Une nuit complète et sans encombre. C'est ce à quoi aspirais le jeune Shaman depuis son départ d'Ilmatar, loin des draps de soies et de velours. Le bruit des oiseaux le réveilla avant les premières lueurs du soleil, suivi ensuite de l'arrivée des deux femmes guerrières. Kalas ouvrit des yeux mi-clos et distingua la silhouette de l'elfe et de la lutine perchée sur son renard monstrueux, attendant patiemment que leur invité émerge. Ce dernier, comme frappé par un bâton, s'extirpa en bredouillant quelques excuses, conscient qu'il était celui qu'elles attendaient.
"Ho ! Heu... Excusez-moi ! Je veux dire, bonjour !"
Après de brèves salutations, elles prirent toutes deux congés à l'extérieur de la cabane, laissant au jeune homme le soin de se préparer convenablement pour la rencontre avec les têtes pensantes d'Aetelrhyt. Faute de petit-déjeuner et de salle d'eau, Kalas attrapa la cruche posée sur la table de chevet et en vida la moitié en s'essuyant les perles d'eau restées sur son menton. Une panière de fruits frais décorait l'unique table de la pièce, aussi se permit-il d'y emprunter une pomme qu'il se dépêcha de croquer en enfilant sa bure. Une fois ses chaussures fermement serrées, le Shaman sortit de la masure en terminant d'ajuster son corset de cuir, puis ils partirent ensemble en direction de la cité tant attendue.
A mesure de leur progression, le groupe quitta peu à peu l'étrange obscurité pour profiter de la lumière naturelle du soleil. La flore, plus dense et colorée que dans les zones précédentes, vibrait sous le passage des nombreux petits animaux qui fuyait l'approche d'êtres humains. Pendant un court instant, Kalas se demanda où la malédiction d'Elysian pouvait avoir frappée un tel paradis, si loin des noires descriptions de Faoil. Le jeune homme y sentait la liberté et la nature d'un niveau similaire aux belles et vastes forêts près de Dehant, en Imiftil. De nature inquiète, l'homme s'était changé en loup prêt à affronter le moindre imprévu, mais la beauté du lieu drainait peu à peu ses inquiétudes en un état de béatitude. A l'image d'un animal sauvage, Hurlenuit se plaisait à ralentir le pas quelques instants pour renifler quelques fleurs exquises avant de rattraper le groupe en galopant, langue tirée.
Si la forêt autour d'Aetelrhyt traçait un périmètre aussi large que certaines régions de Yuimen, l'homme-loup avait parcouru un trajet considérable, digne d'une véritable odyssée pour un jeune humain tel que lui. Aussi, lorsque les premiers signes de la cité se manifestèrent sur son chemin, Kalas reprit le contrôle de son esprit, conscient que l'Homme aurait davantage à faire que le loup. Les arbres quittèrent leurs couleurs de saison pour se teindre les branches et les feuilles d'une lueur proche de l'argent et de l'or. Un phénomène qui attira vivement le regard du Shaman, stupéfait devant une telle scène. Les racines disparurent sous une verdure particulièrement épaisse, mais sans être envahissante. Le jeune homme peinait à croire qu'il s'agissait là du travail d'un être humain, mais davantage de la Nature qui persévérait à rendre ce lieu aussi magnifique que possible. Le soleil lui-même se ravissait à illuminer la beauté de l'endroit d'une clarté qui semblait bannir les ombres et chasser le Mal loin d'ici, filtrant par la même occasion dans les feuillages d'or et d'argent. Une véritable plénitude habitait les bois les plus proches de la cité des Elfes et des Lutins, jouissant de ce que la Nature avait de mieux à leur offrir.
Après plusieurs heures de marches, la fatigue rappela au corps de Kalas sa condition d'humain. Le jeune homme peinait à garder le rythme du renard et de la Faerionne, visiblement à l'aise avec les longues marches. La manche trempée par la sueur, le Shaman avançait à force de halètements et de raclements, la gorge aussi sèche que du sable. Trop occupé à garder les yeux sur ses compagnons de route afin de ne pas les perdre de vue, Kalas n'avait pas prit la peine de noter l'affaissement de la luminosité après que le soleil n'ait échangé sa place avec la lune d'Elysian. L'or des feuillages loua sa place aux scintillements de l'argent qui gagnaient en intensité grâce aux rayons lunaires. C'est dans ce décor digne d'un rêve que Kalas aperçu enfin les contours de la somptueuse cité d'Aetelrhyt, berceau de la terre et de la Nature. Les environs traversés confirmèrent les suggestions du Shaman au sujet de la ville, adaptée à l'environnement verdoyant des forêts d'Elysian. Aussi, nul besoin de remparts ou de tranchées pour délimiter les frontières du territoire. Aetelrhyt n'était pas une cité construite au cœur même de la forêt. C'était la forêt elle-même.
