Lindeniel a écrit:
C’est alors que par la pire des malédictions retentit dans les airs non loin de lui une voix grave et rauque, qu’on eut dit droit sortie des terreurs infernales. L’Orque, ce monstre abject et malodorant, avait osé adresser la parole à la plus pure créature qui soit, Lindeniel, avec son teint blanc, ses cheveux immaculés flottants au vent et ses yeux profonds comme des abysses de noirceur. Une aura de fierté la plus méprisante qui soit entourait cet être magnifique qui se tenait toujours la tête dans ses fines mains gantées. Certes ces propos n’étaient pas méchants, et sa voix hideuse trahissait même une quelconque gentillesse, mais le simple fait qu’un individu, une créature aussi horrible puisse approcher et adresser la parole à l’elfe, ça lui faisait parcourir le corps de frissons d’effroi et de dégoût. Il ne réagit d’abord, pas, tétanisé d’horreur, de peur de voir de près cet orque affreux, qui pourrait à jamais gâcher sa vue affinée et parfaite. Lindeniel resta donc sans bouger, n’osant même plus mouvoir son crane léger et fin.
Doucement, ses paumes et ses doigts descendirent le long de sa cape, glissant doucement sous les pans du tissu, prêts à saisir la garde du poignard qui était fixé à sa nouvelle ceinture dorée et lumineuse. Soudain, ils sentirent le manche de l’arme et se refermèrent dessus avec avidité. En lui, Lindeniel cherchait le courage de se retourner et d’étaler les tripes de l’orque sur le pont en bois déjà si sale, mais rien qu’à l’idée de voir ce Garzok, de sentir son sang impur tâcher ses habits et risquer de les infiltrer pour salir à jamais la douce peau de l’elfe, cela le répugnait…
Mais il fallait laver l’affront que cette peau verte avait commis en adressant la parole à un être qui lui était nettement supérieur, non pas seulement en classe ou en noblesse, mais aussi en race et en beauté, en pureté te en honneur. Doucement, la lame se dégaina, sans un bruit, mais c’est alors qu’une autre voix retentit dans les airs. Ce n’était plus une voix d’orque, ça n’était plus ces sons barbares, mais bien une voix humaine, ennuyeuse par sa banalité, vilaine par sa bassesse simple et sans intérêt. Si elle n’était pas une insulte, car non adressée à l’elfe, elle lui irritait quand même l’ouïe sensible, et il se retourna enfin vers les deux créatures inférieures qui s’étaient postées dans son dos. Il les toisa tous deux d’un regard dédaigneux qui ne cachait en aucun cas le mépris qu’il ressentait face à ces deux idiots qui osaient l’approcher sans son consentement.
Il vit alors l’humain, ses yeux vairons posés avec respect et pitié sur la créature verte qui se tournait vers lui, et Lindeniel ne put se retenir de laisser s’échapper un « Pouah ! » de dégoût, faible par sa sonorité mais bien présent par l’horreur qui se lisait dans ses yeux noirs et perçants.
Dans sa cape, à l’abri des regards, Lindeniel avait rangé son arme, mais il gardait les doigts serrés contre la garde… Il n’hésiterait pas à faire couler le sang de ces deux communs s’ils lui posaient un nouvel affront. Il ne prit même pas la peine de leur parler, ni même de partir, puisqu’ils lui barraient le passage, et que, fier, il n’aurait jamais délaissé l’endroit où il se tenait pour des abrutis inférieurs, quels qu’ils soient.