A peine ai-je tapoté l'épaule du jeune homme qu'une femme débarque, l'air passablement irritée et elle ne laisse le temps à personne de dire quoi que ce soit, s'offusquant quant à mes propos. Propos qu'elle a visiblement mal compris d'ailleurs si j'écoute la teneur des siens. Je m'apprête à répondre le plus calmement du monde, mais le jeune homme me devance et tente de calmer le jeu, en prenant ma défense. Visiblement, la jolie blonde doute réellement de moi et de mes compétences, mais je ne m'en offusque pas plus que ça. A dire vrai, même si sur Yuimen, la guerre est constamment présente et que chaque habitant de la planète sait plus ou moins ce qu'elle apporte, je n'ai au final que trop peu d'expérience dans le domaine.
Mais je reste là, impassible, et j'écoute le jeune m'expliquer le pourquoi du comment. Et à vrai dire, je m'en fous un peu. Elle a dit ce qu'elle avait à dire, je n'ai pas besoin de l'avis du gamin pour savoir comment réagir, même si au final, il fait ce qu'il faut. Il faut vraiment que j'apprenne à ne plus réagir comme ça, à ne plus penser de la sorte. Je dois oublier les enseignements de Cwedim, cette colère qui me pousse à être détestable envers presque n'importe qui pour n'importe quoi. Il faut que je me calme. Parce que...Parce que c'est la guerre bordel! J'écoute mon nouveau bras droit parler jusqu'au moment où il me demande ce que j'attends de lui. Je m'apprête à répondre, mais je suis encore une fois interrompu. Pas par quelqu'un, mais par un bruit sourd et relativement inquiétant. Ces enfoirés d'orques essayent visiblement de défoncer la porte à coup de bélier. Et pour couronner le tout, le représentant d'un petit groupe d'archers envoyés par Keya s'adresse à moi! Je ne suis peut-être pas au front, mais ça commence à devenir de plus en plus bordélique.
Il faut que je me reprenne, que je reste calme, que je ne cède pas à la panique, même si cette dernière me tapote l'épaule depuis que j'ai foutu les pieds ici. Elle me colle aux basques et il m'en faudrait pas beaucoup pour que je lui réponde. Je prends une grande inspiration et je me tourne vers le jeune homme. Je parle un peu plus vite que d'habitude car à partir de maintenant et encore plus que tout à l'heure, la moindre seconde compte.
"J'aimerais que tu t'occupes de gérer les gens ici présent, tu les connais mieux que moi et tu iras bien plus vite, surtout si tu peux ressentir ce qu'ils ressentent, tu feras le meilleur choix pour eux. Je t'aurais bien aidé, mais la situation a changé avec ce foutu bélier! Il faut juste que tu en envoies certains chercher des madriers ou n'importe quoi d'autre qui puisse aider la porte à tenir le plus longtemps possible. Merci, je compte sur toi! En ce qui me concerne, je vais à la porte avec le groupe d'archers! Si elle cède et qu'un orque pointe le bout de son nez, je veux être sur place pour lui perforer le crâne!"
Sur ces mots, je tire un peu sur l'insecte qui me sert d'arme pour qu'il se réveille et prenne la forme qu'il faut. Arc en main, je me tourne vers le groupe d'archers.
"Les archers, avec moi! "
Je fonce me mettre devant la porte. On ne sait pas vraiment quand la porte va céder. Il est vrai qu'elle semble relativement solide, mais il ne faut jamais sous estimer une armée d'orques! Ils sont aussi forts que stupides. Je m’accroupis donc face à la porte et je m'adresse aux archers.
"Formez deux rangs! Sept d'entre vous viennent se positionner comme moi, les huit autres, vous tiendrez debout derrière et légèrement décalé pour ne pas gêner le tir des uns et des autres. S'il y a le moindre trou dans la porte, n'hésitez pas et tirez!"
Après ces quelques ordres, je décide de poursuivre sur un autre registre, d'une voix calme et posée.
"Pour le moment, calmez-vous, respirez lentement et profondément. Oubliez la peur. Oubliez le vacarme ambiant, oubliez l'odeur de brûlé. Ici, il n'y a que nous et nos cibles. Nous sommes l'un des derniers remparts de la cité, nous ne devons pas échouer, nous ne pouvons pas échouer. Ayez confiance en vous, en vos compétences. Chassez toute pensée superflue. Oubliez la peur."
Je prononce ces mots aussi bien pour eux que pour moi. Moi qui ai toujours fait passé ma propre survie avant tout autre chose, je suis là, face à une prête à céder à n'importe quel moment en déversant un flot de créature verdâtres puantes. Pourtant, je ne sais pas pourquoi, mais cette fois, je refuse de fuir. Et ainsi, comme lors de mon exercice chez le maitre d'arme, j'oublie tout de qui m'entoure. Il n'y a plus que moi et la porte. Rien d'autre.
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Car celui qui aujourd'hui répand son sang avec le mien,sera mon frère. - William Shakespeare
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