Voilà deux semaines que je suis dans le village. On m'a donné des vêtements de cuir, vert et marron. Malgré que je sois habillée comme eux, je n'ai clairement pas l'impression d'être acceptée. On me regarde de travers, on me parle peu, on me fuit. Ce n'est pas si grave, je ne comptais pas me faire des amis. J'habite dans la même hutte depuis le début et je n'ai pour compagnie que Hasella, la druide. Jira me rendait visite les premiers jours mais je ne l'ai plus vu depuis quelques temps. Hasella m'a fait tester toutes sortes de plantes et de soupes, toutes plus immondes les unes que les autres. J'ai plus l'impression d'être son cobaye, elle joue souvent avec mes nerfs. Je suis souvent blasée, et j'ai bien conscience que mon comportement est lié au effets des drogues. En même temps si l'autre folle arrêtait de me faire avoir des hallucinations, je serais peut-être plus conciliante. Et puis cette sensation horrible de manque, je la déteste. Quand elle arrive, je deviens plus agressive. J'ai des sueurs froides, les mains qui tremblent, des maux de têtes ou au ventre. Mais c'est encore pire quand je sais que je vais devoir ingérer une drogue de substitution. Ca atténue parfois vraiment le manque mais les effets sont souvent bien pires qu'un simple état maladif.
Avant-hier par exemple, j'ai couru trois heures après un chevreuil dans la foret pour le chasser. Quand ma lance s'est enfin plantée dans son flanc, je me suis aperçue que je venais de tuer le chien des enfants du village. Je leur ai quand même ramené la tête pour m'excuser. Les gens l'ont mal pris... Bof c'était qu'une bête. Par contre je n'ai pas bien saisi le rapport entre le fait que je sois une elfe, que je suis censée être une protectrice de la nature, de la faune de la flore... J'ai rien demandé moi, j'ai juste voulu mangé pour combler l'infâme goût de la soupe de plantes de la druide.
Pour l'heure je suis conviée chez Neraën, le chef elfe du village. J'y vais d'un pas nonchalant, au moins ça évitera de passer plus de temps avec Hasella et ses potions. L'elfe est devant chez lui, assis sur un banc à profiter du soleil. Il se lève quand j'arrive.
« Ah Kementari, entrez, entrez. »
J'entre dans sa demeure de branche, il me suit et ferme la porte en bois. Il me montre une chaise et me fais signe de m'asseoir, je m’exécute.
« Alors, comment vous sentez-vous ? », me demande-t-il en s'asseyant en face de moi.
Je hausse les épaules. « Ca va... »
« Hasella m'a dit qu'elle avait enfin trouvé ce qu'il vous fallait. Elle est d'ailleurs partie cueillir la plante en question. »
Je ne réagis que très peu, préférant observer l'habitation du chef du village. Entre les papillons violets, non verts, non bleus....Enfin, entre les insectes volants potentiellement inexistants, je découvre une hutte coquette, bien rangée et bien fournie en décorations. Je me lève soudainement, ignorant l'elfe et me dirige vers une sorte d'armoire entrouverte.
« Oooh... », fais-je en ouvrant davantage la porte. J'y découvre toutes sortes de vêtements fabuleux féminins. Des robes splendides, des étoffes superbes. Je prends une belle tunique bleu, verte, aux motifs dorés. Les manches sont larges, une grande collerette entoure le col et de longues épaulettes dansent autour de l'habit. Je reste bouche bée devant tant de beauté. « Précieux.... »
Neraën saute à ma hauteur et me prend la tunique des mains, quelque peu paniqué.
« A moi ! »
« Non ! Lâchez ça immédiatement ! »
Il me pousse légèrement et colle le vêtement contre lui comme pour le protéger.
« Je- Je suis confus », s'excuse-t-il en rangeant l'habit dans l'armoire. « Cette étoffe appartenait à feue ma femme, et je ne souhaite en aucun cas qu'on la salisse »
Je fronce les sourcils et fait une moue enfantine.
« Allez, donnez-la moi, elle n'en a plus besoin maintenant. »
« Mesurez vos propos jeune elfe. »
« Allez, c'est trop beau pour ne pas être porté enfin. », insiste-je.
« Ne m'obligez pas à utiliser la force », me menace-t-il.
