La phalange goûta à son tour la boisson à la limite du corrosif et elle jura sur les dieux de ne plus toucher à cette boisson. Je ne pus m’empêcher de sourire en l’entendant, puis je parcourrai distraitement du regard l’établi pendant qu’elle plaçait la fausse arme du crime dans la main du paysan. Rien que de réellement intéressant. L’homme n’était qu’un vieux fermier ne vivant que pour travailler dans sa ferme et survivre de sa maigre pitance. Il n’avait pas mérité le sort que je lui avais réservé et l’approbation de ma collègue ne soulageait pas le sentiment de culpabilité de commencé à gronder en moi.

Mais elle me changea rapidement les idées en abordant une drôle de confession et j’oubliai l’espace d’un instant mon homicide.

« Vraiment, je peux passer pour une phalange de Fenris ? Je n’y aurais jamais pensé. »

Son regard d’acier rougeoyant m’examinait de part en part et j’étais un peu gêné. Elle remarqua alors à mon doigt l’anneau magique que j’avais obtenu un an plus tôt.

« Ah non, je n’ai pas eu cette bague là-bas. C’était un cadeau du roi kendran pour services rendus. Mais je compte bien aller un jour à Nosvéria. J’en rêve depuis longtemps… Et toi, y es-tu allé ?...Au fait, moi c’est Lillith, et toi ? »

La proximité avec cette femme à la peau blanche comme la neige, belle et cruelle, me déstabilisait et rester dans la grange mortuaire n’arrangeait rien. Aussi, je décidai d’en sortir et de me diriger vers mon cheval, invitant la demoiselle d’un signe de tête à poursuivre la discussion en avançant.

L’homme parait estomaqué de surprise face au pouvoir de mon arme. Qui ne le serait pas ? Moi-même, j’ai du mal à me rendre compte de ce que je tiens entre les mains, tant c’est énorme et unique.

(Arrête, gros vantard.)

Je décide de ne pas m’arrêter aux commentaires de Lysis, et je transforme à nouveau l’apparence de mon arme pour la ranger dans son étui, sous forme de dague. Son commentaire sur son incapacité à la posséder m’indique que je ferais mieux de ne pas montrer ses pouvoirs à tout le monde, de peur d’attirer les convoitises.

(Mais mon amour, tu ne peux qu’attirer les convoitises…)

Une fois encore, je passe outre, même si ma faera sait s’y prendre pour me flatter l’égo. C’est bien plus intéressant d’écouter Duncan se plaindre sur sa taille soi-disant trop grande. Je souris à ses propos. Il n’est en réalité pas beaucoup plus grand que moi, et paraitrait même petit, pour certains autres elfes gris.

« C’est cocasse, je suis moi-même plutôt petit, pour les miens, et j’ai déjà vu certains des miens user de lames très courtes. Mais c’est évident que si l’allonge est là, autant s’en servir ! »

Au moins, personne ne risque de le renier du combat à cause de la longueur de son bras. Puis, alors qu’un court silence s’établit, je passe une main dans mes cheveux roux, inhabituellement courts, pour moi, et je reviens sur un sujet qui reste obscur, pour moi.

« Tu disais… connaître Rewolf Grantier, et avoir été son prisonnier. Comment cela se fait-il ? »

La discussion continua sur la taille de l'un et de l'autre et il affirme quelque chose qui n'est pas dénué de sens, les elfes, qui sont un peuple très grand, se battent aussi bien avec des épées, mais il oublie une chose, somme toute essentielle, je ne possède pas l'agilité des elfes, je ne fais pas partie des moines du Monastère de Khan, mes idoles. Non, je ne suis qu'un humain, qui plus est un humain qui a vécu à Oranan, où les gens ne sont pas réputé pour être très grands. Mais alors que le silence commence à s'installer, Messire Cromax me questionne sur ce qui s'est passé avec Rewolf Grantier et bien que je ne veuille pas montrer que c'est des moments qui ont été difficile pour moi, mon visage perd toutes la joie qu'il montrait il y a peu, pour devenir morne, sans expression et une légère douleur me frappe aux côtes, mais la curiosité des Messire Cromax est légitime et ile doit savoir.

