Fan-Ming – Salle à manger.

Le conseiller fronça les sourcils à la remarque de Marla, et répondit tout de go :

« Il n’est pas de mon ressort de tester votre loyauté. Je ne peux sonder les esprits, et ai bien d’autre soucis à régler, comme vous faire participer à la défense de Fan-Ming, pour m’entretenir longuement avec chacun d’entre vous pour déceler une graine de trahison. Quant à votre idée de rejoindre l’expédition, je la trouve suicidaire. Vous ne les rattraperez que s’ils se sont arrêtés pour dormir, et connaissant le Capitaine Hirotoshi, rien n’est moins sûr, si les conditions de sécurité n’étaient pas rassemblées. »

Il soupira, et continua, plus posément.

« Je vous donnerai un sauf-conduit pour vous identifier à eux. Et un cheval, pour les rejoindre. »

Il se leva, et répondit cette fois à Ziresh.

« Je pensais avoir été clair, en revanche, sur la garnison de Fan-Ming. Je ne départirai la ville d’aucun homme en poste. La menace est trop grande. Les gens qui accompagnent la princesse sont valeureux, et ne laisseront pas un traître s’approcher trop près d’elle, qu’il s’agisse d’Hirotoshi ou de Chihiro. »

Il s’arrêta près de la porte, et conclut son discour par la réponse à la suite des mots de l’homme-loup.

« Je parle au nom du Gouverneur Teruki. Il a pleine confiance en moi, et m’a chargé de cette affaire. Je ne pense pas qu’il soit bienséant de le rencontrer à cette heure-ci. Et je ne promets pas qu’il le veuille demain non plus. Quant au prisonnier… »

Il se tourna vers un des deux gardes qui était intervenu à l’appel de Ziresh.

« Accompagnez-le dans les geôles, et ne le quittez pas du regard. »

Puis, vers l’homme-loup :

« Pardonnez ma méfiance, mais je ne voudrais pas que ce traître vous transmette des informations qui pourraient faire vaciller votre loyauté… ou vous révéler un sombre visage. »

Il fit signe à Marla de le suivre, et s’en alla vers la bibliothèque, où le matériel d’écriture était entreposé. Aussitôt là-bas, il se mit à écrire à l’encre noire sur un parchemin vierge, à la lueur d’une chandelle.

Le garde apostrophé se tourna vers Ziresh.

« Suivez-moi. »

Il se mit en marche vers l’étage menant au donjon du Palais de Fan-Ming. A deux, ils passèrent les postes de garde, et arrivés devant la porte de la cellule d’Ezak, il précisa :

« Il est là. »

Et laissa l’homme loup regarder par la petite grille carrée à hauteur de regard. Celle-ci donnait sur une cellule plongée dans les ombres… Où aucune vie n’était discernable.

Armelle resta donc seule avec Finarfin dans la grande salle à manger. Tourneboulé par les événements, le blond ne semblait pas fort dans son assiette.

[Marla : XP : 0,5 (post) + 1 (prise d'initiative pour rejoindre le groupe à pieds.)
Armelle : XP : 0,5 (post)
Ziresh : XP : 0,5 (post) + 1 (informations prises + visite au prisonnier)]

Les réponses du conseiller eurent grandement de quoi étonner le loup d'argent en ce qui concernait Marla. Pour tout dire, cela l'irritait vraiment.

(Il la voit menaçant l'un des nôtres, admet ne pas pouvoir être sûr de sa loyauté, trouve même son idée suicidaire... Mais il lui offre un cheval pour aller rejoindre l'escorte de la princesse ! C'est complètement absurde !)

