<-- SiratMa taille avait toujours été prise en compte lors des relations avec les gens. Dû à ma petitesse, certains me percevaient plus faible ou moins robuste. Ce n’était pas le cas de Sirat, il ne sous-estimait pas mes capacités et je l’appréciais grandement. Cependant, sans mauvaise intention de sa part, il me protégeait, me surprotégeait même, me portant sous son aile, ou plutôt sur son épaule. C’était donc probablement par souci de protection qu’il ne me dévoila rien de son inquiétude face à l'ombre qui nous poursuivait.
Bien que naïve, je voyais bien que quelque chose ne tournait pas rond dans son attitude. Il s’arrêta d’abord quelques secondes sans raison, puis se remit à marcher en augmentant toutefois la cadence. Il n’y avait plus de doutes, nous étions suivis.
Quelques instants plus tard, Sirat confirma mes déductions en me proposant de quitter la route afin de le laisser nous devancer. Il supposa que l’ermitage se trouvait à proximité.
Il avait tout à fait raison, l’ermitage n’était plus loin et malgré que je n’y fusse jamais allé, je savais exactement quel chemin prendre pour m'y rendre.
« Oui, nous avons fait plus de la moitié du chemin. Mais si tu veux, nous n’aurons pas besoin de regagner la route, je saurai bien nous retrouver. Ne me demande pas pourquoi, mais je sais exactement où se trouve l’ermitage. »Aussi insensé que cela pouvait paraître, je disais vrai. Sans savoir pourquoi, peu importe où je me trouvais dans cette région, je savais comment me rendre à l’ermitage, un peu comme si à mon insu quelqu’un me soufflait les indications.
C’est ainsi que sorti de la route, Sirat se mit à courir. Bien accrochée à une de ses tresses, je regardais par-dessus son épaule, pour m’apercevoir avec soulagement que nous avions distancé notre poursuivant. J’étais incapable d’identifier exactement la nature de ce mystérieux cavalier, mais une chose était certaine, il était tenace.
Sirat n’arrêta sa course que lorsqu’il fut rendu à une petite étendue d’eau entourée d’arbres. Nous croyant ainsi camouflé, Sirat reprit son souffle et s’aspergea d’eau fraîche après m’avoir préalablement déposée sur l’herbe fraîche.
Une fois de plus, par un sourire, l’enchanteur tenta de me rassurer. Je n’étais pourtant pas dupe, je constatais sans peine toute l’inquiétude qui l’habitait.
Sitôt au sol, je regardai tout autour de nous, alerte et aux aguets, je craignais l’apparition de cet inquiétant inconnu.
Moi qui voulais jouer les sentinelles et protéger à mon tour mon ami alors qu’il voulait tranquillement se rafraîchir, j’avais bien failli à ma tâche. Non seulement, je n’avais pas entendu le scélérat s’approcher de nous, mais en plus, je restai sans rien faire lorsque son énorme chaîne emprisonna le cou de mon ami. Je ne pouvais me détacher les yeux de ce cavalier qui s’avérait être un squelette enflammé monté sur un cheval de feu. Et puis, d’une voix caverneuse, glaciale et angoissante, il annonça une mort éminente à mon grand ami, le prénommant soldat du destin. J’étais angoissée et demeurais immobile bien malgré moi. Mon ami était en train de s’étouffer et comme une sombre idiote je ne faisais rien pour lui sauver la vie.
Après avoir joué au yoyo un petit bout de temps avec l’humoran, il se décida enfin à le relâcher, le laissant tomber au sol comme une insignifiante marionnette. Sa chute provoqua un bruit sourd et c'est à ce moment précis que je sortis enfin de ma torpeur.
« Sirat, plongez dans l’eau. Ce squelette de feu ne pourra vous atteindre à cet endroit. » Ce disant, moi-même dans l’eau jusqu’à la ceinture, j’armai mon arbalète de deux traits et je me mis en joue. Pendant ce temps, cet être sans chair sur sa monture s’était lancé vers mon ami affaibli, le fouet en l’air en hurlant à vous faire glacer le sang.
Cette fois, je ne laisserais cet affreux paquet d’os toucher à un poil de mon compagnon. Sans hésitation, à la vitesse de l’éclair, je tirai mes deux flèches dans les jambes de sa monture. Mes traits ne purent la blesser grièvement, mais elles eurent le bénéfice de la déséquilibrer. Elle trébucha donc et son horrible cavalier manqua son tir.
Mon ami avait été épargné pour l’instant, mais rien n’était gagné. J’armai de nouveau mon arbalète, et je me tins prête à attaquer de nouveau, si d’aventure ce chevalier sans armure récidivait.