Kerkan a écrit:
Pendant quelques minutes, j'eus l'impression de toujours être dans les airs jusqu'à ce que le griffonneau me lâchât sans même m'avertir d'un cri. Je me sentis fondre sans les attaches qui me retenaient encore à l'animal, perdu au beau milieu d'un songe. Mais, soudain, mon corps heurta un matériau dur, je crus tout d'abord que je m'étais écrasé dans les montagnes, cependant, je me sentais toujours en vie. Je tentai de voir ce qui ce passait autour de moi en ouvrant les yeux malgré les difficultés que j'avais. Fronçant les sourcils pour mieux observer les alentours, je me rendis rapidement compte que je n'étais pas dans la forêt épineuse mais bien sur des planches de bois. Je me tâtai pour savoir où j'avais atterri, néanmoins, mon cerveau fonctionnait au ralenti et je n'arrivais pas à trouver une idée satisfaisante qui aurait pue décrire ce lieu.
(Où suis-je encore tombé ?)
Ma vision floue m'empêchait d'apercevoir les détails, seule une esquisse grossière de ce qui m'entourait pouvait être perçue. Je continuais de réfléchir en usant de toutes les capacités qui me restaient en réserve bien que celles-ci fussent restreintes. Mes autres sens s'éveillèrent, prenant le dessus sur ma vue affaiblie et je pus entendre le souffle de Helce à mes côtés qui était cadencé d'un rythme régulier. Sa présence me rassurait, je ne me sentais plus aussi seul et je savais qu'il serait là pour me protéger si quelqu'un essayait de me blesser. Je cherchais dans ma tête un lieu où un griffon serait en mesure de tenir debout, en effet, il ne passait pas inaperçu et sa stature était loin d'être svelte. Dans ma tête, des images apparurent, je vis un bateau violant les lois de la physique et flottant dans les airs.
(Je dois être plus atteint que je ne l'aurais cru, je viens de demander à Helce de s'approcher du vaisseau. Suis-je bête ? Ma mémoire me joue des tours, il est impossible que je puisse oublier tant de choses aussi rapidement.)
J'aurais voulu remercier le griffon de m'avoir transporté ici, cependant, je n'étais pas sûr que les passagers fussent des amis. D'ailleurs, les hurlements moqueurs qu'ils avaient poussés marquaient bien le fait qu'ils ne se souciaient guère de me voir mort ou vif. Il aurait peut-être fallu que je fuisse cette épave volante plutôt que de m'y rendre tête baissée sans me poser de questions sur les personnes qui pouvaient peupler les cabines. Une sensation de frayeur me jouait à présent des tours, je n'avais plus qu'une seule envie, celle de fuir cet endroit inconnu où je pourrais une nouvelle fois risquer ma vie. Cependant, je n'ignorais pas que j'étais en sécurité et que m'en aller d'ici pourrait engendrer une nouvelle course poursuite avec la créature, malheureusement, Helce n'avait plus la force de me porter loin de ce danger. J'entendais sa respiration proche de moi, elle était beaucoup trop rapide pour un animal possédé par une vigueur quasi divine ; il lui fallait du repos tout comme moi.
(En espérant qu'ils ne nous attaqueront pas, sinon, nous n'atteindront jamais Mertar pour sauver cette jeune demoiselle aux yeux verts.)
Au bout d'un certain temps, j'entendis des bruits de pas pressés, une personne devait certainement approcher de nous. Je ne savais pas ce que je devais faire, ce que je pouvais faire... Je n'avais plus aucune force, ni les capacités de fuir un quelconque ennemi, et encore moins de le combattre. Le griffonneau pourrait me protéger un moment, mais, il n'avait plus la puissance de repousser une armée de guerriers. Je n'avais plus aucune idée, la terreur parcourrait mes pensées, hérissant mes poils cyans. Je n'avais plus qu'un seul désir : celui de fuir, toutefois, mon corps ne me le permettait pas, ni celui de Helce. Je sentais que la personne se rapprochait, ses pas se faisaient de plus en plus marqués. Puis, le griffonneau se mit à glapir, détruisant mes tympans déjà fragilisés par le sifflement de l'air que je venais d'endurer. Quelqu'un se tenait près de moi, pourtant son envie de passer pour m'approcher n'était qu'un rêve qu'il se faisait car un être beaucoup plus massif que lui l'empêchait d'avancer.
(Quel idiot ! Il croyait pouvoir passer aussi facilement... Ignare !)
Dans une tentative encore plus désespérée, je me devais d'articuler quelques mots à Helce pour lui faire comprendre de ne laisser progresser personne dans ma direction. Je me souvins la difficulté que j'avais éprouvée à prononcer quelques mots, pourtant, il me fallait réitérer mon action. Je me concentrai brièvement -cela me rappela la façon que j'avais de jeter un sort- pour pouvoir rassembler les quelques parcelles de vitalité et de hardiesse qui parcouraient encore mes veines :
«Ne laisse approcher... aucune personne... Nous serions... en danger...»
J'ignorais s'il m'avait compris, cependant, je n'avais pas le choix, je me devais de me protéger contre les actions sanglantes que l'on pouvait m'infliger. Je n'espérais qu'une seule chose, c'était que Helce découpât en morceaux tous les êtres vils qui auraient l'idée de m'attaquer...