétrais dans la grande et majestueuse cité.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Bouhen
MessagePosté: Lun 19 Nov 2012 02:38 
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Une nuit sur un toit

Franchir les portes de Bouhen ne fut pas un souci, Caabon guetta l’occasion propice, et elle se présenta lorsque le garde qui l’avait laissé entrer la veille en compagnie de Mamie Rita prit son tour de garde. L’homme le laissa passer sans question, et le Wotongoh reprit sa route comme il était venu, vêtu à la kendrane cette fois ; par soucis de discrétion, il avait laissé dans son sac le kimono, puisque son chemin devait le mener non pas vers le Nord et Oranan, mais vers l’Est en Kendra Kâr. Deux raisons motivaient ce choix.

La plus rationnelle était que la capitale du royaume où il avait pénétré devait être un lieu bien plus fascinant que Bouhen, dont il avait le sentiment qu’il ferait trop vite le tour. Mais la seconde, de l’ordre du coup de tête, comptait tout autant. Avant de quitter la ville, il était retourné aux Archives. En ressortant, il était allé faire l’achat d’une pelle de voyage, qu’il avait attaché à son sac, puis s’était mis en route.

On peut dire des Archives bien des choses, et des registres encore plus. Toutes ces choses ne sont pas positives, et nombreux sont les jurons émis à l’encontre de cette prose administrative. Elles constituent une source de savoir inestimable pour qui sait en faire usage, et Caabon a eu l’occasion d’en faire l’expérience, et sous le caractère froid et dur des propos de scribe, on trouve parfois un peu d’humanité. Ce peuvent être des anecdotes, comme celle des deux maisons et des héritiers, mais également des initiatives louables.

Il en est une surprenante, et il s’agit du Registre des morts. Le trépas mène souvent à l’anonymat, voire à l’oubli. Qui quitte son foyer pour s’en aller chercher fortune peut revenir et trouver la maison habitée par d’autres, sans que personne ne puisse le renseigner sur le lieu où chercher une sépulture sur laquelle se recueillir. Ceux là pleurent en silence les êtres disparus, et souffrent de ne pouvoir faire leur deuil comme les plus heureux dans leur malheur qui savent où gisent les êtres aimés. Les transactions sont minutieusement retranscrites dans les livres de la ville, ainsi que les passages de telles personnalités, de telles marchandises, le mouillage de tel navire au port. Dans ce flot de chiffres et de choses, les gens se perdent parfois. Mais du passage des hommes vers l’autre monde, point de trace. Un archiviste dont l’histoire a oublié le nom remédia à cet oubli à ses yeux terrible, et ouvrit le premier Registre. Chaque homme et chaque femme passé de vie à trépas peut se voir accorder dix lignes ; dix lignes dont la famille fait l’usage qui lui plaît, dix ligne que la ville met à profit pour donner un semblant d’identité aux morts anonymes. Si les vivants peuvent s’enorgueillir de privilèges, les disparus se trouvent ici sur un pied d’égalité : nul ne s’est vu accorder plus que ces dix lignes, peu importe le rang ou la fortune. L’âme du mendiant ramassé raide dans un caniveau peut s’enorgueillir d’occuper autant de place sur ces pages que le marchand ayant expiré entouré des siens dans une literie de la plus fine soie. On a vu des hommes préparer leur repos éternel en se construisant des tombeaux aussi richement ornés que des palais, mais encore aucun ne s’est vu accordé une ligne de plus. Un mort, dix lignes.

Pour le Owen Vuhryn, garde devenu marchand, ce n’était qu’un poème où se dit la douleur, et ces vers énigmatiques :

Je sommeille, allongé sous un chêne,
Sur le chemin menant à ma cité.


(Les contes ne nous disent rien. Rien de direct en tout cas. Ce cher Bépin, ou ses commanditaires ont dû bien chercher pour faire le lien entre l’histoire et les Vuhryn. Mais à trop raconter d’histoire, le conteur a oublié l’essentiel. Ce que les histoires nous révèlent n’est jamais évident. Mais peut-être que je me trompe… Enfin. Si un homme emporte avec lui une cape ayant appartenu à un criminel, ce n’est pas qu’un simple souvenir. Si la légende dont Bépin s’est fait l’écho dit vrai, il y avait dans les possessions d’Irald du pouvoir, de la magie. La fin de son histoire est plus éloquente. Que dit-elle déjà ? « Il ordonna seulement à ses hommes de dépouiller le tueur de ses biens complices, afin que nul ne puisse les employer à nouveau à de sombre desseins ». M’est d’avis que cet homme n’a pas emporté un de ces « biens complices » loin de Kendra Kâr pour le laisser partir dans la nature à sa mort : il aurait au moins averti ses fils de ce qu’il représente, de peur qu’il confie cette cape à n’importe qui. Un tel homme aurait sans doute pris plus de précautions. Et que nous disent les contes sur les héros ayant combattu le mal et s’étant emparé de leurs attributs ? Où les héritiers du mal doivent-ils chercher ? A quel acte abominable doivent-ils se plier, comme pour sceller leur destinée ? Violer une sépulture, car les morts sont des gardiens infatigables. Mais aujourd’hui, il ne s’agit pas de conte, et je ne suis pas le méchant de l’histoire. Et je ne crois pas au sacré des sépultures, je crois seulement à la sensibilité des vivants.)

Deux chênes retiennent son attention, le tronc large, signe des années écoulées, retiennent son attention, et le plus clair de sa journée est consacrée à sonder les espaces entre leurs racines, en vain. Caabon ne remue que de la terre, ne dérange que des insectes, et si un cadavre se trouve enterré là, il doit s’être décomposé, os, chairs et possessions, depuis bien des années, si bien qu’il s’est mêlé à l’humus et ne fait qu’il avec l’arbre et toutes les choses vivantes autour. Peut-être la cape a-t-elle aussi disparu sous l’effet de la longue usure du temps. A l’ombre du second arbre ayant fait l’objet de son attention, il s’allonge et retire son masque pour s’accorder un repas bien mérité. La pause est de courte durée. Sitôt avalée la ration qu’il s’est accordée, déglutition aidée par quelques gorgées d’eau que le soleil a tiédi dans l’outre de peau, le Wotongoh se remet en route, quelque peu freiné dans son enthousiasme par ces deux échecs. Sa résolution n’est pas encore totalement entamée, bien qu’il envisage de laisser tomber si trop de tentatives infructueuses viennent considérablement ralentir son voyage. Il ne croise un troisième chêne qu’à la tombée du jour, et décide de remettre la fouille au lendemain.

L’aube éveille Caabon, indirectement puisque ce ne sont pas tant les rayons du soleil qui le tirent du sommeil, atténués par les branchages dans lesquels il a trouvé refuge, mais les oiseaux qui ont commencé leur symphonie sitôt les premières lueurs du jour parues à l’horizon. Après s’être soulagé à quelque distance de ses lieux de fouille, le Wotongoh entreprend une inspection détaillée du tronc, cherchant un indice, une marque, une piste. A demi recouverts par la mousse, ternis par les intempéries, il découvre deux vers gravés dans l’écorce épaisse, ceux là même qui concluaient le poème du Registre des morts.

Avec la lenteur de celui qui touche au but, sans savoir ce qu’il va véritablement trouver, et qui préfère reculer une éventuelle déception, Caabon se met à creuser.

Un nouveau voyage, premier jour

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C'est par la sagesse qu'on bâtit une maison, par l'intelligence qu'on l'affermit ;
par le savoir, on emplit ses greniers de tous les biens précieux et désirables.
Proverbes, 24, 3-4


Dernière édition par Caabon le Mer 28 Nov 2012 21:13, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Bouhen
MessagePosté: Mer 28 Nov 2012 21:11 
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"Je sommeille, allongé sous un chêne ; Sur le chemin menant à ma cité."

La terre meuble n’offre que peu de résistance à la petite pelle : les racines posent un tout autre problème, d’autant plus gênantes que Caabon s’efforce de ne pas trop les endommager afin de ne causer aucun blessure conséquente à l’arbre qui enlace probablement un trésor. Le métal qui s’enfonce une fois de plus dans l’humus, mais ce n’est pas le son des premiers coups qui se fait entendre : la pointe de l’outil semble avoir déchiré quelque chose, et a heurté un objet dont le son n’est pas celui de la pierre heurtant l’acier. C’est avec un luxe de précaution exigé par la découverte soudaine que Caabon se met à agrandir la fosse, retirant motte par motte la gangue de terre autour d’un suaire ayant déjà subi les morsures du temps et des bêtes. Le tissu n’est pas sans rappeler celui dont on use pour dresser les tentes, épais, graissé pour ne pas subir la pluie, suffisamment résistant pour avoir encore une forme malgré la fonction qui fut la sienne des années durant. Lorsque Caabon en écarte les pans, c’est sans surprise qu’il révèle au grand jour un squelette.

La chair a depuis longtemps quitté les os, décomposée ou nettoyée par les insectes ; aucune déchirure dans le suaire n’était assez grande pour être le fait d’un petit carnivore attiré par la chair humaine : peut-être avait-on enduit le tissu et le mort qu’il celait d’un baume odorant propre à éloigner les charognards, comme cela se fait parfois lorsque la famille ne peut payer une place dans un cimetière ou bâtir un tombeau. Des vêtements il ne reste plus que quelques lambeaux dont les broderies, bien que fortement dégradées, trahissent encore la richesse.

(Eh bien, si cet homme s’est fait enterrer avec la cape pour la dissimuler aux yeux des hommes, voilà que la nature a rempli son œuvre ! Toute cette terre grouillante d’insectes, vers et vermisseaux n’est guère favorable à la conservation d’une garde-robe… Enfin, je ne sais pas trop à quoi je m’attendais. Après tout, l’histoire du conteur n’est peut-être qu’une histoire à laquelle ses « commanditaires » ont décidé de croire. Peut-être le père n’a-t-il prétendu posséder la cape d’Irald que pour amuser ou effrayer ses jeunes enfants. Et mon rêve sur le toit… ce n’était qu’un rêve, rien de plus. Ce que les contes nous apprennent… tu parles ! Quoi qu’il y ait bien des contes se moquant de jeunes hommes trop naïfs qui croient que les étoiles sont des joyaux et construisent des échelles merveilleuses pour aller les décrocher. Oh, pour qu’il y ait un public, il faut qu’ils réussissent, et qu’ils offrent les diamants à leur promise. Mais que m’apprend le conte ? Que si je me hasarde à essayer, je me casserai le dos, et passerai pour un idiot. Les contes !)

A mesure que Caabon suit le cours de ses pensées, autant déçu de n’avoir rien trouvé qu’énervé contre lui-même de s’être laissé un instant transporter par des idées à ses yeux ridicules, il fouille machinalement la fosse à la recherche de quelque objet de valeur que portait le cadavre lorsqu’il a été inhumé. Ce faisant, il jette des regards vers là route, déserte, craignant d’être surpris dans sa macabre activité et d’en subir des conséquences qui lui seraient défavorables. Bien lui prend tout de même de s’attarder, car il retire du cou du mort un pendentif et sa chaîne, ternes et sales, ainsi qu’une bourse de cuir et un petit tube d’acier ; ces trois trouvailles gagnent promptement son sac, le wotongoh étant plus soucieux de reboucher cette tombe et de mettre bon ordre à ce lieu paisible que son travail a dérangé. Combler la fosse s’avère être un ouvrage plus rapide que de la creuser, et les rares touffes d’herbes qui avaient poussé là, mises de côté par Caabon, sont replacées sous les branches de chêne séculaire. Quelques poignées de feuilles mortes de la dernière saison qui n’ont pas été décomposées ou balayées, un tassement de la terre fraîchement remuée et pour le voyageur rien ne paraît de la route : il faudrait un pisteur, ou quelqu’un ayant une idée précise de ce qu’il cherche en tête pour découvrir les traces du travail de Caabon. Satisfait de son œuvre, il s’agenouille face à la sépulture qui a retrouvé tout son mystère, et adresse une prière à Yuimen pour le remercier d’accueillir en son sein la dépouille de cet homme, une autre pour le repos de l’âme du mort à Phaïtos. Cet embryon d’hommage funéraire rendu, le jeune homme se prépare à reprendre sa marche vers la ville de Kendra Kâr. Selon ses estimations, s’il couvre encore une distance suffisante à la tombée du jour, peut-être atteindra-t-il la cité dans les six prochains jours.