Ziresh avait laissé échapper un petit grognement de mécontentement en voyant le choix que l'homme avait pris. Il avait ressenti d'autant plus d'aversion envers ce choix lorsque l'ynorien lui expliqua encore une fois qu'il ne comptait se séparer d'aucun homme à Fan Ming. Qu'il ait confiance en ses hommes était tout de même une chose. Manifestement, il n'avait pas peur pour la princesse, avec ceux qui l'accompagnaient. Mais Ziresh ne put s'empêcher de ressentir une trop grande fierté de Tsukiko à l'égarde de ses troupes ynoriennes, alors qu'inversement, les aventuriers bénévoles de Yuimen montraient des facettes enclines à la traîtrise.
Par ailleurs, on lui avait même refusé sa rencontre avec le Gouverneur Teruki, en se basant sur l'unique détail de la bienséance. Ziresh faisait partie de ces bratiens qui accordaient une immense importance à celle-ci, et pourtant, il se surprit à penser qu'elle cette réaction était bien trop suffisante alors qu'ils étaient en pleine guerre.
Enfin, le conseiller assigna un garde au jeune loup, s'excusant au passage de la méfiance qui lui était accordée. A ces paroles, le loup d'argent laissa échapper un petit grognement guttural, juste avant de suivre le garde qui l'emmenait aux geôles.

"Vous surestimez vos hommes et vous mésestimez les nôtres. C'est comme cela que vous avez déjà laissé partir deux traîtres potentiels. Votre manque de confiance est légitime mais vous ne savez pas à qui l'adresser, manifestement. Ne faites pas l'erreur d'en laisser un troisième s'échapper."

Ziresh tourna discrètement son regard vers Marla pour mieux signifier ses paroles. Effectivement, elle avait tout fait pour essayer de rendre compte de ses actions, mais elle était trop instables pour que l'on puisse lui faire confiance. L'envoyer seule à la recherche de la princesse, c'était risquer d'une part qu'elle vienne se joindre au traître supposé, mais c'était aussi lui laisser la possibilité d'aller rejoindre directement l'ennemi. Au fond, le loup n'était pas blessé par la méfiance qui lui était accordée. C'était davantage pas celle qui n'était pas donnée aux autres.

En arrivant dans le donjon, Ziresh n'avait pas imaginé que l'ennemi puisse se trouver en hauteur. Généralement, il visualisait toujours les prisons sous terre. C'était probablement justement à cause du souvenir traumatique des mines de Lebher... Et pour tout dire, déjà, malgré la situation en altitude du lieu... L'absence de lumière et l'isolement le faisait déjà se sentir mal. Il repensa d'ailleurs à la marque du Dieu Pieuvre. Elle ne s'était manifesté qu'une seule fois depuis son retour des mines, et c'était lorsqu'il était parti à la recherche de la Hallebarde. Plusieurs mois, donc. D'une certaine manière, il savait qu'elle pouvait être une force, mais il avait terriblement peur qu'elle ne vienne le perturber en plein combat. Le meurtrir davantage alors qu'il serait en pleine difficulté. Même les visions macabres ne s'étaient plus manifestées, mais pourtant, il s'en souvenait encore parfaitement.
Avec toutes ces horribles pensées, il ne put s'empêcher de d'expirer lourdement tout en traduisant un étrange frisson qui firent hérisser ses poils.

Et enfin, il arriva devant la cellule. Il n'avait qu'une seule manière de voir le détenu, et c'était à travers une toute petite grille carrée. Mais alors que les yeux lupins de Ziresh perçaient l'ombre de la cage, ils n'aperçurent rien qui ne puisse ressembler à un humain. Ou même à n'importe quelle créature connue. Il n'y avait rien. Juste un vide qui, pourtant, signifiait tout pour le pauvre loup. C'était que Fan Ming était déjà perdue, et qu'il y avait déjà des traîtres parmi les ynoriens pour réussir à faire s'échapper un de leurs ennemis.
En quête de réponses, Ziresh donna un coup violent dans la porte, mais elle résista. Le verrou était clairement à la place où il devait être. Ezak d'Arkasse était donc parti de l'intérieur de la cellule.

"Bon sang ! Il s'est échappé ! Faites chercher immédiatement le Gouverneur ! Il est peut-être en danger !" avait-il hurlé au garde qui l'accompagnait.

C'est alors qu'une autre pensée traversa son esprit. Simaya était supposée être avec lui. Peut-être était-elle dans ses appartements, comme l'avait signifié Tsukiko, mais elle avait aussi toutes les chances de l'accompagner. Il y avait plusieurs possibilités. Elle pouvait être fidèle à Esseroth, dans ce cas, elle était peut-être à sa poursuite ou pire, sous son emprise... Ou alors elle pouvait entreprendre de trahir son propre monde, pour une quelconque offre que lui aurait proposé Oaxaca.

