L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Dim 13 Avr 2014 23:33 
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Régulièrement, je tourne la tête pour m'assurer que Lyïl ne s'éloigne pas trop et surtout pour oublier la chaleur qui émane du lutin. Malgré les sensations insupportables qui tenaillent mon corps dans son ensemble, je m'efforce de rester attentif. Peu importent les paroles de mon porteur, je ne compte pas lui faire aussi aisément confiance. Et ce n'est pas le lot de précautions qu'il met à éviter de me secouer en marchant qui vont me faire changer d'avis. Il avait toutefois raison sur un point. Vu le nombre de pentes et passages un peu raides qu'il emprunte, je n'aurais fait qu'accroitre la gravité de mes blessures en le suivant à pied. Je ne suis même pas certain que mon côté obstiné aurait suffi à me fournir l'énergie nécessaire à cette longue randonnée.

Seuls quelques rares traits de lumière passent entre les branches qui nous surplombent quand mon perchoir s'arrête et pose un genou à terre. Je ne m'éternise guère plus que nécessaire, bien content de mettre quelques pas entre lui et moi. Mon harney me rejoint, son oeil sombre se rivant à ce que je vois aussi. Une sorte de dune entièrement dénuée de végétation, si ce n'est l'arbre de belle taille qui est planté dessus, est percée d'un large trou entre deux épaisses racines. Malgré ma lassitude, je jette un regard curieux à l'habitant forestier. Je ne connais pas grand-chose au mode de vie de ces créatures, mais je ne pensais pas qu'elles habitaient des terriers.

Je n'ai pas le loisir de faire un pas de plus qu'un duo de têtes animales émerge de la fosse, humant l'air. Un long museau blanc à truffe noire, des rayures sombres barrant horizontalement les yeux, de petites oreilles rondes au sommet du crâne, une épaisse fourrure grisâtre, et surtout une taille proche de celle de mon guide aux épaules. La façon dont ils hument l'air ne me dit rien de bon, mais c'est surtout la vue des longues griffes quand leurs pattes apparaissent à leur tour qui me fait frissonner désagréablement. Pour toute réaction, le lutin fait un commentaire amusé.

"Déjà debout ? La journée est plus avancée que je ne le pensais."

C'est avec étonnement que je le vois marcher à la rencontre des bêtes, et gratter vigoureusement une zone à la base des oreilles. Non seulement ces choses se laissent faire, mais elles semblent même rechercher le contact. Une poignée de minutes plus tard, alors que des êtres semblables aux premiers, mais plus petits, sortent à leur tour, le lutin me fait signe de me rapprocher. Je m'y refuse, ma main valide restant accolée au plumage de mon harney.

Un petit rire précède ses paroles.

"Il ne faut pas avoir peur d'eux. J'ai ces blaireaux pour voisins depuis bien des années, et ils ne m'ont jamais causé de problèmes."

Je manifeste mon mécontentement par un simple regard acéré. Toutefois, il semble bien que ce soit cet endroit qui doive nous servir de refuge pour la nuit. Le lutin nous fait patienter un peu, le temps que la famille aux moeurs nocturnes ne se décide à bouger de l'entrée. Suite à cela, il me tend un tissu quand je remarque que Lyïl n'a aucunement l'intention d'aller sous terre. Je peux le comprendre. Nous allons être coincés dans un lieu avec un toit et des murs sans doutes si proches que nous pourrons à peine y bouger. Un souffle irrité m'échappe.

( Après avoir été coincé dans une cage, puis dans la cave d'une tanière humaine, et m'être aventuré dans des grottes étroites, je finis sous terre ? À quoi bon avoir des ailes si c'est pour aller toujours plus bas ? )

De plus en plus las, je finis par réussir à masquer les yeux de ma monture et la guider à la suite du lutin dans l'ouverture. Sous mes bottes, la terre est tassée, comme si ce terrier avait été édifié et entretenu depuis plusieurs générations. Reste à savoir lesquelles. Celles des animaux ou de celui qui me précède ? Alors que le noir le plus complet se fait, mes spirales auditives perçoivent un froissement de tissu puis une lueur apparait. Je ne parviens pas à en distinguer la source, l'habitant de la forêt masquant grandement mon champ de vision.

Mon aile traine au sol, ravivant la douleur. J'ai beau tenter de ne pas y penser, l'idée que je ne puisse plus jamais m'en servir me paralyse presque. La pente s'adoucit et je distingue une grande salle à partir de laquelle plusieurs couloirs naissent. Deux à ma gauche, trois à ma droite, deux autre encore en face, et je crois distinguer l'entrée d'un tunnel descendant à côté du chemin que nous venons d'emprunter. Au final, je suis surpris par la taille de ce terrier. Comment est-il possible que rien ne semble prêt à s'effondrer ?

Ma tête tourne un peu, mettant fin à mes pensées curieuses. Distraitement, je suis toujours le grand enfant, qui emprunte le deuxième couloir de gauche. J'ai à peine suivi son exemple que je ne peux que remarquer une différence de facture. Le sol de terre a été recouvert d'une pièce végétale tressée, précédant une sorte de porte. Une sorte seulement. Le morceau de bois est ovale, pivote dans un cadre au moyen de chevilles étrangement situées au sommet de l'encadrement et ne dispose pas de poignée. Pour l'ouvrir, le lutin place sa main dans un trou en forme de demi-cercle situé au bas du panneau, agrippe un filin et tire le battant vers lui. Ce n'est que lorsqu'il enroule ce fil autour d'un crochet, en vérité racine épaisse, au plafond que j'en remarque la présence. Il se place de profil, incline la tête et me sourit.

"Bienvenue dans ma demeure."

Il a beau être courtois, je ne suis guère moins méfiant qu'auparavant. Cependant, s'il peut aider Lyïl et qu'il a la capacité de remettre mon aile d'aplomb, je dois saisir cette chance. J'avance donc, faisant attention où je mets les pieds. Le lutin me suit et s'approche d'une paroi. Il secoue vivement un objet qui se met à luire doucement. Il réitère l'opération plusieurs fois, me permettant de voir clairement ce qui m'entoure, le tout baigné dans une atmosphère au coloris entre bleu et blanc.

Difficile de croire que je suis dans un terrier. La pièce où je me tiens donne sur un autre couloir et ressemble à une salle à manger, avec table, tabourets, étagères portant de nombreux flacons, tapis tressé au sol et même un porte-manteau taillé dans une robuste branche et plantée dans le sol et le plafond. Le lutin y appose d'ailleurs son bâton et sa cape, mais ne se défait pas de son bonnet ni de ses bottes. Tout est à sa taille, et donc trop grand pour moi. Néanmoins, c'est largement plus supportable que le mobilier humain.

Guidant mon harney, je le suis tandis qu'il me conduit à une autre pièce. Elle est séparée du couloir par un rideau simple, comme toutes les autres salles qu'il dessert, et donne sur un matelas d'herbes séchées. Mon esprit est un peu engourdi par le soudain calme des lieux, et je ne réagis que peu aux explications de mon hôte. Ce que je retiens est qu'il est obligé de couper quelques plumes de Lyïl afin de nettoyer et panser ses plaies. J'ai beau me sentir de moins en moins dynamique, je reste aussi attentif que possible afin de m'assurer qu'il n'aggrave pas l'état de mon ami à plumes. Une expression enchantée ne quitte pas le visage gamin de cet étrange individu. Ses paroles me reviennent.

( Par ennui, hein ? C'est plutôt encore l'un de ces pauvres crétins prêt à soigner le premier venu, juste pour flatter son égo. )

Peut-être est-ce lié à l'air ambiant, mais j'ai la sensation que l'atmosphère se réchauffe un peu. Du revers de la main, j'essuie mon front à la limite du casque. Je transpire plus que je ne le devrais, chose qui est loin de me faire plaisir. J'ai peut-être trop tardé pour m'occuper de mes plaies à vif et mon corps me le fait payer. Sans ce combat avec les femelles, jamais je ne me serais retrouvé dans cette situation. Quel que soit l'événement qui me tombe sur le coin des plumes, elles y sont forcément mêlées. Sauf que cette fois-ci, certaines y ont laissé la vie.

( C'est de leur faute. )

Un bref instant, je revois le visage écoeuré d'Hyjuud et me frotte lentement le coin des yeux. Je sens que ce soir, comme bien d'autres soirs, je vais avoir beaucoup de mal à trouver le repos.

( Tout est toujours de leur faute. )



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Dernière édition par Nessandro le Lun 19 Mai 2014 22:05, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Lun 19 Mai 2014 22:05 
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La voix du lutin me tire de mes pensées tandis qu'il m'incite à le suivre hors de la pièce. Tout en émettant de petits claquements de langue, je fais un geste négatif du chef. Pas question de laisser mon ami à plumes seul ici. Bizarrement, le lutin semble étrangement compréhensif et retourne chercher de quoi s'occuper de mes blessures en me laissant la tâche de me défaire de ma tenue. Dire que cela fait à peine quelques heures que je me suis lavé, et me voilà de nouveau éclaboussé de sang auquel s'est collée de la poussière. Un souffle contrarié m'échappe tandis que je m'exécute. Je m'assure toutefois avoir ma sarbacane à portée de main. On ne sait jamais.

Mon corps s'échauffe, m'indiquant qu'il lutte sans doute contre un début de maladie autour de mes plaies. J'enrage mais ma faiblesse m'empêche d'exprimer ma frustration. C'est avec un léger tournis que j'assiste vaguement aux soins qui me sont apportés. La fraicheur du baume est augmentée par le parfum vague de la menthe sauvage, qui a d'ailleurs l'étrange don de m'apaiser. Je me reprends par contre immédiatement lorsque le lutin agrippe mon aile brisée d'une main, tenant un objet métallique dans l'autre. Brutalement, renouvelant la douleur de mon membre de plumes qui me cause un léger vertige, je la tire sauvagement de sa poigne. Dans le même mouvement, je déploie mon autre aile, l'utilisant pour repousser brusquement le bipède armé.

Dévoilant mes dents, je siffle d'une voix courroucée.

"Bas les pattes !"

Pour la première fois depuis que je l'ai rencontré, le lutin affiche un air déstabilisé. Son regard passe de mon aile à mon visage puis il lève lentement la main, me montrant ce qu'il tient. On dirait une pince aiguisée, bricolée à partir de morceaux métalliques. À en voir les bords intérieurs, elle doit couper plutôt facilement. Si je n'avais pas réagi, qu'aurait-il fait à mon aile ? Sait-il vraiment guérir ou voulait-il prendre le chemin le plus court, à savoir l'amputer ? Je me suis laissé endormir par la promesse de soin. Heureusement que mon instinct est toujours en éveil. Je ne lui fais pas confiance. Pas du tout. Et c'est encore pire maintenant.

Le guérisseur pousse un soupir et prend place sur un tabouret proche.

"J'aurais du te prévenir, toutes mes excuses. Ton aile est cassée, tu le sais ?"

Je me contente de l'assassiner du regard, les dents serrées mais visibles. En plus d'avoir causé le retour de la sensation horrible, il me prend pour le dernier des imbéciles ?

"Si tu veux qu'elle se remette, et que tu puisses t'en servir de nouveau, je dois y poser une attelle. Chose qui n'est pas possible à cause de tes plumes. Je suis obligé de te les couper."

Un frisson désagréable dévale ma colonne vertébrale. Jamais je n'aurais songé me retrouver dans cette situation. Si je le laisse faire, impossible de voler avant que Lyïl ne soit aussi remis. D'un autre côté, je n'y connais vraiment rien en médecine et laisser mon aile dans cet état ne peut qu'empirer les choses. J'y jette un regard, apercevant une bosse là où je sens la douleur à son plus fort degré. Je n'ai pas le choix, mais je ne décolère pas pour autant.

Tout en demeurant en partie abrité par mon aile valide, je le foudroie du regard.

"Commence par là la prochaine fois."

À mon grand étonnement, le lutin me sourit comme un bambin heureux. C'est soit cela, soit le fait que son visage a naturellement l'air enfantin. Je l'entends à peine siffloter tandis qu'il s'affaire à évaluer précisément l'état de mes os, occupé à m'assurer qu'il ne coupe bien que les plumes.

Son travail fini, j'observe l'attelle d'écorce moulée sur mon corps. Je doute de son efficacité, mais n'en souffle mot. Mon coup de sang m'a vidé un peu plus de mon énergie. Je m'entends protester tandis que le lutin cherche à m'emmener dans une autre pièce pour me reposer. Entre mon expression catégorique et le fait que le harney recherche le contact, il finit enfin par comprendre que je ne quitterai pas la salle. Lyïl est bien le seul être de ce terrier avec lequel j'accepte de dormir.

Avant de sortir et de me laisser enfin tranquille, mon interlocuteur m'indique une pièce au fond du couloir.

"Ma chambre est là-bas. Viens me réveiller quand tu ne te sentiras pas bien. "

Entre l'air serein qu'il affiche en me disant cela et le fait qu'il sache déjà que je vais me sentir mal cette nuit, difficile de dire ce qui m'énerve le plus. Je m'efforce de ne pas y penser en m'étendant auprès de ma monture. Tandis que l'étrange minéral bleuté éclairant la pièce perd peu à peu de sa luminosité, je me blottis contre le harney, ressassant les derniers événements. J'ai encore du mal à croire ce qui s'est passé aujourd'hui. La séparation d'avec Hekell, les retrouvailles avec Lyïl, l'absorption de magie sombre et la mise à mort de ces laideronnes emplumées. Y penser me ramène à l'expression d'Hyjuud et mon cœur se serre de nouveau. Je ne veux plus y songer, mais fermer les yeux ne fait que renforcer cette image.