(Mieux vaut me rendre à Kendra Kâr. Il y a plus à trouver là-bas qu’à Bouhen je suppose. Maintenant que je suis en route, pourquoi faire demi-tour ? Visiter la ville ? De ce que j’ai pu lire, on n’y trouve que peu de choses plaisantes à l’œil. Me trouver un travail ? Je pourrais retourner voir Mamie Rita, et sa petite fille, qui n’est pas vilaine. Mais… mais ai-je quitté Oranan pour me ranger à Bouhen ? Le monde est vaste, le possible des expériences à vivre se démultiplie à chaque pas que je fais vers ailleurs. Pourquoi restreindre ce champ ? J’ai le temps devant moi, le temps d’apprendre, non plus au travers de mots tracés sur du parchemin, mais en vivant ce que d’autres pourraient me raconter. Celui qui m’a élevé n’a-t-il pas lui aussi parcouru les différents continents de ce monde avant de devenir un marchand respectable ?)

Lorsqu’il arrête sa décision, ses pas le mènent déjà vers l’est, et la cité de Kendrâ Kar. Le soleil dans le dos, il adopte un rythme de marche qu’il estime pouvoir tenir plusieurs jours. Déjà il ne songe plus au capitaine et à son mystère, ni même à Bouhen. L’esprit débarrassé de toutes ces questions accessoires, il repense aux mots qui résonnaient dans sa tête sur le chemin vers le sud, après qu’il ait été hypnotisé par la vieille femme du village, l’Ancienne :

« Tu te réveilleras sur la route de Bouhen. Il ne t’arrivera rien si tu suis la route, si tu ne t’écartes pas du chemin. Tu parviendras indemne à destination. Pour le reste, ton avenir t’appartient. Toutes tes affaires sont dans ton sac, j’y ai rajouté des provisions, elles se conserveront. J’espère que ce nouveau kimono t’ira, cela faisait longtemps que je n’avais pas fais de la couture, je crois que je ne me débrouille pas trop mal. Vis ta vie mon garçon, mais crois en mon expérience, voyager ne sers à rien si on ne fait pas bouger les choses dans sa tête. Pas pour le genre de voyage que tu as entamé en tout cas. Veille à ce que le grand air des nouvelles contrées aère ta caboche, c’est tout ce que je peux te donner comme sage conseil. Ah, si, veille à ce que ton partenaire ne te laisse pas comme souvenir une maladie honteuse, ou constitue toi une bonne pharmacie. »

(Mon avenir m’appartient… il ne devait rien m’arriver jusqu’à Bouhen, et il ne m’est rien arrivé. Il ne m’est rien arrivé en ville non plus, mais pour le temps que j’y suis resté, et pour ce que j’y ai fait ! Elle n’a rien dit sur la route vers Kendra Kâr, et je doute que si je retournais la voir, elle m’en dirait plus. Sinon elle l’aurait fait sur le coup. Ne voyait-elle pas aussi loin ou voulait-elle vraiment que mon avenir m’appartienne ? … Qu’est-ce que je risque sur la route ? Dans ce coin ci du royaume il ne devrait pas y avoir de Garzoks ou de Sektegs assez fous pour venir faire un raid. Et quand bien même, ils ne s’en prendraient pas à un voyageur isolé sur la route, au risque d’être repérés… Quant aux voleurs… je ne constitue probablement une cible de choix, avec mes vêtements de seconde main et mon sac déjà bien couvert de poussière. Nous verrons bien.)

Marcher n’est pas l’expérience la plus exaltante qui soit pour qui ne sait mettre à profit le temps qui s’offre ainsi. Ces poésies lues à Oranan, ces gestes, légendes d’un autre âge et histoires mythiques, il peut ses les remémorer, non dans le détail, mais par grandes lignes, si bien qu’il s’amuse à recomposer des vers de son cru à partir de ces souvenirs pour donner une nouvelle jeunesse à ces œuvres anciennes et de lui presque oubliées. Son cœur se serre à l’idée d’avoir abandonné dans la cité de son enfance les livres qui furent les premiers compagnons de sa vie. Cependant, aucun de ces ouvrages ne lui appartenait. Et quand bien même, qu’en aurait-il fait ? A moins de louer une charrette et une monture, tout ce parchemin l’aurait encombré, et lui aurait fait courir le risque d’attirer les convoitises. S’émanciper, c’était renoncer à ce qui faisait son ancienne vie, les joies de la lecture mais l’enfermement ; voyager c’est s’ouvrir au monde, mais être plus léger, plus mobile. Ces pensées un peu sombres ne viennent pas pour autant gâcher la fin de cette belle journée, et il les abandonne pour reprendre le cours de ses petits jeux littéraires, s’émerveillant de retrouver une tournure, une rime qu’il sait authentique, et s’acharnant pour retrouver le vers qui fera la paire.

Dans son dos, le soleil baisse vers l’horizon, et devant lui son ombre s’allonge tandis que l’intensité du jour décroît. Il devient impératif de songer à trouver un endroit où passer la nuit.

Un nouveau voyage, quatrième jour : mauvaise rencontre

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Bouhen
MessagePosté: Sam 15 Déc 2012 19:17 
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Un nouveau voyage, premier jour

Deux jours s’écoulent dans la tranquille quiétude du voyage que rien ne vient troubler. La route vers Kendra Kâr est un long ruban de pierre que nombre de convois et voyageurs sillonnent, signe d’un commerce florissant malgré la guerre, et que la vie continue pour ceux qui ne sont pas pris dans le fracas des combats. Personne ne semble s’intéresser au wotongoh, pas plus que ce dernier de fais montre d’une quelconque attention envers ceux qu’il croise : une commune situation de voyage ne suffit pas à rapprocher des étrangers, pas lorsqu’ils ne partagent pas le même camp. Ni bonjour, ni salut, rien qu’un coup d’œil pour estimer, jauger, et les gens passent. Pour se nourrir, Caabon compte sur ses réserves et sur les hasards du chemin ; un étal monté à la croisée d’un chemin vendait des produits d’une ferme toute proche de la route à des prix raisonnables ; alors qu’il s’était enfoncé dans les buissons pour se soulager, il trouva un pommier sauvage qui donnait ses premiers fruits, annonçant par là que l’été allait peut-être toucher à sa fin ; ces opportunités lui permirent, sinon de faire bombance, de ménager un peu ses vivres et de varier son ordinaire.

Son quatrième jour de route s’annonçait tout aussi paisible que les précédents. La voie contourne la forêt à l’est de Bouhen en passant par le nord, puis s’oriente vers le sud-est à nouveau, vers Kendra Kâr. Les vents du sud, bien que chargés de chaleur, s’adoucissent au contact de la mer, et ne reprennent leur vigoureuse ardeur qu’en se frottant au soleil du continent : se rapprocher de la côte, pas à pas, rend donc le voyage plus agréable pour Caabon, dont la curiosité première pour la campagne et toutes ses choses s’éteint peu à peu, laissant place à celle portant sur la capitale du royaume kendran, ses richesses et ses mystères. Qu’est-ce que Kendra Kâr pour qui a déjà parcouru le Nirtim, l’Imiftil, posé les pieds sur le Nosveris et peut-être même sur le Naora ? Un port ? Une cité plus vaste que les autres ? Une escale ? Un foyer ? Tout cela à la fois ? Certes, le monde change, et quand bien même serait-il immuable, il recèle une telle richesse qu’un mortel pourrait passer sa vie à l’arpenter et trouver encore à la veille de sa mort quelque surprise. Cependant, il faudrait s’intéresser à de biens petites choses. C’est donc sans grands risques que l’on peut se hasarder à considérer que le baroudeur ressentira moins d’émotion lors du retour sur un lieu anciennement découvert que lors de sa première visite. Tel n’est pas le cas de Caabon. Il est tout le contraire.

A l’opposé de ce voyageur pour qui le monde perd un peu plus de ses enchantements chaque jour, et pourtant si proche de lui. Combien d’heures a-t-il passé, plongé dans la lecture ? Il en a perdu le fil, et compter lui paraissait alors inutile, car souvent il lui arrivait de penser que sa vie entière serait bornée par quatre murs. Les livres, pour qui a les moyens de se les procurer, renferment bien des secrets, bien des connaissances, et c’est Yuimen qui dort entre leurs pages. Elles ne manquent pas les lithographies, les descriptions, les esquisses ; ils sont foisons les croquis, les traités, les récits ; un bon herbier ne rend-il pas compte de la flore d’une région ? et une carte précise de la géographie d’un continent ? Caabon avait lu. Mais chaque jour était l’occasion de prendre conscience de la distance entre ce qu’il avait lu et ce qu’il vivait. Cette distance lui paraît tellement grande que malgré ce qu’il connaissait de Kendra Kâr par des sources de seconde main, il ne sait quoi penser. L’esprit tout plein de questions, il chemine vers la cité auréolée d’un mystère qui s’épaissit de jour en jour, comme se renforce le doute.

Un groupe de soldats en arme fait route vers Bouhen, en ordre de marche, chaque homme portant un lourd paquetage en sus de son armure et de ses armes, malgré la chaleur, suant à grosses gouttes. Deux chariots tirés par des bœufs suivent avec la logistique nécessaire à toute troupe et que l’on serait bien en peine de charger sur des épaules déjà bien bâtées. Deux cavaliers, affichant une certaine aisance dans leur vêture, malgré la poussière soulevée par le vent dont ils ne manquent pas d’être couverts, doublent le marcheur dans la direction de Kendra Kâr. La fin du jour approche, ainsi que l’heure où les convois font halte pour se préparer à passer la nuit. Caabon est seul sur la route, et il se doute qu’il le sera jusqu’au lendemain s’il ne croise personne durant l’heure de marche qu’il s’accorde encore avant de trouver un abri. Avec l’innocence de celui à qui il n’est encore rien arrivé de fâcheux, il ne prend pas garde à l’homme enveloppé dans son manteau qui se trouve assis un peu plus loin sur le bord de la chaussée. Quelques mètres avant de parvenir à sa hauteur, il est assez près, et il fait encore assez jour : assez pour constater que l’homme au manteau qui s’est levé point sur lui une arbalète.

« Avance donc ! Viens donc par là ! ‘tention ! Si tu fais un geste de travers, j’t’envois c’carreau dans l’corps, et j’t’abandonne aux charognards. J’suis un modeste voleur, pas un assassin, mais j’aime pas voir une jolie proie s’envoler. Si tu fais c’que j’te dis, tout ira bien. Sinon j’te louperai p’têt’ pas, et si j’te loupe, y’en aura encore un aut’ pour pas t’louper. »

Un rapide coup d’œil derrière lui permet à Caabon de remarquer d’un second personnage braque sur lui une arme, et qu’il est pris entre deux lignes de mire. Sentant que la situation n’est pas à son avantage, il continue d’avancer comme il le lui a été ordonné, à pas lents, espérant que comme il l’a annoncé, l’homme n’est pas un assassin.

(La foi que l’on peut mettre dans les propos d’un homme est légèrement émoussée lorsque celui-ci vous coupe soudainement la route en pointant sur vous l’acier d’un carreau…)

Sans que dévie la trajectoire de son arme, le premier bandit s’approche de deux pas de Caabon, d’un coup de pied envoie valser son bâton de marche dans le talus et lui arrache son masque.

