La magie du cristal s'agite. Et avant que je ne puisse comprendre ce qui se passe le vaisseau est secoué en tout sens. Je perds pieds. L'espace d'un instant je me retrouve en l'air, sens point de repère. Je sens une peur, profonde, viscérale, m'étreindre la poitrine. Le vide, le rien m'entoure, sans me laisser aucune prise où me rattraper...

Un choc sourd stop ma chute, me laissant sans souffle. Une respiration rauque s'en suit. Je me retrouve accroché à un mât, la vue toujours trouble. Et c'est tant mieux, je ne tiens à pas voir, je ne veux surtout pas voir. Je sens le feu baisser, mais la machine ne vole plus. Elle ne vole plus comme elle le devrait, le sol n'ai plus horizontal. Ma respiration s'accélaire, fuire, je voudrais fuire le plus loin possible, mais aucune issue ne s'offre à moi.

A peine conscient de ce que je fais, j'enfile mes griffes. Mes mains me brûlent quand les gants frotent contre ma peau mais j'ai trop peur pour m'en soucier. Je me redresse un peu mais reste proche du mât, m'y agrippant avec force. Et c'est avec la même vigueur que je m'empare de la puissance de la terre qui sommeil en moi. Avant que je ne réagisse consciemment je me laisse imprégner par cette force stable et rassurante. Puis j'attends, ne pouvant qu'espérer que l'aynore ne dégringole pas trop bas...

Le monde autour de moi me paraît lointain et dangeureux. J'aperçois des corps s'agiter et s'entrechoquer, j'entends des voix et des cris diffus pourtant je perçois le moindre de mes battements de coeur comme un gong parfait et persistant. Le sang me bat les tempes mais je sens à peine mes griffes s'encrer dans le bois du mât. Je reste là, isolé dans ma terreur...

Et comme je m'y attendais, la situation empira rapidement ... Subitement, un son puissant et particulièrement désagréable me fit lâcher la corde pour protéger mes oreilles, tant et si bien que lorsque le vaisseau bascula d'un bord à l'autre, je me retrouvai ballotée en tout sens. Je luttai furieusement pour ne pas ouvrir les yeux et essayai vainement de me raccrocher quelque part. Mais mes mains n'attrapaient que caisses, tonneaux roulant, ne m'offrant aucun secours.

Tout n'était que vacarme. L'aynore craquai de toute part, plancher, cordages et, comme si ça ne suffisait pas, les cris affolés ajoutaient à l'ambiance qui régnait à bord. Puis le vaisseau roula de plus belle, basculant dangereusement sur babord. J'entendis alors des cris stridents et des appels à l'aide tandis qu'impuissante, je glissai moi-même vers je ne savais où. J'eus alors le sentiment que tout était fini ou bien que ça ne finirait jamais. Tout n'était que confusion autour de moi et dans ma tête.

Brutalement, je fus arrêtée dans ma chute. Ma tête cogna et le choc fut si violent que pendant un moment, je ne sus plus où j'étais, ni à quelle époque ... Je pris alors conscience que je n'avais pas été arrêtée par une rambarde mais par un corps. Alors que le vaisseau semblait rester immobile quelques instants, je me risquai à relever un peu les paupières.

Je vis alors le Drow, le visage crispé sous le choc, une main aggripant son torse, cherchant à reprendre son souffle. Il n'était alors pas difficile de deviner ce qui s'était passé ...

"Désolée ..."
dis-je dans un souffle.

Du mieux que je pus, je me dégageai de Risskar et tentai d'aggriper un cordage à côté. Les yeux mi-clos, j'observai le spectacle de l'aynore. Nous étions tous les uns sur les autres, accrochés à tout ce qui passait. Tournant la tête derrière moi, je vis le ciel mais surtout l'océan, vaste, profond, prêt à nous accueillir.

Combien de temps allait durer ce répit ?! Il fallait en profiter pour faire quelque chose. Il me paraissait inévitable que l'aynore finirait par sombrer, d'un instant à l'autre. Le tout était à présent de faire en sorte que nous tombions dans la bonne position, à l'horizontale. Après tout, le vaisseau ressemblait à un navire et même si la chute causait quelques avaries, ça nous laisserait plus de chances de survie que si nous basculons totalement.

(Il faut rétablir l'équilibre ...)

