J’avais tendu une sacrée perche à Oryash et elle ne tardait pas à en profiter pour me taquiner et je m’en sentais d’autant plus mal à l’aise.

« Je n’ai pas l’habitude de faire de tels aveux… »

Je tournai la tête pour lui sourire et elle m’asséna un coup de grâce en complimentant mes yeux. Je ne sus jamais si c’était ses parole ou le fait d’être à moitié retourné sur la selle, mais Pynoa fut troublé par mes mouvements anarchiques et elle commença à dévier sur le coté, nous rapprochant dangereusement d’Oyash et d’Herumor. La panique m’inonda le crâne et je tirai sèchement les rênes pour ralentir mon cheval. Il s’exécuta en s’ébrouant, mécontent d’une telle conduite, et le ralentissement brusque ma planqua contre son encolure. Le choc était rude mais sans plus de gravité. J’allais juste avoir probablement un beau bleu aux cuisses.

« Désolé Pynoa, je vais faire plus attention. »

Après une rapide caresse, je lançais à nouveau mon étalon sur la route pour rejoindre Oryash.

Un sourire égaie mon visage encore davantage à l’énonciation de ses dernières paroles.

« Ah mais je ne peux que rejoindre l’adage de ce moine de Khan que tu viens de citer. J’y adhère sans hésiter, même si cela ne prouve en rien l’existence d’un destin. Quant aux autres préceptes de ta vie, religion et honneur, je ne trouve pas qu’ils soient tristes ou déprimants. La vie d’ascète ne me conviendrait bien sûr que trop peu, car c’est bien de la vie dont je suis amoureux ! Voilà la croyance qui, chaque jour, égaye mon cœur. »

Nul besoin de prier pour se sentir exister. Nul besoin de se confiner à des lois strictes pour profiter de sa liberté. Voilà la vie idéale que je mène. Sur le papier, ça sonne bien, évidemment. Mais en vérité, je sais que je ne peux être totalement insouciant, face aux responsabilités qui m’incombent. Le tout étant de le prendre avec légèreté.

Si un problème a une solution, ce n’est pas un problème. Si un problème n’a pas de solution, alors s’inquiéter n’y changera rien.

Ça résume finalement assez bien mon existence, ma façon de penser. Ainsi, en partant de points opposés, mes avis se sont retrouvés mêlés à ceux de l’humain.

« D’où te vient cet amour pour l’érudition ? »

J’ai l’impression de passer du coq à l’âne, mais mentalement, l’idée est suivie par un développement logique. Un parallèle entre le savoir et la religion. Antinomie ou, au contraire, voie d’apprentissage ?

Précédemment: Il me plait



Cet homme demeurait un mystère et cela plaisait vraiment à Oryash. Elle sentit le trouble de Lilith s'aggraver quand elle le complimenta. Et allez donc savoir pourquoi, leurs montures se rapprochèrent ou plutôt celle de Lilith fit une embardée vers Herumor, attirée comme par un aimant.
La collision semblait inévitable et fort heureusement l'humain d'Ynorie eut la présence d'esprit de freiner sa monture avant que tout deux ne se télescopent.
La Phalange de Fenris, prit un peu d'avance sur son compagnon de route et ralentit la course d' Herumor afin de permettre à Lilith de la rejoindre, ce qui ne tarda pas.

"C'était moins une! Pour un peu on se retrouvait tout les deux par terre! Tu voulais toucher c'est ça?"

Elle lui fit un clin d'oeil, prenant ce petit incident à la dérision avant de rire.
Oryash ne s'était pas sentie aussi bien depuis longtemps. Finalement ce début de mission se révélait intéressant.

"Je vois que tu en est au même stade que moi niveau monture, c'est pas encore ça. Je suppose que ça nous viendra à l'usage."

Le trot était finalement pas si mal et permettait de discuter plus aisément que le galop. De toute façon rejoindre le groupe n'était pas la priorité d'Oryash. Certes Duncan et Halkmir étaient de compagnie fort agréable, mais l'idée de revoir Salymïa et Aenaria ne l'enchantait pas vraiment. Aussi préférait-elle s'attarder.

De toute façon Oryash avait toujours eut de mal à s'entendre avec les femmes. Elles les trouvaient trop superficielles, trop occupées à se pomponner, à se plaindre pour un oui ou un non, trop émotives et sensibles aussi. Elle n'était rien de tout ça. La vie avait été tout autre pour elle et pour rien au monde elle n'aurait voulu d'une vie comme la leur.