" J'ai rencontré Rewolf Grantier par hasard, en me promenant dans les rues d'Oranan et c'est ce même hasard qui aurait pu causer ma perte. Sans le faire exprès, j'ai bousculé cet homme abjecte et malgré mes excuses, les problèmes ont commencé. Il n'a pas cherché à savoir et a lancé ses hommes à ma poursuite. Je me suis rendu, mais ils m'ont tout de même battu violemment, avant de me mettre un sac sur la tête et de m'emmener..."

Je me souviens de la souffrance, de l'agoisse alors que j'étais plongé dans le noir, de la peur de voir mes jours se terminer...Mais tout cela était voulu par mes dieux, je ne peux leur en vouloir.

" J'ai ensuite été enfermé dans une cellule, à Bouhen et Rewolf a décidé de m’exécuter. Je serai mort à l'heure qu'il est, si un homme du Temple des Plaisirs ne m'avait pas sauvé. J'ai ensuite été poursuivi par les hommes de Grantier sur la route qui va de Bouhen à Kendra Kâr, je cherchais le Temple des Plaisirs où je devais remettre une lettre, et le destin a voulu que je m'effondre de fatigue juste devant ses portes. Donc oui, Rewolf Grantier m'en a fait voir de toutes les couleurs, et je veux savoir pourquoi. Même si je pense connaitre la réponse, je veux l'entendre de sa bouche."

Précédemment: Et une mise en scène, une



Oryash ne lâchait pas l'anneau des yeux, tant elle était fascinée par le fait que peut-être cet homme ait mis les pieds à Nosvéria.
Quand il lui posa la question de savoir s'il pouvait passer pour un des siens, elle eut un léger sourire.

"Ta peau n'est pas aussi blanche que la mienne mais j'avoue que ça pourrait passer amplement. Nous avons différentes teintes de peaux comme vous autres, sauf que cela se remarque moins. C'est pourquoi la plupart d'entre vous trouvent qu'on est tous identiques.
Ce qui te trahis comme je te l'ai dis, ce sont tes yeux. De mémoire de Phalange de Fenris, je n'ai jamais entendu dire qu'un des nôtres ai eu des yeux autre que rouge."

Elle se passa une main sur le cou, descendant jusqu'à la naissance de sa poitrine. Cette homme l'intriguait et elle voulait en savoir plus.

Il lui avoua avoir reçu cette bague du roi Kendran et Oryash fronça les sourcils. Comment diable avait-il pu avoir cette bague? Les Kendran avaient-ils osé profaner Nosvéria? Tant de question venaient à l'esprit de Oryash et restaient sans réponses.
Puis L'humain d'Ynorie lui demanda si elle avait déjà mis les pieds à Nosvéria et elle acquiesça.

"Oui, mais j'étais encore une enfant et j'y suis arrivée par hasard alors que je chassais. Certains de mes souvenirs sont très précis et d'autres beaucoup moins. Ce qui m'a le plus marqué, ce sont corps figés dans leurs mouvements. Des centaines de corps d'hommes, de femmes et d'enfants. Ils sont là, prisonniers des glaces à jamais, comme si le temps avait suspendu son vol. C'est je crois, la chose la plus magnifique et la plus terrifiante qu'il m'est été donné de voir. A par les loups et les Phalange de Fenris personne n'ose s'aventurer à Nosvéria de peur de subir la colère de Yuia."

L'amant ajouta vouloir un jour ce rendre à Nosvéria et Oryash eut un léger sourire tandis qu'il se présentait dans la foulée.

"Toi à Nosvéria. Les températures sont s'y basses que tu aurais peu de chance de survivre. Oryash, ravie de te connaitre Lilith"

Il l'invita à sortir de la grange et Oryash ne s'y opposa pas. Plus vite ils seraient partis et mieux ça serait. Au dehors, elle nota que les seuls chevaux qui restaient étaient les leurs. Elle constata que celui de Lilith provenait de Nosvéris.

"Alors c'est ta monture! Je l'avais repéré aux écuries et je me demandais à qui elle pouvait bien appartenir. J'ai à présent, la réponse à ma question. Quel est son nom?Le mien c'est Herumor!"