Je vais avoir du mal à trouver le repos cette nuit.

(Tiens, je ne connais même pas son nom à ce type... Humph... Bah, inutile de m'encombrer de détails à son sujet. Ce n'est pas comme si je comptais rester plus que nécessaire.

J'ai chaud, je transpire, j'ai mal, et je ne suis pas rassuré. Cette liberté est décidément bien loin de ce dont j'avais rêvé. Quelque chose me dit que le réveil ne va pas être agréable non plus. Enfin, cela, c'est si j'arrive à m'endormir dans cet endroit inconnu et peuplé d'animaux bien armés, évidemment. Lové contre Lyïl, je me laisse bercer par son souffle calme. C'est bien le seul réconfort qu'il me reste à présent.



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Dernière édition par Nessandro le Dim 15 Juin 2014 13:48, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Dim 15 Juin 2014 13:48 
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Bleuté Obscur
-1-



J'ai chaud, comme si je me tenais trop près d'un grand feu. Pourtant, quand j'ouvre les yeux, ce n'est que la pénombre qui accueille mon regard. Je m'endors et m'éveille à intervalles réguliers, surpris de sentir mon souffle court et mes battements de coeur rapides. Quand j'essaie de me mouvoir un peu, une double sensation m'étreint : celle de toucher le plumage de mon harney, et la peine liée à mon aile cassée. Ma conscience finit par revenir alors que je pense entendre des bruits de pas longeant la pièce où je me repose. Les yeux dans le vague, et étrangement lourds, je tente de faire le point.

La veille, dans une clairière marquée par un étrange rocher, j'ai combattu et abattu des aldrydes. Le trépas de ces femelles me réjouit, mais ce sentiment est tempéré par le souvenir du mâle, mon ami d'enfance Hyjuud, qui m'a rejeté avec dégoût. C'est vrai. C'est la raison pour laquelle ma tête est si lourde. J'en ai pleuré tant la peine était grande. Même maintenant, penser à son expression outrée me fait mal. Nu, avec mon torque d'olath et d'or comme seul vêtement, je me redresse sur ce que mon corps me rappelle être un tapis d'herbes sèches et effleure le cou de Lyïl. L'oiseau émet un son chanté puis semble se rendormir. Mon esprit s'éveille et je me souviens avoir été amené ici par un lutin dont j'ignore le nom. Visiblement, celui-ci a assisté à mon combat et a décidé de me soigner.

Plus j'y songe, moins je trouve cela rassurant. Personne ne peut vouloir aider un inconnu sans demander une contrepartie. Tandis que mes yeux s'habituent progressivement à l'obscurité, je me rappelle d'un coup être dans un terrier de blaireaux. Vivement que mon aile se remette, et ma monture aussi. Devoir rester sous terre est totalement en contradiction avec mon désir de liberté. Je n'ai pas peur d'être entre six murs, mais cela ne m'enchante pas pour autant.

Prudemment, je pose les pieds sur le sol à tapis tressé, sentant un écho douloureux se propager dans ma cuisse meurtrie.

( Dire que j'ai consommé une potion spécialement pour soigner cela et que j'ai toujours aussi mal... )

Cette pensée me frappe. Quel idiot ! Plutôt que de me reposer sur ce lutin inconnu, pourquoi ne pas avoir consommé mes propres liquides curatifs ?

( L'urgence sans doute. Lyïl a aussi été blessé et un harney a du mal à boire dans une gourde. )

Devinant une forme sur la paroi à ma gauche, je m'efforce de m'en approcher et tapote une pierre du doigt. Lentement, une lueur bleutée envahit la pièce, aidant mes yeux à y voir plus clair sans m'aveugler. Je remarque immédiatement quelque chose, braque mon regard sur le rideau me servant de porte, et l'ouvre sans ménagement. À ma gauche, le couloir est assombri et sans trace de présence. À ma droite, le coloris bleuté illumine la pièce à vivre d'où me vient d'ailleurs la voix du lutin. Serrant les dents pour oublier la douleur qui se réveille, je franchis à grands pas la distance qui me sépare de l'autre salle.

Sitôt que j'aperçois le lutin à tignasse roussâtre, toujours coiffé de son bonnet vert, je retrousse la lèvre. Il porte toujours sa tunique verdâtre et marron, mais pas sa cape, et il semble ne pas avoir remarqué mon arrivée. S'il croit que je vais le laisser m'ignorer !

"Où sont mes affaires ?"

La créature avoisinant la quarantaine de centimètres, assise à sa table, relève son nez pointu et me sourit. Toujours cette fichue expression infantile sur la trogne, celui-là...

"Bonjour aussi. Je vois que tu as l'air un peu plus en forme."

"Mes affaires."

Le lutin pousse un soupir puis me montre du doigt la branche plantée à la verticale dans le sol et le plafond. Ma sacoche et ma gourde s'y trouvent, tout comme mon casque. Ce n'est qu'après l'avoir remarqué que je note que cet individu débordant de joie est en train de frotter et de réparer ma tenue de cuir à l'aide de lanières d'une texture semblable.

"Rassuré ?"

Le ton amusé qu'il emploie m'irrite encore un peu. Je viens à peine de me lever que je suis déjà d'une humeur massacrante. Mon interlocuteur tapote le tabouret à côté de lui, m'incitant à y prendre place. Je croise résolument les bras, me déplaçant latéralement et refusant de lui obéir. Il a beau m'avoir offert un abri, je n'ai aucune intention de faire ami-ami avec lui. Non seulement il ne m'inspire pas confiance, mais en prime il m'a vu en état de faiblesse. Rien que pour cela, je devrais lui planter une belle fléchette quelque part. L'ennui, c'est que ma sarbacane est à côté de lui, sur la table.

Pendant de longues secondes, le silence s'installe dans la pièce. L'énigmatique lutin retourne à son ouvrage sans me prêter attention. Du moins, jusqu'à ce que je décide d'aller m'emparer de ma gourde. Son regard se tourne immédiatement dans ma direction.

"Si cet objet contient un liquide curatif, je te suggère de ne pas le prendre."

Un sourire désagréable vient éclairer son visage enfantin, attitude qui me donne envie de lui asséner un revers de main bien senti dans la figure.

"Utilisé en conjonction avec le baume que je t'ai appliqué, ce genre de concoction devient extrêmement toxique. Essaie si tu veux, mais je t'aurai prévenu."

Je suspends mon geste et l'observe, incapable de déterminer s'il dit la vérité, ou si c'est juste un subterfuge pour prolonger mon séjour ici. Ceci dit, mes narines m'amènent l'odeur végétale et piquante émanant de mes bandages. Je ne suis pas naïf, mais hors de question de prendre le moindre risque supplémentaire. De toute manière, je n'ai pas d'autre choix que de demeurer ici. Lyïl a besoin de temps pour récupérer, et mon aile aussi. Et cela m'irrite au plus haut point.

Plongeant la main dans ma sacoche, j'en sors l'un des sachets de balles de miel que j'ai eu le bon esprit de me procurer la veille. Le petit sac est encore fermé par le noeud que je personnalise, me prouvant qu'il n'a pas été ouvert. Méfiance, méfiance. Qui sait ce dont ce lutin serait capable, juste pour tromper son ennui ?

Alors que je mords dans mon aliment à pleines dents, mon voisin s'accoude sur sa table et m'observe. Je tente d'en faire fi, mais il me détaille avec tant d'insistance que je finis par lui lancer un regard sombre.

"T'as pas mieux à faire ?"

Un petit rire accueille ma remarque.

"J'ai quand même bien le droit de regarder mon invité."

"Si tu ne tiens pas à tes yeux, continue."

"Ouhla, pas la peine de s'énerver."

Et toujours ce sourire confiant et amusé. Je ne veux pas savoir ce qui lui passe entre les deux oreilles pointues en ce moment, mais il l'exprime quand même.

"Dis-moi... À quel point t'y connais-tu en magie ?"

J'arrache violemment un morceau de ma balle dorée que je prends le temps de mâchonner. Pourquoi me pose-t'il autant de questions ? Il devrait pourtant avoir compris depuis un moment que je n'ai aucune intention de devenir son ami ou même plus qu'un souvenir flou. Je déglutis et fronce les sourcils.

"Je ne vois pas en quoi cela te regarde."

"Oh, mais en rien. Je pensais juste que tu t'y prenais vraiment comme un amateur."

Malgré moi, mes doigts s'enfoncent dans le liquide durci et jaunâtre. Il me provoque, là ! Comment sait-il que je débute ? Je sais bien qu'il a laissé entendre m'avoir vu me battre, mais qu'il ait assisté à mes difficultés en matière de magie m'agace un peu plus. Qu'à cela ne tienne, je ne vais pas me laisser faire ! J'esquisse un sourire à mon tour, mesquin comme autrefois. Lancer des piques m'a manqué.

"Parce qu'un pauvre lutin paumé planqué dans un terrier est en droit de me donner des leçons de magie ?"

Le sourire du lutin s'efface petit à petit, et à son tour il affiche un air renfrogné. Soudain, alors que je suis certain de le regarder, il disparait de mon champ de vision en un clin d'oeil.

( Par mes plumes ! )

Sa voix me parvient, mais je n'en distingue pas la provenance exacte.

"Dans ce cas particulier..."

Un mouvement dans mon dos ainsi que la sensation qu'on lisse l'une de mes plumes me font instinctivement faire un pas de côté et mettre mes ailes hors de portée. J'écarquille les yeux en découvrant le grand gaillard adossé à une paroi proche. Comment cet énergumène a-t'il réussi à passer de son tabouret à mon dos sans que je le vois faire ? Face à ma surprise, le lutin retrouve un air espiègle.

"J'ai effectivement des connaissances à transmettre."

Lentement, il amène sa main au niveau de ses épaules. Je le vois alors se concentrer un instant. D'ondulantes volutes plus sombres encore que celles que je suis capable de produire se mettent à tourner autour de ses doigts, comme des serpents sous son contrôle. Un frisson me dévale l'échine tant l'aura glacée qu'il dégage réveille mon instinct de survie. Ce lutin est dangereux, bien plus que son aspect infantile le laisse supposer.

Après de longues secondes de démonstration, le porteur de bonnet serre le poing, dissipant sa magie. Tranquillement, il retourne s'asseoir à sa table et s'y accoude.

"Puisque tu sembles devoir rester un peu, pourquoi ne pas en profiter pour apprendre deux ou trois choses avec moi ? Je suis persuadé que tu as envie d'en savoir plus. Bien plus."

M'obligeant d'abord à respirer pour calmer mon coeur et mon corps meurtri, je prends le temps de finir mon maigre repas. Pendant tout le temps que je mets, le lutin ne me quitte pas des yeux. Croisant finalement les bras, j'incline un peu la tête sur le côté.

"Proposition faite par ennui, évidemment ?"

"En grande partie. Alors ? Intéressé ?"

Je pousse un souffle nasal mécontent. Plus je reste ici, plus j'augmente ma dette à son endroit. Pourtant, s'il est capable de m'enseigner des choses sur cette magie obscure, c'est l'occasion d'en parfaire ma maîtrise.

"... Possible."

"Très bien ! Au fait, je m'appelle Célestin Delatourelle, mais puisque tu vas être mon élève, tu m'appelleras professeur ou maître."

C'est sans aucune hésitation que je lui fais part de ma pensée.

"Rêve."

À ma réponse, le lutin part dans un grand éclat de rire contrastant avec l'apparence menaçante qu'il m'a offert. Tant qu'à devoir attendre de guérir, autant occuper mon temps utilement. Par contre, s'il croit que je vais le respecter pour ça, il peut toujours se fourrer son bonnet vert dans l'oeil. Je vais l'utiliser pour m'exercer, mais je n'ai aucune intention de lui rendre un quelconque service en échange. Sitôt mon corps remis, je lui fausserai compagnie.

( Prudence quand même, mon aldron. Un être capable de te faire ressentir de la crainte aussi facilement n'est pas à prendre à la légère. )



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Dernière édition par Nessandro le Sam 22 Nov 2014 14:13, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Mar 29 Juil 2014 13:15 
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Après avoir pris le temps de vérifier que l'attelle maintenant mon membre de plume ne bouge pas, et avoir changé mes bandages par de plus récents et toujours aussi odorants, le lutin me laisse remettre mes bottes et pantalon court à pagne. Suite à cela, je grimpe sur l'un des tabourets trop grand pour moi, m'installant face à lui. Si son visage avait un aspect gamin auparavant, la joie qu'il manifeste à l'idée de m'enseigner des choses renforce encore cette expression. S'il sourit davantage, je suis certain que les coins de sa bouche finiront par atteindre ses oreilles pointues. Quelques secondes s'écoulent où je l'entends commencer des phrases sur la magie, s'arrêter, changer de formulation puis de sujet. Il s'embrouille, utilisant des termes qui n'ont aucun écho pour moi. Je ne me prive d'ailleurs pas pour lever mon bras valide en un geste de barrière dès qu'il se perd dans des mots techniques.

Je finis par souffler violemment sur l'une de mes mèches blondes, la chassant de mon visage d'un bleuté argent.

"Arrête de recommencer tout le temps tes phrases. Je n'apprendrai jamais rien dans ces conditions. "

Je pousse un grondement agacé avant de poursuivre.

"Commence par le basique. Si tu t'y connais tant en magie, explique-moi donc ce que c'est."

