Sirat étouffait, ses liens se resserraient sur sa gorge, l'asphyxiant. Sa vision se troublait, son cœur battait fort, mais de plus en plus lentement lourd et pesant dans sa poitrine. Il observa Guasina qui essayait de lui venir en aide. La petite lutine courrait vers lui, mais le monstre arriva sur elle, lui coupa la route frappant de toutes ses forces avec son épée. L'archère dû sa vie qu'à un réflexe instinctif et sauta au dernier moment évitant le tranchant de la lame, mais pas la partie plate. Elle tomba inanimée à terre, roulant comme un ballot de paille au gré du vent.
La vue de son amie sur le sol, inconsciente, rendit fou l'humoran qui tenta de se relever mais, les chaînes l'enlacèrent de plus belle, coupant l'apport de l'oxygène et le réduisant à se soumettre. Sa vision était de plus en plus flou, il sentait ses forces l'abandonner tandis qu'il regardait, impuissant, son bourreau s'approcher de lui dans un ricanement d'outre-tombe. Sirat jaugea son glaive, il n'était pas si loin. Il se laissa choir sur le ventre, porté par un mince espoir, une main sur ses entraves l'autre tentant d'attraper son arme à portée. Mais il manquait d'énergie, déjà ses idées vacillaient et son sang ne remontait plus à son cerveau congestionnant chacun de ses sens. Sa main étendue effleura la garde. Le cavalier posa le pied sur l'épée, réduisant à néant les chances de l'Humoran de la récupérer. Le monstre allait donner le coup de grâce.
"Ô Zewen, écoute ma prière... donne moi ta force, viens moi en aide... je .. t'..en .. prie ... "Sirat murmurait sa prière tout en gardant l'espérance de reprendre son arme. Sa vie le quittait, elle s'effilait surement sans qu'il ne puisse rien y faire. Enfin animé par un miracle, celle-ci commença à réagir, il sentait au fond de lui, sa magie se manifester, elle bouillonnait tout doucement. Mais, il était trop tard, il n'avait plus la puissance nécessaire pour se relever, se sauver. Le cavalier décida d'en finir et leva sa claymore bien haut dans le ciel, avant d'être percé violemment par une flèche en plein thorax.
Le coup avait été tel qu'il recula et leva le pied de l'arme de Sirat. Celui-ci sentit soudainement l'énergie envahir sa lame. Dans un effort à la limite de l'inconscience, L'Humoran attrapa son glaive, le pointa vers ses chaînes. La lumière qui jaillit du glaive éclata au contact des liens de fer les réduisant en pulpe visqueuse et brûlante.
Aucun son ne sortit de sa gorge meurtrie. Il tentait de retrouver son souffle tandis que sa vision encore troublée se porta derrière lui. D'où provenait cette flèche salvatrice? Alors, il l'aperçut, c'était un Woran sombre et il le distinguait à peine de là où il était, mais déjà il armait une seconde flèche.
En effet le cavalier n'avait pas dit son dernier mot, il avait brisé la flèche planter dans son corps, ne laissant dépasser qu'un léger bout de bois. Il hurla contre cette frustration et cette résistance qui mettait sa patience à rude épreuve. Ce voyageur allait regretter de l'avoir retardé dans ses plans. Le deuxième trait se planta dans son bras armé, son visage de macabre, traduisit une certaine surprise, avant de reprendre son sourire décharné.
Quoi qu'il en soit, cet archer providentiel avait donné du temps à l'enchanteur pour retrouver ses esprits. Sirat raffermit sa prise sur son glaive et se retourna faisant face à son funeste destin. Sa colère attisa cette flamme qui consumait son âme et se rependit dans son corps, irradiant son être tout entier. Il ressentait l'énergie magique l'embrasser et l'embrasser.
Son coeur s'enflammait, enfin l'humoran esquissa un rictus féroce à son ennemi. Comme il l'avait fait lors de son combat contre le titan sur l'île, il frappa le sol de toutes ses forces, laissant son énergie se déverser. Il perçut la terre l'écouter et lui répondre, le sol trembla, se fissura pour laisser s'exprimer sa puissance.
Un monticule de terre s'éleva, grossit et éclata autour du guerrier squelette, dans un grondement de tonnerre. La masse bien au-dessus de lui retomba dans un fracas assourdissant de roches et de terre, l'ensevelissant de tout son poids. Le silence retomba, Sirat attendit un instant pensant que tout était fini, mais une main osseuse s'extirpa du sol avec un grondement de rage et de souffrance. Le corps cachectique et purulent du chevalier avait refait surface. Il bramait, expulsait la boue et les gravats de sa bouche et de ses entrailles. Voûté il semblait avoir souffert, mais lorsqu'il releva la tête...
