Kerkan a écrit:
Expulsant tout l'air que contenaient mes poumons dans des cris montant de plus en plus dans les aigus, je tentais de me débattre avec les dernières forces qui me restaient. Malheureusement, ma bêtise fut récompensée par une douleur accrue au niveau de mes épaules, en effet, lorsque la créature sentit que je bougeais, elle avait à nouveau resserré ses serres. Je n'avais encore jamais rien ressenti de pire, outre les souffrances, je trouvais horrible d'être pénétré par une ignoble bête dans son genre. Mes pensées tentaient de fuir à des kilomètres, mais, la dure réalité les ramenaient directement à ce vol cauchemardesque.
(Par pitié que tout cela s'arrête ! Je ne veux plus être aussi malmené, je ne suis qu'un simple humain !)
Au bout de quelques minutes, j'entendis un bruit, un murmure, ou plutôt des cris éloignés. Je me demandai ce que cela pouvait être, je crus tout d'abord que c'était le sifflement du vent, mais après avoir mûrement réfléchi cela était impossible. Ce devait certainement être mon esprit qui me jouait des tours, néanmoins, cela se reproduisit à plusieurs reprises. Je fis travailler mes neurones pour savoir de quelle direction ils venaient, mais cela se révéla vite être une torture insoutenable. À part Helce qui continuait toujours de nous suivre, je ne voyais pas à quoi ces bruits pouvaient ressembler. Peut-être étais-je une nouvelle fois possédé par les divagations de mon inconscient ? Pourtant, je n'avais pas sombré dans un état comateux, cela était indéniable, je ressentais tout ce qui m'entourait : le vent me fouetter le visage, les douleurs toujours plus violentes et les cris du griffonneau nous suivant et débordant de courage.
(Comment fait-il pour encore trouver la force de poursuivre ce monstre ?)
Tout à coup une idée me vint, ces bruits ou murmures lointains étaient peut-être les voix des passagers du bateau volant. Mais dans ce cas, pourquoi s'amusaient-ils à crier ? Tentaient-ils de me faire comprendre quelque chose ? Non, cela était impossible... En réfléchissant un peu, je me dis qu'ils étaient peut-être en train de se moquer de moi du haut de leur vaisseau, à l'abri des attaques. Une rage malsaine s'empara de moi, j'étais un appât sous les regards de ces ignobles, affairés à me contempler dans une situation plus que difficile. Ils devaient bien s'amuser à attendre de me voir mourir petit à petit, à me faire démembrer, à me faire détruire... La haine naviguait dans mes veines, alimentant la moindre partie de mon corps condamné, illuminant mes yeux d'une étincelle sadique. Je sentis une nouvelle vie naître en moi, celle que j'avais toujours rejetée, celle qui possédait le pouvoir de me transformer en un être dénué de toute raison. Je n'étais plus qu'une personne habitée par l'envie de destruction, de néant et de chaos ; j'aurais aimé être parmi ces être pour leur faire goûter la puissance de ma haine. De quel droit se permettaient-ils de m'offenser pendant les quelques minutes qui me restaient à vivre ?
(Pourquoi font-ils ça ? Je veux qu'il me laisse mourir en paix !)
Il ne me restait plus que quelques minutes à vivre sous les yeux enthousiastes du personnel de ce bateau volant. J'allais attendre l'arrivée de mon heure finale, de ce point qui terminerait une si belle phrase, lyrique, mélancolique et heureuse à la fois : la vie. Les dieux allaient terminer d'écrire mon histoire, leur plume glisserait bientôt sur la dernière page du livre qui restait à remplir, le dernier souffle que j'exhalerais : l'ultime goutte d'encre écarlate à verser...