« Oh l’affreux ! T’as bien fait d’te cacher, mais j’crois qu’ce s’ra fini. J’vais rendre service aux honnêtes gens qu’tu peux croiser, j’vais faire qu’y voient quelle sale face t’as, pour qu’y s’méfient. Faudrait pas les tromper les bonnes gens, les bons bourgeois, ce s’rait pas honnête d’leur cacher quel noiraud t’es. »

Le bandit laisse tomber le masque sur le pavé avec une caricature d’air désolé sur le visage, et d’un coup de talon de sa botte ferrée sur le sommet de la courbure, le brise en deux morceaux.

« P’têt’ que t’as l’cœur noir comme ta sale trogne… p’têt que t’es qu’un tueur, qu’tu t’caches derrière un masque pa’c’que t’as saigné un gars dans une ruelle, ou violé une femme… T’as d’la chance, moi j’fais pas l’boulot d’la milice ou du bourreau, j’vole tout l’monde pareil. Alors tu vas êt’ sage pendant qu’mon copain voit c’qu’on peut t’prendre pour continuer à vivre un peu. »

Le deuxième détrousseur s’est rapproché dans le dos de Caabon pendant que son complice se laissait aller à son humour douteux, un large sourire aux lèvres, la voix moqueuse. Il palpe les vêtements du wotongoh, lui retire son sac, le fouille, trouve le couteau, qu’il glisse à sa ceinture, et la bourse que Caabon a trouvé dans la sépulture de l’ancien capitaine de la milice. Un sifflement appréciateur se fait entendre lorsqu’il en délie le cordon, sifflement repris en écho par son camarade à qui il la lance pour que lui aussi puisse apprécier la qualité de la prise.

« Ben mon cochon, t’as bien d’la fortune pour quelqu’un qu’use ses bottes sur l’pavé et qui porte des vieilles nippes comme toi. Tout ça m’a pas l’air très honnête hein… J’crois qu’je dormirai mieux c’soir, parc’que y’a pas à dire, voler un voleur, ben c’est pas vraiment du vol ! C’est presque honnête ! »

Fier de sa remarque, qu’il trouve sans doute spirituelle et à même de le distinguer de tous les malandrins dont il se croit supérieur, il éclate d’un rire ayant quelques assonances avec des braiments d’ânées, correspondance peu troublante. Tandis qu’il s’esclaffe, sa main gauche, rendue habile par une longue pratique du larcin et de la fouille dans les poches autres que les siennes, escamote le petit trésor de Caabon, sans que la droite qui tient l’arbalète n’ait vacillé d’un iota. La mort sous la forme d’une tige de bois épaisse, empennée de noir à l’une de ses extrémités, dotée d’une pointe en croix acérée de l’autre, menace toujours le wotongoh.

(Je ne vais pas tarder à savoir s’il a menti ou non… mais peut-être que son sens inné de l’humour lui soufflera que me tirer un carreau dans la jambe n’est pas me tuer, et que cela serait formidablement drôle… Pourvu qu’il ne soit pas retors à ce point…)

« Bien, tu peux r’prendre ta route. J’suis bon prince, j’te laisse de quoi manger, pas qu’tu racontes qu’les voleurs d’ici sont des monstres. T’aurais eu d’quoi boire, par contre… Mais avec tes quelques cailloux j’pourrai bien m’payer plus d’un cruchon pour m’rincer l’gosier ! J’boirai à ta santé l’noiraud, et j’espère avoir la chance de t’recroiser l’jour où j’aurai les poches vides ! »

Il commence à s’éloigner, prenant à travers champ, avant de se retourner, toujours armé.

« R’prend ton ch’min, l’noiraud, et oublie nous. T’avise pas d’nous suivre, j’suis pas un assassin, mais j’me défends si j’me sens m’nacé… et un homme qui m’suit, c’est c’que j’appelle une sacré menace ! »

Les deux bandits s’enfuient à grands pas dans la campagne, sans pour autant sacrifier l’élémentaire prudence qui consiste à jeter derrière eux de rapides coups d’œil pour veiller à ce que leur victime ne soit pas prise d’un soudain élan d’héroïsme. Ils ne sont que modérément surpris de voir la silhouette sombre rester immobile : ils se seraient attendus à ce que le wotongoh fuie à toute jambe à la recherche d’un secours, de quelqu’un auprès de qui rapporter sa mésaventure. Mais ils ont entendu parler de ce que certains appellent « état de choc ». Et surtout, il leur semble que le détroussé était un idiot, un idiot possédant des pierres précieuses, certes, mais un idiot tout de même.

Un nouveau voyage, quatrième jour : un bivouac dans la nuit

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Dernière édition par Caabon le Dim 16 Déc 2012 12:31, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Bouhen
MessagePosté: Dim 16 Déc 2012 12:28 
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Un nouveau voyage, quatrième jour : mauvaise rencontre

Caabon n’est pas un idiot. Pas plus qu’il n’est en état de choc. Seulement, il tient à savoir dans quelle direction les bandits s’en sont allés, car alors qu’ils le détroussaient, la volonté d’une revanche s’insinuait déjà dans son esprit. Sans arme, sans argent, son voyage lui paraît bien compromis, ses perspectives de subsistance à Kendra Kâr encore plus.

(Ce vol est une insulte, mais ça, je peux m’en remettre, je ne vais pas non plus me mettre en tête de venger mon honneur bafoué à chaque occasion, cela me conduirait inexorablement à une mort certaine. Ces pierres sont mon bien, ainsi que ce couteau, sans les unes et sans l’autre je n’irai pas loin. Je ne serais pas là si je n’avais pas eu mon couteau lors de ma rencontre avec les chiens, et toute situation, aussi catastrophique soit-elle est à envisager : la preuve ! Mais quel idiot j’ai été de ne pas me méfier… on ne m’y reprendra plus, me voilà averti. Je ne sais pas si un homme averti en vaut vraiment deux, mais je pense que je vaux mieux que ces deux là… Des arbalètes ! Que pouvais-je faire ? A deux contre un, armés comme ils l’étaient, rien. Et à mon avis ils en ont vu de plus dure que moi. Je ne les aurai pas par la force, mais avec ma tête, je peux bien en venir à bout : sur ce plan, je crois que la comparaison joue en ma faveur… Les voilà loin, et les derniers feux de l’aurore ne vont pas tarder à s’éteindre.)

La fatigue accumulée par la journée de marche cède le pas à la résolution de Caabon. Il n’ose pas se mettre en marche avant d’être complètement sous le couvert des ténèbres, car à ses yeux mieux vaut risquer de perdre ses cibles dans l’obscurité que de se faire surprendre par elles sur leurs traces, d’autant plus que lui ne dispose d’aucune arme de jet. Plutôt que de rester oisif, il profite de cette pause contrainte pour soulager sa vessie, manger un morceau et boire quelques gorgées à sa gourde : pour lui, il n’est plus question de s’arrêter durant sa traque avant d’avoir retrouvé ses proies, et d’avoir arrêté à leur sujet un plan viable.

La lune n’est pas pleine dans le ciel, mais le peu de lumière qu’elle diffuse suffit au wotongoh pour distinguer les formes et les ombres qui s’étendent devant lui lorsqu’il se met en marche sur les traces de ses agresseurs. Marcher dans la plaine ne pose que peu de difficultés, le terrain n’est que peu accidenté, herbages où le jour paissent des troupeaux que les pâtres ramènent aux villages à la tombée du jour, tant la prudence est de rigueur, même si loin dans le sud. L’audace des troupes d’Omyre a ses limites, mais là où la chaîne de commandement des armées d’Oaxaca peut se montrer prudente, d’autres êtres aux mauvais penchants pouvaient prendre le relais.

L’absence des troupeaux et des hommes n’est pas pour autant absence de vie dans la plaine à cette heure. Le bruit soyeux du vol d’un rapace nocturne surprend Caabon, à peine a-t-il le temps de tourner la tête pour voir s’envoler une ombre se détachant sur le ciel bleu nuit, toutes ailes déployées ; sa vision n’est pas assez perçante pour distinguer le rongeur sans vie entre les serres de l’oiseau, mais il se doute de sa présence. Pour bien des prédateurs, lorsque les étoiles s’allument dans le ciel, l’heure est venue de chasser, car il est des proies qui comptent sur le manteau de l’ombre pour se dissimuler. Certaines réussissent, d’autres non ; c’est un jeu à somme nulle : certains perdent la vie, d’autres prolongent la leur par un repas, et tous sont contraints d’y jouer. C’est un jeu cruel, dans lequel Caabon s’est également lancé. Alors qu’il progresse d’un pas élastique tout en veillant à ne pas frapper trop durement le sol, il hume l’air, les narines palpitantes, pour saisir un parfum de fumée, il fouille les ténèbres des yeux pour saisir la lueur vacillante d’un feu, il dresse ses oreilles pour capter un mot. Mais ne montent du sol que les effluves du sol chauffé par le jour, seules des masses se découpent au loin, les oiseaux et les insectes jouent leur mélopée crépusculaire.

A l’écart de la route commencent à se dresser quelques bosquets, suffisamment éloignés de la route pour que les jeunes arbres n’aient pas servi de bois de chauffage à des voyageurs peu consciencieux, et se soient développés pour former ces refuges sylvains où cohabitent bien des créatures, parmi lesquelles on compte parfois des humains. C’est sur la présence de ses semblables que compte Caabon. Selon ses estimations, il n’est pas si loin de la chaussée, mais assez toutefois pour que le couvert des arbres représente un abri sûr. Une telle position ne manquerait pas de satisfaire les besoins des importuns qui s’en étaient pris à lui un peu plus tôt. Mais cela signifie également qu’il doit redoubler de prudence, car s’ils ont eu la présence d’esprit d’organiser un roulement de garde, un œil attentif ne manquerait pas de repérer une forme en mouvement dans les hautes herbes, surtout si celle-ci dépasse la taille d’un gros renard ou d’un chien errant.

A la droite de Caabon se fait soudainement entendre un claquement sec, semblable à celui que produit parfois la combustion d’un morceau de bois. Après ce bruit, le silence. Mais c’était suffisant pour indiquer au jeune homme une direction, vers laquelle il s’empresse de se diriger avec une prudence renouvelée. Cependant, il hésite à ramper parmi les herbes, influencé par les récits de naturalistes mettant en garde les voyageurs contre le danger que représentent les serpents. Estimant qu’il repèrera un des bandits avant de voir le reptile qui pourrait le mordre, c’est à demi penché vers le sol que progresse Caabon, espérant ainsi se dissimuler en partie dans les herbes qui lui arrivent à la taille.

Le bosquet est constitué du cœur des arbres les plus anciens, une dizaine peut-être, qui se dressent vers le ciel étoilé et étendent leur ramures en une sorte d’ovale, puis d’une ceinture d’arbres plus jeunes, probablement des rejetons, sous lesquels poussent encore des buissons ras, et enfin les fourrés qui ferment ce petit monde végétal, assez hauts pour chatouiller le menton d’un bipède, assez épais pour freiner sa progression. Le lieu idéal pour se dissimuler le temps d’une nuit, un feu s’il est de taille modeste et bien positionné ne laisserait rien transparaître de sa lueur, une dizaine d’hommes pourraient sans gêne installer un campement au centre du lieu, là où l’empire des arbres les plus anciens a limité le développement de la végétation sous leurs branchages. Reste pour Caabon à espérer que les bandits ne sont que deux, et qu’il ne s’agit pas d’une bande ayant pour habitude de se diviser pour commettre ses forfaits avant de se réunir pour le partage du butin, lorsque les voyageurs cessent d’arpenter la route et qu’il n’est guère plus possible de commettre un larcin.