Elle regarda vers les buissons espérant voir réapparaitre le woger. Il devait être dans les parages mais restait à savoir s'il daignerait se montrer à nouveau. Arrivant à hauteur de son cheval, elle le caressa doucement avant de se mettre en selle avec légèreté.

Face à la réponse de Duncan à propos de Grantier, mes doigts ne peuvent que se resserrer sur les rênes de Lune. Violenté, capturé sans préavis, battu et condamné à mort sans raison. Ou pour une raison minable, qui ne mérite en aucun cas ce type de traitement affreux. Ainsi, cet humain, ce Rewolf Grantier m’apparait de jour en jour comme plus cruel, comme plus abject dans sa façon de faire. Ma haine envers lui ne peut que grandir, alors qu’approche l’heure de sa mise à mort.

Je suis surpris que l’humain à mes côtés ne s’énerve pas plus en narrant son horrible récit de torture. Il a certes perdu son sourire et sa joie, mais que n’éclate-t-il pas, en accès de rage ou en larmes ? Ma mâchoire se crispe, et inconsciemment, je prends la même mimique que je n’ai que trop souvent vue sur le doux visage de Sidë, alors qu’elle était contrariée par mes questions sur son tumultueux passé. Et je me rends compte que c’est sans doute ici le cas, encore, avec Duncan. Je me montre parfois trop intrusif et curieux, mal à propos.

(La curiosité est une vertu pour qui sait s’en servir, Cromax. Et tu te dois de t’en servir.)

Je sais qu’elle a raison, mais je n’ai aucune envie de créer de la peine ou de la colère chez les personnes qui m’entourent, au nom de cette sacro-sainte curiosité, apanage du Temple des Plaisirs. Je fixe mon regard d’obsidienne sur Duncan, pour annoncer d’une voix sobre :

« Je suis désolée d’avoir éveillé chez toi de tels souvenirs. Je sais que sa mort ne vaudra pas réparation de ce qu’il t’a fait, mais… Ça ne fait que me donner une raison de plus pour mettre fin à ses jours. Une telle personne ne mérite pas d’exister. »

Alors que je narre mes déboires "Rewolfiens" à Messire Cromax, je peux voir, un instant, son visage se crisper. Je ne saurais expliquer le pourquoi d'une telle réaction mais ce qui m'interpelle le plus, ce sont les propos de mon interlocuteur. Certes, ils sont sans doute fondés, mais je ne peux les comprendre.

"Qui sommes nous pour dire que telle ou telle personne mérite de vivre ou non ? Ce qui m'est arrivé avec Grantier, c'était le destin. Un obstacle que Rana et Zewen ont mis sur ma route, et ils sont les seuls à savoir pourquoi. Sans cela, jamais je n'aurais fait votre rencontre Dame Sidë, jamais je n'aurais rejoins votre groupe, jamais je n'aurais progressé dans mes rapports avec les autres. Donc même si ce sont des moments douloureux, ils m'ont amené vers des choses bénéfiques et tout ça parce que mes dieux en ont décidé ainsi. C'est aussi pour cette raison que je ne cherche pas spécialement la mort de Rewolf Grantier. La Roue du Destin tourne pour cet homme et son destin est d'ores et déjà scellé, j'espère juste avoir le temps de lui soutirer les réponses que je cherche si Rana et Zewen ont décidé que ses jours devaient prendre fin."

Malgré ça, j'apprécie la réaction de Sieur Cromax, et pour ne pas faire affront à son attention, je décide de lui en faire part.

"Pourtant, votre réaction me touche. Que vous vous souciez de moi est un honneur et je tien à vous rassurer. Me remémorer ces souvenirs est certes déplaisant, mais ce n'est en rien un drame. Ce qui a été fait ne peut plus être changé. Se plaindre du passé, le craindre et le redouter ne change pas l'avenir."

Les paroles d’Oryash, car tel était son nom de ce qu’elle m’en dît, coulait comme une onde claire et chantante tant ce qu’elle racontait était charmant pour moi. Son peuple, son pays glacial, la cité légendaire de Yuia… Elle ne put s’empêcher de conclure sur une pique provocante à laquelle je répondis aussitôt.