"Et Simaya ! Il faut la trouver immédiatement !"

La réponse du conseiller illumina le visage de la shaakt par un sourire victorieux et moqueur à l'attention du Liykor. Celui-ci n'eut d'autre réaction qu'un grognement de mécontentement. Marla fanfaronnait intérieurement, elle était ravie de voir l'homme loup se faire écarter de la sorte. Sur son petit nuage elle répondit aussitôt aux paroles du Liykor:

Non le conseiller à raison...et d'autres cavaliers me gênerai, un individu passe inaperçu un groupe moins. Quand je le trouverai, son seul regret sera de rester vivant et entre mes mains...Et j'aurai ainsi d'innombrables informations...Peut-être en trouverais-je également à votre sujet...

Un sourire en coin insidieux se forma sur son visage.

Oh! Tachez de ne pas laisser partir celui qui se trouve dans les geôles de cette ville, il se peut que j'aie encore besoin de lui pour trouver d'avantage de renseignement si celui auprès de la princesse meurt prématurément...

Marla suivit le conseiller et en quittant la salle, du dos de la main fit un signe d'au revoir au Liykor dans le seul but de le faire enrager. Ils arrivèrent dans la bibliothèque qu'Armelle et elle avait déjà visité auparavant. Elle se positionna près du conseiller dans le but de lire par-dessus son épaule le contenu du message ou tout du moins une partie de celui-ci.

Votre confiance en vos hommes vous honore ainsi que votre cité conseiller, combien de temps les gardes sont formés pour êtres aussi dévoué à votre cause? Simple curiosité culturelle...

Une phrase glissée de façon anodine pour éviter que celui-ci ne se doute de quelque chose. Même si la prêtresse se faisait surprendre, il y a normalement aucune raison pour que celui-ci veuille cacher ce qu'il écrit.

En tout cas, j'apprécie fort le tact dont vous faites preuve vis-à-vis des habitants de Yuimen.

Après avoir pris des escaliers voilà que je me retrouve dans une chambre comme je n’en avais jamais vu.

"Manque plus qu’une jolie fille."

Un rire et une tape amicale dans le dos de mon guide, je pénètre ensuite dans mon appartement et m’assois sur le lit confortable. Tant de douceur, je n’en crois pas mes fesses. Je retire mon bonnet et l’étend sur une chaise avec le reste de mes vêtements. Je remercie le serviteur et m’allonge sur ma couche puis je ferme les yeux à la recherche d’un sommeil réparateur.

La lecture des quelques lignes donna un grand sourire de satisfaction à la prêtresse noire, elle allait enfin avoir l'occasion de traquer un suppôt d'Oaxaca. Elle répondit immédiatement au conseiller pour qu'il ne remarque rien, faisant l'analogie avec sa propre culture.

Nous conditionnons également nos descendants suivant leurs maisons et leurs affinités avec notre dogme. Mais notre peuple ne tolère pas la faiblesse d'un sang faible, c'est pourquoi nous sommes mis à l'épreuve chaque jour...La victoire ou la mort en somme...

Le conseiller se retourna avec la missive scellée et la donna à Marla, elle s'en saisit doucement écoutant avec attention les derniers dires du conseiller. Elle était maintenant une inquisitrice de Fan-Ming, elle avait soit disant carte blanche. Elle venait de recevoir le passe-droit qui l'empêchait de faire ce que bon lui semblait des personnes qui l'accompagnaient. Elle pensait déjà à un moyen de torturer le Liykor, mais se ravisa, elle avait plus important à faire dans un premier temps, un vrai traitre était à côté de la princesse. Elle s'arrangerait pour faire condamner le loup plus tard. Elle rangea le parchemin à côté de la carte dans son piwafwi.

Il en va de soit conseiller, les résultats que vous aurez seront à la hauteur, celui qui se trouve hors des murs n'aura aucune chance de survie, je puis vous l'assurer!

Elle passa devant le conseiller qui l'invitait à sortir de la bibliothèque, se contenta d'un petit rire en guise de réponse au conseiller et partit en direction de la cour ou se trouvait l'écurie. La nuit était tombé sur les terres d'Aliaénon, seules les torches aveuglaient Marla maintenant. Elle se dirigea vers l'écurie et demanda aux personnes sur place:

Il me faut la monture la plus rapide que vous ayez par ordre du conseiller.