Un troisième trait vint alors se loger dans l'oeil noir et sans vie de ce dernier, lui arrachant une énième plainte, il porta sa main à son visage comme pour panser cette nouvelle blessure encore béante. Sirat y vit le moment d'en finir, il s'approcha de son ennemi et lança un coup circulaire, l'alchimie de sa lame laissant une trace derrière elle, il le décapita et mit un terme à cette cacophonie. L'oasis retomba dans sa quiétude, comme si rien ne c'était passé. La faune reprit le dessus et les bruits revinrent, tandis que le crâne sans vie roulait sur le sol, une flèche dans un de ses orbites. Le corps s'effrita, tombant sans vie, comme un pantin désarticulé, reposant sur le sol encore retourné de l'invocation de l'enchanteur. Le mystérieux sauveur passa rapidement près de Sirat pour se porter au secours de Guasina.

C'était un Woran sombre aux reflets bleutés, le corps musclé et svelte et un visage dur et amer. Les cheveux longs et noirs comme l'ébène, virevoltaient au gré du vent, des yeux ambre paraphaient son visage. Sirat comprit qu'il faisait face à un aventurier aguerri. Il attrapa la lutine et lui fit boire un breuvage, Sirat se remettait à peine, il tituba jusqu'à eux. La culpabilité de ne pas avoir pu aider sa nouvelle soeur le rongeait, mais cet inconnu bienveillant leur avait sauvé la vie. Il s'approcha et d'une voix encore mal assurée et étouffée pour le remercier. Le woran se releva, laissant la lutine reprendre ses esprits.
"Je m'appelle N’Kroen AngH’Tron ; j'ai fait ce que je trouvais juste, vous auriez fait la même chose pour moi."Sirat acquiesça, acceptant la gourde que lui tendait son sauveur. Il la termina d'une traite et sentit ses douleurs s'estomper peu à peu.
"Moi, c'est Sirat et mon amie c'est Guasina."Il se posa par terre, encore épuisé des efforts qu'il venait de fournir. N'kroen fit de même, sortant de quoi manger. Sirat gêné s'empressa de fouiller dans son sac afin de partager sa propre pitance.
"Nous allions sur Bouhen et vous ?"N'kroen observa l'humoran avec un sourire paternaliste.
"Moi, jeune ami, je cherche ma fille une humorane comme toi. Vous devez avoir le même âge, J'avais eu vent qu'elle était sur Bouhen, mais il faut croire que je suis arrivé trop tard, elle n'y était plus. J'ai perdu sa trace, entre Kendra Kar et Bouhem. alors je retourne vers Kendra Kâr, pour fouiller un peu là bas."Sirat resta perplexe, ce père qui cherchait son enfant, le ramena au sien qui ne voulait pas entendre parler de lui. La fatigue aidant, son visage s'attrista. Il mordit dans son bout de pain et fit signe à Guasina qui semblait s'être réveillée. Le visage de son amie en vie lui rendit un peu de chaleur dans son cœur, encore enivré par son spleen.
"Et vous comment ce fait il qu'un monstre comme celui-ci vous ai attaqué ?"Sirat repensa aux mots du cavalier, puis il tenta de les occulter. Il ne pouvait se confier sur des suppositions aussi aléatoires. Il était sur maintenant que sa vie était liée à Zewen, mais un nouvel élément était rentré en compte, on voulait le tuer. Ce dernier point le contrariait. Il observa son amie, il l'avait mise en danger et pour cela il ne saurait se pardonner.
"Nous manquons de chance."Dit-il avec un sourire gêné.
"Mais au fait peut-être l'ai-je déjà rencontré, comment s'appelle t-elle?"Il avait changé de sujet, d'une manière plus que subtile. Peu à peu, il passait maître dans cet art du subterfuge et du non dit.
"Elle s'appelle N'Kpa, N'Kpa Ithilglî""Non cela ne me dit rien, J’espère que vous retrouverez votre fille. ""Je l'espère aussi."Répondit N’Kroen l'air pensif. Il continuèrent à parler, profitant d'une paix retrouvé au bord de ce lac. Puis l'archer regroupa ses affaires, et se releva afin de reprendre la route. Il les salua et s'éloigna au loin, son ombre gigantesque bercée par le soleil plongeant.
Sirat s'allongea le corps meurtri, la potion de soins ne calmant pas toutes ses douleurs et ne cicatrisant pas ses plaintes intérieurs.
"Laisse moi encore un peu de temps et on reprendra ta route pour l'ermitage."La fin d’après-midi avait été riche en émotions et avant de reprendre leur aventure, il voulait juste avoir un moment à lui pour tout décanter.