(C'est incroyable... Je n'arrive pas à y croire, je suis enfin arrivé à Aetelrhyt !)
La somptueuse cité des Elfes et des Lutins se dessinait sous des traits particuliers. loin des standards de la civilisation elfique et humaine de Yuimen, L'architecture prit des proportions aussi originales qu'incroyables. Les fondations de la ville, principalement constituées d'immenses arbres millénaires, s'élevaient à une hauteur défiant toute logique. C'est le long des troncs, et ce jusqu'à leurs sommets, que les infrastructures et différents bâtiments s'étaient accrochés comme s'ils y avaient toujours étés. Aussi naturellement que possible, la capitale elfique et lutine grimpait jusque dans les branches colossales qui faisaient office de chemins reliant les arbres entre eux à l'image d'une ville dans les airs. Ces mêmes arbres différaient de ceux rencontrés plus tôt, mêlant Magie et Nature jusque dans le bout de leurs branches dotées de feuilles tantôt vertes, tantôt d'or. Ce spectacle d'infrastructures et d'ingéniosité laissa Kalas stupéfait, témoin du tableau le plus impressionnant de sa courte vie.
"Je... C'est... Incroyable ! Jamais personne sur Yuimen ne me croira ! Une ville immense au cœur des arbres, je n'y crois pas !"
Laissant le jeune homme s'imprégner de la vue un court instants, les deux guerrières reprirent la route et pénétrèrent dans la cité, croisant ainsi les premiers habitants qui vaguaient à leurs occupations. Kalas suivit le pas et laissa ses yeux vagabonder dans le paysage féérique pour ne rien y manquer. De nombreux passants, principalement Hïnions voir Earions, ne posèrent qu'un léger regard sur sa personne, à l'exception des gardes en armures postés à divers endroits. La mode vestimentaire, semblable à celle de Yuimen, ne choqua pas le jeune homme, habitué à voir danser les robes de soies et à entendre le cliquetis métallique des armures. A mesure de sa progression, le Shaman s'inquiéta de l'absence de lutins dans la cité, ne parvenant à croiser aucun des petits-êtres à l'exception de son guide jonchée sur son renard de guerre. Le petit groupe disparut dans le tronc d'un arbre, abritant un escalier circulaire donc le sommet était à peine perceptible. Kalas dut plisser ses yeux de loup avant de se lancer dans un nouvel effort qu'il jugeait déjà particulièrement conséquent. Au fil de son ascension, le Shaman commença à s'inquiéter de sa rencontre avec les hautes autorités de la ville.
(Qu'est-ce que je vais bien pouvoir leur dire ? C'est à moi seul de les convaincre de nous aider ? Si seulement Bhûmi était encore là, il aurait pu appuyer mes propos...)
Une fois la dernière marche atteinte, une nouvelle partie de la cité se dévoila à lui. La partie basse semblait si loin qu'il ne parvenait même pas à distinguer le sol ou les racines des arbres. Faoil et Cyrialle le dépassèrent en direction d'une structure aux allures de Palais royal. L'empressement de ses deux guides ne laissa pas suffisamment de temps au jeune homme pour observer l'extérieur du bâtiment et il dut presser le pas pour les rattraper alors qu'elles franchissaient déjà les portes de verres. L'ambiance changea du tout au tout, contrastant fortement avec le naturel de la cité. De nombreux gardes patrouillaient et se tenaient immobile dans le moindre recoin du palais, ne posant sur Kalas qu'un regard suspicieux. Ce dernier préféra ne pas le leur rendre et talonna les deux guerrières qui se stoppèrent au centre d'une pièce somptueuse au possible. Particulièrement bien aménagée, l'endroit se démarquait par la présence de nombreux trônes richement décorés au nombre de six. Quatre d'entre eux étaient occupés par différentes personnalités que le Shaman commença à observer avec minutie.
Le premier accueillait le fessier d'un petit-être, visiblement lutin. Le rehaussage de son siège fit sourire Kalas qui s'empressa de le cacher, conscient que cela pourrait être puni. A l'image de son peuple, le lutin ne dépassait pas les trente centimètres de hauteur. Cependant, les deux gros yeux sur son visage ne cessèrent de fixer le jeune homme du haut de son trône, l'intimidant presque. Comme pour appuyer son rang certainement élevé, le petit être possédait de nombreux bijoux sur le bout des doigts, aussi scintillants que la prunelle ambrée de son regard. A ses côtés se tenait un Hïnion aux allures de Roi, patiemment assis sur son trône en soutenant sa tête du dos de sa main. Tout en lui prônait la pureté et la grandeur d'un être, visiblement curieux de savoir ce qu'un Homme faisant dans sa salle du trône. Le troisième trône accueillait une créature encore plus somptueuse que la douce Cyrialle. Appartenant visiblement à la même race que son guide, la Faerionne possédait une peau davantage ombrée et colorée que sa consoeur, phénomène appuyé par la noire tenue qui l'habillait. Kalas posa sur elle le même regard qu'il avait posé sur Cyrialle hier soir, encore perturbé par l'inimaginable beauté que dégageait cette race d'elfe. Enfin, du haut de son trône, le dernier des occupants observait le Shaman d'un regard semblable à une flamme éteinte. La peau verte et écailleuse, l'Earion possédait d'étranges imperfections qui caparaçonnaient sa peau d'une couche rougeoyante à de nombreux endroits. Peu enclin aux beaux drapés, il semblait s'animer lorsque Kalas posa les yeux sur lui, comme pour lui faire comprendre qu'il ne faisait pas face à un mort.