Le lutin semble se reprendre, toussote, puis il se met à me parler d'énergie présente dans tout ce qui nous environne. Il lève ses deux mains, les mettant face à face et ne repliant que les pouces.

"On la divise en huit éléments. La glace, domaine du froid opposé au feu. L'eau qui ne fait pas bon ménage avec l'électricité. La terre qui s'entend mal avec l'air. Sans oublier la lumière qui soigne, opposée à l'obscurité qui... "

"Fait le contraire. Et je dois en retenir quoi ?"

"Que ceux de ma main gauche ne vont pas bien avec ceux de ma main droite. Par exemple, toi qui possède des fluides obscurs, tu n'as pas intérêt à avaler de la magie lumineuse."

Je hausse légèrement un sourcil. Devant mon expression, Célestin se remet à sourire avec amusement. C'est sur un ton jovial et donc totalement inapproprié qu'il reprend la parole.

"Ca te tuerait. Dépendant du dosage, cela se passerait immédiatement ou après de longues minutes d'agonie."

Mon expression se ferme et je garde de justesse une interrogation pour moi. Ce lutin a fait usage devant moi de magie noire. Pourtant, je suis certain qu'il a aussi utilisé de la lumière pour apaiser la douleur de Lyïl hier. Soit c'est un menteur qui ne connait guère plus que moi en magie, soit il me cache quelque chose. Ou alors mon esprit fatigué m'a juste joué un mauvais tour. D'un autre côté, moins j'en sais sur son compte, et moins je risque d'accorder d'importance à son existence. De toute façon, je sens que même si je ne lui pose pas la plus petite question, ce gaillard a tendance à vouloir faire étalage de ses connaissances. Ceci dit, je demeure persuadé qu'il n'est pas aussi invulnérable que son masque à sourire le laisse penser.

Attentif malgré mon agacement, je l'entends me parler de sortilèges demandant une grande maîtrise de ses capacités magiques et qui permettent de jouer sur le mental d'un adversaire. Malgré mon intérêt, cet idiot juge que je n'ai pas à m'y intéresser pour le moment. Tant pis. S'il refuse de m'apprendre, je finirai bien par le faire seul. Je n'ai besoin de lui que pour les bases après tout.

Finalement, après un long moment où il tente de m'expliquer maladroitement son ressenti lorsqu'il manie ses fluides, il abandonne la partie.

"Bon, l'enseignement théorique n'est vraiment pas mon activité favorite."

"Par contre, tu excelles à pointer les évidences..."

Le lutin me jette un regard boudeur avant de proposer de nous aérer tous les trois. J'en hausse un sourcil, méfiant. Pourtant, je ne doute pas que Lyïl ait besoin de se dégourdir les pattes. C'est donc ensemble, et ma gourde à portée de main, que nous sortons du terrier. Il a beau être abrité par des arbres proches, la luminosité soudaine me fait plisser les yeux. Même mon harney reste apparemment dubitatif lorsque le tissu qui cache son regard est ôté. Il bat prudemment des ailes avant de chercher au sol de quoi se nourrir. Célestin décide toutefois de nous éloigner un peu de l'entrée, afin de ne pas perturber les autres occupants du terrier. Ils ont beau se trouver à plusieurs pièces sous terre, le lutin met un point d'honneur à les respecter.

Avoir du respect pour des blaireaux. Quelle idée saugrenue.

C'est près d'une vieille souche recouverte de mousse que le lutin s'arrête et que, contre toute attente, il s'assoit. Il attrape une brindille et se met à la mâchonner en regardant en l'air. De longues secondes passent sans qu'il ne fasse autre chose que rêvasser. Je croise les bras, fronçant les sourcils. Il va bien finir par se décider. Il ne m'a quand même pas fait sortir juste pour respirer un peu.

Au bout d'un moment à l'entendre mâchouiller, je n'y tiens plus.

"Eh !"

Célestin me jette un bref regard, sourit puis s'adosse de plus belle à la souche. Plus je fréquente ce lutin et plus il m'irrite. On dirait bien que si. Cet idiot aux oreilles en pointe a décidé de paresser dans le soleil perçant entre les feuilles. Soit ! S'il ne veut pas m'aider, alors je le ferai seul ! Comme d'habitude ! Il faut que je sois bien trop naïf pour avoir cru pouvoir compter sur quelqu'un d'autre.

Longeant la souche, je m'éloigne un peu, tendant mes spirales auditives pour ne pas me faire surprendre par un quelconque prédateur. Je débouche alors ma gourde et songe au second petit fluide d'obscurité que j'ai acquis. Au moins, je sais par cet oisif lutin que je dois éviter d'absorber un concentré trop puissant pour ma maîtrise actuelle. Je porte le goulot à mes lèvres, percevant l'essence magique se déverser en moi. Comme la veille, un froid menaçant dévale lentement ma gorge, faisant se crisper chaque parcelle de mon être, peau comprise. Comme si un soudain brouillard se levait en moi, je sens la crispation se répandre dans mon corps. Mon être complet se raidit, comme prêt à rejeter la magie, mais lorsque je perçois une sorte de contact s'établir entre ma propre énergie sombre et celle que je viens d'avaler, les tremblements qui m'agitent s'apaisent progressivement. J'ai étrangement l'image d'une lente danse entre deux flots qui s'enroulent l'un sur l'autre, jusqu'à ne plus former qu'une masse plus épaisse.

Un court instant, le paysage se teinte de gris devant mes yeux, comme si toute vie avait été volée au lieu que je scrute. Ce changement m'inquiète et me fascine à la fois. Petit à petit, le coloris naturel revient, et je me rends compte de l'accélération soudaine de mon muscle cardiaque. La tension est si forte que mes blessures semblent menacer de se rouvrir et que la pulsation fait un écho douloureux dans mon aile brisée. Pourtant, rien de dangereux ne se produit et, comme hier, l'obscurité se divise, se nichant aussi bien dans mes bras qu'à la base de mes ailes.

Je tends doucement la main devant moi, cherchant à faire naître mes volutes sombres au creux de ma paume. La magie glisse sous ma peau, mais au moment où je l'amène dans ma main, un claquement douloureux se produit, renvoyant l'énergie magique au plus profond de mon être. Elle se rebelle. Entre souffle contrarié et regard inquisiteur, j'en esquisse un sourire en coin.

( Fais des caprices tant que cela te chante, magie sombre. On verra bien qui de nous deux est le plus obstiné. )





Tentative d'absorption du fluide 1/8 d'obscurité

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Ven 1 Aoû 2014 11:14 
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Lyïl évolue doucement sur ma droite, picorant de temps en temps, tandis que mes spirales auditives vibrent d'un sifflement tranquille émis par Célestin. La distance entre nous et l'ambiance calme de la forêt à cette heure indéfinissable me permettent de faire le vide. Je souffle lentement par la bouche, chassant toute pensée parasite de mon esprit. Le froid magique qui m'habite fluctue, comme pour me prouver que je n'en ai pas le contrôle total. Fermant à demi les yeux, j'applique les mains contre mon sternum, en essayant de visualiser cette énergie noire. Seule l'image de cette main dont je me suis servi contre cette laideronne de magicienne aldryde me revient. Je m'efforce de me concentrer pour façonner mentalement autre chose, mais mes souvenirs me ramènent toujours aux événements de la veille.

Non loin, le lutin cesse brièvement de siffloter pour lâcher un commentaire.

"Quand on a la volonté pour, tout est plus facile. Il faut juste un zeste de caractère."

Sur ce, il se remet à produire un air qui n'a rien d'enjoué. Ma tête effectue d'elle-même un signe négatif avant de se reporter sur la silhouette du harney. Je ne suis pas là pour me détendre, moi. J'ai déjà réussi à jeter un sort auparavant. Je suis donc capable de le faire, que ce soit avec ou sans aide. Si la volonté et la concentration sont la clé de la magie, alors rien n'est censé pouvoir me retenir. Je reprends donc mes exercices.

La fausse matière sombre me parait difficile à manier. Lorsque je tente de la pousser dans mon bras, j'ai presque l'impression de m'empêtrer dans de la mélasse. Peut-être que je vois simplement trop grand. Après tout, je n'ai de contact avec la magie que depuis peu. Pendant de longues minutes, je cherche à appréhender cette énergie sans y parvenir. La frustration pointe, m'obligeant à faire une pause.

Un soupir court m'échappe tandis que je lève mon regard sombre au ciel, masqué grandement par des branches. Haussant mon bras valide pour masquer la luminosité ambiante, j'observe un bref instant le passage d'un nuage. Une portion d'eau qui vole, et que j'ai vu de près en volant dedans, quelques heures après ma fuite du manoir. Une fausse masse, pourtant détruite à cause d'un simple souffle de vent.

( Un nuage, hein ? Pourquoi pas ? )

J'abaisse ma main, trouvant saugrenue mais intéressante l'idée d'appréhender cette mélasse magique comme un nuage.

( Si ma volonté est un souffle de vent, alors... )

Fermant les yeux, je fais de mon mieux pour superposer l'image du nuage et celle de ma magie sombre. Plus je me concentre, et plus j'ai la sensation de deviner la forme de milliers de gouttes évoluant avec une grande lenteur. Poussant plus loin, je visualise mentalement une lame de vent, venant sectionner une boucle de cet amas. Tout d'abord, la masse demeure inerte, comme refusant d'obéir. Je réitère l'opération jusqu'à être certain de dominer cette énergie. Enfin, je parviens à détacher une parcelle noire du tout, et tente de la pousser vivement vers ma paume.

Nouveau claquement douloureux et dispersion de la magie.

"Tch !"

"Idée intéressante."

Mon corps fait un quart de tour, juste assez pour faire entrer la silhouette d'un lutin goguenard dans mon champ de vision. Comme pour me narguer, je le vois lever la main et faire virevolter des volutes noires autour de ses doigts. J'en fronce les sourcils, agacé par son attitude, quand je remarque qu'il ne fait que me scruter en maniant sa magie. Pas de sifflements, pas de paroles, et même ses yeux semblent me regarder sans vraiment me voir.

Quand il dissipe ses petits effets, il reprend un air jovial.

"Mais je te pensais plus sérieux. On n'abandonne pas un exercice juste parce qu'on a réussi au début. C'est du travail bâclé que tu me fais, petit."

Malgré moi, ma lèvre supérieure se retrousse légèrement.

"Si un certain paresseux assumait ses propositions, cela n'arriverait pas."

"Oh ? Ne me dis pas que tu as besoin d'aide, si ?"

Froissé, je me détourne de lui. Plutôt me briser une nouvelle fois l'aile que de l'implorer de m'aider. Et puis quoi encore ?

Peut-être parce qu'il a senti ma mauvaise humeur, Lyïl s'approche de moi, abaissant sa tête dans ma direction. J'effleure sa joue, laissant le contact avec les plumes m'apaiser. J'en profite pour observer la zone blessée. Tant que le plumage à cet endroit n'aura pas repoussé, la cicatrice faite par la ronce restera visible. Je tressaille un bref instant à l'idée que l'épine aurait pu s'enfoncer plus haut, dans son œil. Il me faut être plus prudent. S'il lui arrivait malheur...

( Non, cela n'arrivera plus. J'y mettrai le temps qu'il faudra, mais je deviendrai assez fort pour éviter ce genre d'incidents. )

Un son chanté échappe au bec de l'oiseau à huppe bleue, avant qu'il ne reprenne sa recherche d'aliments au sol. J'inspire doucement et me remets à ma tâche. J'apprendrai à maîtriser mes pouvoirs et ferai fermer son clapet à cet insupportable lutin.

Décidé, je reprends mes activités. Fermer les yeux ne m'enchante guère, mais c'est le moyen le plus efficace que j'ai trouvé pour le moment, afin d'atteindre rapidement un bon seuil de concentration. J'avance mon bras valide devant moi, et tente une nouvelle fois d'extirper une parcelle de ce faux amas. L'exercice n'est pas simple, mais je le réalise un peu plus rapidement. Je rouvre les paupières, avisant la parcelle de mon buste où je perçois le froid obscur se trouver.

( Pas de précipitation. )

Mes yeux se ferment une nouvelle fois et je m'efforce de visualiser mes pensées sous cette forme venteuse, apte à conduire ma magie dans ma main. De longues minutes me sont nécessaires pour la faire progresser en moi, non pas par difficulté, mais par prudence. Je n'ai aucune envie de ressentir cet affreux claquement encore une fois. Parcelle de peau par parcelle de peau, je finis par amener ce bout de nuage noir au creux de ma main.

(Et maintenant ?)

Essayer de reformer les volutes noires, comme hier. Tant qu'à songer à un nuage, autant poursuivre ce raisonnement jusqu'au bout. Peu à peu, ma volonté donne corps à cette magie, enveloppant mes doigts d'une brume glacée, sombre et dangereuse. Même moi, en voyant ce coloris, j'ai du mal à réprimer un frisson. Pourtant, je refuse de céder à ce que mon instinct me dicte, et scrute avec fascination cette ombre que je déploie. Il me faut apprendre à la manier davantage, à en faire ce que je veux. Cette énergie sombre est encore faible, et je suis certain qu'il m'est possible d'accroître mon pouvoir. Cependant, si j'ai des difficultés avec ma réserve actuelle, autant éviter de l'augmenter présentement.

À force de regarder cette ombre masquant la lumière tombant sur mon épiderme, que je fais glisser entre mes phalanges, et qui semble chercher à s'écarter de moi, une idée presque infantile me vient.

( Jusqu'à quel point peux-tu masquer les alentours ? )

Malgré la pénibilité de la chose, j'élève légèrement mon autre bras et réitère mes exercices de concentration. Peut-être est-ce parce que je m'y attèle depuis un bon moment, mais il me semble plus simple de guider le nuage en moi.