Avec précaution, je me remis sur mes pieds tout en restant près du plancher. Tout en fixant le bastinguage à tribord, face à moi, je lançai à Risskar, mais assez fort pour que tout le monde entende :

"Il faut faire contrepoids !"

Et sans perdre plus de temps, un trop long discours pouvant s'avérer suicidaire, je me mis immédiatement en action, montrant par là-même ce à quoi je pensais. Avec difficulté, je m'échinai alors à gagner l'autre bord.

Les passagers agglutinés eurent diverses réactions à l'interpellation haineuse de l'elfe blanc. Certains, dociles et crétins, soumis à l'autorité naturelle de Lindeniel, allèrent s'asseoir bien gentiment sur leur siège pour ne plus troubler l'ordre déjà très relatif de l'aynore... Mais d'autres, plus stupides encore, n'hésitèrent pas à forcer le passage en profitant de la surprise des deux Sindels au discours de l'Hìnion. Il bousculèrent les deux gardes et passèrent dans l'escalier, se dirigeant vers l'elfe, colérique de les voir ainsi désobéir à ses ordres pourtant clairs... D'une voix étouffée, il laissa filtrer un juron ainsi qu'une malédiction à l'encontre de ces étourdis qui ne l'avaient pas écoutés.

« Peste soit de ces entêtés, et qu'ils filent droit en enfer, pour peu qu'on les y accepte! »

Soudain, une onde sonore puissante vient faire vibrer les oreilles de Lindeniel qui plaça ses mains gantées sur ses pauvres appendices auditifs trop sensibles à ce genre de bruit déchirant. L'instant d'après, une secousse terrible propulsa les gaillards inconscients qui avaient su passer à travers le barrage des deux elfes gris en arrière, dans la salle commune, alors que ceux qui étaient retournés s'asseoir tombaient comme des quilles touchées par une balle de bowling, roulant sur eux-même sur le sol de l'Aynore sans comprendre ce qu'il ce passait.

Lindeniel, dans sa grande agilité, avec l'aide de sa rapidité elfique, avait dès le son prit la peine de fixer la rampe de l'escalier, à laquelle il s'accrocha vivement à la première secousse, délaissant au bruit ignoble ses oreilles fines et pointues, entraînées à entendre de doux sons mélodieux et non un vacarme vrombissant d'ondes négativement sonores. Une seconde secousse vont frappe la machine, et renvoya tous les passagers, ainsi que les quelques membres du personnel présents dans la salle, rouler de l'autre côté de la pièce, dans un chaos sans nom. On eut dit qu'une main géante se chargeait de secouer avidement et vivement l'aynore comme s'il s'agissait d'un vulgaire hochet, et que la vie de ses occupants n'aurait pu avoir une quelconque importance... Mais malgré le choc, Lindeniel était resté debout... Pour lui, ça ne fit aucun doute...

(Zewen... C'est Zewen qui nous tient en sa main! Et c'est Zewen, mon frère, qui me protège de ces bâtards insidieux)

La serveuse qui devançait l'elfe s'était royalement plantée dès la première secousse en bas de l'escalier, et son cri strident lorsqu'elle fut assaillie par des passagers roulant sur eux-même pour venir s'écraser contre la paroi de l'aynore résonnait encore désagréablement dans les oreilles de Lindeniel. Les cris, tous en poussaient dans la pièce. Tous hurlaient, tous grognaient, tous se plaignaient de leur douleur, de leur terreur. L'Hínion ne supportait plus ce vacarme puéril, et bien accroché à sa rampe, regardait le spectacle affligeant de haut, plus méprisant que jamais sur ces incapables qui jamais ne pourraient être comme lui, parfait...

Une secousse plus violente fit lâcher prise à Lindeniel, qui sentit ses mains glisser de la rampe. Il bondit alors en arrière alors que les passagers roulaient encore en tous sens dans un désordre remarquable, et se réceptionna par chance juste après le passage en masse de ceux-ci sur le sol de la salle principale. Il n'avait pas perdu l'équilibre, tout juste un peu souffert de sa retombée vive sur le plancher instable, sans pour autant être blessé autre part que dans son honneur nobiliaire.