Oryash avait ralenti sa monture et je pus la rattraper aisément. En me voyant arriver au petit trot, elle me charria directement en suggérant que cette collision manquée était un acte délibéré. J’éclatai de rire, préférant prendre avec légèreté l’incident.

« Oui voilà, je n’ai pas résisté ! »

Elle me confia par la suite qu’elle était aussi une novice à cheval, chose qui me rassura quelque peu.

(J’avais peur d’être le seul du groupe à être débutant en équitation.)

Nous avancions à une vitesse moindre maintenant, oubliant le galop qui rendait toute discussion dangereuse, mais la dame blanche demeura silencieuse, perdue dans ses pensées. Je décidai de revenir sur le sujet des glaces car la pensée du paysan mort me revenait déjà à l’esprit.

« Dans les montagnes de Nirtim, il existe des jours où le soleil effleure les cimes en début de journée et sa lumière se teinte de nuances irisées surprenantes, si bien que chaque pic à l’est de mon chalet était une pointe sombre auréolée d’une sorte d’aura glaciale et les monts à l’ouest voient leurs versants peints avec des couleurs rosées et orangées. Et lorsque je me réveillai un tel jour, j’imaginai que ces splendeurs étaient bien plus nombreuses dans les monts éternels où la neige est plus pure et immaculée. »

Rêveur, j’adressai un sourire radieux à la phalange de Fenris.

De petit débat enrichissant vient de naitre un point de ressemblance entre Sieur Cromax et moi. Bien que nos modes de vie soient radicalement différents, dans le fond, nous nous ressemblons. Nous vivons tous les deux la vie comme elle vient, lui par choix, par désir de liberté, moi parce que je suis persuadé que tout est écrit et que je ne peux rien y changer.

Vient alors une question qui me surprend un peu dans le contexte, mais c'est avec plaisir que j'y réponds. Je suis parfaitement à l'aise maintenant et j'apprécie de plus en plus la compagne de Messire Cromax.

" Mon érudition ? Cela remonte à mon enfance. Tout petit déjà, j'étais grand, très grand pour mon âge et vous savez, les enfants peuvent être cruels entre eux. Moi, le grand blond, au milieu des ynoriens, j'étais l'objet de moult brimades. Je ne sortais donc que très peu et je passais mes journées enfermé dans le bibliothèque de mes parents, à lire tout ce que je pouvais, à accumuler toutes les connaissances possible. Et petit à petit, c'est devenu une passion, une raison de vivre. J'aime apprendre, savoir, connaitre. Mais le prix à payer fut l'isolement. J'ai 27 ans maintenant, et je peine toujours à parler aux gens que je ne connais pas, même si depuis mon arrivée au temple, les choses vont de mieux en mieux de ce côté."

Et sans pouvoir me retenir, je me mets à rire doucement.

Précédemment:un petit incident. Volontaire ou non?



Oryash avait réussi à détendre Lilith et c'était toujours ça de gagner. Il semblait moins gêné à présent.
Il en profita pour relever la plaisanterie de la peau blanche et cela la fit sourire avant que son esprit ne divague vers d'autre point de préoccupation.
Oryash se rendit soudainement compte que Lilith venait de s'adresser à elle, lui parlant de son monde, de son chalet et des montagnes qui l'entouraient. Il se dévoilait lui souriant pleinement.

"Les monts éternels sont de loin l'endroit que je préfère. Tout est calme, hors de portée du commun des mortels. Les paysages glacés sont de toute beauté et tout comme chez toi, ils s'habillent des teintes sublimes. J'aime à les parcourir parmi les loups ou solitaire.
Il est vrai que nos montagnes recèlent bien des dangers et je m'y sentais en sécurité comme nul par ailleurs, mais tout ça c'était avant...."

Elle laissa sa phrase en suspend avant de revenir à Lilith...

"Alors comme ça tu possèdes un chalet. Je vivais dans une yourte faite de bois et de peaux de bêtes. Démontable et donc facile à déplacer en fonction des déplacements du gibier. On y trouve des fourrures où nous dormons, quelques meubles pour ranger nos armes, des lampes à huile en stéatite et un petit nécessaire pour cuisiner. Rien à voir avec le luxe du temple.