Lorsque je sens le froid mortel dans mes paumes, je décide de lui donner davantage de consistance. Au bout de mes doigts, une étrange zone d'ombre masque mes dernières phalanges. Ce n'est pas ce que je veux. Masquer simplement mes bouts de doigts n'a aucune valeur. Je retente l'opération, mais en essayant de pousser le nuage un peu plus loin de mes paumes avant de le matérialiser. Il y a du mieux, mais seul mon champ de vision est assombri. Lorsque je me tourne légèrement vers mon aile valide, je peux la voir parfaitement.

Toutefois, je sais être sur la bonne voie. Il me faut juste comprendre où faire démarrer le nuage. Je m'y reprends à une puis deux et trois reprises, mais jamais je ne parviens à m'envelopper totalement dans cette zone d'ombre. Peut-être est-ce là ma limite ?

Alors que je m'accorde un instant de repos, le lutin émet un petit bruit digne d'un ruminant.

"Bon, allez, je vais te donner un indice, parce que là... Tu t'y prends si mal que j'en ai le cœur qui saigne."

Je lui jette sans ménagement un regard acéré, qui ne fait que l'amuser. Célestin s'assoit en tailleur puis fait apparaitre ses propres volutes. Contrairement aux autres fois, il ne bouge pas ses mains, et l'enroulement sombre se déploie de différentes zones de sa forme. D'un seul coup, toute la zone où il se trouve s'obscurcit, masquant sa présence, et m'enveloppant également. La magie cache si bien la lumière que je n'y vois plus rien, pas même ma propre main.

Immobile, je refuse de céder à la plus petite appréhension. Ce lutin a beau être dangereux, je suis persuadé qu'il ne fait cela que pour s'amuser. Je patiente donc, jusqu'à ce que la lumière réapparaisse. Je crois que j'ai compris où il voulait en venir. Si je dois m'envelopper dans toute une zone d'ombre, ma faiblesse actuelle m'oblige à matérialiser ma magie à partir de pratiquement l’ensemble de mon corps ou, tout du moins, de ne pas me contenter d'un seul point de diffusion. Je ne résiste toutefois pas, en voyant l'expression amusée du grand gamin, à lui envoyer une répartie blessante.

"Un indice qui rend un problème plus obscur... Tu sers à quoi, au juste ?"

L'expression de Célestin se ferme un peu, chose appuyée par son regard qui se fait plus sournois. Un jour, je lui ferai regretter de me faire perdre mon temps avec ses enfantillages. Mais pour l'heure, je décide de l'ignorer. Je suis sur une bonne piste, hors de question de m'arrêter maintenant.

J'élève mon bras valide au-dessus de moi, tendant l'autre bras vers le sol. Lentement mais sûrement, je déploie mon fluide autour de ma position. Quand je me sens prêt, je le matérialise. Une zone moins claire m'environne, mais divers points moins concentrés laissent encore passer la lueur du jour.

( Presque ! )

Je recommence, bloquant ma respiration au moment où je relâche ma magie. Plus je m'exerce, et plus le voile m'entourant s'assombrit, mais il me faut le garder à une certaine distance de moi. Au-delà, des "trous" se font dans la zone touchée, amoindrissant l'effet. Mon corps commence à fatiguer de cet exercice, tout comme mon esprit. J'ai beau être têtu, un tel effort mental puise quand même dans mes ressources.

Une dernière fois, je place mes bras à l'opposé l'un de l'autre, verticalement. Yeux clos, j'y amène ma magie obscure, gardant le fluide à la fois lié à mes paumes, et se diffusant dans l'air. Quand je me sens prêt, j'oblige mon énergie magique à s'approprier l'endroit, volant la lumière des environs. Un voile de ténèbres s'abat sur toute la zone m'enveloppant, masquant mon champ de vision. Nulle forme visible. Nul point plus grisé que le reste. J'ai réussi à faire tomber la nuit sur une parcelle du monde.

Lorsque le sort se dissipe, Célestin s'avance vers moi, un sourire ravi sur le visage. Il tape lentement dans ses mains, en un applaudissement dont la sincérité est difficile à déterminer.

"Eh bien tu vois ? Ce n'était pas si difficile."

Je lui lance un regard dans lequel je lui fais comprendre que ce n'est guère grâce à ses conseils que j'en suis là. Le grand gaillard ne se défait pas de son étrange sourire.

"Maintenant que tu sais fabriquer une ombre digne de ce nom, je vais pouvoir te montrer les réelles capacités de cette magie. Tu n'as encore rien vu."

Son ton se fait graduellement moins jovial, chose qui m'incite à me méfier. Quelques secondes de flottement se font, pendant lesquelles ma peau se hérisse, mais pas à cause de ses paroles. Il redevient d'ailleurs rapidement le lutin espiègle qu'il semble être la plupart du temps.

"Mais pas aujourd'hui. La nuit approche, j'ai faim, et toi tu ne tiens presque plus debout."

Je m'abstiens de tout commentaire, et incite Lyïl à revenir à mes côtés. L'oiseau semble s'être habitué au traitement subi, puisqu'il me laisse lui bander de nouveau les yeux sans rechigner. Je me sens épuisé, mais aussi content de moi et curieux.

Qu'est-ce que Célestin peut vouloir dire par là ? La magie noire peut-elle faire autre chose que prendre des formes de main mortelles et voler la lueur ambiante ? Je dois bien avouer que là, il a su piquer ma curiosité.




Tentative d'apprentissage du sort d'obscurité : Voile de ténèbres.

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Mar 14 Oct 2014 21:26 
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Les ailes repliées autour de moi, le pied arrimé au bord du tabouret que j'ai volontairement éloigné de la table, j'écoute attentivement les sons ambiants. J'avais eu encore un peu d'espoir mais, il fallait bien l'admettre, c'était bel et bien raté pour aujourd'hui aussi. Depuis mon réveil d'hier matin et jusqu'à maintenant, une pluie lourde et continue s'est mise à tomber sur la forêt. C'est à se demander comment le terrier parvient encore à rester sec avec tout ce qui descend des nuages. Assis à la table, en face de moi, le lutin fredonne sur un tempo lent, pendant qu'il broie une racine dont l'odeur forte me fait froncer les sourcils. Depuis que je le connais, jamais je n'ai ressenti un tel calme. Célestin n'a pas articulé un mot depuis que le ciel s'est obscurci, chose qui m'intrigue, mais à laquelle je m'efforce de ne pas songer. M'inquiéter de son état d'esprit sous-entendrait que j'ai un quelconque intérêt pour sa personne.

Chose qui, malgré les quelques jours passés chez lui, n'est toujours pas le cas. Et c'est bien un point auquel je ne compte pas remédier.

Avec précaution, je retire le bandage de mon bras blessé et observe ma peau. Je ne sais pas exactement ce qu'est la plante qu'il mixe avec les bandages, mais l'effet est là. La plaie est ressoudée en profondeur, et si cicatrice il y a, elle sera à peine visible. La même chose arrive à ma cuisse droite. La seule sensation désagréable que j'éprouve vient de mon aile cassée. Immobilisée par l'attelle, elle n'en reste pas moins sensible. J'ai hâte de me remettre, mais ce maudit lutin pense qu'il me faut encore au moins deux semaines de repos pour que je sois rétabli. Y songer me fait pousser un souffle agacé.

( Et après, il faudra que je redonne sa force à mon aile. Trois semaines sans exercice vont l'avoir affaibli.)

Ce n'est qu'en ôtant une mèche blonde de mon visage que je remarque l'arrêt des mouvements du porteur de bonnet. Ce dernier me regarde, un air interrogateur plaqué sur le visage.

"Quoi encore ?"

Comme s'il prenait conscience que je m'adressais bien à lui, Célestin semble un instant confus.

"Je croyais que tu m'avais appelé."

Je n'hésite pas une seconde à lui lancer un regard méprisant, où je lui fais clairement comprendre que je n'ai jamais esquissé cet acte, ni ne suis enclin à le faire. Il baisse son nez pointu vers son mortier et reprend son ouvrage.

"Hum. Ma tête doit me jouer des tours. Vilaine pluie. Toujours à faire remonter de mauvais souvenirs."

Il se tait, et je détourne le regard vers la branche porte-manteau. Je sais ce qu'il veut. Il attend que je lui demande lesquels, que je m'intéresse à son histoire. Manque de chance, la connaître ne m'apportera rien. J'ai eu mon propre lot de mésaventures et de blessures, aussi bien physiques que morales. Me charger de celles des autres ne serait qu'un poids inutile. Ma décision prise, je me mure dans le silence et, abaissant un peu mon aile, j'accole ma tempe à la paroi.

De nouveau, seul le rythme de la pluie heurtant feuilles et sol se fait entendre. Je ferme les yeux, profitant de cette paix sans doute éphémère. Je demeure toutefois vigilant, au cas où l'autre occupant de la pièce chercherait à diminuer cette distance de sécurité que j'ai mise entre nous. Émanant du couloir, le chant de Lyïl fait écho. Sans rouvrir les paupières, j'émets un sifflement doux auquel l'oiseau répond brièvement. Le bruit des herbes qui bougent m'indique qu'il change de posture, sans doute avant de se rendormir.

Tandis que le crissement des morceaux végétaux à l'agonie continue de s'élever dans la salle éclairée en bleuté, le lutin finit par reprendre la parole.

"Tu ne trouves pas que la pluie est déprimante ?"

Immobile, je laisse bien cinq secondes s'écouler avant de daigner répondre.

"Non."

"Moi si. Elle a un son qui détend, qui abaisse les barrières et invite à l'introspection. Et regarder à l'intérieur, je n'aime pas. Ou plutôt, je n'aime plus."

Je rouvre les yeux, fixant brièvement le plafond avec agacement. Et le voilà encore à tendre une perche que je n'ai nulle envie de saisir. Combien de temps compte-t'il tenter le coup ? S'il essaie ne serait-ce qu'une fois de plus d'entamer une conversation, autant que j'aille rejoindre mon harney. Je n'ai pas sommeil, mais je préfère encore perdre mon temps là-bas qu'avec ce pleurnichard. Face à mon silence et à mon visible dédain, Célestin laisse son mortier en plan et fait un geste vif, qui attire mon attention. Fort heureusement, ce n'était qu'un grand élan, juste pour faire émerger un mouchoir de sa poche.

Je sens mon visage s'assombrir, certain d'avoir aperçu une esquisse de sourire.

( Il l'a fait exprès, juste pour être sûr que je le regarderai. Manipulateur jusqu'au bout des ongles, ce type. Raison de plus pour ne pas t'impliquer, mon aldron. )

Le lutin se mouche en produisant un son entre le cri d'un instrument à vent percé et le râle d'une mare de boue dont on s'extirpe.

"Tu n'es vraiment pas causant comme garçon."

"Tu as deviné cela tout seul ? Félicitations."

"Je n'ai aucun mérite."

Célestin souffle encore dans son bout de tissu qu'il garde en main, pendant que ses yeux luisants se rivent aux miens.

"Tu pourrais au moins faire semblant de t'intéresser. Tendre la main, ça fait se sentir utile. Cela permet de lier connaissance, de se confier."

Un son entre dépit et moquerie m'échappe. Je scrute mon interlocuteur sans la moindre timidité. Ma mesquinerie reprend le dessus.

"Tu parles de toi, là, non ? "

J'ai apparemment visé juste. Le lutin abaisse légèrement son bonnet. Il m'a agacé, aussi, je poursuis avec un ton piquant.

"Tu ne m'intéresses pas, et je ne t'intéresse pas. Si tu voulais te servir de moi pour t'épancher et recevoir un peu de réconfort, mauvaise nouvelle, ce n'est pas mon genre."

Je descends du tabouret, défroisse machinalement mon pagne et me dirige vers le couloir. Alors que j'ai à peine fait quelques pas dedans, la voix enrouée mais étonnamment plus assurée de mon hôte me parvient.

"Attends."

Je suspends mon avancée, tendant légèrement ma spirale auditive parée du bijou dans sa direction. D'ordinaire, je l'aurais ignoré, mais son changement de tonalité m'intrigue.

"J'ai appris des choses sur ton compte, là-bas, dans la clairière. Certaines sont bien embarrassantes, Lyuündil."

Mes yeux s'arrondissent et mes poings se serrent. Encore ce nom que j'ai renié de tout mon être. J'avais écarté de ma mémoire que cet individu avait assisté à mon dangereux combat, et à ce qui avait suivi. Et il vient juste de me le lancer en pleine figure. Déjà, mon esprit s'échauffe. J'ai choisi de ne rien savoir de lui, mais c'est un habitant de cette forêt. Et si ce type était en lien avec mes geôlières d'autrefois ? Il pourrait très bien me livrer à elles. Pourtant, ce ne serait pas logique qu'il m'ait aidé et pas ses voisines. Mon crâne a du mal à contenir toutes les pensées négatives qui viennent de naître. Ce qui est certain, c'est que cet énergumène en sait déjà trop sur moi. Le shaakt Hekell aussi, mais il avait un passé sensiblement identique au mien, et s'était retrouvé embarqué dans ce livre maudit, comme moi. Le destin nous a rapproché, et a ensuite séparé nos voies. Ce qu'il a apprit à mon sujet ne risque pas de me causer grand mal. Par contre, savoir que ce lutin sorti de nulle part connait autant de choses sur mon compte me fait grincer des dents.