« Je me doute que le temps n’est pas clément là-bas, mais j’ai vécu tout ma vie dans la montagne et mes pouvoirs de glaces s’amplifient chaque jour. Je n’ai aucun doute sur mes capacités à survivre là-bas au moment venu. »

J’étais sur le point d’évoquer la ballade sur Verloa où j’avais eu le plaisir de me rouler nu dans une poudreuse immaculée, mais nous arrivions près de nos chevaux et la phalange de Fenris ne put s’empêcher de s’exclamer en voyant ma monture. La sienne était un étalon d’un noir corbeau remarquable et sa masse musculaire laissé apparaitre toute sa puissance.

« C’est Pynoa, un cheval en provenance de Nosvéris si ce que m’a dit Pulinn est exact. Le tien est magnifique en tout cas. »

Les autres étaient déjà partis et il fallait se dépêcher pour les rattraper. J’enfilai mon manteau en vitesse et montai Pynoa sans tarder.

« Allons-y vite, cette histoire n’a que trop duré ! Et pendant le trajet, tu me raconteras comment c’est de vivre là-bas, dans les monts éternels. Mais avant, on les rattrape ! »

Après un large sourire, je donnai un coup de talon pour lancer au galop mon cheval qui fut surpris dans un premier temps par mon ordre avant de se lancer comme un fils de Rana sur la route, Oryash et Herumor à mes cotés.

Par sa réponse, Duncan s’avère être un fervent adorateur des divinités, qu’il invoque dans son discours pour étayer ses dires. Cela me confirme que Rana a une grande place dans les mœurs d’Oranan, et n’est pas sans me rappeler le jeune et impétueux Léonid, qui au nom de sa déesse voulait pacifier le monde. Le discours de ce nouvel amant n’est guère semblable, cependant. Là où le jeune Archevent était idéaliste, Duncan se montre plutôt fataliste, arguant que le destin est tracé pour chaque être, et que rien ne saurait changer. Il remet littéralement en cause le libre-arbitre, le choix propre d’une destinée. Et je ne peux qu’aller à l’encontre de ses dires. Je décide de le faire avec courtoisie, exposant simplement mon point de vue pour le confronter au sien. J’ai appris par le passé, notamment dans mes quelques discussions vives avec Lothindil, que l’esprit et la façon de voir la vie peut fortement différer d’un être à l’autre.

« Je ne crois pas qu’il existe un destin pour chacun de nous. Nous sommes tous maître de notre destinée individuelle, quoi qu’il advienne. Rien ne peut décider à l’avance d’un choix que l’on peut faire, ou renier. Il y a bien trop de données en ce monde pour pouvoir tout prévoir, fut-ce par une puissance immense. »

Ça ne sert à rien de lui rabâcher ça, car il ne changera pas d’avis, mais au moins ainsi, il connait le mien.

« Si je n’avais pas accepté de le tuer, peut-être qu’un autre l’aurait fait à ma place. Mais combien d’autres innocents seraient passé sous sa lame, par ses mains et ses cachots ? Leur destin, à eux, c’est ma décision qui permettra de le déterminer. Ainsi que nos actions à tous, membres de ce groupe. »

Mais je dois tout de même lui accorder un point :

« Même si en effet, c’est grâce à ce que tu as vécu qu’une telle expédition est possible, dans de telles conditions. »

Et pour exemplifier mes paroles, je fais un geste de la main pour montrer le temps radieux de cette journée, le soleil qui brille sur nos nuques en mouvement, et la légère brise qui fait bruisser doucement les crins des crinières de nos destriers, alors qu’à perte de vue, les champs, prairies et forêts recouvrent la terre…

Précédemment: Faire connaissance



Oryash nota que sa petite réflexion ne plut pas vraiment à Lilith, puisqu'il crut bon d'ajouter qu'il maitrisait de glace et qu'il avait toujours vécu dans les montagnes. Il ajouta même qu'il ne doutait pas de ses facultés à survivre dans de telles conditions. Ainsi donc il aimait le froid et tout ce qui allait avec. C'était bien la première fois qu'Oryash rencontrait un individu comme lui.

