L'auberge du Pied Levé. Silmeria entrait presque timidement dans cet établissement sombre, éclairé de quelques chandelles ça et là. Un foyer massif dégageait une odeur de viande grillée qui embaumait la pièce et se mélangeait avec les odeurs de fumée, de sueur, de bière et d'autres parfums qu'elle ne souhaitait... Pas forcément connaitre.
Elle avança jusqu'au fond de la pièce, à la droite du comptoir. On distinguait à peine le tenancier qui, derrière une foule de soiffard, remplissait pichet sur pichet d'une bière lourde, mousseuse et très odorante. Elle s'approcha du comptoir, ce dernier n'était guère attrayant. Il était sale, des crachats, de la bière qui coulait des verres et carafes maintes fois entrechoquées les unes aux autres. Silmeria opta alors pour une petite table au fond de la pièce qui n'était pas bien éclairée par la cheminée.
Elle essuya du revers de la main l'assise de la chaise, chassant une fine poussière, avant de s'installer. De là, elle observait l'assemblée. Il y avait un troupeau d'hommes ivres et bruyant accoudés au comptoir, parfumé à la bière, cherchant une gueuse pour passer un peu de bon temps. Un groupe plus au fond s'amusait gaiement près des danseuses. D'autres mangeaient avec les doigts des poulets, du porc, la tête basse , comme des animaux sur des épaisses tranches de pain noir.
Quelque chose de plus intéressant à vérifier peut être ? Qui pouvait bien avoir une bourse bien chargée de Yus dans ce taudis? Silmeria, n'appréciant guère le confort de la lourde chaise en bois remuait comme un vers sur sa chaise, cherchant à caler son corps sur un dossier capable d'accueillir un nain vêtue d'une armure lourde et massive... Peine perdue.
D'ailleurs elle voyait un nain, encapuchonné qui fumait une à une longue pipe, confortablement installé en face d'une assiette et d'un verre vide. Repus. Il inspirait de petite bouffées et recrachait une fumée épaisse. Il semblait fixer Silmeria, mais elle préférait ne pas lui offrir trop d'attention. Un homme vêtu d'une chemise relativement sale et d'un tablier de cuir s'approcha d'elle. L'homme était de taille moyenne, sentait l'alcool, l'urine et la sueur, portait un long bouc tressé, cependant il était chauve. Il souriait, affichant un sourire aux dents jaunes.
Barman : "Hey ma jolie, faut se montrer ici. Si tu restes toute cachée dans ton coin comment tu veux que je te trouve ? Y a du monde ici à ce que tu vois, et j'suis seul pour l'instant. C'est un client qui m'a demandé qui tu étais, s'il ne t'avais pas vu, tu serais encore là ma mignonne. Alors elle veut quoi la voyageuse ? Si elle veut manger on a que du ragout de porc avec des pommes de terre, si elle veut de la barbaque, il faudra qu'elle attende un peu, le cochon cuit pas en deux minutes. Alors la belle ?"
Silmeria, rajustant une mèche de cheveux derrière son oreille déclara d'une voix suave : "Je prendrais bien... Un hydromel peut être. Et pour le repas je me contenterai d'un peu de pain noir..."
Barman : " Elle a d'autres désirs la princesse ? "
Silmeria : " Oui, cessez-donc de regarder ma poitrine, c'est très perturbant. "
Le barman ria à gorge déployée. Il expliqua qu'ici il n'avait pas l'occasion de voir des femmes. La plupart de ses clientes était des naines, ou des prostituées humaines d'un certain âge et d'un degré d'hygiène particulièrement douteux.
Silmeria : "Hinhin. Fort bien, je voudrais quelque chose également... Savez-vous, par hasard, s'il pouvait y avoir dans le coin de bons endroits à visiter ?"
La mine du barman s'obscurcit légèrement. Il marmonna quelque chose d'incompréhensible et pointa le nain massif, qui bourrait sa pipe toujours confortablement installé.
Barman, d'un ton assez nonchalant : "Moi je sors pas souvent d'là. C't'homme assis, il sait lui. Il a coutume de refiler des bons tuyaux par-ci par-là. Mais généralement c'est pas gratuit. J'vous amène votre repas m'dame."
Silmeria, sur un coup de tête s'avança vers le nain. Ce dernier se dressa lentement, toussota un peu, dégageant la fumée par ses narines. Il recommença à tousser, cette fois ci plus fort. ( Je n'ose pas imaginer l'odeur d'un nain mort, ils sentent déjà si fort étant en vie ... )
Silmeria, d'une voix moqueuse: "Ne vous étouffez pas pour moi, je vous en prie."
Le nain se dressa avant de se pencher sur la table et toussant comme un tuberculeux. Laissant à Silmeria le loisir d'observer sa table. Il y avait une bougie qui dégoulinait sa cire chaude sur une vieille bouteille de vin, des morceaux de mie de pain, une carcasse de poulet soigneusement découpée et un couteau nain court, planté sur la table.
Nain, en toussotant : " T'en fais pas pour moi, c'pas une pipe qui aura raison de ma vieille carcasse. Qu'est ce qu'il lui faut ?
Silmeria d'une voix tranchante " Une bonne adresse. "
L'homme porta de nouveau sa pipe à sa bouche en dévisageant la jeune elfe. Chaque mouvement de sa tête, même lents, faisaient crisser la lourde barbe brune qui semblait aussi épaisse que du foin laissé au soleil d'été. On pouvait y trouver, parmi les tresses les restes de son repas, un morceau de pain, du sel, une forte odeur de bière de qualité plus ou moins douteuse.
Il déclara à Silmeria qu'à ce jour il y avait un riche bijoutier au quartier bourgeois. Ce dernier était de passage à Tulorim, et qu'au bout d'une semaine de marché, il devait avoir les bourses plutôt bien remplies. Mais qu'il était ainsi l'objet de nombreuses convoitises. Elle n'était pas la seule voleuse de la région. Et quant bien même. Le jeu pouvait en valoir la chandelle. L'homme logeait dans une taverne renommée au quartier bourgeois. Et la journée, vendait une partie de ses productions au marché, mais par mesure de sécurité, il ne se promenait jamais avec la totalité de ses recettes. Elles se trouvaient dans sa loge. Un coup facile si quelqu'un était assez habile pour entrer par effraction dans la loge.
Le barman arriva avec une demi miche de pain compacte et une petite fiole d'hydromel. Silmeria, l'air grave, écoutait avide les propos du nain. Ils parlaient à voix basse, elle pouvait sentir son haleine chargée de tabac odorant. Il lui indiqua quelque chose d'important. L'homme aimait particulièrement passer du bon temps avec des femmes.
Elle afficha un sourire, ses lèvres fines prirent une courbe cruelle et perverse.
Le Nain, d'un ton paternel lui pria de rester sur ses gardes: " Mais vous savez, z'avez bien peu de chance de pouvoir lui dérober son or à ce maraud. Il fait bien attention au fruit de son travail, le dépense avec parcimonie que pour se payer une gueuse pour la nuit, et ...
Silmeria coupa net sa phrase en se levant et déclara : " Noble Seigneur, je vous remercie pour votre aimable coopération, si cette affaire m'est concluante, je reviendrai vous voir. * Elle déposa sur la table une petite somme d'argent * Maintenant, si vous le permettez, je voudrais vous laisser apprécier votre pipe comme il se doit. Elle saisi de ses doigts fins un morceau de la miche de pain qu'elle n'avait pas encore terminé, et passa la porte. Aussi furtive et silencieuse qu'elle l'était à son arrivée.
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