Peut-être s'attendait-il à cette réaction. En tous cas, lorsque je me tourne vers lui, je constate étrangement une esquisse de sourire sur son visage.

"J'avoue que ce n'est pas juste envers toi. En compensation, je vais te dévoiler des choses gênantes ou dangereuses pour moi. Cela t'intéresse, Lyuündil ?"

Je prends quelques instants pour souffler doucement. Il ne sait de moi que ce qu'il a vu en forêt, et je n'ai aucune intention de lui en apprendre plus. Pas besoin de m'affoler, et je retrouve mon calme en me remémorant ma ligne de conduite.

( Les liens ne sont que des chaines pour qui recherche la liberté. )

Si je juge Célestin trop gênant, je devrais m'en débarrasser. Ce n'est pas une femelle, et je n'ai pas véritablement de haine à son endroit sauf à cause de sa taille, mais son existence peut potentiellement mettre ma liberté en danger.

( Mais il est encore trop tôt pour l'affirmer. )

Je reviens sur mes pas, et reprends place sur le tabouret. Les yeux du lutin semblent briller dans la luminosité bleutée de la salle. Posé, je reprends la parole.

"C'est cela. Étant donné que tu ne vas pas oublier ce que tu as vu, voilà ma condition : tu ne m'appelles plus jamais de cette façon, et j'écouterai tes jacasseries."

Célestin passe son regard d'un de mes yeux à l'autre, avec une certaine curiosité. Sans doute, après ces quelques jours, était-il content de pouvoir poser un nom autre que "aldryde" sur mon visage. Je prends donc une décision qui fait un peu plus pencher la balance vers mon choix de l'éliminer, mais masque mes intentions derrière mon froncement de sourcil mécontent habituel.

"Mon nom est Nessandro."



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Dernière édition par Nessandro le Sam 22 Nov 2014 14:43, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Mer 29 Oct 2014 18:29 
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Dix années ont passé depuis que notre jeune héroïne avait quitté le manoir du vieil alchimiste. Départ forcé, tumultueux et presque mortel, mais le destin avait décidé que Hildegarde pourrait avoir la chance de découvrir le monde.
Que s'était-il passé durant ces dix années ?
La jeune guérisseuse avait erré longtemps, en marchant tout droit afin de s'éloigner le plus possible de son passé. Elle avait rencontré une troupe de saltimbanques qui sillonnait le continent. Elle lui offrit le couvert et un toit roulant sans qu'on lui pose de questions sur qui elle était et d'où elle venait. En échange, elle avait proposé ses services médicinaux grâce à son don de Gaïa.
Ces gens étaient sympathiques mais mystérieux. Ils cachaient tous un secret personnel, un lourd passé, tout le monde le savait mais très peu de gens dans la troupe se connaissaient vraiment. Il n'y avait que la confiance et l'amitié d'une vie nouvelle. Elle apprit, à aimer et être aimer, à rire et à faire rire. Elle apprit quelques tours comme jongler, quelques acrobaties ou même chanter et danser.
Elle resta avec la troupe pendant plusieurs années puis décida de s'en séparer afin de voyager seule et de suivre ses principes de justice. Elle ne s'engagea jamais dans les milices mais elle était toujours là pour défendre du mieux qu'elle pouvait les victimes innocentes.

Nous la retrouvons aujourd'hui, aux alentours de Kendra Kâr, capitale immense de Nirtim. La pluie de la nuit précédente l'avait conduite jusque dans la forêt, à quelques kilomètres, au nord de la cité. Elle ne s'était pas enfoncée très loin dans les bois, elle n'en voyait pas l'utilité, surtout qu'il serait idiot de s'y perdre.
Que faisait-elle ?
Elle avait entendu parlé, par les paysans du coin, qu'un enfant s'était égaré près de la forêt. Malheureusement, elle n'en savait pas plus et cela faisait maintenant plusieurs jours qu'elle était partie à sa recherche. L'espoir de le retrouver était proche du néant, surtout si le petit s'était enfoncé dans les bois.
Elle marchait lentement en regardant autour d'elle. Ses pas s'enfonçaient dans la boue. Il n'avait pas plus depuis la nuit dernière mais le sol était encore gorgé d'eau. Elle soupirait de temps en temps, réalisant que l'enfant ne pouvait plus être retrouvé. Malgré la déception, elle continuait d'avancer, au cas où. De toute façon, elle n'avait rien d'autre à faire.
Elle continua ainsi durant toute la journée, marchant tout droit, le long de la forêt. Le jour tombait peu à peu et avec de la chance, il n'allait pas pleuvoir cette nuit.
Hildegarde quitta alors l'orée du bois pour revenir vers la plaine afin d'établir un camp de fortune au sec.
Elle avait le visage grave, déçu. Elle s'arrêta près d'un gros rocher, dans un énième soupir de lassitude. Des pierres avaient été posées en cercle afin d'y former un foyer. Il était impossible de savoir quand il avait été fait mais il n'était pas tout frais. Hildegarde allait profiter de cette opportunité pour s'établir ici. Elle posa son sac au sol pour y prendre quelques branchages récupérés plus tôt dans la journée, ainsi qu'un morceau de viande qu'un paysan lui avait offert pour l'avoir aidé à ramasser quelques pommes de son verger. Elle disposa délicatement les bouts de bois sur le foyer et disposa de l'herbe trouvée sous le gros rocher. Elle tenta d'allumer le feu avec son briquet mais la pluie de la veille compliquait la tâche.
Finalement, les premières flammes jaillirent et le feu partit. Il était temps, les derniers rayons de soleil s'éclipsaient et le ventre de la jeune femme grondait. Il ne restait plus qu'à cuire le morceau de viande. En attendant, elle reposa son dos contre le rocher en pensant à sa journée infructueuse.

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Jeu 30 Oct 2014 19:33 
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Célestin me regarde avec curiosité. Son expression est si stupide que j'ai du mal à me retenir de l'agresser verbalement. S'il n'était pas le seul apte à nous soigner Lyïl et moi, je l'aurais sans doute cogné depuis un bon moment. C'est à croire qu'il vient d'assister à la chose la plus surprenante qui soit. Et j'en viens à regretter de lui avoir donné la permission d'employer mon nom. Le voilà qui se met à le répéter inlassablement. La première fois, je le regarde, curieux de ce qu'il veut. Mais rien d'autre ne quitte sa bouche souriante que ce même mot qui me désigne. Et il continue. Et de six. Et de sept. Seconde après seconde, je tente d'endurer l’agacement qui m'envahit. Ma patience est testée. J'ai beau essayer de me convaincre qu'il va finir par dire autre chose, il me prouve le contraire une nouvelle fois.

Alors qu'au-dessus de nous un coup de tonnerre lointain est perceptible, je retrousse la lèvre supérieure en une moue colérique, et finis par laisser mon caractère reprendre le dessus. Pas de ton élevé, juste une froideur dangereuse, proche de celle de la magie noire nichée en moi.

"Prononce-le encore une fois, et tu ne pourras plus jamais sortir un mot correct."

Ses yeux coloris boue se rivent aux miens, et je soutiens ce regard longtemps. Non, je ne plaisante pas. Il vient de faire un pas de plus vers son funeste destin. Le lutin se tait et pose ses mains de part et d'autre de son mortier, le mouchoir sali sous ses doigts gauches. Il se met à sourire et plisser les yeux, changeant d'expression en une qui manque de peu me faire frissonner. Il est dangereux. Je le sais. Je le sens. Qu'il sache manier la magie sombre n'est qu'un indice de plus sur sa personne. Ce que j'ignore, c'est la raison pour laquelle cet être, qui n'avait guère semblé perturbé par la mort de mes proies, a choisi de m'aider.

Sans aucun indice le suggérant, le lutin se met à parler.

"Il pleuvait aussi le jour où j'ai pris ma première vie. Cela remonte à loin, et pourtant, je m'en souviens comme si c'était hier."

Je distingue ses lèvres bouger, mais mes yeux sombres restent rivés à ceux de Célestin. Mon instinct est en éveil. Je suis intimement convaincu que si je le quitte du regard un simple instant, il risque de disparaitre, comme lorsqu'il est parvenu dans mon dos sans que je m'en aperçoive. Tant qu'il parle, quelque peu perdu dans ses pensées, je peux le tenir à distance. L'absence de ma sarbacane se fait toutefois sentir. Ce type me donne la chair d'une aldryde se rendant compte qu'elle a une ride.

Et cela me répugne.

"Il y a des jours comme ça, où tout te tombe dessus. Tu te sens attiré par un joli sourire, mais il ne t'est pas destiné. Tu crois faire plaisir à ton père avec un présent, c'est ton frère qui en reçoit les honneurs. Tu veux juste faire peur à ce gamin qui te fais des farces dès qu'il te voit... Et c'est là que ta magie se manifeste et lui fiche une trouille si forte que son cœur lâche. "

Le lutin lève la main, et je m'efforce de ne pas manifester ma tension. Mon aile blessée et un lieu clos ne sont pas propices à une lutte efficace. Mon esprit tente de me rassurer. Si ce crétin ne m'a pas encore attaqué alors qu'il aurait pu, il ne va sans doute pas le faire tout de suite.

( Ne pas savoir ce qu'il a derrière la tête est quand même déstabilisant. )

Célestin se gratte le nez, puis pose l'une de ses mains sur ses genoux, sans me quitter des yeux.

"Tu veux que je te raconte des détails ?"

"Non. Aucun intérêt."

"Mais si ! Pour que tu imagines bien la scène ! Il courait sous la pluie et je le suivais, déguisé avec des feuilles percées sur le visage, les mains et les genoux, en faisant crisser mes dents. Il avait toujours détesté cette farce, celle que j'appelle l'esprit de la feuille foulée au pied. J'ai toujours été inventif dans ce domaine."

Son sourire revient, entre espièglerie et menace. Je suis plus attentif que jamais à son attitude. Peut-être a-t'il finalement décidé de révéler sa vraie nature. Il lève la main restée sur la table à la hauteur de son visage, et fais naître ses volutes sombres sur sa peau.

"J'étais mécontent. Tu penses, après une journée aussi éprouvante et en plus pluvieuse... Je voulais lui coller la plus belle trouille de sa vie. Qu'il en fasse des cauchemars et apprenne à ne plus se jouer de plus vieux que lui. Je l'ai appelé. Il s'est mis à courir encore plus vite et à trébucher sur ses propres souliers, jusqu'à sentir ses genoux lâcher dans un bruit sourd."

Tendu à cause de son récit mais aussi parce que je le surveille, je sens mes yeux s'écarquiller et mon aile valide manquer de se tendre brutalement. Un coup, contre ma jambe libre, me fait instinctivement sauter du tabouret et faire un pas en direction du couloir. J'ai à peine baissé les yeux et aperçu le morceau de racine qui m'a été jeté dessus que je réalise être tombé dans son piège. Disparu de sa table, Célestin ne semble plus se trouver dans la pièce. Il m'a déjà fait le coup, mais je cherche pourtant sa silhouette dans la salle.

À gauche, à droite, rien que le silence et le vide. Alors que j'entends subitement sa voix dans mon dos et jette un regard par-dessus mon épaule, mon instinct qui me hurle de bouger ne parvient malheureusement pas à mettre mon corps en mouvement.

"Et quand il a regardé derrière lui..."

Pris par surprise, je sens mon souffle raccourcir et m'attends à une douleur glacée alors qu'une ombre d'aspect humanoïde me fonce dessus. Mon cœur accélère et ma voix s'étrangle tandis que la création sombre s'enroule autour de mes épaules, et que son visage vide, où de vagues traits élancés se dessinent, se penche sur moi. Des dents noires apparaissent dans la bouche qui s'ouvre sans un son avant de s'abattre sur ma gorge. Tétanisé, je ferme les yeux, la mâchoire crispée.

Mais nulle douleur ne se produit.

Quand la lueur bleutée de la pièce revient dans mon champ de vision, la première chose que je distingue est le rire enfantin du lutin. Il se tient à ma gauche, plié en deux, et totalement hilare. Je sens mon corps trembler, et les battements rapides de mon cœur faire écho dans mes tempes. Mon orgueil m'empêche de le formuler ou de l'accepter, mais ce salopard a réussi. Sa magie sombre m'a causé une peur si grande que je sens une crampe dans ma mâchoire, et que je ne tiens debout que par chance. J'ai cru voir ma fin dans les orbites vides de cette ombre faisant au moins ma taille.

( Le... L'enflure ! Attends que je me reprenne... )

"Oh non ! Oh non ! Oh, tu verrais ta tête ! Haha ! Qu'est-ce que tu as cru ? Que j'allais te tuer ? Hahaha !"

Charogne de crétin de porteur de bonnet délavé ! Moi qui avais daigné tendre ma spirale auditive à cette histoire, voilà comment j'en suis remercié ! Et je suis certain que ce n'est qu'un mensonge. Qu'il n'a pas plus tué de gamin avec sa magie qu'une femelle soit un jour parvenue à développer un minimum de cervelle ! J'ignore combien de temps cela prendra, mais je le tuerai de mes propres mains. Et avec ma magie, juste pour lui rendre la monnaie de son yû !

( Mais d'ici là... )

J'avise le morceau de racine, le ramasse, et reporte mon attention sur le lutin. La larme à l’œil, celui-ci continue de se moquer de moi, mais est un peu plus droit que précédemment. Une grimace hargneuse au visage, je vise et lui lance ce morceau végétal droit vers le bonnet. Le couvre-chef recule sous l'impact, et Célestin fait un brutal mouvement en arrière pour le garder sur la tête, allant se cogner dans sa table à cause de son élan.