(La plupart des gens déteste le froid, pas lui, étrange.)

Il donna le nom de son cheval à Oryash et elle le nota dans un coin de son esprit.

"C'est Pulinn qui te l'a donné! Beau cadeau."

Il la complimenta sur son destrier en retour et elle crut bon d'ajouter deux ou trois choses.

"Pour tout te dire, j'ignorais que j'avais un cheval. C'est un palefrenier qui me l'a fait savoir. D'après lui, je suis arrivée des duchés des montagnes avec le groupe, sur ce cheval et endormie. Je ne sais même pas qui me l'a donné, ni combien de temps je suis restée dans l'état ou j'étais. Notre chef pourrait sans doute me le dire, mais je ne vois pas l'intérêt de le déranger pour si peu."

Un haussement d'épaule avant qu'elle n'enfile à son tour son manteau fauve. Contrairement à Lilith ,Oryash prit son temps, ne semblant pas pressée de rejoindre les autres. Le mage des glaces lui demanda alors de lui raconter sa vie sur Nosvéris et cela l'étonna.
La vie était là bas comme partout ailleurs....enfin presque.
Elle le laissa prendre un peu d'avance et le rattrappa.

"Lilith ta curiosité m'intrigue. Pourquoi t'intéresses-tu à mon mode de vie sur Nosvéris? Les monts éternels et le froid qui règnent là bas, te fascinent donc tant que ça?
Je suppose que je suis la première Phalange de Fenris que tu rencontres, sans quoi tu ne te montrerais pas aussi curieux. Je me trompe?"

La peau blanche avant de parler d'elle et de sa vie voulait connaitre les raisons profondes de l'intérêt de Lilith. Elle n'avait pas pour habitude de s'étendre sur le sujet et l'intérêt de Lilith la laissait ,comment dire, perplexe.

Pendant un instant, je crus avoir semé Oryash, mais celle-ci me rattrapa sans grande peine. La phalange de Fenris analysa ma question et la curiosité à l’origine de celle-ci, retournant ainsi la situation pour en savoir plus sur moi. J’étais pris à mon propre jeu et j’étais obligé de m’expliquer.

« Tu as vu juste, tu es la première phalange de Fenris que je rencontre. Je dois dire que j’étais éberlué en te voyant hier soir. Nosvéris, les phalanges, la grande cité de Yuia… Tout cela revêt une notion de rêve, de fantastique, de fantasme même pour moi. J’ai reçu des dons de la déesse des glaces et je sens au fond de moi que mon destin est à ses cotés. »

J’éclatai de rire en m’entendant parler.

« Oh non… Je deviens prétentieux, c’est n’importe quoi… Mais voilà, tout ce qui vient des terres de Yuia me passionne, toi inclus. »

Je détournai le regard, gêné par ma confession, et me servis de la conduite de mon cheval comme excuse pour me concentrer sur la route.

Messire Cromax ne semble pas adhérer à mon mode de pensée et ça me plait. Depuis toujours, j'aime débattre, même si j'ai rarement pu m'essayer à ce genre d'exercice et je suis obliger de saisir cette opportunité qui s'offre à moi.

"En effet, votre point de vue se tient. Mais c'est sans compter sur la présence de Zewen, qui maitrise et à la connaissance du passé, du présent et du futur. Vous le dites vous même, si vous n'allez pas tuer Rewolf, un autre s'en chargera. Le destin de Rewolf est donc de mourir par la main d'un autre. Tout est écrit. Même si certaines de nos actions peuvent influencer le chemin que nous empruntons, le résultat sera le même. Je me contredis un peu en disant ça, je le conçois et en même temps pas tout à fait. Si je n'avais pas croisé la route de Grantier, je ne serai pas à vos côté maintenant, mais je l'aurai été plus tard, cela ne fait aucun doute."

Je plonge alors mon regard dans celui de l'elfe bleue.

Duncan semble vouloir, malgré mes compromis, s’engouffrer dans le débat. Je croise ses yeux plongés dans les miens, et je souris de sa réaction somme toute logique. Il défend ce à quoi il croit. C’est une richesse donnée à chacun de nous, qu’il faut conserver. Ne croire en rien, c’est cesser de vivre.