Elle sortit la missive de son piwafwi et montra brièvement le sceau, elle rangea aussitôt son passe-droit dans les plis de sa cape et attendit qu'on lui amène l'équidé.

La réaction des gardes vis à vis de Ziresh eut de quoi l'énerver encore plus. Non seulement ils étaient restés pantois, au lieu d'agir directement, mais encore une fois, on avait décidé de mettre de côté sa proposition d'aller chercher le Gouverneur. Le loup d'argent se sentait sous-estimé, mais aussi, il avait le sentiment que ces gardes ne lui faisaient de toute manière pas confiance. Quand celui qui l'avait mené ici s'en alla, il explosa.

"Est-ce que vous vous fichez de moi ? C'est insupportable !" rugit-il de colère.

Ses yeux dans le noir brillaient alors que son hurlement avait fait écho dans la prison. L'espace d'un instant, il ressentit une hésitation. Il avait l'impression d'avoir agit prématurément, de manière impulsive. Mais après une certaine réflexion, il se rendit bien compte que tout cela était légitime.

"Vous vous dîtes guerriers, gardes de l'Ynorie et de Fan Ming, mais vous êtes incapables de faire les bons choix ! Vous SAVEZ qu'il y a déjà eu des traîtres au sein de cet avant-poste, et vous privilégiez le sommeil de votre bon seigneur ? Je n'en supporterai pas davantage. Si l'un de vous s'en va au moins chercher Dame Sombreroc, je m'en vais voir le Gouverneur ! Je ne vais pas attendre que l'on pénètre dans sa chambre demain matin pour constater qu'il s'est fait égorger, simplement parce que vous avez voulu le laisser dormir ! C'est ridicule enfin ! Nous sommes en temps de guerre ! Sommes-nous dirigés par un nourrisson ?"

Il tourna alors les talons et se dirigea vers la sortie des geôles. Il avait pleine confiance en lui et il était presque sûr que ces soldats ne l'attaqueraient pas sur un prétexte aussi ridicule. Il savait aussi qu'il ne pouvait pas trouver la chambre de l'empereur seul, mais ils ne pouvaient décemment pas le laisser s'en aller enfoncer toutes les portes de Fan Ming jusqu'à trouver Teruki.

"Je vais le chercher. Que l'un d'entre vous m'accompagne ou non, ce sera la même affaire. Je ne prendrai pas un risque aussi inconsidéré que de laisser cet homme en danger."

Fort heureusement, les gardes qui avaient inspecté la cellule ne pouvaient pas se résoudre à laisser le loup s'en aller librement dans les couloirs. Comme il l'avait prévu, la manière dont il s'était scandalisé les avaient poussés à le mener là où il voulait être. Très vite, donc, il arriva devant la chambre du gouverneur. Mais bien qu'au départ, il se sentait sûr de lui, il eut une certaine amertume en se retrouvant face aux deux hommes qui protégeaient la porte. Il eut une certaine gêne qu'il ne put s'empêcher de dissimuler, à cause de ses oreilles qui s’aplatissaient sur son crâne.
Mais très vite, il reprit ses esprits. Il savait pourquoi il était là, et il était certain que le danger était réel.

"Je me nomme Ziresh de Liykkendra, commença-t-il d'un air déterminé. Je suis l'un des aventuriers de Yuimen chargés de la protection de l'Ynorie. J'ai été envoyé dans les geôles pour rendre visite à un prisonnier, mais la cellule est vide. Or, la porte était verrouillée..."

Il prit une grande inspiration avant de continuer.

"Nous savons aussi qu'il y a déjà au moins un traître qui a rejoint le groupe escortant la princesse. Cette citadelle n'est plus un endroit où l'on soit entièrement en sécurité, désormais. Et ma théorie, vis à vis de cet homme qui s'est échappé de sa cellule, c'est qu'il n'en a que faire des murs. Je ne sais pas comment il s'en est allé, mais si un mur ou une porte ne peut pas le retenir, c'est qu'il peut se déplacer comme il le souhaite. Et même, garder une porte ne signifie plus "protéger un homme"."