Que te dire de plus...ah oui ....Nous vivons en meute comme les loups qui font partis intégrale de nos vies. Ils sont même des alliés très utiles en cas de conflits. C'est sans doute ce qui me manque le plus, les loups. J'ai cheminé tellement souvent avec eux à travers nos désert glacés.

Niveau éducation c'est comment dire particulier. Nous grandissons tout d'abord sous la protection du couple dominant, mais dès qu'on commence à parler, on nous laisse livrer à nous même. Alors autant te dire que tu n'as pas le choix, c'est survivre ou mourir.
Et crois-moi dans ces cas là, on est sans pitié. C'est une lutte perpétuelle pour la survie et pour l'affirmation de soi au sein de la meute. Les faibles n'ont rien à faire parmi nous.

Nous ne nous mêlons guère aux autres peuples et à vrai dire nous n'en connaissons pas la plupart des noms. Aussi quand l'un d'eux s'aventure sur nos terre on se demande toujours si ça se mange, la première fois qu'on en voit un. On vit isolé de tout et de tous et cela convient à la plupart d'entre nous."

Elle arrêta là ayant donné dans les grandes lignes sa façon de vivre qu'était la sienne sur Nosvéris.

"Un jour, je te guiderais à travers les monts éternels si Fenris et Yuia me permettent d'y revenir."

Une air mélancolique passa sur son visage.

Ma petite histoire la charma et la poussa à me conter aussi son petit monde. J’écoutai attentivement, ne perdant pas une miette de ses descriptions. Elle suspendit un instant ses paroles, abordant sans aucun doute un sujet douloureux ou délicat pour elle.

(Chacun a ses cicatrices… Il me faut respecter son silence.)

Je ne lui posai aucune question à ce propos et je la laissai continuai. Elle rebondit sur l’évocation du chalet pour parler de la vie dans sa tribu nomade. C’était passionnant de découvrir les us de ce peuple et leurs liens si particuliers avec les loups. Je m’abreuvai de ses paroles, imaginant les situations sur Nosvéris, ignorant royalement les plaines kendranes que l’on traversait en badinant. Oryash conclut alors sur une invitation surprenante vu que l’on se connaissait depuis moins d’une journée. Néanmoins, je me réjouis de l’entendre.

« Je serais ravi d’y aller avec toi. A propos de ce chalet, c’est celui de mes parents. Nous avons eu une vie plutôt isolée, vivotant avec ce qu’on pouvait faire par nous et croisant quelques marchands chaque mois. C’était une existence simple, mais ennuyante à la longue… Dis moi, ton peuple est très liés aux loups, alors je me disais qu’il y avait peut-être un lien : Il y avait une sorte de loup cornu près de la ferme. Sais-tu ce qu’il était ? »

Je lui jetai un air interrogateur, puis tirai un peu sur les rênes de Pynoa pour éviter quelques voyageurs à pied que nous allions dépasser.

Duncan se met tout d’un coup à narrer son histoire, mettant en avant la solitude de nombreux de ses soirs. Son enfance gâchée par les moqueries des autres a trouvé une signification dans la lecture de parchemins anciens, de livres antiques, de grimoires secrets et autres bouquins cachés. Cependant, il me prend comme sujet-témoin pour que j’acquiesce ses dires. Hélas je ne le peux, n’ayant moi-même rien vécu de semblable.

« Je ne saurais dire si je vois de quoi tu veux parler. J’ai eu une enfance bien différente de la tienne. Durant toute ma prime jeunesse, je n’ai côtoyé qu’un très vieil elfe vert qui s’était retiré de son clan à jamais… Il m’a voué le reste de sa vie, m’éduquant, m’enseignant, les préceptes et savoirs qu’aujourd’hui je maîtrise. Aucune autre présence, sinon celle des animaux, des arbres et éléments. C’est dans des bois profonds que j’ai grandi, loin de toute civilisation. »

Aussi ne puis-je me donner un nom. Que ce soit de lieu ou de famille, seul Cromax est ma désignation. Ce nom que j’ai bâti de mes mains, à mesure que ma vie avançait, que mes exploits grandissaient. Je me réjouis tout de même de le savoir si loquace avec moi, alors qu’il ne me connait que peu.