Un nouveau tangage intervint juste après, sans lui laisser de répit, et pendant que les passagers, pour le plupart inconscients des chocs reçus désormais, roulaient à nouveau passivement vers lui, il se projeta avant que l'inertie ne le fasse sur le mur opposé, prêt à bondir lorsque la marée de passagers inutiles l'atteindrait. Et c'est ce qu'il fit. Lorsque le premier gros bonhomme affreux roula dans sa direction, il bondit en avant, le laissant s'écraser une nouvelle fois sur le mur dans une nouvelle salve de chocs effroyables et terribles. Son bond eut la qualité de le préserver encore une fois de ce choc puissant, mais n'épargna hélas pas ses pantalons... Une outre de vin mal bouchée vint répandre cruellement son liquide bordeaux sur le pantalon en tissus noble de Lindeniel. Il sentit le liquide alcoolisé parcourir les mailles et toucher sa peau à travers les coutures... L'odeur que dégageait ce vin l'écoeurait au plus haut point... Si au moins ça avait été du vin de bonne qualité... mais là non, c'était certainement la pire des piquettes qui lui ait jamais été donné de renifler de toute sa grande vie qui s'épanchait maintenant sur ses jambes à travers son pantalon tâché.

C'est alors que l'aynore se stabilisa enfin, retrouvant un calme très relatif, puisque les plaintes des blessé agglutinés sur le mur de gauche irritaient toujours l'ouïe fine de l'elfe. Il s'était retrouvé indemne, et pestait rageusement sur ses habits salis de la sorte...

Il se rendit alors compte que le vaisseau penchait dangereusement à gauche, et que cet amas de débiles inconscients ne feraient rien arranger au fait que l'aynore était déséquilibré.

Dans la masse agonisante, il aperçut le pied de la servante qui dépassait d'un amas d'humain entreposés là en désordre affligeant... Elle ne ferait donc jamais ce qu'on lui demandait... Il se rendit du côté droit de l'aynore, plus pour éviter cette marmaille déplaisante que pour rétablir l'équilibre, et s'appuya doucement sur le mur, en prenant bien soin que sa fine chevelure ne soit pas écrasée par son dos... Il regardait le sinistre spectacle des passagers blessés et stupides qui s'étaient laissés aller à une décadence plus grande et dévalorisante encore que Lindeniel n'eut put l'imaginer...

Réponse à Daewlin et Ash :

Alors que le druide sent un importante force bestiale l’envahir et ses sens s’affûter, la couleur du cristal revient au jaune, l’aura magique redevenant entièrement constituée de foudre. Quelques membres d’équipage suivent Daewlin vers l’autre côté de l’aynore tandis que le capitaine revient vers la barre en titubant. L’un des deux Sindel suspendus arrive à se hisser seul derrière la rambarde tandis que l’autre pend toujours, suppliant que quelqu’un vienne à son aide. Un jeune elfe gris vient alors à son secours mais n’a pas la force suffisante pour le tirer. La voix du capitaine crie soudainement dans la cohue :

« Que quelqu’un aille voir ce que fout Rifteen en salle des machines ! Vérifiez les amarres du ballon ! Ilgoeïn, va voir si tout se passe bien en salle commune ! »

Durant ce temps, Risskar se relève, peinant toujours à respirer et marche à la suite de Daewlin pour faire contrepoids, enjambant un dernier Sindel resté à terre, inanimé.

Réponse à Lindeniel :

Toutes les personnes s’extirpent peu à peu de leur situation, pour la plus part contusionnées à divers degrés. Quelques paroles émergent du flot de gémissements :

« Un mage …je cherche un mage maîtrisant la foudre…il y en a un ici ? »

« Zut, ma tiare magique…vous ne l’avez pas vue ? Elle est tombée par ici ! »

« Ne tombez pas dans les pommes ! Ils peuvent vous atteindre et vous rendre fous ! Attention aux rêves ! »

Ces dernières paroles proviennent de la femme aux cheveux roux qui était dans la même auberge que toi ce matin.

Plaintes et cris, pleurnichements inutiles et blâmes sans nom, voilà ce qu'entendait à présent l'elfe blanc, qui n'en pouvait plus de tous ces geignards maladroits et abrutis qui gisaient autour de lui, se relevant petit à petit sans ressembler pourtant à autre chose qu'à un troupeau d'animaux avachis et blessés par leur inconscience. Certains cherchaient leurs biens, d'autres cherchaient leurs esprits, vainement bien entendu, puisqu'à la base ils en étaient dépourvus... Il en fut même un, un membre d'équipage, qui malgré l'accident continuait inlassablement à chercher un mage maîtrisant la foudre parmi les passagers contusionnés. Mais ce qu'entendait surtout l'elfe, c'était toujours ces gémissements poussés comme si la fin du monde était arrivée... Qu'était-ce ces gens qui se laissaient se faire blesser et puis qui s'en plaignaient? Il n'y a que des imbéciles sans cervelle qui pourraient effectuer ce genre de pitrerie, et il ne fit aucun doute pour Lindeniel que tous ceux qui l'entouraient ici n'étaient que ça, des pitres ridicules...