Une main sur son bonnet, il me jette un regard indescriptible.

"Eh, pas touche au bonnet. Oh, et pas la peine de t'énerver pour si peu, Nessandro. C'était juste une farce. Tu comprends, je m'ennuie tant en intérieur... Et ce temps est si déprimant ! "

Je garde le silence, perçant sa sale trogne du regard. Toutes ses tentatives pour amorcer un début de conversation se heurtent à mon mutisme et à ma colère. Il finit par retourner s'asseoir à sa table et se remet à pilonner ses plantes puantes. D'un pas décidé, je retourne dans le couloir. Dans mon dos, l'écho de la voix lutine me parvient, mais son ton est difficile à identifier. Et de toute manière, je suis trop remonté pour lui accorder davantage d'intérêt. J'aurais du m'en tenir à mon premier avis et l'ignorer jusqu'à ma guérison.

"Eh ! Juste une chose que je veux clarifier..."

Mes doigts bleutés agrippent le rideau de la salle où mon harney se repose. Ma colère me fait serrer le poing, mais je l'écoute une dernière fois. Il a intérêt à m'avoir arrêté pour s'excuser. Je ne compte pas faire comme si de rien n'était, mais qu'il cherche mon pardon et avoue son erreur pourrait peut-être m'apaiser. Au moins temporairement.

"C'est une histoire vraie."

Un regard direct vers mon hôte, et j'entre prestement dans la pièce puis referme le rideau sans hésiter, certain que ce que j'ai vu sur son visage est la satisfaction d'un prédateur racontant son premier trophée. J'agrippe mon aile brisée, les yeux dans le vague. Je suis en danger, et cette fois j'en suis assuré. Mais j'ai aussi le sentiment qu'il me teste, qu'il n'est pas pressé. À quelle fin, je l'ignore. Tout ce que je sais, c'est que j'ai aperçu une autre de ses facettes, et qu'elle est loin de me rassurer.

Je lisse mon aile, contrôlant au mieux les tremblements de haine et de crainte qui me parcourent.

( Guéris vite, ou je ne donne pas cher de tes plumes. )

En quelques pas, j'ai rejoins mon harney et me colle à lui. Une nouvelle raison pour avoir du mal à trouver le sommeil. Je sens que demain, je vais encore être d'une humeur de chien.



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Dernière édition par Nessandro le Sam 1 Nov 2014 16:00, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Sam 1 Nov 2014 15:59 
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En alerte, je m'éveille au moindre bruit et en guette la source, quand bien même mes yeux sombres ne sont pas à l'aise dans l'obscurité. Le plumage de ma monture ayant aussi tendance à frotter contre mes propres ailes dès que l'un de nous respire un peu fort, autant dire que la nuit n'est guère reposante. Malgré tout, Célestin ne vient pas me rendre de visite inattendue. Un certain malaise reste coincé dans ma poitrine alors que je m'assois sur le tas d'herbes sèches. La pluie a cessé de tomber, et ce silence me perturbe, tout comme l'attitude du lutin. Je ne peux pas rester dans l'incertitude comme cela. Lui-même a affirmé la veille que l'accident de magie a tué sa première victime. Logiquement, il y a donc eu d'autres vies achevées par ses mains. Sauf si cet imbécile à la tendance farceuse quelque peu dénaturée m'a menti.

Exactement comme je l'avais prédit, mon humeur est massacrante. Ceci dit, la peur qu'il m'a insufflé hier s'est estompée. Je note cette technique dans un coin de ma cervelle. Si elle est bien basée sur l'usage de la magie sombre, alors la maîtriser pourrait me servir un jour. Soudain, dans le couloir, les pas rapides et lourds de Célestin se font entendre. Je bondis sur mes pieds et me mets à manipuler ma magie. Lorsque le rideau s'ouvre, c'est pour laisser apparaitre la silhouette faisant le double de la mienne dans le cadre. Irrité, je vois une fois de plus le sourire infantile de ce grand imbécile. Éclairé par une lanterne au timbre bleuté, il émet un rire en m'apercevant.

"Eh bien, tu as une de ces mines. Ce n'est tout de même pas ma petite farce qui t'a empêché de dormir, si ?"

Je me contente d'un regard acéré dans sa direction, qui n'a pour résultat que de le faire pouffer de plus belle. Il sait parfaitement ce qui m'est arrivé, et il en joue. Plus vite mon harney et moi serons en mesure de partir, mieux cela vaudra. Le visage du lutin perd petit à petit son sourire, et il demeure finalement silencieux. Je le sens qui m'examine. Sans bien savoir ce qui m'y pousse, je décide de rompre le silence, sans cesser de manier ma magie.

"Combien ?"

Le reflet de sa source de lumière lui donne une expression sévère, mais où un brin de curiosité se reflète.

"Les victimes."

Et voilà le retour du sourire heureux, qui ne fait que me rendre plus nerveux. Célestin se met à glousser, et tout en tenant le rideau, m'invite d'un signe de tête à sortir de la pièce. Voyant que je ne bouge pas, il reprend sa même attitude infantile qui m'horripile.

"Ne reste pas là. Il a enfin arrêté de pleuvoir ! On va faire un peu de marche dehors, d'accord ?"

À son intonation, je suis certain que ce n'est pas une question pouvant accepter une réponse négative. Le reflet que j'aperçois d'ailleurs sur un objet pointu dans son autre main ne fait que me conforter dans cette conviction. Quand bien même cette idée me révulse, je n'ai pas d'autre choix que de suivre ses directives. Je ne sais pas si je suis sorti de mon cocon sous la pire étoile de Yuimen, mais la chance n'a décidément pas de bonne surprise pour moi.

Une main accolée au plumage de mon harney, je précède le lutin vers la sortie, sans avancer plus vite que mon rythme normal. Peu à peu, ma crainte est convertie en haine pour cet être à bonnet. Le sol est détrempé par endroit, mais l'eau semble avoir ruisselé et laissé de bonnes zones tranquilles. Célestin se met à siffloter et retourne s'adosser à sa souche, tout en se servant de ce que j'identifie comme un large croc enchâssé dans du métal pour peler un petit fruit. Sans brusquerie, je me tourne vers lui pour le garder à l'oeil, après avoir retiré le capuchon de la tête de Lyïl. L'odeur humide des végétaux environnant se mêlant à la boue a un effet nostalgique sur moi. Et apparemment sur mon geôlier aussi, puisqu'il se met à inspirer fortement tout en regardant les cimes. Oui, geôlier, car je suis persuadé que la moindre tentative de fuite de ma part engendrerait une réaction meurtrière de la sienne.

Méfiant, froid comme je l'ai toujours été, je ne le lâche pas du regard. Je n'ai pas pu récupérer mon arme, mais il y a plein de pierres ici qui peuvent me servir de munitions. Sans mon aile, un affrontement avec ce géant est toutefois totalement à mon désavantage. Mais il en faut plus pour m'ôter toute volonté de lutte.

Quand le lutin s'en aperçoit, il affiche un air ravi.

"Ah, tout de même ! Le voilà ce superbe regard ! Tu as mis le temps !"

Muet, je l'observe tandis qu'il arrache un morceau de pulpe de son fruit. Au milieu des sons de vie animale tout autour de nous, sa voix s'élève de nouveau.

"Tu m'as posé une question tout à l'heure, non ?"

Je croise les bras, sans le lâcher des yeux. S'il croit que je vais user ma salive à me répéter, il peut toujours attendre. Pas déstabilisé pour autant, le lutin semble mentalement compter puis reprend un air joyeux.

"Les animaux mangeurs de lutins, ça compte pour toi ou pas ? Hum, je vois bien que non. Dans ce cas... Devine !"

Soit il est incapable de répondre, soit son obsession du jeu et du divertissement prend le dessus. Hors de question de céder à ses caprices, et je l'assassine de plus belle du regard. Finalement, pour me redonner confiance, je décide de lui lâcher l'une de mes remarques cinglantes.

"Trou de mémoire ou crétinisme naturel ?"

Célestin me jauge un bref instant, puis il sourit. Alors qu'il tend vivement un bras dans ma direction, je fais un pas en arrière, décroisant les bras et me mettant hors de portée tout en avisant un caillou non loin. Voyant ma mise à distance, cet idiot se redresse et se frotte l'arrière du bonnet sans se départir de son air heureux.

"Toi alors, tu me surprends de jour en jour ! Je ne regrette pas de t'avoir pris comme apprenti."

Je hausse un sourcil malgré moi.

"Apprenti ?"

"Eh bien oui !"

Le lutin retourne s'adosser tranquillement à sa souche, mâchouille un morceau de son fruit et me regarde.

"Bon, d'accord. Au début, je te l'avoue, je voulais juste voir comment un aldryde mâle était fait de plus près. Curiosité de lutin, tu comprends ? "

Son nez pointu se lève vers les feuilles encore humides, et son visage affiche un air un peu plus sérieux.

"Et puis, je me suis dit que tu serais peut-être le bon cette fois-ci... Ah oui, une petite chose. Cela ne se voit peut-être pas, mais là, en ce moment, je fais de mon mieux pour ne pas céder à mon envie de te tuer."

Poing armé du croc en train de trembler, regard perçant soudainement sur moi, je suis parcouru d'un violent frisson. Est-ce encore une de ses farces ? Non, tout son être dégage quelque chose de froid et de dangereux. L'espace d'un instant, je songe que nous sommes en extérieur et pourrions tenter une fuite. Mais l'incertitude de l'état de ma monture, et mes affaires laissées dans le terrier me font hésiter. Ce dont je suis persuadé, c'est qu'en cas de confrontation, je n'ai aucune chance d'en sortir vainqueur. Ou si je le suis, ce ne sera pas pour longtemps.

Les tremblements de Célestin s'amenuisent, et il pousse un souffle soulagé.

"C'est bon, ça passe. Pour te répondre, je ne sais plus vraiment combien de gens de diverses tailles j'ai tué. Il n'y en a que trois dont je me souvienne bien. Le gamin à qui j'ai fait peur, l'humain qui m'a tout appris sur la magie d'obscurité et... Elle."

Malgré moi, mes spirales auditives captent sa voix. C'est contre mon gré, mais plus j'en saurai sur son compte, plus il me sera simple d'exploiter ses faiblesses. Je vais totalement à l'encontre de mes envies, mais j'y suis contraint. Et cet accroc à ma liberté ne me fait que lui en vouloir davantage.

Sans doute parce que je ne le coupe pas, le flot de paroles cascadant de sa bouche continue. C'est à croire que ma simple question a ouvert une quelconque vanne dans sa cervelle. Ou alors, c'est un stratagème, utilisé envers toutes ses victimes.

"Tu sais, je ne suis pas méchant. J'aime les farces, j'aime rire et faire rire. Mais depuis quelques années, j'en ai de moins en moins l'occasion. Tu vois Nessandro, au fond, la seule personne que j'ai vraiment envie de tuer, ce serait plutôt moi."

"Il n'y a personne qui te retient."

Un oiseau d'un poids conséquent s'envole au-dessus de notre position, agitant des branches, et faisant choir quelques gouttes à proximité de nous. Quand je reporte mon attention sur mon interlocuteur, celui-ci me regarde comme si j'avais sorti une énormité.

"Eh ! On ne dirait pas comme ça, mais je suis les préceptes de Yuimen, moi."

Je ne réagis que par un froncement de sourcils à sa réponse, ne voyant vraiment pas où le respect des principes de ce monde change la donne. Le lutin poursuit, comme me tendant des perches pour que je comprenne, sans que cela fonctionne.

"Yuimen. La nature, la terre, la vie, tout ça. Non ? La religion, en somme. Toujours pas ? Mais tu sors d'où au juste ? Bon, bref, interdiction de tuer sans raison, sans laisser une chance à son adversaire et... Bref, pas d'exploitation de la douleur. Je ne me laisserais aucune chance si je m'attaquais moi-même, allons !"

Tendu, je m'efforce de me calmer en le faisant parler.

"Et alors ? Pour les autres victimes ?"

"Protection personnelle. Je n'ai fait que me défendre. Bon, d'accord, j'aurais pu ne pas tuer mon professeur, mais... Nos regards divergeaient sur la façon de respecter Thimoros. Et il était têtu alors... Voilà."

"La femelle aussi ?"

Là, Célestin s'empourpre et me lance un regard empli de colère. Je fais au mieux pour ne pas me laisser dominer par la crainte, mais je sens mon bleu de peau pâlir un peu.

"Parle d'elle avec respect ! Elle voulait m'aider, elle ne pouvait pas savoir... Rah ! Bon, allez, si tu veux pouvoir me survivre, je ferais mieux de t'apprendre deux ou trois choses sur ta magie."

Un courant glacé me dévale le dos, faisant crisser mes plumes d'argent. Je tente malgré tout de rester maître de moi, quand bien même mon instinct de survie m'incite à ne pas le laisser s'approcher. Contrôlant ma voix au mieux, je fais en sorte de ne pas paraître impressionné.

"Et cette fois, tu justifierais ma mise à mort par ?"

Le lutin s'étire et se met lentement à sourire avec amusement. Ou pas.

"Détails, détails. Je me trouverai bien une raison. Je me trouve toujours une raison."

Une chance dans mon malheur, Célestin semble véritablement enclin à m'instruire. Cette pensée me réconforte un brin, mais n'apaise pas ma méfiance et ma haine pour autant. Finalement, cela sonne presque comme une belle opportunité. J'ai la possibilité d'accroître ma maîtrise en matière de magie et, fait non négligeable, ai vraisemblablement gagné un sursis.