« La présence ? Je ne vois nulle part le Zewen dont tu parles. Comme les autres divinités, je ne renie pas son existence, mais je le considère comme un être avant tout très sage et très puissant, qui n’a que faire de ce que des gens comme toi et moi pensons. Tu dis que tout est écrit, et je ne peux que nuancer tes paroles : tout ne peut pas être écrit. Ne fut-ce que le nom, l’identité, de tout un chacun. Si la destinée commune existe, le destin individuel ne peut être contrôlé, fut-ce par le plus puissant des êtres. Et c’est ce qui fait que chacun, toi comme moi, comme tous ces amants qui nous suivent, est libre de ses actes, sans être sur une voie établie. »

Un sourire mutin nait sur mes lèvres, alors que je tends un nouvel argument :

« Il serait bien prétentieux de prétendre que l’attention d’un dieu est fixée sur soi. Profite donc de ta liberté, Duncan. En tout bien, tout honneur. »

Ce dernier mot, je ne peux que le prononcer sans une certaine ironie. Amicale ironie, cependant, car le fondement de mes paroles, j’y crois intimement.

"Certes Zewen en lui même ne s'intéresse sans doute individuellement et pourtant...Tout comme le nom d'une personne, il n'est en rien nécessaire pour fixer son destin. Car le destin de ses parents était d'avoir un enfant et à partir d'ici, le destin de l'enfant peut-être fixé."

Je fais un léger sourire à Sieur Cromax avant de lui répondre.

"Mais je profite de la vie, j'accepte avec joie les cadeau qu'elle me fait, qu'ils soient prévu par le destin ou non. Mais ma croyance m'apporte l'avantage de ne pas dramatiser quand un problème survient et là-dessus, je vais citer une phrase que m'a un jour dit un des moines du Monastère de Khan: Si un problème à une solution, alors il n'y a pas de problème. Si un problème n'a pas de solution, alors s'inquiéter n'y changera rien. Ma religion, mon honneur et cette phrase sont les trois choses qui guident ma vie. Certes pour beaucoup, mon style de vie est déprimant, mais c'est le mien, et je l'apprécie."

La chute de son destrier fit assez diversion pour permettre à l’humoran de se relever et de se parer à attaquer à son tour.

L’horrible squelette se tourna un bref instant vers moi me dardant de son regard diabolique. Il venait de me remarquer et probablement de m’ajouter dans le nombre de ses futures victimes. Son regard glaçait le sang dans mes veines, j’étais effrayée. Je lui rendis pourtant son regard mauvais. J’avais l’intention de lutter jusqu’à la fin aux côtés de mon compagnon. Nous étions deux alors qu’il n’était qu’un, nous étions prêts à sacrifier notre vie pour l’autre alors que lui ne se préoccupa aucunement de sa bête blessée, nous faisions équipe alors qu’il faisait cavalier seul.

Sirat lâcha un rugissement de guerre et fondit sur le cheval blessé. De son glaive, il brisa l’une de ses pattes antérieures avant de transpercer le flanc de ce dernier. L’animal se dressa sur ses pattes postérieures propulsant ainsi son passager dans l’eau de l’étang. Contrairement à ce que j’avais envisagé, l’eau ne tua, ni affaiblit notre assaillant, elle ne fit qu’éteindre le feu qui recouvrait son corps entier.

Afin d’éviter d’être percuté par les pattes avant de l’animal en furie, Sirat recula, perdit l’équilibre et se retrouva le derrière à l’eau. Dans un autre temps, un autre lieu, cette scène aurait pu engendrer un fou rire, ce qui n’était vraiment pas le cas ici, ou nous tentions désespérément de se sauver mutuellement la vie. Alors que l’enchanteur baignait toujours dans l’eau, le mort sans muscles, ni peau, se releva tout fumant.