Tournant un peu autour de la ceinture des fourrés, allant dans un sens qui le place le long de la lisière nord, opposée à la direction de la chaussée, Caabon finit par trouver un défaut dans le mur végétal qui lui permet de se faufiler sans briser de branche, en ne troublant pas plus le feuillage qu’un souffle de vent un peu insistant. Passé le premier obstacle, la progression est plus facile, ralentie par la seule nécessité de ne faire craquer aucune branche morte sous ses pas, ni déranger aucun animal : Caabon fouille donc de son bâton un chemin devant lui, et soulève repère les obstacles à la résistance qu’il rencontre. La lenteur de cette avancée n’est en rien une difficulté, puisque se distingue sans peine la lumière du feu au cœur du bosquet. Quelques buissons sont encore assez important, là où les troncs des arbres ne sont guère plus large qu’une cuisse, pour permettre au wotongoh d’être dissimulé au regard des individus du bivouac. Un coup d’œil lui permet de les reconnaître, malgré le peu de clarté que fournissent les flammes.

Il y a là celui qui attendait sur le chemin, avec son nez en lame de couteau, bien trop imposant pour sa maigre figure et son menton fuyant, les cheveux mi-longs retenus en catogan sur la nuque par un lacet de cuir. De profil, il ronge avec un acharnement de charognard une cuisse du lapin embroché au dessus des dernières flammèches et des braises, avant de jeter par-dessus son épaule les os curés de toute chair, pour se tailler un morceau de chair dans la carcasse à l’aide d’un petit couteau à lame courbe. Il fait descendre la viande par de régulières gorgées à une outre de peau ; un filet du liquide qui coule le long de son menton renseigne Caabon sur sa qualité : il s’agit de vin rouge.

Son camarade mange avec plus de lenteur. Si le premier des deux compères est relativement mince, et grand, celui-ci est de taille équivalente, mais plus large d’épaule, avec plus de muscles sur les os. Qu’il n’ait pas dit un mot lors du vol, et qu’il ait pris le risque de la fouille le place comme second de ce duo, peut-être plus fort, mais peut-être moins intelligent également, sans quoi il aurait dirigé les opérations plutôt que de donner l’air de suivre les ordres. Rognant lui aussi une cuisse de l’animal rôti qui paraît bien petite dans sa large main droite, il arrache de temps à autre un morceau du morceau de pain rassis qu’il tient de la main gauche. Lui ne boit pas.

« Bon… tu commences la garde. Réveille moi quand l’sablier s’ra vide. Et t’endors pas ! »

Un nouveau voyage, quatrième jour : deux âmes pour Phaïtos

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Dernière édition par Caabon le Dim 16 Déc 2012 17:08, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Bouhen
MessagePosté: Dim 16 Déc 2012 17:07 
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Un nouveau voyage, quatrième jour : un bivouac dans la nuit

Lame-de-couteau se lève, se dirige vers un arbre à l’opposé du point où se trouve Caabon, soulage sa vessie trop pleine avec un grognement de satisfaction puis, une fois son affaire faite, se glisse sous une couverture posée sur une grossière paillasse. Pataud continue de manger avec application, sans se soucier de son camarade, qui ne tarde pas à faire entendre de lourds ronflements, aidé sans doute par le vin qu’il a cuvé toute une partie de la soirée. A côté du feu, le sablier a commencé sa mesure du temps, et petit à petit le sable s’écoule vers le bas, capturant pour un temps le regard du veilleur. C’est l’occasion que Caabon attend.

Avec lenteur et prudence, il tourne autour de cet espace découvert, allant d’abri en abri, afin de se retrouver derrière l’homme éveillé. Pendant ce déplacement, il a repéré au sol une pierre de bonne taille, mais qu’il peut tout de même saisir dans sa main, et s’en est emparé. Le plan qu’il a échafaudé depuis sa première cachette prend soudain forme, et apparaît dans toute sa difficulté, avec sa part de succès et sa part de danger. Si Pataud fait un bruit qui risque de réveiller Lame-de-couteau, c’est l’échec. Mais s’il arrive à neutraliser cette masse de chair et d’os, alors tout sera joué, et il ne pourra que mieux mettre hors d’état de nuire le second bandit.

La nouvelle planque offre un second point de vue sur le camp endormi, où ne vacillent que les dernières lueurs du feu, et ne se retourne occasionnellement que l’ivrogne sous sa couverture. Nulle part Caabon ne voit de corde, ou quoi que ce soit qui puisse lui permettre d’entraver ses adversaires. Les assommer n’est qu’une solution provisoire, dont il ne peut se contenter, sans quoi sa fuite se trouverait gravement compromise, et il laisserait derrière lui un danger conséquent : les deux hommes seraient sur ses talons avant qu’il ait pu gagner Kendra Kâr, et même là ils pourraient encore le poursuivre.

(Je ne vais pas non plus leur trancher les tendons… ce serait cruel, et je ne suis pas cruel. Mais ils m’ont laissé en vie… et voilà que je suis là, à quelques pas d’eux, méditant un projet qui pourrait leur nuire… A quoi cela tient-il ? … Ils m’ont laissé vivre et par là même ils ont laissé derrière eux un danger… On ne tourne pas les talons à une bête féroce… Peut-être ne voyaient-ils en moi qu’un mouton, une proie facile… Avec eux, je sais à quoi m’en tenir, si je me venge, ils n’auront aucune pitié, ils me tueront, et me tortureront probablement avant d’en arriver là… L’affront que je pourrais laisser passer, ils voudront le laver… Et si j’assommais celui qui veille ? Je vole leurs biens, je m’enfuis dans la nuit et je disparais comme une ombre… Ils ne me retrouveront jamais… Mais peut-être auront-ils des soupçons ? … Si je venais à les recroiser un jour, sur cette route ou ailleurs, m’épargneraient-ils à nouveau ? … Epargneront-ils les autres voyageurs ? … Et le voyageur qui a à peine de quoi se payer à manger, mourra-t-il de faim après qu’on l’ait volé ? )

Trop de questions restent sans réponse. Sensible à la croyance selon laquelle toute vie est sacrée, Caabon hésite devant cette solution que lui dicte sa raison : tuer les deux hommes et s’en aller, neutralisant ainsi tous les risques liés à leur survie. S’il récupère son couteau, il sait comment les tuer, d’un coup net et précis, qui les fera s’en aller vers la mort sans souffrance et sans tarder. Mais il sait aussi que cette connaissance théorique ne suffit pas, et que s’il est une chose irrémédiable, qu’il convient de ne pas prendre à la légère, c’est la mort. Dans la balance, il y a la sienne, hypothétique, et la leur, quasi certaine.

Et soudainement lui revient à l’esprit la rencontre avec les chiens, encore fraîche dans sa mémoire, avec tous les sentiments qui l’assaillirent alors. En sauvant ce berger, il s’était mis en danger, et avait vu la mort en face lorsque les crocs baveux claquaient près de sa gorge. Il s’en était fallu de peu pour qu’il ne rejoigne les domaines de Phaïtos, tout ça pour un risque insensé, pour sauver une vie au nom de ce respect de toute existence. Et voilà qu’il se trouve à nouveau dans le même cas de figure. Ce souvenir raffermit sa résolution.

Pataud a toujours à sa ceinture le couteau, et conserve à côté de lui son arbalète. Lame-de-couteau dors loin de ses armes, qui reposent près d’un petit monticule de paquetages, probablement le fruit de leurs rapines et leur équipement. Cette erreur lui coûtera probablement cher, mais Caabon se rappelle au dernier moment du couteau avec lequel il tranchait les lambeaux de viande, lame qu’il doit avoir conservé sur lui, dans un fourreau. Si les choses tournent mal, cette donnée sera à prendre en compte.

Les choses ne doivent pas mal tourner.

Trois pas et un bond mettent Caabon à portée de Pataud, qui se retourne, alerté par le bruit soudain. Dans un arc parfait, la pierre que le Wotongoh tient à la main vient le cueillir à la tempe. L’homme vacille, ses yeux deviennent vitreux, il s’effondre comme un arbre abattu, sans grâce, sans amorti. Lâchant la pierre, Caabon se précipite pour récupérer son couteau, qu’il tire du fourreau sans interrompre son mouvement. Deux pas supplémentaire et il tombe un genou le premier sur le thorax de Lame-de-couteau, réveillé par l’air expulsé soudainement de ses poumons. Il suffoque, tente de crier mais reste sans voix, ses bras battent l’air avant de chercher à se rapprocher de l’agresseur. Il n’a pas le temps d’achever son geste que la lame lui a déjà tranché la gorge. Pour éviter le flot de sang, Caabon roule sur le côté, libérant l’homme qui n’a plus rien à espérer en termes de salut. Les bras battent frénétiquement l’air pour se rapprocher du cou, cela ne dure que quelques secondes, puis c’est la mort.

Pataud est encore dans les vapes lorsque Caabon décide de se charger de son cas. Même s’il n’a rien dit lors de l’agression, même s’il n’a fait preuve d’aucune malveillance envers le Wotongoh, ce dernier ne peut se permettre de lui laisser la vie sauve. Lui aussi pourrait exercer une vengeance, au minimum représenter une menace s’il rejoint une autre bande, car il a sûrement eu le temps de reconnaître celui qui lui fondait dessus avant que le coup ne l’assomme. Sa poitrine se soulève lentement au rythme de sa respiration, le choc ne l’a pas tué. Toutefois, rien n’indique qu’il n’ait pas repris conscience, et qu’il ne feigne pas l’évanouissement en attendant que Caabon s’approche assez près pour être la victime de ses larges mains. Ce serait surprenant, mais il s’agit d’un risque que le jeune homme ne peut pas prendre. Ramassant l’arbalète de Lame-de-couteau, il l’arme, y glisse un carreau, vise soigneusement et tire. La pointe de métal traverse la gorge de part en part, causant une forte hémorragie. Le colosse ne bouge pas, ne convulse pas : il était encore sous le choc lorsque sa chair fut déchirée. Caabon s’en félicite, il n’aurait pas aimé faire souffrir inutilement cet homme.

Le voilà seul dans ce camp de fortune, entouré de deux cadavres. Tout au long de l’action, il n’a pas pensé, il fallait faire vite, agir, laisser parler les réflexes, le corps, les armes. La tâche effectuée, il lui semble regagner le monde dont il s’est extirpé quelques instants. Sa respiration est plus rapide, le sang lui bat aux tempes, un peu de sang lui poisse les mains et… Et il a tué.

(Ils sont morts de ma main… Ce fut si facile… pas un mot, pas un cri, juste le regard de celui que j’ai égorgé… Quel regard… Est-ce ce même regard pour tous ceux qui comprennent que leur heure est venue ? … J’ai cru voir… Non, c’est ridicule… Ce n’était qu’un regard…. Et ils sont morts, moi pas… C’est donc à cela que se résume la vie ? … Je tue, et je reste en vie… Parce que je ne suis pas une proie, mais un chasseur… Si j’avais été une proie, peut-être aurais-je continué ma route, peut-être aurais-je laissé ces hommes derrière moi…)

Secouant la tête comme pour chasser ces pensées qui l’assaillent, Caabon considère le spectacle autour de lui, la mise en scène macabre dont il a été le compositeur : les deux cadavres, l’un crispé dans une pose ridicule, l’autre apaisé, éclairé par les braises rougeoyantes dans le foyer entouré de pierre, les paquetages abandonnés, et les arbres seuls témoins du drame qui s’est joué. L’excitation de la traque et du meurtre passée, toute la fatigue du jour s’abat sur les épaules du wotongoh, comme un rappel qui lui est bien vivant. Mais il ne se sent pas prêt à s’accorder du repos, pas encore. Si tuer lui paraissait la plus sure des solutions pour sa personne, la menace écartée, l’urgence l’est aussi. Il commence par ramasser quelques branches de bois mort pour ranimer le feu afin d’y voir plus clair autour de lui, et peut-être en lui.