« Quoi qu’il en soit, je remarque que tu n’as pas de peine à me parler. Je le prends comme un compliment. »

Et mon visage de Sidë lui lance un sourire à la dérobée.

Le passé de Sieur Cromax est bien différent du mien, plus imprégné de solitude et au fil de ses paroles, j'éprouve encore plus de respect pour lui. En comparaison, les brimades de ma jeunesse sont bien peu de choses.

" En effet, un passé bien différent du mien. L'elfe que vous mentionnez devait être un grand homme. Dévouer sa vie à l'éducation d'un enfant est une chose très honorable."

C'est alors que Messire Cromax me fait une remarque fort judicieuse. Il est vrai que face à lui, jamais je n'ai bégayé, jamais je ne me suis plongé dans un mutisme gêné et je ne sais pas vraiment l'expliquer.

"Vous pouvez. Je ne sais pas vraiment l'expliquer, mais je vous ai juré allégeance et vous avez donc toute ma confiance. Bégayer comme j'ai l'habitude de le faire pendant mon serment aurait été une véritable honte pour moi et je suppose que depuis ce moment, j'ai gardé la capacité à vous parler avec aisance."

Jetant en arrière mes cheveux qui commence à tomber devant mes yeux, je tourne la tête vers Sire Cromax, en m'inclinant légèrement.

"D'ailleurs sachez que même une fois que notre mission sera accomplie, je vous resterai dévoué. Je ne sais pas dire pourquoi, mais je sens que ma place est à vos côtés, sous vos ordres."

précédemment: Un rien nostalgique



Il était fascinant de constater que Lilith était suspendu aux lèvres d'Oryash alors qu'elle lui comptait son histoire. Quand elle eut terminé son petit discours, il narra sa vie dans les montagnes. Précisant que le chalet appartenait à ses parents et qu'ils vivaient isolés de tout, faisant affaire avec des marchands de passage à l'occasion. D'une certaine façon, tous deux avait vécu loin du monde extérieur et tous deux avaient aspiré à autre chose à un moment donné de leur vie. Puis Lilith vint à faire un rapprochement entre les loups et l'étrange animal cornu qu'il avait aperçu près de la ferme et interrogea Oryash à ce sujet. Elle eut un petit sourire malicieux avant de lui répondre.

"Ce que tu as vu s'appelle un Woger. C'est un cousin des loups de part son apparence mais ça s 'arrête là. Adulte il atteint deux mettre cinquante de long pour cent kilos à quelques chose près. Il possède aussi un pouvoir, celui de la foudre. Lorsqu'il est en danger, un éclair se forme entre ses cornes. Il se sert également de ce don pour chasser. Cette espèce ne se trouve que sur Nosvéris alors imagine un peu ma surprise quand j'ai vu celui-ci en terre Kendranne.
Lui et moi avons fait connaissance il y a quelques semaines et depuis on ne se quitte plus. Je n'occupe plus ou moins de lui, le nourrissant parfois mais la plupart du temps il se débrouille seul. Je ne veux pas en faire un animal domestique. Il est né pour être libre et le resté. Et je compte bien le ramener un jour sur Nosvéris.

Duncan pense qu'il a trouvé en moi une protection et la mère qu'il lui manque. Je ne sais s'il a raison, mais en tout cas, où que j'aille, je le retrouve sur ma route, comme tout à l'heure. D'ailleurs je m'étonne qu'il n'ait pas encore réapparu. C'est peut-être le fait que tu sois à mes côtés qui le dérange. Quoi que cela m'étonnerait beaucoup, vu qu'il s'est approché de moi à la ferme et que la présence de Duncan n'a pas semblé le troubler plus que ça.
Il se manifestera peut-être à la nuit tombée et tu auras alors la chance de le voir de plus près.Enfin si ça te tente bien entendu"

Oryash évita de justesse un sale gamin qui avait échappé à la surveillance de son père et eut un grognement animal menaçant.

Je n’ai pas si éloigné du compte et Oryash m’expliqua tout du Woger. Je n’avais pas entendu parler de cette espèce, sans aucun doute car les contes de mon enfance prenaient rarement racine dans le continent des glaces, si ce n’était l’histoire de Nosvéria. Le lien que la demoiselle entretenait était surprenant car il m’avait paru bien sauvage, mais certaines légendes naissaient de ce genre d’amitié. Lorsqu’elle évoqua un nom inconnu, J’affichai un air interrogateur.