Une voix sortit à nouveau du tas de pleurs, celle de l'humaine rousse qu'il avait déjà croisée à l'auberge le matin même en compagnie de l'homme mystérieux qui s'était fait griller les mains sur le pont dans un vif et vain élan de solidarité envers les incultes qui formaient l'équipage de l'aynore. Si la plupart des personnes présentes dans la salle commune semblaient ne pas retrouver leurs esprits, elle semblait l'avoir totalement perdu, et la raison avec. La folie se lisait dans ses yeux fiévreux et dans sa voix se teintant de malédiction... Quelle folie de parler ainsi, quelle félonie même!

Lindeniel ne put accepter qu'elle hurle encore ses maudites paroles sans sens à tout vent, et malgré le fait que son pantalon taché de vin le dérangeait fortement, il s'approcha de la rousse atteinte de folie. Il la toisa d'un regard méprisant et hautain avant de lui parler avec un ton tout aussi antipathique...

« Je vous sommes de vous taire, sotte! Ce que vous dites là n'a aucun sens, et s'il en a un, il ne concerne certainement pas tous ces rustres... De qui parlez vous donc ainsi avec crainte? Qui sont-ils? »

Tandis que les gens sur le pont décidaient de suivre mon exemple, accrochée au bastinguage, j'en profitai pour lancer un rapide coup d'oeil au cristal. Il semblait alors reprendre sa couleur habituelle ... Désormais en relative sécurité, je m'écartai un peu pour que Risskar qui était arrivé à l'instant, avec difficulté, puisse s'accrocher et reprendre son souffle.

Je vis alors plus loin un Elfe Gris inconscient et entendis les appels au secours d'un de ceux qui avaient basculé dans le vide. Un jeune essayait de l'aider mais sans grande efficacité. Jurant en drow, je quittai alors ma place et, prudemment me dirigeai vers babord. A mi-chemin, j'attrapai l'inconscient et le fit glisser sans trop de difficulté jusqu'à Ash qui s'accrochait à un mât. Qu'il s'en occupe, j'avais d'autres choses à faire ...

Je poursuivis alors ma route. Une fois arrivée à l'autre bord, je tendis mon bras pour attraper l'un des poignets du malheureux pour le remonter et tirai de toutes mes forces.

Mon souffle résonne à mes oreilles sans que je parvienne à vraiment appréhender ce qui arrive autour de mot. Un flot ininterrompu de sons me parvient mais je reste incapable de dissocier les voix des cris. Des gens bougent mais je ne reconnais personne. Je ne bouge toujours pas, restant agripper au mât, mon seul point de repère. Les yeux grands ouvert, je fixe le vide...

Puis, plusieurs choses traversent la carapaces de ma terreur. D'abord la force qui me parcourt me rassure un peu...Puis je sens le feu disparaître du cristal...
(Tout va bien ?...)
Oui, tout va bien...C'est plus une sensation qu'une voix qui me répond...Et cela me rassure d'autant plus. Je dessers un peu mon étreinte. Puis tout d'un coup mes oreilles semble se déboucher et ma vue se fait plus net. Le vaisseau vole toujours, il n'y a pas que du vide autour de moi. Des gens s'agitent et l'aynore n'a pas retrouver toute sa stabilité mais tout va bien...je crois que j'en suis sûr...

Un elfe gris se trouve à mes pieds, inanimés. Je m'accroupis et m'apprête à prendre son pouls avant de suspendre brusquement mon geste. Je remarque ma main gantée, proche du coup de l'inconscient. Mes doigts se crispent, je n'aime pas cette sensation, j'ai l'impression de ne pas me contrôler totalement. Je retire les griffes de ma mains droite seulement, puis cherche le pouls du sindel.