(Dois-je donner une sépulture à ces hommes ? … Qu’est-ce qu’une sépulture après tout ? … Un lieu où le corps se décompose, un endroit où peuvent venir se recueillir des parents, des proches ? … A quoi bon ? … Je les ai tué sans même leur accorder une parole, je suis bien en peine de savoir si je devais livrer un message à un parent, et je doute que je l’aurais fait de toute manière… Que ce soient les vers, les corbeaux ou les renards, des bêtes les mangeront, sous terre ou sur terre… Mon cadavre pourrira probablement aussi au bord d’un chemin… Que peuvent avoir les morts à faire de leur peau une fois le dernier souffle exhalé ? …Je ne sais pas… Rien peut-être… Rien à faire de leurs corps… Mais leur âme ?...)

Enterrer ces deux bandits serait une tâche bien trop difficile pour Caabon, les racines doivent courir partout dans le sol et rendre plus ardu le creusement d’une fosse, une fosse pour deux cadavres qui plus est, et assez profonde. Non, ces deux corps retourneraient à la nature, nourriraient les animaux, les insectes et la terre. Les sépultures sont des affaires de vivants.

Cependant, cela ne doit pas exclure le souci que l’on a des âmes décédées, et Caabon ne se sent pas le cœur à faire l’économie d’une prière. Ces vies qu’il a prises pour sauvegarder la sienne méritent un dernier mot à ses yeux, au moins une prière, une recommandation à Phaïtos.

« Phaïtos, Dieu des Enfers, juge des âmes, passeur du dernier fleuve, puisse tu recevoir cette âme que j’ai envoyé vers toi, puisse tu la contempler et y voir l’équilibre, puisse tu lui offrir une éternité sereine, loin des tourments, et accueille la alors aux Enfers où elle trouvera le repos. »

Caabon à genoux devant le corps de Pataud répète trois fois la courte prière à Phaïtos, puis va s’agenouiller devant le corps de Lame-de-couteau et répète à nouveau trois fois cette prière. Estimant avoir ainsi effectué ses devoirs envers les morts, il se consacre alors à des questions plus matérielles. Les possessions des bandits ne sont guère importantes, mais peut-être y trouvera-t-il quelques choses intéressantes.

Les trouvailles ne sont guère réjouissantes, le wotongoh était la première cible de ces bandits qui venaient de s’installer dans ce coin de la route, aussi n’avaient-ils pas eu le temps d’accumuler un trésor digne de ce nom. Mais quelques équipements qu’ils ont emportés avec eux trouvent grâce aux yeux de Caabon. Deux bons rouleaux de toile traitée pour être imperméable et un sac plus grand sont les découvertes les plus précieuses qu’il effectue : la toile pourra lui servir d’abri en cas d’intempéries, car il n’est pas rare qu’il pleuve en cette saison, surtout à proximité de la côte, et il s’estime heureux de n’avoir pas eu à subir les inconvénients d’un orage ; quant au sac, il y transfère ses maigres possessions, une petite casserole trouvée sur les lieux et ses provisions augmentées de celles des bandits : avec toute cette nourriture, il tiendra sans peine jusqu’à Kendra Kâr et ne sera pas obligé de chercher à se restaurer immédiatement après son arrivée en ville. Quelques pièces viennent rejoindre sa bourse, qu’il retrouve à la ceinture du corps de Lame-de-couteau. Les arbalètes retiennent son attention quelques secondes, mais il les dédaigne, n’ayant que peu d’expérience en la matière, et y voyant une arme qui ne lui convient guère. Une fois son couteau à nouveau dans son fourreau à son côté, il s’estime prêt à partir. Son paquetage est bien plus lourd sur ses épaules, et cela n’est pas uniquement une impression due à la fatigue. Mais tout ce qu’il emporte, il l’a jugé nécessaire, aussi n’éprouve-t-il pas la nécessité d’alléger de quelques menus objets son chargement.

Sa dernière action dans la clairière est de recouvrir le feu de terre pour l’éteindre, et ainsi prévenir un risque tout risque d’incendie dans ce sous-bois rendu sec par la canicule des derniers jours. Avec un dernier regard pour les corps qu’il abandonne, Caabon retraverse les fourrés en direction de la route. Le trajet lui paraît bien plus long qu’à l’aller, et un doute l’assaille : peut-être s’est-il trompé. Mais sa persévérance paye, il a simplement été induit en erreur par les effets de la fatigue qui se sont emparés de lui. Submergé par cette dernière, et les émotions contenues de la nuit, il s’effondre dans un coin du talus près de la route qu’il estime suffisamment abrité et s’endort comme une masse, serrant son sac dans ses bras comme une bouée à laquelle se rattacher au milieu de la nuit.

Un nouveau voyage, septième jour : une prière à Rana

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Dernière édition par Caabon le Dim 16 Déc 2012 18:45, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Bouhen
MessagePosté: Dim 16 Déc 2012 18:42 
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Un nouveau voyage, quatrième jour : deux âmes pour Phaïtos

Le soleil est haut dans le ciel lorsque Caabon émerge de sa torpeur, déjà ses rayons ont séché tout la rosée qui avait couvert le jeune homme, et réchauffé ses membres encore engourdis de la nuit. Le sang sur ses mains qu’il n’a pas pu complètement nettoyer a coagulé, formant de petites plaques sombres sur sa peau ; il en va de même pour le bout des manches de sa chemise. Une poignée de seconde s’écoulent, durant lesquelles il se demande ce qu’il fait là, et pourquoi il n’est pas comme chaque matin enroulé dans sa couverture. Puis tout lui revient, les souvenirs se précipitent dans son esprit en plein éveil à la manière d’un torrent rompant un barrage : la violence du choc chasse toute bribe de sommeil.

La toile cirée, l’autre sac, les pierres et l’argent volé, tout est là. Et le sang sur les mains ne trompe pas. Les deux visages s’imposent à sa mémoire, la gorge tranchée et les dernières convulsions de Lame-de-couteau, l’immobilité de pierre de Pataud lorsque le carreau s’est fiché dans sa gorge. Ces deux hommes dont il ne connaît pas le nom, qu’il a affublé de ces sobriquets un peu ridicules, dus pour l’un à un nez, pour l’autre à un physique. Au moins, dans sa mémoire, ce ne sont pas des anonymes, mais il ignore si cela est un bien ou un mal pour lui.

Cette longue grasse matinée lui fait perdre une demi-journée de voyage. Les murs de Kendra Kâr qu’il espérait apercevoir au terme de son sixième jour de voyage s’éloignent encore, mais peu lui importe, rien ne l’attend là-bas sinon des découvertes qui ne se déroberont pas en si peu de temps. Ne s’accordant qu’un court répit supplémentaire pour manger un peu, il s’est mis en chemin.

Les deux derniers jours de son voyage furent à l’image de ceux qui s’écoulèrent avant l’embuscade des bandits. Dans un ruisseau d’eau clair il lava ses vêtements et ses avant-bras du sang séché qui les souillait encore par endroit. Il ne fit halte que pour manger et dormir, demandant par deux fois à s’assoupir près d’un convoi, ce qu’on lui accorda de bonne grâce, à la condition cependant qu’il reste loin des feux et des hommes : son teint émoussait quelque peu la solidarité dont certains voyageurs font preuve à l’égard de leurs semblables. Cependant, aucun n’alla jusqu’à lui demander une contribution financière pour la protection sous laquelle il se plaçait implicitement.

Au matin du septième jour, il vit Kendra Kâr, mais préféra remettre à la fin de journée son entrée dans la ville pour accomplir une tâche dont la nécessité avait germé en lui au cours des deux derniers jours. Dès que cela lui fut possible, il prit une route qui le mena vers le sud, vers la côte. Là, sur une hauteur, face à la mer, il abandonna son sac à ses pieds, retira sa chemise et tomba à genoux, le visage tourné vers les flots, s’offrant au vent qui battait le littoral ce jour là.

C’est dans cette position qu’il adresse sa prière à la déesse Rana.

« Rana, mère universelle de sagesse, déesse des airs, je me prosterne devant toi et implore ta clémence. De longues années j’ai vécu dans l’aura de ta gloire, près du temple qui est le tien, baigné par les enseignements de tes fidèles. De longues années j’ai vu au travers des livres la sagesse des hommes, ce don précieux que tu nous as fait. Grâce à toi, nous sommes devenus plus que des bêtes, notre raison peut dominer notre instinct. Un jour que je n’oublierai jamais, mon sauveur me mena jusqu’à ton temple, où je me suis avancé voilé, masqué, car mon corps est d’ombre et de nuit, et je craignais les regards des hommes. Mais j’ai pu m’avancer dans ce temple, où le prêtre me laissa pénétrer. Je sus alors que ma peau n’était pas le reflet d’une âme sombre, et j’ai loué ta gloire.

Dans l’ombre et la nuit, j’ai ôté la vie de deux hommes, mais je te supplie de me croire, je l’ai fait sans haine et sans volonté de destruction. J’ai agi comme ma raison me le dictait, comme un homme et non comme un fauve. Je te supplie de me croire, j’ai tué sans plaisir pour cet acte, j’ai tué sans chercher la souffrance de mes victimes. Mais pourtant je doute.

Ô Rana, mère universelle de sagesse, déesse des airs, toi qui chante à nos oreilles chaque jour tes douces mélopées pour nous rappeler l’incommensurable don que tu nous fis, je te supplie de bien vouloir m’aider à voir clair dans mon âme, de m’aider à comprendre tes enseignements, afin que je demeure un de tes dignes enfants.

Ȏ Rana, mère universelle de sagesse, qu’il me soit permis de toujours honorer ton nom, même si ma route s’éloigne de ce que mes semblables considèrent comme le droit chemin. Humblement je me remets à ton jugement, humblement j’implore ton pardon pour les fautes que j’ai pu commettre, pour mes actes qui ne furent pas tournés vers ta gloire. Si j’ai entaché par mes actions ta splendeur, mère de toute sagesse, je t’implore de bien vouloir m’accorder le moyen de me racheter.

Ô Rana, bienfaitrice de nos vies, je te supplie de bien vouloir considérer la dévotion d’un de tes fidèles. Daigne entendre ma prière, daigne entre mes suppliques.

Ô Rana, source de notre humanité, que tes présents nous accompagnent pour l’éternité, qu’en tous temps et en tous lieux triomphe la sagesse. »


Ses derniers mots sont portés par le vent, et autour de lui tout n’est que manifestation de la nature : rafales, vagues, meuglements d’un troupeau de bovins au loin. Le sable fouette par moment son torse nu, le soleil réchauffe sa peau, mais rien de cela n’incite Caabon à bouger. Il se sent apaisé d’avoir pu adresser cette supplique à Rana, car ce fut moins les deux morts qui le hantèrent au cours des derniers jours que son acte. Vivre à Oranan, s’imprégner des écrits des philosophes et des savants, tout cela ne pouvait l’avoir laissé indifférent au culte de la déesse. Bien qu’il n’ait pas prêté le Serment, ou connu les Arcanes, il se sent dans son cœur lié à Rana, car sa vie a été trop longtemps liée à la connaissance et à la sagesse. Il est conscient de la portée du don qui a été fait aux hommes, de ce qu’il implique, de ce qu’il leur a permis. Aussi craignait-il qu’une part de lui n’ait cédé à un instinct animal lorsque sa lame trancha la gorge, lorsque son doigt pressa la détente : il était conscient d’avoir réfléchi ses actes, de les avoir éclairés de sa raison, mais le doute subsiste, car qui est-il pour prétendre lire dans les tréfonds de son âme comme dans un livre ouvert ? Loin d’être aussi sage que les plus fervents fidèles de Rana, il préférait s’en remettre au jugement de la déesse. Et c’est chose faite.

Le vent baisse en intensité, se fait plus doux, et Caabon sent la morsure du soleil se faire plus pressante sur sa peau. Il se baisse, ramasse sa chemise, son paquetage et s’éloigne un peu avant de s’ébrouer pour se débarrasser du sable accumulé lors de la prière et se préparer pour effectuer la fin de son voyage. L’âme allégée d’un fardeau, il reprend en sens inverse la route qui l’a amené à la mer, retrouvant ainsi au bout d’une heure de marche la chaussée pavée sur laquelle il s’engage à nouveau.