Il n’eut aucun regard, aucune pitié, ni compassion pour l’animal qui agonisait à ses pieds. Je fronçai brièvement les sourcils, je ne pouvais m’empêcher d’éprouver de la pitié envers ce cheval qui n’était somme toute qu’un pantin dans cette sordide attaque.
Sirat fut attaqué par notre adversaire décharné puis s’ensuivit un corps à corps. Je ne désirais qu’aider mon ami, mais j’en étais incapable, ils étaient trop près l’un de l’autre, trop enlacés pour que je tente un tir et risque de blesser Sirat. Puis, Sirat enfonça son glaive dans l’épaule de son ennemi, ce qui lui arracha un hurlement de rage si puissant, qu’une puissante onde propulsa Sirat sur l’herbe fraîche.

Rassurée de voir l’humoran en sécurité, je me plaçai face à notre rival désormais solitaire, bien décidé de le cribler de flèches jusqu’à ce qu’il s’effondre et nous laisse poursuivre notre chemin. Encore une fois, je m’étais trompée. Aucunement au bout de ses ressources, le cavalier sans monture induisit une ondulation à son fouet fait de mailles métalliques avant de le lâcher. Au lieu de retomber mollement dans l’étang, la chaine ondula telle une couleuvre d’eau et chargea le grand colosse. Comme habitée par une âme malsaine qui lui donnait vie, la vipère de fer se projeta sur l’humoran et encercla son cou. Étouffé, Sirat lâcha ses armes et tenta de se libérer.


Sans hésiter, je me mis à courir en direction de mon ami. En quelques secondes, j’avais échafaudé mon plan. J’effectuerais un saut, puis grimperais jusqu’à l’épaule gauche de mon ami, puis tenterais de briser ses liens.

Mais rien ne se passa comme je l’avais prévu. Trop occupée à tenter de sauver Sirat, je ne vis point le traître se faufiler derrière moi avant que je ne puisse me rendre à destination. Ce n’est qu’au dernier moment, lorsque je sentis le déplacement de l’air provoqué par sa lame en mouvement que je fis volte face. Trop tard malheureusement pour esquiver totalement sa lame, mais suffisamment tôt pour effectuer un petit saut. J’évitai donc ainsi de me faire trancher en deux, mais je n’échappai pas au plat de sa lame qui me percuta et m’envoya valser dans les airs avant d’atterrir inconsciente sur l’herbe humide.

Précédemment: Un jeune homme bien curieux



Les interrogations d'Oryash face à l'intérêt de Lilith finirent par obtenir des réponses, mais au diable si elle s'attendait à de telles révélations. Ainsi donc elle avait vu juste, elle était bien la première Phalange de Fenris qu'il rencontrait. Cela expliquait notamment les regards appuyés de la veille.
La voir l'avait comme qui dirait fait vibré.
Il lui parla de rêves, de fantasmes ,avouant que tout ce qui avait attrait à Nosvéris et aux terres glacées de près ou de loin le fascinait, Oryash compris.
Sur le moment, la peau blanche ne sut trop comment réagir tant cela la surpris.

D'ordinaire, la plupart des personnes qu'elle rencontrait préféraient garder une certaine distance avec elle et cela lui convenait parfaitement. Oryash n'était pas du genre à s'étendre en paroles inutiles, alors le fait que Lilith s'intéresse d'aussi près à elle , la mettait d'une certaine façon dans l'embarras.

Un silence plana entre eux alors qu'ils cheminaient côte à côte.Il se passa quelques minutes avant qu'Oryash ne finissent par briser le silence.

"Si j'ai bien compris, je représente à tes yeux une curiosité. Et bien comme tu peux le constater je suis belle et bien réelle. Tu peux même toucher si tu veux"; lança-t-elle pour plaisanter.

Un éclat de rire frais et un éclat malicieux dans son regard avant qu'elle ne poursuive, se penchant légèrement vers Lilith.

"Ca va Lilith? Tu es bien silencieux tout à coup. C'est ma présence qui te perturbe à ce point ou ton aveu si soudain?"

La peau blanche prenait un malin plaisir à jouer à Lilith. Cet humain lui plaisait de plus en plus, c'était bien la tout le problème.

"Tu sais que tu as des yeux magnifiques. Aussi clairs que l'eau de nos glaciers."

Oryash était comme ça, spontanée quand les personnes avaient qui elle se trouvait ne la craignait pas. Et présentement c'était le cas.