Réponse à Lindeniel :

La femme pâlit à tes paroles, faisant ressortir les quelques tâches de rousseur constellant son vissage. Parcourue par un léger frémissement, elle te répond :

« Les rêves…Ce sont pas les nôtres…Des personnes veulent nous rendre fous…Il faut passer la portes des rêves pour les trouver. »

Analysant quelques instants ton expressions de ses yeux fatigués, elle te murmure doucement :

« Enfin je ne t’apprend pas grand-chose je vois… »

La moitié des personnes présentes sont maintenant remises sur pied tandis que l’autre geint, se tenant les blessures. La folle regarde en leur direction et tremble un peu, son regard balayant la scène plusieurs fois comme si elle hésitait à faire quelque chose. Durant ce temps, deux elfes gris dévalent les escaliers en courant. L’un s’engage dans la salle des machines tandis que l’autre reste figé au pied de l’escalier, observant la salle commune.


Réponse à Daewlin :

Le jeune Sindel et toi parvenez non sans mal à hisser l’elfe gris, qui se couche alors sur le pont, le teint aussi blanc qu’un Hinion. Se rasseyant promptement, il t’articule difficilement, encore sous le choc :

« Merci…Je vous revaudrai ça… »

Le plus jeune lui agite alors l’épaule, tout en lui parlant dans une langue qui t’est inconnue.

Réponse à Ash :

L’elfe inconscient possède un pouls faible et irrégulier, ainsi qu’une tache violette sur son habit bleu, grandissant à vue d’œil au niveau de son flanc droit.

Activité sur le pont :

Deux Sindels S’affèrent à fixer les amarres du ballon qui s’étaient détachées tandis qu’un autre grimpe sur celui-ci grâce à un cordage maillé. Un homme de grande taille, vêtu d’un haubert, fait alors son apparition sur le pont et se dirige vers le capitaine, toujours à la barre. L’inclinaison du vaisseau revient progressivement à l’horizontale alors qu’au loin, vous pouvez voir une terre apparaître à l’horizon.

Je ne sais pas vraiment pourquoi je commence à m'occuper de ce sindel. Peut-être parce ce que ça m'occupe, ou peut-être juste parce que j'en suis capable. Ma vue étant toujours trouble c'est l'odeur qui attire mon attention. Cet elfe perd du sang, et son pouls faible ne présage rien de bon. Je me concentre, finissant par appercevoir la tâche violette sur son flanc droit. Si personne ne s'occupe de lui rapidement, il ne se relèvera surement jamais. J'ai quelques secondes d'hésitation pendant lesquelles la tâche grossit. Pourquoi je fais ça ? Mon pouvoir est loin d'être infini et je pourrais en avoir besoin plus tard...

Puis je me souviens des potions qui se trouvent encore dans mon sac...ce sera plus simple. De ma main libre je fouille dans mon sac à la recherche d'une potion de soin. Si ce breuvage ne le sauve pas, je serais bien incapable de faire quoi que ce soit pour lui. Je débouche la fiole avec mes dents et soulève légèrement la tête de l'elfe inconscient avec ma main libre, faisant attention de ne pas plus de blesser. Puis le verse le brevage dans sa bouche. J'ai déjà eu la démonstration de l'efficacité, l'état du sindel devrai se stabiliser.

Je relève la tête, mais je reste accroupis pour plus d'équilibre. Le bléssé m'a distrait assez longtemps pour que l'aynore retrouve une position un peu plus horizontal. Je me sens mieux, oui, malgré tout ce qu'il vient de se passer, je ne suis pas....
Ma pensée s'arrête encore sans véritable raison, mais je préfère ça.

Ma vue semble s'éclerci un peu en revanche, je ne sais pas pouquoi mais de l'autre coté du pont j'apperçois un homme de haute stature se diriger vers le capitaine. Je regarde ce qu'il se passe d'un oeil distrait, plus concentré à assurer ma stabilité qu'à autre chose.