Un nouveau voyage, septième jour : l'arrivée à Kendra Kâr

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Bouhen
MessagePosté: Mer 27 Fév 2013 01:08 
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<-- Départ pour Kendra-Kar


Et voilà notre lutin de nouveau sur les routes, traversant la forêt d’un bon pas, uniquement de jour et en dehors des heures de repas. Il convainc d’ajouter que ces heures-là étaient assez courtes, mais nombreuses ! En effet, en une journée, Adrayk pouvait s’arrêter jusqu’à six fois pour soulager son estomac criant famine. Mais ce chiffre reste théorique, si jamais le dit lutin rencontrait sur son chemin des baies sauvages, il s’en suivrait immanquablement un arrêt supplémentaire et très long !

Il passa deux jours à traverser la forêt tant il s’arrêta. Si vous lui posiez la question, il vous répondra d’un naturel à fendre une pierre en deux, qu’il en a profité pour refaire le plein de framboises et de mures. Ah, celui-là ne changeras jamais vraiment… Un estomac bien plus gros que le cerveau si vous voulez mon avis.

Il en profita pour faire de nouvelles rencontres, il passa une nuit dans le creux d’un hêtre en compagnie d’une famille d’écureuils, et la seconde sur la dernière branche d’un bouleau avec un merle solitaire chantant à toutes heures de la nuit. Il va s’en dire qu’il eut le plus grand mal à dormir sur ses deux oreilles ce soir-là. Le lutin d’ailleurs parti excédé devant un tel énergumène qui, dès le Soleil apparaissant, s’endormit.


(Pas tout à fait normal cet oiseau là…)


Lorsqu’enfin Adrayk atteignit l’orée de la forêt, il fut pris d’un vertige qui le força à se rattraper à l’arbrisseau poussant paisiblement à ses côtés. Partout où il posait le regard, il ne voyait pas un seul arbre, pas une seule petite branche ou grimper !
Il regarda derrière lui, la forêt l’attendait à bras ouvert comme disant : « Reste avec moi mon petit lutin, ne me quitte pas je suis ton foyer ». Mais devant lui s’ouvrait un nouveau chemin pour lui, un nouveau destin dont il serait le seul maitre ! Cela bien sûr n’était absolument pas le cas, il n’était que le petit pion des dieux avançant droit où ceux-ci le désiraient. Mais tachons de ne pas le révéler, car Adrayk se plaisait, comme tout être vivant, à penser qu’il était seul maitre de son destin.

Puis, prenant son courage à deux mains, le guérisseur avança son pied gauche, puis le droit. Un autre pas, et un suivant. Plus il avançait, plus il se libérait de son envie de rester dans le cocon rassurent de la forêt. Enfin il se mit à courir, juste heureux d’être vivant, et de pouvoir être libre de ses mouvements.

Passé l’euphorie des premières heures, ce qui devait arriver, arriva… l’estomac du glouton le rappela à l’ordre. Bien sûr il n’avait plus aucun moyen de trouver des framboises ou autres baies dont il raffolait… La chasse était donc lancée, il fallait trouver à manger, mais comment faire lorsque l’on a vécu uniquement dans la forêt rassurante de Bouh-Chène ?

Adrayk passa le reste de la matinée le regard plongé devant lui à la recherche de fruits comestibles pour un petit lutin comme lui. Il était tellement concentré dans sa recherche qu’il ne découvrit que grâce à son odorat des ruines fumantes d’une caravane abandonnée sur le bas-côté d’une route pavée. Le guérisseur se maudit intérieurement d’avoir été aussi plongé dans sa quête, et regarda autour de lui guettant le moindre signe suspect qui lui ferait prendre ses jambes à son coup.

Ce signe ne venant pas, et il se décida à examiner d’un peu plus près son étrange découverte. La carcasse n’était plus fumante depuis des heures déjà, trois corps étaient alignés, calcinés. A quelques pas de ce sanglant tableau, un homme criblé de flèches semblait avoir résisté à l’attaquant. Un cercle surnaturel de roches l’entourait. Il s’agissait là sans aucun doute possible d’un pratiquant des arcanes de la pierre qui avait tenté désespérément de défendre sa vie. Sans succès de toute évidence.
Adrayk s’avança prudemment, examina rapidement le mage décédé et la mine grave entonna les seules paroles funéraires qu’il connaissait.


« … Puisses-tu retrouver ton chemin dans les bras accueillant de notre bien aimée Gaïa »

Comme s’il attendait cette bénédiction, le corps sans vie fut soudain pris de soubresauts, et bientôt la terre autour se mit à trembler. Avec stupeur le petit lutin vit le magicien s’enfoncer dans le sol qui se creusait comme pour lui former une tombe. Pour finir, une grande plaque de granit scella la sépulture créée en quelques secondes à peine.

Sans trop osé croire ce qu’il venait de voir, Adrayk s’approcha doucement de la dernière demeure du magicien empli d’un respect encore plus grand qu’avant pour les pouvoirs de cet homme.

Trop abasourdi, il mit du temps à remarquer le bracelet accompagné d’un petit rouleau de parchemin sur la tombe. Le bracelet était simple, fait de cuir surmonté d’une pierre que le lutin ne connaissait pas d’un bleu nuit si profond que son regard s’y perdit durant de longues minutes.
Le mot le laissa encore plus perplexe qu’il ne l’était.


« De tous les arts magiques, l’école de soin est la plus belle. Puisses-tu trouver une utilité à ce bracelet, que seul un guérisseur pourra prendre pleinement conscience de son pouvoir. Merci à toi étranger qui m’as permis de retourner à la terre. A.S »


Adrayk fourra le parchemin du mage dans une poche, enfila son présent, fit un dernier salut au mystérieux « A.S » et s’en alla sans un regard en arrière. Trop de pensées négatives et souffrantes se trouvaient là.
La route vers Kendra-Kar s’ouvrait droit devant lui, et il n’avait que trop tardé.


Sur la route, encore... -->

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Bouhen
MessagePosté: Mer 15 Mai 2013 13:06 
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La cavalière à sa tête, que ta tirade semble d'ailleurs amuser, votre petite troupe part en direction de l'Ouest. La première heure est un peu chaotique, puisque vous passez par des petits chemins entre les champs.

Par la suite, vous rejoignez une belle voie pavée, sur laquelle d'autres passants avancent. Petites charrettes à bras, carrioles pleines de sacs d'où débordent des grains, ton regard ne peut pas faire plus d'une centaine de mètres sans apercevoir une silhouette.

Adrien Clairement semble un peu tendu, mais il sourit poliment quand on lui adresse la parole.
De leur côté, les ménestrels semblent étrangement enthousiastes. Sauf Bella, qui te jette par moments un regard aussi tendre que si elle fixait un insecte agaçant. Quand elle parle, c'est uniquement pour marquer son intérêt pour votre destination, la ville de Bouhen. La cavalière se permet de rectifier, en précisant que le domaine se trouve à proximité de la cité, pas dans les murs de celle-ci.

Le temps s'écoule relativement tranquillement, la route semblant sûre. Le jour commence à décliner, incitant votre guide à décider d'un emplacement où faire halte.

Tout en s'affairant avec ses camarades, elle lance presque distraitement la conversation. Sauf que tu peux deviner son regard dans ta direction.

"J'ai du mal à imaginer certains d'entre vous sur les routes. Comment en êtes-vous arrivée là ?"

Apparemment, la question t'est destinée.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Bouhen
MessagePosté: Mer 15 Mai 2013 23:02 
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[:attention:] Le texte ci-après peut perturber les âmes les plus pures et sensibles. Le vocabulaire employé, les insinuations faites et les idées véhiculées sont malsains. Merci d'y réfléchir à deux fois avant d'en entamer la lecture. [:attention:]

Elle est super bien faite cette annonce !





Et nous revoilà partis.
J’ai mal au cul, les chemins ressemblent à la peau de couilles durcies, y’a des creux partout. Et les blés seront donc les touffes de poil. Ouais, ça rend le parcours plus sympathique et j’m’imagine avoir le fion défoncé pour d’autres raisons.

J’repense à la troupe de voleurs dont parlaient les autres et je demande s’ils ressemblent aux raclures que j’ai pu connaître. J’me demande s’ils pourraient être pires… Peuvent-ils violer un gosse devant ses parents pour le simple motif que la mère ne s’est pas laissée faire ?
J’me demande combien ils sont aussi. Peuvent-ils s’attaquer à un convoi comme celui-ci ? Des charrettes entourées par ses soldats en armure… ça donne l’impression d’une cargaison de valeur. S’ils sont assez nombreux ou confiants, ils pourraient essayer.

Ça pourrait être drôle de voir la tronche des voleurs, après un combat sanglant, découvrant que la cargaison défendue n’est qu’un ramassis de bricoles en toc, de costumes et des trucs pour monter un stand de forains.
La charrette de Machin est plus intéressante. De l’alcool, du tabac, quelques robes qui en jettent… Pas pour rien que j’ai bien voulu l’accompagner. Mais ça ne mérite quand même pas un combat contre des soldats.


En tout cas, question discrétion, nous sommes au top y’a pas à dire. La charrette des forains fait un boucan de fou à cause de tout le bordel qu’ils trimballent et quand Liam se met à chanter, ça n’arrange rien à l’affaire. Le fait qu’on soit dix-sept nous rend invisibles aussi...

Finalement, nous rejoignons une véritable route. L’inconnue garde la tête du convoi, avec celui qui doit être son lèche-botte à quelques pas derrière. Notre charrette suit puis celle des bouseux qui est un peu plus lente. Les soldats nous entourent plus ou moins. Du coup, on s’impose sur les pavés, j’aime assez voir les autres s’écarter légèrement quand on les croise.

J’aime assez voyager maintenant. Je me suis posée à l’arrière de la charrette, une caisse me sert de banquette. J’ai ma bouteille, ma pipe, je peux regarder ceux autour puisque je suis au centre. C’est absolument parfait.

Sur l’autre charrette, le gars au chapeau et le gros sont sur la banquette avant et les autres à l’arrière. Dès que le barde se met à chanter la brune peut pas s’empêcher de s’agiter sur son violon, la brutasse montre ses chicots, son rat cavale sur ses épaules, la rousse tape dans son tabourin, le nain reste penché à regarder la roue à peine réparée et le gars qui bouge pas… bah il bouge pas. Et quand il chante pas, bah ils parlent de leurs numéros, de Bouhen, de la dernière fois qu’ils y sont allés…
Il leur est arrivé pas mal de merdes et pourtant, quand ils en parlent, ils le font en riant.

« Vous vous souvenez de celle d’il y a deux ans ? Quand les soldats avaient saccagé notre stand pour les jambes de Bella ? »
« Tu ne vas pas remettre ça sur la table ! D’abord, c’était pas il y a deux ans mais trois… et je n’y étais pour rien. Ils étaient complètement ivres, vous n’auriez pas dû les laisser s’approcher. »
« Tu les as bien aguiché quand même ! Ils étaient fous ! »
« Mais dis pas n’importe quoi ! J’étais sur la planche à couteaux, j’vois pas bien comment j’aurais pu bouger. »
« Aller, c’est bon, j’te taquine. C’est bon pour les affaires d’avoir une jolie plante comme toi. Maintenant, quand on vient, on sait qu’on a notre public. Et… avec la beauté que j’ai devant moi je sens qu’on va être encore plus regardés ! Avrel va falloir montrer tes bras. »
« Il peut pas montrer grand-chose d’autre de toute façon. »
« Quoi ?! Tu ne veux quand même pas la garder avec nous ?! Tu rigoles j’espère ?! »

Belle rage en disant ça, mais le plus drôle c’est qu’elle le fait en serrant les dents.