Ziresh gonfla sa poitrine. Il savait ce qu'il représentait, et on l'avait encore sous-estimé jusqu'ici. Mais il était le Porteur de Lumière, le maître d'armes en charge de la milice de la Citadelle endormie. Il était quelqu'un d'important et il fallait que ces gens le sachent.

"Votre gouverneur court un véritable danger, et garder cette porte fermée ne changera rien face à un ennemi inconnu ! Ouvrez-la, soyez sûr qu'il aille bien, et mieux encore, restez à ses côtés pour le protéger ! Nous ne pouvons plus être sûrs de rien désormais !"

Est-ce que c'est le lit si confortable qui me rendait mon mâle de crâne moins pénible ?
J'enfouis ma tête dans le coussin moelleux pour me protéger de la lumière de l'aube.

Personne n'est venu me réveiller. Peut être que je suis le premier debout. Je reste encore un moment allongé, profitant d'un confort que je n'avais jamais connu. Rha ! Si seulement j'avais eu une femme avec moi !

Je me lève enfin, attrape mes affaires que j'enfile après un brin de toilettes non sans manquer de tomber en mettant mon pantalon. J'ouvre ensuite la porte de mon appartement et guette les couloirs à la recherche d'un serviteur.

"Ohé ! Y a quelqu'un ?"

La prise de confiance de Ziresh eut pour effet de pousser les gardes à répondre favorablement à sa demande. Bien plus rapidement qu'il ne l'avait imaginé, ils avaient ouvert la porte, tout en étant manifestement étonné par la révélation qu'il avait faite. Le loup d'argent apprécia tout de même qu'ils n'attendent pas simplement l'autorisation de Tsukiko pour prendre le risque de laisser un liykor voir le gouverneur. Du moins, il ne put pas le voir clairement : il n'en aperçu qu'une minuscule silhouette allongée, dans un lit à peine discernable compte tenu du manque de lumière.
Seule une silhouette féminine s'était approchée de la l'entrée, demandant aux gardes la raison de cette intrusion. Elle était humaine, comme presque tous ceux que Ziresh avait croisés ici. Mais pourtant, la beauté de cette femme lui fit quelque chose. Sa peau pâle, ses yeux anormalement clairs pour une ynorienne, ses cheveux tous noirs de jais... Il était vrai qu'il faisait partie de ces rares liykors de son clan qui étaient capables de percevoir la beauté chez les autres races, mais là, il y eut quelque chose de différent. Son corps se mit à battre extrêmement fort, presque autant que s'il devait s'apprêter à parler à un roi. Ses oreilles se mirent à frétiller de manière incontrôlable, et sa queue, elle aussi, se mit à faire de petits moulinets. En fait, la seule vision de cette femme lui avait presque fait oublier la raison de sa venue ici. Et puis, propre à sa race, Ziresh était quelqu'un de très pudique. La seule vision des contours féminins de la demoiselle, si légèrement couverte, faillit lui faire perdre la raison.
Il mit un très long moment avant d'enfin décider de répondre à la place du garde.

"Excusez mon impertinence, ma dame, fit le loup, tout penaud et presque bégayant. Je m'appelle Ziresh de Liykkendra, je suis l'un des aventuriers engagés par votre gouvernement. Il se trouve que j'ai moi-même remarqué l'absence de l'évadé. La cellule était fermée à clé, ce qui signifie que d'une manière ou d'une autre, l'homme que l'on recherche n'est pas ralenti par les murs. Le Conseiller Tsukiko n'est pas au courant, j'ai fait moi-même cette démarche, pensant qu'attendre son approbation pouvait vous mettre... mettre le Gouverneur en danger.

Ses yeux balayèrent la chambre. Il ne savait pas vraiment sur quoi d'autre reposer son regard, si ce n'était les yeux de la belle geisha. Il mit un certain temps avant de poursuivre.

"Dame Simaya est actuellement recherchée, car elle était supposée se trouver avec Ezak. Mais je pense qu'il serait avisé de laisser des gardes à l'intérieur de cette chambre, au péril de votre privacité."