Mais pour combien de temps ?



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Dernière édition par Nessandro le Sam 22 Nov 2014 15:00, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Jeu 13 Nov 2014 02:30 
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Le lutin prend une profonde inspiration et attache son arme courte à son pantalon, au moyen d'un lien entourant la poignée. Après s'être étiré une nouvelle fois, il me fait face de toute sa hauteur. Et il sourit de nouveau, avec cette même expression d'auto-satisfaction qui me fait bouillir les sangs. Malgré la haine qu'il a su faire naître, je m'efforce de ne pas y céder. Ce n'est pas encore le moment. Contre ces horreurs volantes et féminines, j'ai laissé ma hargne et mon envie de meurtre prendre le dessus. Et même si j'en suis sorti vainqueur, l'attelle de mon aile témoigne douloureusement que cela aura pu avoir un dénouement pire encore. Un bref rire amer m'échappe alors que je pense n'être guère mieux loti entre les pattes collantes de cet abruti à bonnet.

Je le poignarde du regard, ce qui ne fait que l'amuser.

"Bon, par quoi commencer. Ah oui ! Tu ne m'as pas laissé finir la dernière fois que je te parlais de la magie d'ombre. Ce n'était pas très poli, tu sais ?"

Je me contente de garder une distance de sécurité et me mets à effectuer des mouvements circulaires avec mon bras presque guéri. S'il croit que je vais m'abaisser à rebondir sur chaque perche qu'il me tend, il est aussi naïf qu'imbécile.

"Mmh. Bon. Je disais donc, la lumière éclaire et guérit et s'oppose à l'ombre qui, elle, assombrit et régit la mort. Même les guerriers les mieux protégés ont des difficultés face à certaines formes de cette magie."

J'ai du mal à ne pas froncer les sourcils, et le souvenir de ce froid affreux dont j'ai été victime à cause de cette araignée métamorphe me revient. Un flot sombre, qui m'avait mordu et ôté une partie de mes forces sans pour autant qu'une douleur physique se manifeste. C'était comme si mon existence même avait été agressée.

"Ah ? Je vois que je t'intéresse un peu plus. Mais je ne pense pas t'enseigner ce sort. Quelque chose me dit que tu n'es pas le genre à prier."

"Abrège."

"Oui, ô puissant et petit aldryde, on y vient."

Mes ongles courts s'enfoncent légèrement dans ma peau bleutée à sa pique. Finalement, il ne vaut pas mieux que ces abrutis d'humains. Cet air goguenard, ce mépris parce que je fais la moitié de sa taille, et cette assurance comme s'il m'était supérieur ne font que m'irriter davantage. La crainte que je ressens est à présent largement dépassée par mon dégoût et mon envie de le faire taire. Mais je dois prendre sur moi. Patience. Patience.

"Donc, je vais t'apprendre comment te servir de ta magie pour à la fois t'en prendre à la vie de ton adversaire et en même temps t'en servir pour refermer tes propres plaies. Tu comprends pourquoi je commence par celui-là, hein ? "

"Certainement parce que tu es impatient que mon aile se remette. J'aurais presque un début de pensée reconnaissante à l'idée que tu te portes volontaire pour me servir de cible. Presque."

Célestin arrondit les yeux puis part dans un grand rire qui me laisse de marbre. Ce son horripilant s'élève pendant une bonne quinzaine de secondes avant qu'il n'ôte une poussière de son œil. C'est du moins ce que son mouvement m'évoque.

"Pffiuuu ! Tu m'as pris au dépourvu là. Non, non je ne pensais pas à ça. Je me disais que cela te permettrait de survivre le temps que je reprenne mes esprits, si jamais j'en venais à vouloir te plumer."

Une ombre passe sur mon visage. Je n'arrive pas à croire que nous sommes en train de parler de nous entretuer avec autant de désinvolture que si nous commentions le temps qu'il fait. Il ne me prend vraiment pas au sérieux. Sa confiance le perdra, j'en suis certain. Et si c'est par ma main, cela n'en sera que plus satisfaisant.

Le lutin commence sa démonstration en faisant apparaitre ses volutes sombres autour de ses doigts. La vitesse à laquelle il y parvient me frustre car, de mon côté, je dois encore user de cette image de nuage pour parvenir à en manier une partie. Et cela me prend bien une poignée de secondes de plus que lui. Il va me falloir travailler là-dessus. Pour le moment, c'est lui le meilleur dans ce domaine. Attentif, je le vois se concentrer.

"Observe bien."

Au premier abord, rien ne se passe, et je suppose que le lutin cherche encore à me faire l'une de ses insupportables farces. Finalement, je crois apercevoir un ton davantage rougeâtre teindre les formes noires qui dansent autour de ses doigts. Non, plutôt coloris sanguin en vérité. Mes yeux sombres ont du mal à s'en détourner et mon coeur cogne rudement dans ma poitrine. Désagréablement surpris, je constate être attiré, presque séduit par ce que je vois. Un frisson hérisse ma peau tandis que le souvenir du sang de la guerrière aldryde, faisant une gerbe dans les airs, me revient en mémoire. Il me faut m'asséner une violente claque mentale pour reporter mon attention sur autre chose. L'espace d'un instant, le souvenir de cet arc carmin m'a semblé... Beau.

Sans quitter les volutes magiques du regard, je replie lentement mes ailes. Non, je ne suis pas comme ça. Cette garce l'avait cherché et était cause de nombre de mes souffrances. Penser un seul instant que son sang était beau à regarder est ignoble. C'était celui d'une femelle, par mes ailes ! Et je ne l'ai pas blessé pour admirer son liquide de vie, mais simplement pour la faire souffrir, la tuer et m'en venger.

( Tch ! Fréquenter ce lutin commence à avoir une sale influence sur moi. )

Le coloris sanguin persiste entre les doigts de Célestin jusqu'à ce que ce dernier cesse de manipuler sa magie. Il me regarde alors fixement.

"On va jouer aux devinettes."

Je tombe des nues, mais fais au mieux pour me reprendre. Moi qui croyais que ce débile allait enfin être sérieux, le voilà à nouveau prêt à recommencer ses gamineries. Lentement, j'accole ma paume contre mon front et pousse un souffle agacé.

"Plus paresseux comme enseignant, je demande à voir."

"Bah, il faut bien s'amuser un peu ! Souris donc ! Ou pas en fait, tu pourrais te froisser un muscle."

Il me provoque uniquement parce qu'il est en position de supériorité. Mais qu'il s'y croit tant qu'il le souhaite, il sera bien accueilli quand je serai meilleur que lui. Et on verra alors qui de nous deux rira le dernier. Pour toute réaction à sa pique, j'esquisse un sourire glacé et suis presque sûr de l'avoir aperçu frissonner une brève seconde.

"Rassure-toi, cette devinette est à but instructif ! Je veux juste te demander la différence entre ceci..."

Il entoure sa main de volutes sombres un court moment avant de les faire disparaitre, et d'amener entre ses doigts les même formes aux tons sanguins.

"Et cela."

Je sais que je peux lui lancer une répartie blessante, mais je décide de momentanément rentrer dans son jeu. Un sort capable de refermer mes plaies au détriment d'un ennemi m'intéresse grandement. Si j'avais su qu'une telle chose était possible, jamais je ne me serais retrouvé dans ma situation actuelle. J'appose mon index contre mon menton, me plongeant dans une réflexion intense mais courte.

"Les intentions accompagnant la volonté qui donne corps aux fluides."

Célestin écarquille les yeux, ce qui lui donne un aspect encore plus crétin qu'à l'ordinaire. Jamais je n'aurais imaginé que la chose était possible, mais si. Il se met à se frotter le bonnet, à regarder dans ses manches et sur l'intérieur de sa cape. J'ignore ce qu'il recherche, mais sa chasse semble infructueuse. Soudain, ce géant miniature se met à gonfler les joues en une grimace vexée. C'est sur un ton boudeur qu'il me désigne de l'index en exagérant l'angle vers le bas, geste qui m'exaspère au plus haut point.

"Bon, ben puisque tu es si intelligent, t'as qu'à te débrouiller tout seul pour l'apprendre, voilà !"

Levant haut les pieds, ce type me tourne le dos et frappe pas après pas sur le sol, les poings serrés. Prudent, je le suis du regard jusqu'à ce qu'il ait contourné une bonne partie de la souche. Là, il s'assoit avec l'élégance d'une bourgeoise humaine gonflée aux pâtés et sucreries, croise les bras et abaisse violemment son bonnet. Je pousse un souffle vainqueur par le nez et souris en me rendant compte que Lyïl a cessé d'observer le sol, pour suivre la démarche ridicule du lutin. L'oiseau vient à moi et appose sa tête contre mon épaule. Je prends le temps de lisser son plumage et de retirer un peu de terre de sa joue.

Une fois de plus, je vais devoir me débrouiller seul. Cette fois-ci cependant, je pars avec un indice de taille. Ce sont mes intentions, et le but que je donne à ma magie, qui sont censés pouvoir influer sur la nature du sort. Une poussée d'orgueil monte dans mon torse. Ce n'était qu'une petite victoire, mais elle me fait beaucoup de bien.

Lyïl parti un peu plus loin, je me masse l'épaule que j'ai fait se mouvoir plus tôt. Je n'offre pas à Célestin l'honneur de lui accorder une seconde de plus d'attention et commence à manier mon énergie sombre.

( Il n'y a plus qu'à s'y mettre. )



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Dernière édition par Nessandro le Sam 22 Nov 2014 15:08, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Mer 19 Nov 2014 16:50 
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Lentement, je manie mon énergie sombre et la pousse dans ma paume, comme j'ai appris à le faire pour le sort volant la lumière alentour. Il me faut du temps pour qu'elle obéisse, mais je suis plus obstiné qu'un bête outil immatériel. Je suis motivé dans ce nouvel apprentissage par la perspective d'aider mon aile à se remettre, en usant de l'existence même du lutin. Entre la menace qu'il fait peser sur ma propre vie, la peur qu'il m'a causé et sa façon de se moquer ouvertement de moi, il l'aura bien cherché ! Toutefois, je doute franchement lui faire grand mal. Sa magie a l'air bien plus puissante que la mienne. Il s'en remettra.

Dommage.

Le soudain reflux douloureux de ma magie m'apprend durement que mes pensées se sont égarées. Crispé, je grimace et fixe ma main de façon contrariée. Après m'être efforcé de respirer lentement, je m'oblige à ne penser qu'à mon fluide sombre. Une nouvelle fois, je l'amène dans ma paume. Quand je crois distinguer des émanations, je m'efforce de penser à la teinte sanguine que Célestin m'a fait voir. Comme imperméable à ce que je lui ordonne, ma magie conserve son ton noirâtre et se dandine, moqueuse, sur ma peau bleutée. J'ai beau tenter de la colorer, d'apposer mon autre main par-dessus pour la modeler, rien n'y fait. Me serais-je trompé quelque part ?

Je patiente en cessant de manier ma magie, pour la laisser revenir à son point de départ. Tendant un bras dans mon dos, j'effleure la base de mes ailes. De nouveau, je tends ma main devant moi et pousse une parcelle de ma puissance vers mes doigts. En tentant de la matérialiser, je ne peux que constater que j'ai encore échoué. La forme qu'elle a est presque tangible, mais cela signifie bien que je me suis trompé quelque part. Là, c'est la forme que j'utiliserais si je devais agripper une gorge avec cette main magique et sombre.

( Hum. Je pensais que je devais user de ma volonté quand la magie est déjà dans ma main, mais peut-être est-ce là mon erreur ? Dois-je la colorer de mes intentions avant de la canaliser ? )

Je hausse brièvement les épaules et change donc de tactique. Alors que je fais se mouvoir mon nuage interne, je me mets à douter. Quel genre d'intention suis-je censé employer ? Vouloir me soigner ? Blesser mon adversaire ? La première me semble absurde. Ma magie obscure n'a pas pour vocation de refermer mes plaies. Je fais tout de même un essai, mais l'idiotie même de la chose me rend si perplexe que je ne parviens pas à canaliser cette énergie dangereuse. Mes spirales auditives m'apportent le son du feuillage crissant sous le vent, ambiance qui me permet de me détendre un peu. J'inspire profondément et jette un regard sur mon geôlier. Ce dernier est immobile, assis, la tête posée sur ses genoux que ses bras entourent. Mes doigts agrippent mon épaule, la massent légèrement pour chasser une pointe tendue, puis je reprends mon exercice.

Préférant tout de même m'assurer que c'est mon idée qui est mauvaise et pas juste mon contrôle, j'alterne entre la manipulation pour créer la main noire et le sort visant à me guérir. C'est bien cela, la dispersion dans le second cas est telle que je suis persuadé de ne jamais parvenir à obliger mon fluide à se charger en énergie curative. Je fais donc bien fausse route. Toutefois, si je manie mon fluide en le chargeant d'intentions de blessure, je me retrouve avec la même forme presque tangible. Je ne veux pourtant pas agripper un adversaire. Dans le cas qui m'intéresse, je cherche davantage à attaquer directement son essence de vie. Et pour me l'approprier.

Quelque chose m'échappe et y songer longuement me cause une légère sensation de perte d'équilibre. Je suis frustré. Mes bras se croisent sur mon torse et je fais lentement bouger mes ailes. L'attelle crisse contre mon membre de plumes, mais à part une petite gêne, je ne ressens guère de douleur. Mes yeux d'un bleu ténèbres scrutent l'écorce qui maintient mon os.

( Pourquoi je ne peux pas guérir plus vite ? )

J'avise brièvement le lutin qui n'a toujours pas bougé.