« C’est bon de te voir rager mais je vais te rassurer, j’ai pas envie. »
« Et vous allez faire quoi ? »
« Déjà, j’vais voir la bonne femme qui possède des soldats, après j’verrai bien. »
« Tu devrais essayer au moins une fois de participer à un spectacle. Tu adorerais ! »
« J’ai déjà donné… Mais, ça vous soûle pas d’être des galériens ? »
« Nous sommes libres et unis ! Ça n’a pas de prix pour nous ! »
« On peut l’être dans un palace aussi. C’est plus sympa. »
« On sait faire quelque chose de nos mains, nous. »
« Hey ! Moi aussi ! Je suis très douée en plus. » Je fixe ce qui leur sert de chef avant de lâcher dans un souffle : « Je pourrais vous montrer. »
« Et elle parle de palace… »

Et le gars au chapeau se remet à chanter pendant que sa chatte feule dans son coin… ce qui me permet d’avoir d’autres agréables conversations avec mon cocher. Depuis que les soldats sont là, il décroche pratiquement pas un mot, ce qui facilite la discussion.

« T’as envie de chier ? »
« Euh… quoi ?! »
« T’es tout tendu, qu’est-ce qu’y a ? »

Il éclate de rire avant de répondre.

« T’es impossible comme femme ! Je vais bien. Je me demande où mon frère est allé. »
« Tu l’as pas vu depuis longtemps ? »
« On devait se retrouver à Accordéou. »
« C’est où ça ? »
« Là où il y avait la fête… Vous savez, celle vers laquelle nous allions avant de croiser ces soldats. »
« Oh, oui. C’est vrai. Bah, vous inquiétez pas, vous finirez bien par le retrouver. »

Elles me passent tellement quinze lieues au-dessus de la tête ses histoires. Vivement qu’on arrive, je commence à nouveau à m’ennuyer et si ça continue je vais vider le stock d’alcool.
Je m’allonge et regarde le ciel. J’ai l’impression de ne l’avoir jamais vu jusqu’à maintenant. Je regarde les nuages glisser… c’est con mais j’me sens bien. Ma tête me tourne légèrement et le petit ballotement de la charrette me berce.

J’émerge quand le convoi se met à ralentir. Le soleil n’est pas si bas que ça, j’vois pas pourquoi on s’arrête.

« Il se passe quoi ? »
« Nous plantons le camp ici pour la nuit. Installez la tente des forains au centre du campement, commencez à ramasser le bois, pansez les chevaux, tout le monde s’active. »

Je m’étire pendant qu’ils se mettent tous à décharger les charrettes et les chevaux. La guide a bien choisi l’endroit : un peu éloigné de la route et juste à côté d’un bosquet. Ça doit être un lieu connu, y’a les restes d’un cercle de pierres.
Les six forains sont super rapides pour monter leur tente. J’m’attendais à un truc plus grand, j’suis un peu déçue. Mon protecteur à macaque s’installe juste à côté, sa tente est encore plus petite… c’est une nuit de merde qui s’annonce. Fait chier. Les soldats ont posé des torches éteintes autour du groupe et moi… Bah je reste dans la charrette. J’vois pas bien ce que je pourrais faire pour eux de toute façon. C’est pas des trucs pour moi ça. C’est pas assez classe.
Je finis par quand même descendre de la charrette et par m’approcher du groupe.

« …un jour et demi si nous gardons la cadence. On fera une halte avant d’entrer dans la forêt et nous arriverons finalement au château. Économisez l’eau… nous n’avions pas prévu de faire un trajet de deux nuits. »
« Nous non plus. »
« Il reste l’alcool sinon. »
« J'ai du mal à imaginer certains d'entre vous sur les routes. Comment en êtes-vous arrivée là ? »

Je pense que c’est à moi qu’elle parle la blondasse. Je ne sais jamais quoi répondre à cette question de merde. J’ai pas fait gaffe à mes manières pendant le trajet… Mais j’porte une robe et des bijoux de bourgeoise. Quoique je dise, j’vais passer pour une menteuse.

« On me paye pour ma compagnie… Et lui, là, l’a fait. J’suis plutôt en intérieur d’habitude, c’est vrai. J’connais pas bien tous ces trucs que vous dites sur la route, le campement, les chevaux et tout... alors j’vous laisse papoter de… euh… votre château et de celle que vous servez. »

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Bouhen
MessagePosté: Ven 17 Mai 2013 11:38 
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La cavalière retire son heaume avant de te répondre, tout en veillant au bon déroulement des opérations. Certains de ses camarades font de même, avant de s'occuper des montures.

"Je sers la Baronne de Kerezstur. C'est une femme... Impressionnante. Mais vous vous en rendrez compte par vous-même, si vous êtes assez dignes de son intérêt. "

À ces paroles, ce n'est pas vraiment toi qu'elle regarde, mais les ménestrels. Après avoir préparé leur campement, tu peux les voir applaudir Liam et Bella en pleine joute à la dague. L'homme esquive les assauts, donnant une petite tape dans le dos de sa camarade à chaque essai manqué. Par moments, le nain vous regarde, et vous fait un signe de tête comme vous invitant à vous joindre à eux.

La cavalière fronce un peu les sourcils, puis elle te jette un coup d'oeil. Elle pousse ensuite un souffle.

"Je sens que la route va être longue."

La nuit semble devoir se passer sans problèmes. Quelques coursiers sur des chevaux rapides progressent sur la route pavée malgré l'heure tardive, mais aucun ne s'arrête.

Les soldats de la baronne ne retirent pas leur armure, même quand certains s’assoient ou s'allongent. Ils semblent s'être organisés tacitement en ce qui concerne les tours de garde.


(Un gros pardon pour le retard, mon corps m'a fait une vilaine farce)

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Bouhen
MessagePosté: Sam 18 Mai 2013 16:24 
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La baronne de quoi ? C’est quoi ce nom à la mords-moi-le-nœud ? Faudra que j’évite de l’appeler. En attendant, je les laisse terminer l’installation du camp en m’affalant sur un ballot de paille. J’ai l’impression de remonter en enfance, dans mon premier lupanar, celui avec des paillasses à la place des lits. Et dire que ma mère aurait touché beaucoup plus en me vendant à un meilleur bordel ! Je valais bien plus que ça !

Des rires, des cris et des applaudissements me sortent de mes pensées. Roussette et chapeau-sans-chapeau se touchent devant les… ah non, ils sont en train de se battre. Enfin, roussette gesticule et chapeau la bouscule. Le nain n’arrête pas de me regarder… il a connu les bordels à paille, lui, c’est obligé !
J’aime être regardée, mais là ça devient lourd. En plus, je ne fais plus dans le nain, je n’aime pas leurs poils, ils restent collés partout. Je me décide donc à les rejoindre après avoir retiré la plupart des morceaux de pailles coincés sur ma robe et dans mes cheveux.

« Alors Lyne, tu veux essayer ? »
« Quoi ? »
« Quelques passes… »
« Ah. C’est pas essayer, j’en fais depuis longtemps. C’est plutôt moi qui devrais vous donner la leçon ! »
« Vraiment ?! Mets-toi en place, je suis curieux de voir ça ! »

J’hausse les épaules et commence à délacer ma robe sous les yeux ébahis des forains et haineux de la dinde. J’ai retiré la première épaisseur quand chapeau me demande, hésitant :

« Euh… Tu te mets à l’aise ? »
« Ah ? Tu préférais soulever la robe ? »

Ils se mettent à éclater de rire. Ils se foutent de ma gueule !?

« T’es vraiment stupide comme femme ! »
« Lyne, on te proposait d’engager quelques escarmouches avec l’adversaire de ton choix… Pas de… euh… »
« Faire ta pute. »
« Euh, moi j’dis pas non. »

Et ils se marrent à nouveau… Me battre… J’ai toujours évité. À Exech, on m’a frappée une paire de fois, mais je n’ai jamais eu à me battre… de toute façon, vu les brutasses, valait mieux pas essayer.

« Ouais, au final j’vais rester habillée comme ça, j’vais pas me battre en robe à froufrous. »
« Ah mais comme tu te sens le mieux ma jolie ! »

Même si je suis nulle, je sais qu’en prenant un gars en face de moi j’aurais un avantage certain. Mon dénudé est à la limite de la transparence et l’air a commencé à se rafraichir.

Je récupère ma dague, pénètre le cercle de combat formé par les forains et me retourne vers chapeau.

«Tu t’y colles ? »
« Erm… À qui… quoi ? »

Bella lève les yeux en soupirant.

« Bon, c’est bon, on a compris. Aller, va la ridiculiser Liam et on en parle plus. »

Liam s’avance vers moi, poignard à la main et sourire aux lèvres. Perso, j’dois l’avouer, je flippe un peu. Je ne sais pas du tout comment ça va se passer. Je n’ai foutrement aucune idée de ce que je dois faire… alors je le regarde me tourner autour. Et ce con, d’un coup, s’avance d’un grand pas vers moi, le bras en avant pour me toucher. Cette frayeur qu’il vient de me coller ! J’ai eu tellement peur que j’ai bondi en arrière je ne sais trop comment.
Autour les forains lancent un « Ooooh » en chœur. J’sais pas s’ils ont appréciés ou pas mais ça m’a réveillée de bondir comme ça. Je commence, moi aussi, à tourner dans l’arène, dague bien serrée et légèrement en avant. J’ai déjà vu ce genre de scènes, quand y’avait embrouille au Serpent et qu’il fallait que ça se règle à coups de dagues. C’est presque amusant de me retrouver dans cette situation… mais je ne sais toujours pas quoi faire.

« Et… on va tourner comme ça longtemps ? »

Il me rebondit dessus, la dague droite devant lui. Il va me planter ! Pourquoi je retiens ma respiration ?! Ça ne va rien changer ! Oh, il se tourne ! … Ma liquette !

« Bah alors ? Tu t’es endormie ?! »
« Elle maîtrise un autre type de corps à corps la catin. »
« Tu veux des leçons ? »

Le ton monte, elle commence à sérieusement me chauffer la carotte. Liam se place devant moi et me tend la main.

« Aller, viens avec moi, j’vais te montrer quelques trucs. »

J’ai envie de baffer la rouquine mais j’sais bien que c’est pas une bonne idée, il reste encore deux nuits à passer… Et, elle a raison, je suis plus douée au lit qu’en combat. Si l’autre peut m’apprendre quelque chose, autant essayer.

« Tu veux savoir comment j’ai commencé à me battre Lyne ? »
« Non, j’m’en fous un peu mais je sens que tu as besoin de le dire. »
« Toujours aussi délicate, je ne regrette pas de t’avoir trouvée ! »
« Oui, bon. Pour passer le temps, je vidais les bourses… Enfin, je les volais et mon terrain de jeu préféré était les tavernes de combats ; tu sais, celles où tous les jours il éclate au moins une bagarre de soiffards. »
« Oui… et ? »
« Le jeu consistait à se faufiler entre ceux qui se battent pour récupérer leurs bourses… Crois-moi, on apprend vite à esquiver et à se retrouver derrière son adversaire… pour mieux le frapper.
Alors je te propose le même jeu, mais il n’y a que moi… et ma bourse. »

« Je garde ce que je te vole ? »

Il sourit et jette un coup d’œil dans sa bourse avant de me répondre qu’elle serait mienne si je l’attrape.

Il jette sa dague dans l’herbe et me regarde en sous-pesant sa bourse.

« Je n’ai pas besoin de dague pour me défendre, je pense… et je ne voudrais pas te dénuder un peu plus. Mais tu peux garder la tienne si tu veux. »

Il fait le malin, j’vais le faire regretter. Il a essayé de me surprendre, je vais tenter la même chose. La dague dans la main gauche, je me glisse vers lui, la main droite prête à tirer sur le cuir. Mais il s’y attendait, ou il a des réflexes de fou, et il fait juste un pas sur le côté pour me mettre la fessée dès que mon élan m’a emmenée derrière lui.
Tout le monde rit, le nain siffle et quelques soldats se sont rapprochés. Tiens, d’ailleurs, ils retirent jamais les armures eux ?