(Duncan ? Qui cela… ah oui, le grand guerrier.)

Le contexte me laissait supposer qu’il s’agissait d’un homme dans le groupe dont nous faisions partis et par principe d’élimination, il ne restait que ce soldat ynorien. J’effaçai donc mon questionnement facial pour simplement sourire à la suite de ses paroles.

« Tes paroles sont sages et je suis sûr que tu sauras bien le guider. En tout cas, il y a du monde sur la route et il doit préférer se tenir à l’écart quand il y a trop de monde. Nous aurons plus de chance ce soir effectivement. »

Je regardais au loin, mais ne voyais toujours pas les chevaux des autres.

« Je sais qu’on a encore toute la journée sur la route de Bouhen, mais je n’aime pas être séparé des autres, on ne sait jamais ce qu’il peut se passer. On devrait accélérer. »

C’était plus une affirmation qu’une question. Nous avions tout le temps que nous désirions pour parler les prochains jours, mais le moindre incident pourrait être problématique si on restait éloigné et hors de vue des autres. Je fouettai l’air avec les rênes et donnai un coup de talon sec pour lancer Pynoa au galop.

Précédemment:Explications sur le Woger



Il était étrange pour Oryash de se rendre compte que le Woger lui manquait. Oui, il lui manquait et les paroles de Duncan lui revinrent en mémoire.

(Parviendrez-vous à vous séparer de lui ?)

Elle s'attachait à cet animal et bien qu'il demeurait encore sauvage, elle aurait aimé pouvoir le garder, mais elle savait qu'il ne fallait pas. Sa place était au milieu des siens sur Nosvéris.
Lilith lui confia qu'il n'avait pas de doute quand à sa réussite concernant le Woger et qu'elle saurait le guider.
Elle lui sourit d'un sourire sans joie avant qu'il ne décrète qu'il était temps de rejoindre les autres. Qu'il n'aimait pas être loin d'eux et qu'il pouvait arriver n'importe quoi.
Aussi lorsque Lilith lança sa monture au galop elle eut une petite grimace.
L'idée de revoir son ancienne camarade de mission ne lui plaisait pas, mais elle n'avait pas le choix. Pour s'encourager à rejoindre le reste du groupe, elle pensa à Halkmir et à Duncan avec qui elle avait eu de bons échanges. Avec Lilith en plus cela promettait de bonnes veillées au coin du feu.
Aussi se décida-t-elle finalement à lancer à son tour, Herumor au galop.
Le cheval à la musculature massive s'élança avec légèreté en hennissant, comme si se dégourdir enfin les sabots lui plaisait.
Lilith avait pris un peu d'avance et Oryash ne chercha pas à le rattraper.
Faire cavalier seul pour quelques lieux lui serait agréable.

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« Oui, c’était un elfe bon. J’ai été chanceux de l’avoir… »

Sans lui, je n’aurais jamais été formé à quoi que ce soit. Peut-être serais-je encore dans la forêt de Tulorim, à errer et chasser avec griffes et dents. Sans doute serais-je mort, d’ailleurs, et n’aurais-je pas connu tout ce que je connais maintenant. Tout ce bonheur, ces personnes, ces aventures. C’est grâce à lui que j’ai survécu, et que je vis aujourd’hui. Un vague sourire nostalgique se peint sur mon visage à l’évocation de son souvenir.

(Qu’il repose en paix.)

(Son âme a trouvé le chemin du monde de la Mort, tu en as eu la certitude.)

En effet, j’ai vu de mes yeux son âme se fondre dans les Enfers, à jamais. Je reprends conscience du trajet que j’effectue alors que Duncan poursuit la conversation. Il me rappelle sa dévotion, et m’indique même qu’il est prêt à me rester fidèle même une fois la mission finie. Je lui souris chaleureusement.

« Plus à mes côtés que sous mes ordres, Duncan. Je préfère être pour vous un compagnon qu’un chef. Quoi que vous en pensiez. »

Et je lui fais un clin d’œil. Je le considère comme un pair, et non comme un être inférieur, même hiérarchiquement. Tous amants, voilà ce que nous sommes. Et voyageant vers un but commun.