Faoil quitta le dos de son renard et s'inclina de concert avec Cyrialle pendant un court instant. Cette dernière prit la parole d'une voix de diplomate et présenta la situation au quatuor, écoutant soigneusement ce qui se disait. La présence d'un humain au sein de la cité semblait contraire au règles, mais la Faerionne prit sur elle de leur donner un espoir capable de sauver la cité de la malédiction d'Elysian. Le regard des souverains se posa sur lui et Kalas sentit comme une pression lui parcourir l'échine, désormais au centre de toutes les attentions. Ainsi fut introduit Kalas, l'envoyé des Sylphes et sauveur potentiel d'Aetelrhyt. Cyrialle présenta les deux parties en n’omettant aucun nom et aucun rang afin de bien faire comprendre au jeune homme la remarquable occasion qui s'ouvrait à lui. Il était temps pour lui de faire ce qu'il savait faire de mieux. Être honnête.
Faisant peu fit du stress qui lui rongeait le cœur, l'homme-loup ravala sa salive et se lança dans un discours qui allait très certainement juger de la suite des événements.
"Je vous salue, Seigneurs d'Aetelrhyt. Je m'appelle Kalas Machaviel et mon nom de Meute est Hurlenuit, élève du Maître-Croc Oslight, dit Loup-Blanc. J'appartiens à un Monde appelé Yuimen, qui doit vous être inconnu, mais semblable au vôtre en de nombreux points. Mon arrivée sur Elysian est dû à une menace que vous ne connaissez que trop bien, capable de mener cette terre à son agonie. Il y a quelques jours, j'ai répondu à l'appel de détresse du peuple élémentaire des Sylphes, résigné à lutter contre la malédiction qui n'a de cesse de se propager. Plusieurs autres aventuriers se sont joints à moi et nous tentons actuellement de tout mettre en œuvre pour libérer Elysian de sa fin inéluctable. Mon périple m'a mené à Barkhane, berceau des Golems et des enfants d'Ahankarikal, esprit de la Terre. C'est auprès de lui et de mon ami, Birhûvayâ, que j'ai pris la décision de venir en Aetelrhyt pour y trouver de l'aide, des réponses et peut être un allié de taille. Et après de nombreux efforts et la mort de deux de mes compagnons de route, je me retrouve enfin devant vous..."
Laissant un instant le temps au quatuor d'assimiler ses propos, Kalas reprit sa respiration et se lança une nouvelle fois, profitant de la montée d'adrénaline qui l'habitait.
"Peuple d'Aetelrhyt, je ne suis pas celui qui vous apprendra les horreurs qui se déroulent là-dehors ! Elysian est en proie à un mal qu'elle ne peut affronter seule ! Les peuples élémentaires ont construits la dernière ligne de défense capable de retarder l'inévitable, mais vous savez aussi bien que moi qu'il n'y parviendrons pas éternellement ! L'alliance élémentaire a besoin de tous les peuples pour se battre contre ce qui détruit la nature-même du Monde, ce qui empoisonne l'air et vicie les êtres vivants. Mon destin a été de poser le pied sur une planète en détresse et j'y répondrais du mieux que je peux. Je suis un envoyé des Sylphes, mais je porte les Golems de Barkhane dans mon coeur. Et je le ressens chez vous aussi... Rien ne m'a obligé a venir vous rencontrer, mais j'ai jugé nécessaire d'apaiser les craintes de mes confrères. Laissez-moi vous prouver ma bonne foi et j'agirais en votre nom comme un rempart au mal qui lèche les portes de votre cité."
Comme pour conclure, Kalas choisit les mots les plus justes et finit par un regard mêlant force, pitié et bonté d'âme.
"Je vous salue, Seigneurs d'Aetelrhyt, vous qui détenez le pouvoir de sauver ce Monde. Votre monde..."
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Multi d'Ellyan Crow, Boucher des Murènes et Allen, Guerrier de Wiehl.
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