« Bon, d’accord. T’as pas une astuce à me filer avant que je retente ? Parce que j’aime bien les fessées mais, dans ce cas, la bourse m’est acquise d’office. C’est comme ça que je vole. »
« Sois moins nerveuse. Essaie de voir le bon moment, celui où tu te sens filer vers ta cible. Faut pas que tu réfléchisses trop, après tu ne fais pas gaffe à ce qui se passe autour. »
« Super, merci du conseil… »

Et me revoilà à lui tourner autour. Je ne sais absolument pas comment m’avancer sans qu’il se barre. Il est pas bigleux, il le voit bien quand je tente quelque chose. Et si… et si j’essayais de le frapper avant de prendre la bourse ? Peut-être qu’il ne pourra pas esquiver les deux… et j’aurais ce que je veux vraiment, la bourse.
Chier, il m’a dit de ne pas trop réfléchir. J’me prends la tête pour des conneries. J’en ai marre. Je m’arrête de marcher et le fixe droit dans les yeux, un sourire en coin. Faut pas qu’j’oublie qui je suis ! Les épaules dénudées, la poitrine avantageuse, la taille légèrement visible d’un côté, le tissu voilé et une dague à la main. J’ai tout pour déconcentrer.
Je m’avance lentement vers lui, comme j’ai pu le faire des centaines de fois devant des gros porcs suants, et l’envoûte comme on charmerait un chien avec un os.

« Tu réfléchis avec ta bite Liam ! Concentre toi elle va t’avoir ! »

Merde ! C’est le moment ou jamais ! Je me jette à ses pieds en fixant sa bourse, je dois la choper ! Il s’avance pour me contrer, les épaules en avant comme pour me plaquer au sol. Je me tords et le pousse comme je peux avant de m’affaler au sol, sans sa bourse.

« Hey ! C’est pas mal comme coup, un peu mesquin mais pas mal du tout ! »
« Liam ! Tu saignes ! »

Quoi ? Je me retourne et constate qu’une petite aura rouge colore la chemise de Liam, au niveau de son épaule. Il jette un coup d’œil et se retourne vers la brune.

« Ce n’est qu’une égratignure. Ça arrête déjà de saigner, ne t’en fais pas. »
« Ahah ! Je t’ai eu ! »
« Non, j’ai toujours ma bourse. Tu veux retenter une fois que t’auras réussi à te relever ? »

Il m’énerve autant qu’il m’amuse. Je suis enfin prise au jeu et je vais réussir à obtenir cette bourse. Je me relève et tente directement un pas vif vers lui. Rien ne le surprend et il se recule d’autant. Je commence à rire, la scène est presque ridicule ; je ne peux pas attraper sa bourse de cette manière. Si je ne peux pas aller à la bourse, autant qu’elle vienne à moi.

« Tu as peur ? Tu n’essaies pas de m’attaquer toi aussi ? »

Il réagit exactement comme je le souhaite. Il fond vers moi en un pas de côté pour me mettre une tape sur l’épaule. J’peux pas expliquer ce que ressens là, maintenant, mais j’ai l’impression de le regarder faire alors que je suis pourtant prête à arracher sa bourse, quitte à me faire taper. C’est un peu comme s’il bougeait au ralenti alors que ce n’est pas le cas. Sa jambe droite est à demie-fléchie, sa main droite est tendue vers moi, il est prêt à repartir tout de suite en arrière pour que je ne puisse pas rendre le coup. Je vois tout ça, et je vois aussi que son butin n’est pas protégé. Alors qu’il va me frapper je m’abaisse légèrement, comme pour me mettre à genou, et tire sur sa bourse avant de me laisser tomber en arrière, le plus loin possible de lui. Il s’était préparé à fuir, lui aussi, en arrière et se retrouve déséquilibré de devoir faire le mouvement opposé pour me retenir. J’ai réussi ! Je me redresse et tend mon butin en lançant, fière de moi :

« Je l’ai ! Je l’ai ! Je suis trop forte ! Elle est à moi maintenant ! »

Il est peut-être en train de me parler mais je n’écoute plus, je veux savoir ce que j’ai gagné. Quelques piécettes et une clef.

« J’ai aussi ce que garde cette clé ? »

Il rit et m’annonce, d’une voix qui pue l’arnaque :

« Tu as la clé, à toi de voir ce qu’elle ouvre. En tout cas, bien joué… à moins que ça ne soit de la chance ? »
« Ne dis rien, tu as perdu et c’est tout. Comment je fais pour savoir ce qu’elle ouvre ? »
« Essaie, tu verras bien. »
« Mais tu ne vas quand même pas lui donner ça ?! »
« Si si, ça faisait partie du jeu. »

Je ne sais pas ce que cette clef ouvre mais ça semble intéressant, sans quoi la dinde ne glousserait pas ainsi. Toutes ces émotions m’ont cassée. J’ai envie de pieuter. Alors, sans manières, je récupère ma robe, leur fait un petit signe de la main et m’éloigne pour une bonne nuit de sommeil sur la paille.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Bouhen
MessagePosté: Sam 18 Mai 2013 19:48 
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La petite troupe d'artistes poursuit ses chants et discussions quelques temps après que tu ailles dormir. Finalement, seuls ceux qui s'occupent de veiller font un peu de bruit, mais toujours de façon modérée. Ils s'occupent de leurs armes ou des jointures de leurs armures, sans causer de raffut gênant le sommeil.
La nuit passe tranquillement. Il ne semble pas que quiconque ait tenté de te réveiller pour t'obliger à prendre ton tour.

Au matin, les habitués de la route mettent peu de temps à se préparer, et à éteindre le feu. Les soldats ont l'air en forme, les heures passées dans leurs armures ne semblant pas les avoir gêné.

La journée de voyage qui suit, vous croisez de nouveau d'autres charrettes et des passants. Le seul événement qui vous ralentit un peu consiste en une bête coïncidence. Un vieil âne tractant une carriole chargée semble avoir rendu l'âme sur un passage entouré d'arbres, ce qui vous oblige à attendre votre tour pour passer. Visiblement, il s'agit d'un négociant qui profite de ce goulot pour vendre tout un tas de choses. Des aliments type viande ou poisson séché, des fioles de remèdes soi-disant miracle, et des objets insolites en tous genres. La cavalière dédaigne le service, mais pas Liam qui négocie âprement un bel ensemble de lamelles de viande. Sauf que c'est Bella qui doit régler, puisque tes efforts l'ont soulagé de ses possessions.

Le rythme de voyage accélère un peu ensuite, pour rattraper le temps perdu. Adrien Clairement a l'air un peu plus détendu, et même curieux concernant votre destination. Il semble s'être repris, et te fait la discussion sans vraiment dire quoi que ce soit d'important, trouvant simplement dommage que tes maigres possessions aient souffert.

En cours de route, votre guide vous fait prendre une voie un peu plus petite, mais toujours bien entretenue. Par contre, elle commence à avoir un angle marqué. Où qu'elle vous mène, c'est définitivement vers un point plus élevé.

Quand le soir tombe, la cavalière oblige le groupe à faire halte alors que les feux d'un village brillent à deux bonnes heures.
Ce soir, c'est le dresseur de rongeurs qui fait le spectacle, sous le regard dubitatif de la cavalière.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et Bouhen
MessagePosté: Lun 20 Mai 2013 20:05 
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J’ai rarement aussi mal dormi de toute ma vie… ou alors j’m’en souviens pas. J’sais pas si c’est l’odeur de la paille ou le fait qu’elle venait toujours se fourrer dans des endroits à la con, mais le résultat reste le même : J’ai les yeux collés. J’essaie d’en ouvrir un et je me retrouve nez à nez avec un cul de nain. Gros et gras.

« De bon matin c’est dérangeant… »
« Hey mais c’est qu’elle se réveille finalement ! »
« Parfait, pas besoin de le faire alors ? »
« De ? »
« Te réveiller. On démonte la tente, il ne reste que ça à ranger. »
« Euh… super. Bah allez-y. »
« Il faudrait que tu sortes alors. »
« On peut la laisser dessous aussi… »

Une nouvelle belle journée commence… À peine réveillée que la carotte me gicle son venin à la tronche.

« C’est bon, j’me bouge. »

J’emporte mes affaires à la va-vite et m’avance vers la charrette à alcool. Ils ont tous l’air en forme, ça me file mal au crâne. La route va être longue…
Le temps que tout soit rangé et le convoi reprend sa route. Blondasse est toujours à l’avant, la charrette des bouseux est toujours derrière et moi, je somnole.

« AVANCEZ ! »
« J’PEUX PAS ! T’ES CON OU QUOI ? TU VOIS PAS QU’C’EST BLOQUÉ ?! »
« Mais ils vont fermer leurs gueules eux ?! »

Je me redresse d’un mouvement et …

« Euh, il se passe quoi ? Y’a une femme nue au bord de la route ? »
« Un âne mort, il parait. »
« Et on attend quoi ? »
« Notre tour de passer. »
« Et la blondasse en armure peut pas nous faire passer devant tout le monde ? »
« Elle ne le fait pas en tout cas. »

On arrive enfin devant l’âne et je comprends mieux le temps qu’il faut pour passer. La charrette est couchée sur le flanc, comme d’âne. Y’a un barbu vieux, comme l’âne, qui est debout à côté. Et autour, y’a des marchandises en vrac. Forcément, Liam ne peut pas s’empêcher de repérer de la viande séchée et commence à marchander.
Le vieux est aux aguets parce qu’il me voit quand je me penche pour ramasser un collier de perles noires.

« Il est à vendre aussi. Cent cinquante yus.
… Je reviens à vous tout de suite monsieur, mais je ne descendrais pas plus bas. »

« Vous avez cru que j’étais à traire ?! »
« Mais ce collier est magique ! »
« Votre embrouille aussi… De toute façon, je ne l’aime pas, ce collier. »

Je continue cependant de parcourir les marchandises étalées et celles en équilibre branlant sur la charrette. Le marchand revient vers Liam et j’en profite pour fouiller un peu. Je ne sais pas à quoi servent la plupart des objets que ce gars vend mais vu les prix qu’il m’annonce régulièrement, je sens que ça doit être pas mal.

« Regardez un peu ça. Je l’ai récupérée à Cuilnen. Une paire de lunettes aux propriétés fascinantes ! »
« Une paire de quoi ?! »

Il me montre deux cercles en métal accrochés à des tiges. C’est franchement laid.

« Des lunettes, comme un lorgnon mais pour les deux yeux. »
« Je vois. »
« Mieux avec ces lunettes ! Elles vous montrent ce qui est caché ! »

« Je prends. »
« Prenez le temps de réfléchir, ma dame, je m’occupe de votre ami et je reviens. »

L’ami en question, Liam, me fait rire. Il marchande pour acheter… avec les yus de la rousse. Elle me fusille du regard alors je ne résiste pas et sors la bourse gagnée hier soir.

« Je prends votre machin pour voir. »
« J’arrive tout de suite. »

Liam paie, puis c’est mon tour. Quatre-vingt-dix yus quand même ! Heureusement que ce n’est pas mon argent.

La blonde nous incite à repartir, les passants derrière nous aussi. La cavalière-larbine presse le pas et derrière nous discutons. Mes lunettes font partie des sujets mais je préfère suivre le conseil du marchand, même si c’est un voleur, et attendre avant de les essayer.

Le soir arrive enfin et le gros lard joue avec ses rats devant tout le monde. Ça m’intéresse moins et je commence à avoir l’entre-jambes qui chatouille trop pour rester à regarder ça.
Dépitée, et crevée, je reprends ma place sur une couche et espère une nuit meilleure.

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