Je tire un peu sur la porte de l'armoire pour l'ouvrir, « Pff, ne faites pas votre mage menaçant, elle est à moi, je l'ai vu, à moi et à moi seule ».
Brusquement une ombre inquiétante, remplie la pièce et entoure Neraën qui devient soudainement plus imposant, ce qui me fait tomber sur les fesses.
« Kementari, ne me prenez pas pour un magicien de pacotille. », lance-t-il d'une voix caverneuse.
Je le regarde, les yeux grand ouvert. Puis, sans un mot, je me relève et reprends ma place sur la chaise. C'est alors que quelqu'un frappe à la porte. L'elfe prend bien soin de fermer la porte de l'armoire et lâche un « Entrez », puis il reste devant le meuble en me regardant de haut. (Précieuse étoffe...).
La porte d'entrée s'ouvre et la druide entre dans la hutte. (Oh non...).
« C'est bon j'ai tout ce qu'il me faut Neraën. »
« Très bien, vous expliquerez tout cela à notre amie », lui répond-il. Puis il se tourne vers moi, souriant.
« Quant à nous, je serais ravie de continuer notre discussion plus tard en oubliant ce léger incident. »
Je me lève et me tourne vers la porte sans dire un mot. Je croise la druide et lui lance un regard mauvais avant de franchir la porte de la hutte. Hasella ferme derrière elle et me rejoint alors que je marche vers ma case.
« De quel incident parlait-il ? »
« Rien, rien »
« Si dis-moi »
« Oh, j'ai voulu voir de plus près les belles étoffes dans une armoire », soupire-je.
« Ah, je vois... Tu ne peux pas tout te permettre comme ça. »
« Ca va, lâche-moi, on se connaît pas »
« Mais si, tu es Kementari et moi je suis la dr... »
« Aaah, tais-toi... Laisse tomber. »
J'ai soudainement un frisson qui me glace le dos qui est déjà en sueur.
« Ca recommence, j'ai besoin de.... », dis-je tristement sans finir ma phrase.
Nous arrivons prestement à la hutte, je m’assois sur mon lit. Hasella dépose plusieurs sacoches sur une table et trie des fruits et des feuilles. J'observe son tatouage au cou, celui que tout le village possède.
« Ca représente quoi votre tatouage au cou ? », demande-je.
« Oh c'est l'emblème de notre clan, c'est une belette »
« Ah », fais-je un peu déçue. « Pourquoi une belette ? »
« C'est une vieille histoire de clan, concernant Neraën et sa femme. »
« Sa femme qui est morte ? »
« Non, elle n'est pas morte, disons qu'elle est à la tête du clan ennemi. »
« Quoi ? Quel clan ennemi ? »
« Nous sommes en conflit, pour des raisons qui nous regarde, depuis longtemps contre le clan de la femme de Neraën. S'il dit qu'elle est morte, c'est parce qu'elle est possédée par une force maléfique dépassant les pouvoirs de notre chef. Nous ne connaissons pas l'identité du sorcier malfaisant mais il convoite un bien que possède Neraën. »
« Quoi donc ? »
« Désolé, je ne peux pas t'en dire plus, et puis nous avons autre chose à faire pour le moment. ».
Elle prend quelque chose entre ses doigts. C'est une sorte de fruit vert aussi long et gros que mon auriculaire.
« Voilà ! C'est du Kamilot. Une plante toxique dont les fruits ou les feuilles servent pour différents types de potions. Dans ton cas, c'est le fruit qui nous intéresse. C'est ce que je tiens là. Suivant le moyen absorption, il y aura différents effets mais le principal c'est qu'il stoppera temporairement les effets de la dépendance à la Qualmë. »
« Différents moyens d'absorption ? », demande-je dubitative.
« Oui, la cosse peut s'utiliser directement par vois anale car elle est fond très bien, par contre il faudra éviter de les tenir dans la main ou dans une poche. Sinon il est possible d'ouvrir la cosse et de manger les graines qui s'y trouve. Les graines sont particulièrement amères et offre un arrière goût piquant. Pour finir tu peux aussi broyer les graines pour les fumer avec de l'herbe à pipe, cela donnera une odeur très forte et la fumée est irritante, donc prends garde. »
Je regarde un moment le fruit entre ses doigts, les épaules basses, faisant la moue.