Il ne savait plus quoi rajouter. Ziresh avait fait son affaire : il s'était tenu au courant de l'état du Gouverneur Teruki. Il était simplement censé partir, maintenant. Alors pourquoi était-ce si difficile de quitter l'entrée de cette chambre, sans même avoir dépassé le seuil ? Il ne relevait même plus la présence des gardes. Il lui semblait n'y avoir que cette femme, l'étrange silhouette de l'homme, et lui.
Sans qu'il ne puisse l'expliquer, il sentit le besoin de poser d'autres questions. Ce n'était pas responsable, il en avait conscience, mais il avait le sentiment qu'il le regretterait s'il n'en savait pas davantage...

"Je sais que ce n'est pas nécessaire, mais... Quel est votre nom ? Qui êtes-vous ? Et puis..."

Ses yeux s'étaient posés sur le Gouverneur. Il avait terriblement envie de savoir pourquoi il était si "petit". Mais étrangement, il n'eut pas le courage de le demander. Ou plutôt, il ressentait davantage l'importance de connaître le nom de son interlocutrice.

"Heu... Je... Non, rien."

Il regardait désormais bêtement ses pattes. Pendant tout ce temps où il avait parlé, ses bras étaient restés paralysés, le long de son corps. Il n'avait même pas signé un seul mot. Il y avait vraiment quelque chose d'étrange chez cette femme.

Ziresh salua les gardes d'un signe de tête respectueux, lorsque l'un d'entre eux se décida à prendre l'initiative de garder la chambre de l'intérieur. Au moins, ces deux gardes-là étaient bien plus autonomes que ceux qu'il avait vus dans les geôles. C'est alors que la malheureuse quitta ses couvertures pour dévoiler sans aucune pudeur le reste de sa chair. La queue du loup d'argent se balança d'autant plus alors que ses yeux se posaient ostensiblement sur les courbes de la belle. Et même couverte, Ziresh sentit honteusement son regard parcourir les jambes si longues de l'ynorienne, ainsi que les arrondis perceptibles sur son décolleté. Encore plus gêné qu'auparavant, il n'eut plus le courage d'affronter les yeux bleus, presque gris, de la demoiselle. C'est alors qu'enfin, elle se présenta.

"Himeka..." répéta doucement Ziresh.

Il n'avait pas vu le Gouverneur. Seulement une étrange silhouette. Mais pourtant, tout en sachant qu'il n'était jamais qu'un simple aventurier doublé d'une créature pour ces humains, si beaux et ordonnés, il ne put s'empêcher de ressentir une intense jalousie. Il n'avait pas connaissance des "dames de compagnie", mais l'intitulé signifiait tout. Mais c'était davantage le terme "promise" qui amplifia les battements de son cœur.

"Alors pardonnez-moi, je n'avais pas saisi votre rang..." fit-il après une certaine attente, tout en courbant l'échine.

Elle lui demanda ensuite de la mener jusqu'au Conseiller Tsukiko. Déjà qu'il s'était senti mal face à cette femme, Ziresh était d'autant plus gêné en entendant le nom de l'intéressé. Il savait qu'il avait fait les choses comme il lui semblait nécessaire. Mais cet ordre, venant de cette seule femme, lui rappela presque Kâhra, sa défunte fiancée. Il s'était déjà fait de nombreuses fois cette réflexion : il savait prendre des initiatives et savait parler quand il en ressentait le besoin. Mais il suffisait d'un seul reproche de sa promise pour qu'il se sente terriblement mal, comme un enfant qui aurait fait une bêtise qui le suivrait toute sa vie. Himeka semblait avoir ce même don. Et Ziresh ne savait plus quoi faire, si ce n'était ressentir l'obligation de répondre par l'affirmative.

"Oui... Très bien... Il doit être dans la bibliothèque, si ce n'est pas dans la salle à manger... Mais il a été cherché par l'un des gardes qui m'accompagnait..."

Il marqua ses paroles de longues pauses, où la gêne rendait l'atmosphère atrocement pesante pour lui. Il y avait de nombreux paramètres, entre la beauté de cette femme, ses sentiments chamboulés, et l'initiative inconsidérée qu'il avait faite, sans même consulter Tsukiko. Il conclut finalement, résigné à son propre sort.

"Bon... Je vous y emmène. Vous devriez mettre des chaussures, peut-être..."