La cité souveraine RthranonLes derniers mots du discours de Meraxès résonnèrent dans l'immensité souterraine, puis il adressa un regard inquisiteur, avide de réponses, aux femmes cornues en contrebas. Aoibhean le toisait avec intérêt et reprit sa posture pleine de sévérité. Elle lui donna raison sur les origines de la cité, Rthranon n'était pas une cité bansidhe, mais un lieu de refuge quand l'Ombre investit la forêt. La suite de l'histoire, il la connaissait. Cependant elle le contredit sur sa supposition, le mal n'était pas originaire d'ici, les nains avaient eux aussi été la victime de ce nouveau mal, mais ils n'eurent pas la chance d'y survivre.
Son attention se détourna vers la grande statue représentant un nain et sa physionomie changea tristement, une foule de souvenirs difficiles semblait l'envahir.
(Il est vrai qu'elle a dû assister, ou du moins contempler le résultat, du massacre des Thorkins ainsi que d'une partie de son peuple...)
Meraxès se surprit à ressentir de la compassion à son égard, lui, l'elfe turpide mué de mauvaises intentions. Elle avait le don pour capter son intérêt. Il appréciait son caractère moqueur et sarcastique couvert d'une impérieuse sévérité, mais à l'évocation des troubles de son passé, elle se laissait toujours dominer par ses sentiments qu'elle instillait dans de longs silences.
Elle finit par reposer ses yeux orange sur lui pour déclarer qu'il ne s'était pas égaré, puis ajouta en reprenant la route qu'ils allaient voir la Vénérable. Elle n'avait pas répondu à son évocation du Crépuscule des Dieux, sujet sur lequel le guérisseur attendait des détails. Il se consola cependant en supposant que leur dirigeant pourrait surement y répondre.
Aiobhean ne posa plus un regard sur la statue. En préparation de la rencontre avec leur Vénérable, elle insista sur les règles strictes régissant son peuple, ainsi que sur leur justice expéditive, expliquant qu'il ne devra nommer la Vénérable qu'avec ce terme et qu'il devra imiter leurs gestes de salue. Elle précisa que cette personne avait ici tous les pouvoirs, sous-entendant qu'aucune maladresse n'était permise.
« Rassurez-vous, j'ai toujours été doué pour suivre les protocoles. » rétorqua-t-il avec un léger sourire.
Ils gravirent plusieurs ponts éclairés par la lave sous-jacente et accédèrent à un couloir aux dimensions impressionnantes. Meraxès connaissait le renom des formidables œuvres architecturales produites par les nains et fut véritablement soufflé par leur maitrise, même dans les mondes les plus reculés. Derrière les piliers d'ornementations, une ouverture d'une taille ridicule en comparaison du reste donnait sur une nouvelle salle, elle aussi dotée d'impressionnantes dimensions. Une multitude de braseros éclairaient difficilement les lieux, mais au fond, une grande lumière chaude, provenant indubitablement d'un énième bassin de lave, éclairait de manière homogène la voute d'une grande nef. Des visages de nain taillés dans la roche baillaient au-dessus de la roche liquide et crachaient chacun un filet d'eau refroidissant le magma.
En s'approchant, Meraxès découvrit qu'une plateforme s'avançait au-dessus du bassin. Des vapeurs humides s'élevaient autour et tourbillonnaient en l'air en vagues orangés. Il se figea alors. Au centre de la plateforme, une silhouette qui n'avait rien de commune les attendait. Une ombre était assise et sa chevelure semblable à des tentacules s'agitait au-dessus de sa tête.
Aoibhean s'avança sans crainte et s'accroupit élégamment en présentant sa nuque à la Vénérable, suivi par Caragh, puis elle lança un regard en coin à l'elfe. Meraxès toisa le masque inexpressif et emprunt d'une notable sévérité, couronné de ses étranges cornes mouvantes, avant de ployer lui aussi le genou en abaissant la tête jusqu'au sol. Il marqua le mouvement un long moment avant se redresser sans qu'on ne l'y autorise. Il était proprement fasciné par cette Vénérable dont l'apparence différait totalement des autres bansidhes. Posée sur un trône d’écorce, ses jambes croisées sortaient d'une robe végétale qui collait à tout son corps et s'arrêtait sur un décolleté élégant. De la mousse agrémentait ses bras et formait même des gantelets et Meraxès ne parvint pas à définir s'il s'agissait d'une parure ou de son corps véritable. Son visage n'avait plus rien d'humain ou d'elfique et était fait d'un vert semblable à l'écorce, tout aussi dur, symétrique, ponctué par un regard d'un orange flamboyant.
La tête baissée en signe de respect, il prit la parole.
« Vénérable... En tant que visiteur de votre humble cité, permettez-moi de me présenter. Je me nomme Meraxès Orzhov, de Tulorim, une ville dont vous ne devez pas avoir connaissance. Je suis employé par les Élémentaires afin d'enquêter sur des bouleversements qui affligent votre monde. Alors que nous-nous rendions en Aetelrhyt avec mes semblables, une déconvenue nous a conduits dans les profondeurs. Sans savoir où nous étions, moi et mon défunt compagnon Tartuffe, nous avons découvert l'entrée de ses lieux. La créature qui la gardait c'est malheureusement manifesté, emportant la vie et la santé mentale de mon compagnon... »
Il marqua un temps pour simuler un vif trouble et en profita pour scruter la vénérable qui, toujours figée dans son masque austère, l'écoutait sans un mouvement.
« Une énigme scellait l'entrée de ces lieux. Nous l'avons résolu dans l'urgence, en manquant d'y perdre la vie, et la porte s'est ouverte. J'ai ainsi pu m'enfuir, mais... la créature de flamme m'a poursuivi. »
Avec ses mots, il espérait générer une réaction chez la vénérable. La perspective de l'abomination de flamme déambulant dans les rues de sa cité devait forcément la déstabiliser, rien qu'un peu.
« Cependant, rassurez-vous, elle n'a pas franchi le pont et a sombré dans les abysses. Prions pour qu'ils soient suffisamment profond... »
Aoibhean et sa semblable restaient en arrière et Meraxès ne songea pas à la consulter du regard. Un premier doute l'investit. Sans doute ne devait-il pas prendre la parole, aussi, chanter ses louanges serait peut-être mal perçu... Il avait toujours eu à cœur de respecter les règles élémentaires, mais cette fois-ci il n'en connaissait rien. Cependant, il se dit qu'après un tel acte héroïque, même si au fond ce n'était pas vraiment le cas, car il avait surtout abandonné Tartuffe pour fuir à toutes jambes, les bansidhes n'auraient pas l'impertinence de le jeter au cachot. Il reprit donc la parole.
« Je suis venu dans ce pays en quête d'informations sur des événements bien lointains. Des événements datant d'autres ères, mais qui pourtant ont forgé ce monde et qui ressurgissent malheureusement. »
Il se contraint néanmoins à ne poser aucune question, de peur d'être trop impératif dans sa démarche en exigeant des réponses à une personne de cette importance. Il finit par se taire et attendit une prise de parole de la Vénérable.
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Asseoir son autorité