« Hmm... Tu es sure qu'il n'y a pas d'autres trucs ? »
« Désolé, c'est le moyen le plus efficace, mais libre à toi de ne pas les prendre et de finir complètement dingue... », me lance-t-elle d'un large sourire.
Je soupire et prends deux petites bourses en cuir contenant quelques fruits chacune.
« Mais si je suis a court de ces trucs ? »
« Ne t'en fais pas, on en trouve en cherchant bien dans les forêt et encore plus facilement dans les villes, car comme je t'ai dit, le Kamilot est utile pour des potions. »
N'ayant pas le choix, je prends les quatre petites sacoches que je place dans mon sac.
« Je dois en prendre combien à la fois ? »
« Une c'est déjà suffisant, les effets restant dangereux pour la santé mentale, il ne faudrait pas non plus en abuser. Surtout que la tienne est déjà salement amochée. »
Soudain, je me lève d'un bond et attrape la druide par le col et la plaque contre le mur. La bave aux lèvres et les yeux grands ouverts je lui lance :
« Quoi ? Ose redire que je suis folle ! »
Elle baisse les épaules, penche la tête et soupire fortement. Je ne m'étais même pas rendu compte que j'avais bougé de place. Je lâche prise et retourne m'asseoir sur le lit, quelque peu déboussolée.
« J'ai ouvert une cosse, tu peux manger les graines pour calmer ton manque maintenant », dit-elle en remettant sa tenue en place.
En effet, un fruit est ouvert et je peux voir ses graines jaunâtre dans un jus visqueux. J'approche mon nez pour sentir et une forte odeur irritante agresse mes narines. Ca ne sent rien mais c'est extrêmement désagréable, mes yeux sont humides et je tousse deux fois.
« C'est possible de manger avec la peau, si c'est celle-ci fond ? »
« Par voie orale c'est déconseillé car les toxines contenues dans la peau peuvent altérer voir te faire perdre le sens du goût. »
J'observe de loin les graines baignant dans leur jus, mes mains commencent à trembler de plus en plus et mes sueurs froides deviennent insupportable. Je me décide alors à prendre le fruit dans le creux de ma main. J'hésite un moment, approchant parfois le fruit près de ma bouche puis l’éloignant. Finalement, je gobe l’intérieur du fruit d'un coup. J'ai l'impression de mâcher un crachat, c'est visqueux et le goût est vraiment amère. Du jus coule du coin de mes lèvres, je grimace quand je sens les graines éclatées entre mes dents. Soudain, ma langue s'enflamme, je crois que je viens de découvrir l’arrière-goût piquant. Je tousse mais Hasella pose sa main devant ma bouche pour pas que que je recrache cet immondice. Quelques larmes coulent le long de mes joues, mon nez coule un peu, mais je finis par tout avaler. La druide retire sa main et j'attrape rapidement la gourde d'eau pour atténuer le feu dans ma bouche.
« Non ! », crie Hasella en volant brusquement la gourde de mes mains.
« Ne bois pas d'eau tout de suite après avoir avaler du Kamilot, ça serait dramatique ! »
Je lui lance un regard paniqué d'incompréhension. Je n'arrive pas à parler tellement le goût est fort.
« Boire de l'eau après avoir ingéré oralement cette plante ne fera que multiplier les effets et rendre les toxines extrêmement dangereuses pour ton esprit et ton corps et dans le pire des cas de tuer par overdose.»
Je reste alors assise, les yeux plissés, grimaçants, en attendant que ça aille mieux. Heureusement l'effet piquant-surprise ne dure pas plus de deux minutes et très vite, je peux à nouveau respirer et parler correctement.
« Mais c'est infâme ! »
« Libre à toi d'en ingérer par où tu préfères... », ricane-t-elle.
Je ne réponds pas à sa provocation, à la place, je me mets à rire. Un fou rire incontrôlé qui m'oblige à m'allonger sur le lit. Je me rends compte que je ne tremble plus et que je n'ai plus de sueurs froides.
« Eh bien, c'est plutôt rapide. Je vais te laisser, ce soir il y a la fête anniversaire de Bugran et je dois aider à préparer. »
Hasella s'en va, me laissant seule, ivre de rire.
_________________
Azra a écrit: Kementari a écrit: Enfant Bah quoi, c'est bon.
Dernière édition par Kementari le Jeu 4 Avr 2013 15:07, édité 3 fois.
|