Aux mots de l'elfe, celle qui avait hurlé des paroles insensées au milieu de la salle commune perdit le peu de couleur qu'elle pouvait encore prétendre avoir, faisant ressortir l'insalubrité certaine de sa peau marquée par des tâches, non pas qu'elle fut sale, mais bien qu'elle était bien moins pure que la peau de Lindeniel à la base, et que même si elle y avait apporté un soin aussi exigeant que celui que faisait subir l'elfe à sa peau, elle n'aurait pu de toute façon obtenir une peau si nette et douce que celle de l'Hínion. Celui-ci la regardait toujours avec autant de mépris quand elle lui répondit des choses parlant de la porte des rêves, celle-là même dont la mystérieuse créature de rêve en avait parlé à Lindeniel dans un de ses cauchemars. Il parut presque surpris que cette ignorante sache cela, lui qui pensait être le seul à avoir été appelé à se rendre là-bas pour se défaire des problèmes avec l'esprit de son père. Visiblement, cette porte des rêves cachait bien d'autres secrets que le sien propre, ce qui le partageait sur son jugement de celle-ci. D'un côté, il était heureux d'obtenir de nouvelles connaissances, bien qu'il se croyait le meilleur savant de tout le monde et des mondes adjacents, mais de l'autre, il était sans le vouloir entré dans ce qui semblait être une sorte de chasse au trésor, et cela le gênait plus que tout, bien qu'il eut vite fait d'écraser tous ses concurrents du haut de sa supériorité.

Il n'eut le temps de répondre quoi que ce soit que l'humaine aux cheveux rougeoyants recommença à parler, pour sa perte, puisque ses mots déclenchèrent la colère chez l'Hínion, qui fut outré de tels mots à son intention... Non pas qu'elle ait eu tort dans le fond, car en effet elle ne lui avait pas appris grand chose, ou du moins c'est ce qu'il s'en était persuadé, mais le langage grossier qu'elle avait employé avait fait s'hérisser d'outrage les rares poils couvrant la peau de Lindeniel, presque invisibles et duveteux. Car en effet, elle avait fait une faute impardonnable dans la haute société, et plus encore quand il s'agissait de la précieuse personne de Lindeniel, elle avait tutoyé l'elfe!!

Il ne prêta même plus attention aux geignards qui se relevaient, si il avait un jour porté attention à ces bruyants personnages indignes de se trouver à ses côtés. Il ne ne préoccupait pas non plus des tremblements spasmodiques de la femme qui avait osé ainsi lui parler... Ah pour sûr, elle faisait bien de trembler, cette folle, cette indignante personne, car elle allait subir le courroux de l'elfe le plus irascible de Yuimen...

Celui-ci l'apostropha en claquant des doigts devant le visage pâle marqué de taches de rousseur de l'humaine. Ses mains gantées ne faisaient pas énormément de bruit, mais la violence du choc aurait bien entendu attiré le regard vert de la femme dans ses yeux noirs emplis de colère.

« Mademoiselle, jamais personne n'a osé me parler de la sorte! Vous usez d'une tournure qui n'est pas digne de mon rang! Vous devriez avoir honte d'un tel comportement! Vous êtes une sotte et une ignorante pour m'avoir insulté! Croyez que vous me le payerai!!! »

Et vexé, il tourna les talons vers les escaliers, d'où débarquèrent deux Sindels dont un s'encourut dans la salle des machines alors que l'autre inspectait les dégâts de la salle commune. L'elfe s'approcha de celui-ci et, sans plus prêter attention à la folle, demanda d'un ton sec et cinglant.

« Amenez-moi tout de suite jusqu'à ma chambre, si vous vous sentez apte à le faire, pas comme ces autres incapables... »

Il jeta un regard haineux vers la jambe de la servante qui ne s'était toujours pas relevée, ensevelie sous deux personnes étourdies, avant de porter son regard sur son propre pantalon, qui ne l'était plus tant que ça, puisqu'il avait été tâché par le vin aigre qui lui était tombé dessus.

« Et tâchez de me trouver un pantalon de rechange! »

Réponse à Lindeniel :

La femme aux cheveux roux semble si absorbée par le spectacle des blessés gisants à terre qu’elle ignore tes menaces, toujours aussi pâle et tremblante. Une légère lumière blanche commence alors à émaner de ses poings fermés, répandant une aura magique intense, que tu sens pénétrer en toi. Inexplicablement, tu ressens quelques instants un immense calme te gagner, comme si toutes ta colère se voyait anesthésiée par un étrange bien-être.

Presque simultanément, l’elfe gris te répond et la lumière disparaît, te tirant hors de cet état second.

« Je crois que nous allons arriver dans quelques minutes…Ca ne vaut peut-être pas la peine que vous descendiez. Si vous voulez un nouveau pantalon, la réserve de linge se situe à l’étage inférieur au fond à droite dans la dernière cabine. Veuillez m’excuser mais je dois m’occuper de ces crétins de passagers… »

Apparemment peu motivé par sa tâche, le Sindel vient aider un homme à se relever avant de s’entretenir avec une elfe bleue un peu plus loin. Celui qui était entré en sale des machines ressort alors, toujours courrant, vers le pont supérieur.