Notre conversation se tarit, et nous poursuivons notre avancée sur la route, alors que la journée avance petit à petit. L’après-midi est bien avancée lorsque je freine ma course. Sur ma droite, je reconnais sans mal la piste de terre qui m’a emmenée, voici une année, vers les bois sombres. C’est notre chemin, également, cette fois. Je freine l’allure jusqu’à m’arrêter totalement, au croisement. Lune se met de biais, afin que je puisse voir mes compagnons arriver en file éparse. J’attends que le petit groupe se rassemble. Une fois tout le monde à ma hauteur, j’attends que nous ne soyons entourés de personne d’autre que notre groupe pour m’exprimer.

« Nous allons bifurquer au Nord, par cette piste. La route est moins nette, aussi je vous demanderais de rester toujours en vue, afin de ne pas nous perdre en route. »

Et sans attendre de réponse, je me lance sur la piste de terre, toujours en tête.

Oryash accéléra, mais ne sembla pas chercher à me rattraper. Sans doute aimait-elle un peu de solitude de temps à autre, aussi je ne m’attardai pas et continuai ma course. Il me fallut un bon moment de galop pour rattraper les autres membres de l’expédition. Pynoa avait beau être un bon cheval, les mouvements hachés de son allure étaient un peu trop secs pour mon délicat postérieur de piéton et une douleur cuisante naissait doucement mais sûrement dans mon fondement. Ce fut donc avec soulagement que j’atteignis les autres et pu reprendre un doux trot en me calant derrière Salymia et Aenaria qui discutaient.

(Bon, me voilà enfin avec les autres)

La suite du voyage fut alors paisible et je laissai mon esprit dériver en regardant les paysages verdoyants du sud de Nirtim. Je resongeai à ce pauvre homme, réduit au néant par ma faute. Un moment de colère m’avait transformé en un couperet mortel, rendant une justice cruel et biaisée.

(Je ne vaux pas mieux que Nabui et Auguste.)

Ruminant de sombres pensées et me flagellant mentalement, je poursuivis mon analyse de la situation qui, le calme étant revenu, me permettait de poser à plat tous les éléments. J’avais agis stupidement, lâchant prise à cause d’une simple frustration. Sous prétexte que les autres avaient ruinés la situation, j’avais osé jouer à ce jeu de l’escalade. En poussant la réflexion plus loin et en me rappelant comment j’avais lancé mon sort fatal, de manière implacable et propre avec une décharge brut de froid, je fis un constat terrible. J’avais abandonné tout contrôle. J’avais laissé la magie prendre le dessus et s’acharné sur la première cible contrariante.

(Encore…)

C’était toujours la même histoire. J’avais beau avoir travaillé ma magie, je n’ai pas encore maître d’elle et j’étais pitoyable.

(Qu’est-ce que Kristal penserait de moi ? Malgré tout son aide, je n’ai pas réussi.)

A force de tourner cette histoire dans ma tête, je fus tiraillé entre deux sensations opposées. D’un coté, j’étais dévasté d’être retombé dans mes travers et je m’en voulais pour cette mort injuste. Mais d’un autre, je pouvais constater une amélioration, une perte de contrôle moindre. Mon travail avait servi à quelque chose et un beau jour, il allait porter ses fruits. Ca ne rachetait pas mes actes, mais une lueur d’espoir naissait dans un coin de mon esprit.

Nous avancions à un bon rythme, passant lieu après lieu, vallon après vallon. En fin d’après-midi, je commençai à souffrir de cette longue ballade équestre et j’avais hâte que le soleil décrût pour que l’on pause le campement. Mais il restait quelques heures et je pris mon mal en patience. Au bout d’un moment, Cromax arrêta le groupe pour donner quelques instructions. Un sentier s’écartait de la route principale et nous allions devoir l’emprunter en restant assez rassemblés pour la fin de la journée.

Je profitai de cet interlude pour rejoindre Cromax en tête de file. Son apparence féminine me déstabilisai un peu, mais je prenais soin de ne rien laisser paraitre. Je tournai mon visage vers la rousse à la peau céruléenne.

« Alors Dame Sidë, comment allez vous ? »

Ca sonnait tellement faux que je soufflai de dépit et repris le dialogue un peu autrement.

« Je voulais m’excuser pour tout à l’heure. J’ai… J’ai déconné. »

Je plongeai mon regard dans ses yeux couleurs d’eau, craignant d’y voir un reproche.