Réponse à Ash :

Tu peux voir le sang du blessé arrêter de se répandre tandis que celui-ci tousse par trois fois. Encore inconscient, le Sindel prend difficilement quelques longues inspirations. Quant à l’homme s’approchant du capitaine, celui-ci se fait crier dessus par le chef du navire, vraisemblablement mécontent de voir venir d’autres passagers traîner dans les pattes de l’équipage. L’elfe gris sonne alors d’une cloche située près de la barre, sans doute un code pour ses hommes.

La douleur terrible sonne mon réveil, m’arrache quelques froids sanglots, mes os glacés comme une carcasse mille fois brisés. Je tâtonne doucement ma tête et constate que je n’ai aucune bosse, même si l’élancement qui me vrille le crâne provient bien de cet endroit. Combien de temps s’est écoulé, depuis que j’ai perdu connaissance ? Peu de temps, puisque tout semble peu à peu bouger, pour reprendre son inclinaison plus habituelle. Je trébuche jusqu’à mon lit, sonnée pour la seconde fois dans la même journée, mais décidée à ne pas me laisser aller dans tout ce chaos de très mauvais augure.

Le vent hurle et cogne en rafales, faisait battre les volets de la seule fenêtre qui donne à l’extérieur. J’y jette un coup d’œil et rassemble mes affaires un peu éparpillées. Et l’encre a laissé une tâche sur le sol en se renversant. Je rebouche le flacon, m’assure qu’aucun de mes instruments n’a été endommagé et remet mon sac à dos.

Le vase s’est répandu en éclats de verre brisés sur le sol. Aucun autre dommage n’est visible, mais pour m’en assurer, je vais voir ce qui se passe en dehors de ma chambre. Je sors en m’appuyant contre le chambranle pour ne pas tomber ou glisser, désorienté comme je le suis, ce sentiment de faiblesse désagréable me surprenant à nouveau. Déroutée, je tend l’oreille et et marche le long du couloir, comme dans un tunnel sans autre issus que la seule sortie qui se dessine peu à peu devant moi, comme dans un puit trop profond pour laisser entrer de la lumière. Les torches se sont-elles toutes renversées ? Aucune odeur de brûlé ne m’assaille mais je vérifie quand même, dans le doute que l’aynore ai prit feu, et que tous s’en soit échappés par je ne sais quel moyen, me laissant seule, dans leur fuite, et plus démunie que jamais.

J'eus bien du mal à remonter l'Elfe Gris à bord de l'aynore. Le vide et l'océan, sous son corps, l'attiraient inexorablement vers le bas et il nous fallut fournir de gros efforts pour parvenir à le hisser jusqu'à nous et le laisser choire ensuite sur le pont du vaisseau.

Epuisée par tous ces efforts et surtout la présence permanente de toute cette lumière aveuglante, je me laissai simplement glisser jusque sur le plancher, adossée à la rambarde, les yeux de nouveau clos. Concentrée sur cette sensation de brûlure de plus en plus vive sur mes cornées après ces longues minutes où je les avais tant soumises à de cruelles tortures, je n'entendis que d'une oreille les paroles du Sindel et ne pris même pas la peine de lui répondre.

(Je ne vois pas comment ... On ne se reverra sans doute jamais !)

Je n'avais envie que d'une chose à présent : que ce voyage se termine enfin, d'une manière ou d'une autre. J'en avais assez de toute cette lumière, j'en avais assez de tous ces gens en qui je ne pouvais avoir confiance, autour de moi. Je voulais être seule, isolée, dans le noir et les bras de mon père ... Mais cette dernière chose, elle, était tout simplement impossible.

Sans que Lindeniel ne posa ses yeux noirs sur elle, la folle aux cheveux roux, ignorant les menace de l'elfe comme il l'ignorait à présent se mit à créer au creux de sa main une faible lumière sans couleur, pure. Celle-ci s'étendit en un halo autour de ses doigts, comme traversant ses chairs et son sang. Une aura magique très certainement s'emparait de son être rongé par la folie et à l'esprit attaqué par des pensées inavouées sur de sombres desseins qu'elles semblait réserver à tout ceux qui l'approchaient. C'est alors que la lumière sembla, sans quitter les poings clos de la femme, envahir tout l'intérieur de l'elfe blanc, qui d'une fâcheuse humeur colérique passa sans se l'expliquer à un calme absent et un bien être intérieur qu'il ne pouvait normalement ressentir que lorsqu'il était seul devant son miroir, dans l'obscurité de la chambre majestueuse de son palais de Tulorim, le visage simplement éclairé de la lueur d'une flamme flottant sur la mèche d'une chandelle dégoulinant de cire chaude. Un profond sentiment de bien être si soudain qu'il déstabilisa un peu Lindeniel, qui ne comprit pas ce qui lui arrivait, ce qui était en train de se passer en lui... C'est alors qu'une hypothèse qu'il n'allait pas refréner de sitôt naquit lentement dans son esprit tourmenté...

(C'est un signe de Zewen, il veut me dire quelque chose... Cette femme contre qui je me suis énervé, cette folle aux paroles insensée, je ne dois pas lui tenir rigueur, je ne dois pas lui en vouloir, je dois l'écouter, et ce malgré ses maladresses... Elle est là pour me montrer la voie, l'instrument de la main de mon destin, ton outil, mon frère bien aimé... J'écoute ton conseil, j'écoute ta voix et la comprends... Elle me mènera à toi, elle me mènera au panthéon des Dieux...)

Puis, soudain, la force et la chaleur qui l'avaient envahi en inhibant sa colère disparurent de son corps, mais il en garda les séquelles mentales qui avaient habité son esprit... Et les conclusions qu'il en avait tirées...

(Je t'ai compris Zewen, mon frère...)

Mais Lindeniel en oubliait presque le vulgaire elfe gris qui se tenait toujours devant lui, prêt à lui répondre, ce qu'il fit sans tarder. Celui-ci, cette fois, mit la forme dans ses paroles, veillant à ne pas outrager par son langage le noble Hínion qui se tenait face à lui, mais il négligea quelque peu le fond de son message, refusant implicitement de s'occuper de ce que Lindeniel demandait pour se concentrer sur sa tâche propre. Il lui indiqua néanmoins un endroit de l'aynore où il pourrait trouver un pantalon propre, voire neuf, puisque la seule idée de porter des habits qu'un autre a porté avant lui répugnait tout bonnement l'elfe blanc. Il ne teint pas rigueur au Sindel pour son manque de serviabilité, puisqu'il ne faisait qu'obéir imbécilement à l'ordre d'un supérieur en restant ainsi bêtement devant la salle commune sans rien faire pour aider les blessés. Il le laissa donc à sa tâche inutile, non sans le toiser d'un regard dédaigneux et se retourna à nouveau vers la rousse qui semblait toujours aussi hystériquement bornée à fixer les blessés en tremblant de tout ses membres. Il lui dit d'une voix sans compassion, mais sans rancune non plus:

« Demoiselle, suivez-moi... Notre présence parmi eux est inutile, je crois... Vous parliez de la porte des Rêves, sauriez-vous m'y mener? »

Ce disant, il l'invita en un geste à prendre la direction des escaliers qui descendaient à l'étage inférieur, afin qu'elle le suive dans sa quête ayant pour finalité de trouver un pantalon neuf, même si bien sûr il aurait pu sans peine le faire seul. Attendant implicitement sa réponse, il tourna la tête vers le Sindel qui s'était finalement mis à sa tâche d'aider les souffrants ridicules vautrés sur le sol. Après avoir relevé un homme, il s'était mis en contact avec une elfe bleue qui traînait là alors que sa place était à bord d'un navire, sur la mer que l'Aynore survolait.

Je ne fais plus attention au blessé gisant inconscient près de moi. Les hurlements du capitaine en colère et le tintement de cloche ne m'intéresse pas plus. Je voudrai juste que ce voyage ce termine rapidement. Je reste à ma place, près du mât, m'écartant instinctivement quand je gène le passage. Je ne parviens pas vraiment à détatcher totalement mon attention du cristal.

(Qu'est-ce qui arriverai si se déréglait à nouveau ?...)

Je regarde mes mains, l'adrénaline me quittant peu à peu la douloureuse sensibilité de ma peau se fait à nouveau sentir. Maintenant que j'y repense, ce n'est pas vraiment étonnant que je n'ai pas réussi à me guerrir complètement, la magie du cristal était si concentrée...
Le reste du temps je garde les yeux rivé sur le sol, préférant ne pas voir ce qu'il y a au delà. Le vol prendra bientôt fin, et mon calvaire avec lui.