( Et celui-là qui paresse encore ! S'il y avait un moyen que je lui pique son savoir en matière de baume, je n'aurais pas besoin de lui. Non, cela serait trop gentil. Lui causer deux ou trois blessures bien senties et lui voler sa capacité à guérir, voilà qui me soulagerait ! Si seulement c'était possible. )

Piquant mes ongles dans ma peau, je détourne le regard, sentant monter une pointe de hargne. Soudain, mes propres pensées me reviennent en tête.

( Voler sa capacité à... Non. Il l'a dit. Dérober la vie même de la cible. Pour refermer mes plaies. Est-ce que la volonté de guérir... )

Sur une nouvelle piste, je me remets à manier ma magie. Cette fois-ci, j'ai une image plus claire en tête. Mon ressenti est similaire à celui d'un être souffrant de soif. Lorsqu'un point d'eau se présente, il s'imagine la sensation du liquide emplissant sa bouche puis dévalant sa gorge. Peut-être que je peux manier mon énergie en la chargeant de cette même soif. Sauf que là, la source est un être vivant, que l'eau est son existence même et qu'au lieu d'apaiser mon ventre, cet apport comblerait mes blessures. Excité à cette idée, je tente de charger ma volonté de cette soif. Le souci est que j'ai du mal à la visualiser avec précision. Je m'acharne malgré tout mais après de longues tentatives, je me heurte de nouveau à une impasse.

Une nouvelle fois frustré, je décide de faire quelques pas, évitant une zone rendue boueuse par la pluie des derniers jours pour mettre une botte dans une flaque plus petite. Agacé, j'extirpe ma jambe et sens un tiraillement dans ma cuisse bandée. Une chance que cette blessure soit pratiquement refermée, j'aurais pu la rouvrir en prime. Cette pensée m'énerve et m'incite à scruter le bandage.

( La rouvrir ? )

Sans prendre le temps de réfléchir, j'applique une claque brutale à l'emplacement de ma blessure. Un écho désagréable se propage dans ma cuisse, me faisant plisser les yeux. Levant la paume plus haut, je réitère mon mouvement, provoquant une douleur un peu plus prononcée. C'est pure folie, et cette sensation me donne naturellement envie que quelque chose la fasse cesser. Tendant la main, je me concentre pour canaliser ma magie sombre, percevant la douleur de ma blessure comme un guide supplémentaire. Dans ma paume, les émanations noires commencent à arborer de minces filets rouges. J'y suis presque !

Alors que je parviens à créer la flamme obscure assoiffée de vie, un doute sur sa forme m'incite à la laisser se dissiper. Comment le sort est-il censé se matérialiser ? Une griffe tangible ? Une zone m'entourant ? Une ombre agressive comme celle que le lutin m'a lancé à la figure pour m'épouvanter ? La première option me semble mauvaise. Si elle est capable d'étrangler, elle s'en prendra au corps, pas à l'essence même de ma cible. La zone aussi me semble peu adéquate. Il faudrait que mon ennemi se trouve bien trop près de moi, et s'il s'y connait un minimum en magie, il ne prendra pas ce risque. La seule autre forme que je connaisse est donc celle de l'ombre presque humanoïde, employée par Célestin.

J'élève encore une fois ma main, rassemblant mes souvenirs liés à la perception douloureuse que j'ai ressenti. Une ombre, destinée à s'attaquer à la vie même d'une créature pour me l'offrir, et aider mon corps à repousser sa fin. Dans ma paume danse alors un étrange voile, comme des langues pointues mises côte à côte, et régulièrement colorées de rouge froid. La manifestation n'est pas aussi impressionnante que celle du lutin, mais j'éprouve la même fascination déstabilisante en la contemplant. L'effet est renforcé par un rayon de soleil assez fort, perçant la canopée pour illuminer en partie l'endroit. Si seulement j'avais la possibilité de l'essayer.

( Mais je n'ai pas de sujet sous la main. Hors de question de blesser Lyïl, on ne sait jamais comment cette magie pourrait l'affecter. Quant à ce grand crétin... )

Alors que je reporte mon regard vers ce dernier, un frisson d'effroi me parcourt. Le visage de ce porteur de bonnet est en partie tourné dans ma direction. L'oeil coloris boue que j'aperçois est écarquillé, mais la trogne n'affiche nulle surprise. Au contraire, une aura de menace l'entoure. Sans me quitter de l'oeil, il se redresse en posture accroupie. Il ne cligne pas des yeux, me fixant comme pour me clouer sur place. Est-ce qu'il essaie encore de me faire peur ? Une main au sol, il emploie soudainement l'autre pour retirer vivement sa lame courte sur son flanc. Penché en avant, il étend son bras armé sur le côté, observant un instant l'ombre mortelle dans ma main. Un court silence tombe sur notre coin de forêt pendant qu'en parallèle mon malaise s'accroit.

Ce regard presque vide remonte sur mon visage, me glaçant les sangs. Le lutin n'a plus une once de jovialité et me fixe en ouvrant encore davantage les yeux. Au moment où j'ouvre la bouche pour me défaire de la peur instinctive qui monte au moyen d'une bonne répartie, Célestin émet un hurlement strident. Il se met ensuite à prononcer des mots sans rapport entre eux, intercalant le nom de Yuimen entre certains, et agrippe sa tête des deux mains, manquant se blesser la joue avec le croc. Je recule d'un pas, maniant toujours ma magie, prêt à la tester contre cet énergumène de plus en plus inquiétant. Tout mon corps frissonne de cette attitude. Je ne sais pas à quoi m'attendre mais cherche rapidement quelques pierres ou petits objets pouvant me servir de munitions.

Brutalement, les yeux de celui qui se dit mon mentor reviennent sur moi, se fichant avec violence dans les miens. Ses paroles deviennent intelligibles, mais ne font que me hérisser davantage la peau.

"Ne regarde pas... Ne me regarde pas ! Arrête ! Arrête ces yeux ! Ces yeux ! Raaaaah !"

Son croc tourne dans sa paume, et il lève la main en restant courbé en avant mais en prenant le temps de se redresser. Son autre bras agrippe férocement son bonnet. Il grogne de longs instants puis semble soudain se calmer et son ton redevient froid. Il me regarde mais sans sembler me voir.

"Pourquoi tu n'écoutes pas ? Jamais ? Ces yeux. Arrête... Tu continues. Tu me regardes encore comme ça... Tu n'as pas le droit ! Tu me juges encore ! Ne me regarde pas... Si noir... Ne me regarde pas !"

Brutalement, la nuit tombe sur nous, et il me faut un instant pour comprendre qu'il a enveloppé l'endroit de sa magie d'obscurité. Dans cette pénombre qui me donne la sensation d'être totalement vulnérable et impuissant, j'entends un bref écho. Lointain, dangereux, qui réveille mon instinct de survie.

"Ces yeux... Lacérer. Juste un coup... Ce sera fini... "

J'ai beau tenter de la combattre, la terreur commence à se glisser en moi. Un souffle non loin me fait songer au mouvement vif qu'on ferait pour donner un coup de dague. J'effectue malgré moi un bond en arrière et ramasse vivement un caillou arrondi sur lequel je viens de poser la botte. Cette fois, je suis certain que ce n'est pas une plaisanterie. Célestin a bel et bien perdu l'esprit.



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Dernière édition par Nessandro le Ven 28 Nov 2014 04:28, édité 3 fois.

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Jeu 20 Nov 2014 17:43 
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Dans la pénombre, mes yeux persistent à m'apporter l'image, pourtant perdue, du regard de Célestin. Elle me passe partout tant la folie que j'y ai décelé est présente. Tout en m'efforçant de demeurer souple sur mes jambes, je tends ma spirale auditive pour tenter de le localiser. Je tremble et cette crainte s'accompagne d'une vive répulsion. Je sais ne pas pouvoir voler avec mon aile dans cet état et que ce type fait le double de ma taille, mais je n'ai pas à me laisser dominer. Si je perds mes moyens, je suis fichu. Mes doigts enserrent solidement le caillou et je m'efforce de contrôler les tremblements agitant mon corps. Il me faut laisser ma haine reprendre assez le dessus, mais pas me faire agir de façon déraisonnable. De toute manière, je n'ai pour l'instant pas d'autre choix que de rester immobile. Les ténèbres qui m'entourent sont trop denses pour que je tente quoi que ce soit.

Ma mâchoire se crispe une nouvelle fois tandis que je m'efforce de respirer avec lenteur.

( Par mes plumes ! Peste soit des lutins de tous milieux ! )

Entre le porteur de bonnet affronté dans la cave du manoir parce que rendu instable par la maladie kendrane, celui qui m'a jeté en pâture au volatile serpent et ce fou qui veut m'arracher les yeux, que celui qui les a décrit comme amicaux aille crever la gueule ouverte dans une fosse à purin ! Je sursaute soudain quand, sur ma droite, le même son vif se reproduit. Un pas en arrière me fait presque perdre l'équilibre quand le bord de la zone boueuse s'effrite sous mon poids, et que l'étendue fluide s'accroche à ma botte. Je tire dessus d'un coup sec, provoquant un bruit bien trop fort à mon goût. Aussitôt, de grands pas rapides se rapprochent de ma position. Pris de cours, je me sers de mon aile valide pour me donner un élan suffisant et bondir en biais sur ma gauche. Un grondement du lutin accompagne le souffle d'un coup manqué, et le bruit type d'un lourdaud glissant dans de la boue.

Mon coeur palpite, mon souffle se fait plus court et je scrute en vain la zone ténébreuse. Il est là, quelque part sur ma droite, à s'extirper de la mélasse. Dans cette mauvaise posture, je suis heureux qu'il ne soit pas mieux loti que moi en matière de vision nocturne. Mais ne faire que l'esquiver ne peut durer qu'un temps. Son sort va finir par se dissiper et il aura alors tout le loisir de m'attaquer à vue. Peut-être qu'il va finir par reprendre ses esprits ? Que ce n'est qu'une crise passagère ? Si je parviens à le tenir à distance jusqu'à lui remettre la tête sur les épaules, cela devrait aller. Loin de moi l'envie de le préserver pour une quelconque histoire de lien. Le voir mort me ferait d'ailleurs un plaisir immense. Seulement, je suis désarmé et loin d'être à mon avantage pour y parvenir. Et si jamais il arrive à m'atteindre...

Alors que je suis en train de réfléchir, l'effet ténébreux se dissipe. Aveuglé par la soudaine clarté, je réalise trop tard le brutal retour de Célestin. Courbé au-dessus de moi, je vois, interdit, son poing armé fermé s'abattre contre ma clavicule gauche. Le direct est si violent que je suis repoussé vers le sol, en arrière, et dois étendre mes ailes et plier les genoux pour ne pas m'étaler. Une rotule au sol, le souffle coupé, je fais de mon mieux pour encaisser. Le choc résonne dans mon corps, m'étourdissant légèrement. D'un coup d'oeil, je constate avoir eu de la chance. Dans sa précipitation, mon adversaire ne s'est pas servi du croc. Ses yeux sont toujours grands ouverts et me scrutent un instant. Lorsqu'il semble réaliser que je ne saigne pas, il change l'angle de son arme et pousse un grondement de gorge. Instinctivement, je rassemble mon énergie martiale, referme mes doigts sur le caillou que j'ai eu le réflexe de ne pas lâcher et en l'accompagnant d'un vif cri colérique, le projette droit dans l'abdomen du lutin. L'impact est violent et oblige ma cible à reculer d'un pas.

Dès que je le vois se courber et porter sa patte collante à la zone d'impact, ma jambe pliée se détend, me repoussant en arrière. Je trébuche un peu et me sers de mon membre de plumes pour me stabiliser. Mon torse me fait mal. Je perçois déjà un bleu plus prononcé et chaud se former sur ma peau. Dévoilant mes dents, je siffle contre ce grand imbécile.

"T'approche pas !"

Je le quitte un instant des yeux pour retrouver une munition, mais n'essaie pas de la ramasser. Ce lutin a l'air rapide et je redoute de le trouver de nouveau dans ma figure. Quand il fait un pas dans ma direction, je recule, sans le quitter du regard. Je suis certain de ne pas pouvoir le vaincre. Sans ma sarbacane ni la possibilité de me mettre hors de portée, il ne me reste guère que ma faible magie et mes poings pour lutter. Et la seule fois où je m'en suis servi, c'est pour cogner l'aldron trouillard, des années auparavant. Fuir ? Aller chercher mes affaires ? Ce serait du suicide. Il me poursuivrait dans le terrier qu'il connait mieux que moi.

Alors que je cherche une solution, Célestin se jette dans ma direction, plié en deux, son arme ivoire en avant. Effaré, j'ai juste le temps de céder à la faiblesse soudaine de ma jambe, qui me permet d'esquiver son coup, en passant sous son bras. Emporté par son élan, les jambes du lutin percutent mon épaule déjà sensible, me tirant un souffle douloureux. Il heurte mon membre de plumes au passage et s'aplatit au sol. Secoué, je me hurle mentalement de me relever pendant que mon agresseur cherche à comprendre ce qui vient de se passer. C'est toutefois mon interprétation de son absence de réaction, tandis qu'il regarde son arme. Je repousse ses jambes pour me dégager et bondis en avant, afin de mettre de la distance entre nous. Entre colère et crainte, j'essaie de sortir un projectile grisé de terre, mais le roc doit être plus gros que prévu. Il ne bouge pas, m'ayant fait perdre de précieuses secondes.

Le lutin se redresse, ramasse délicatement le croc à manche et observe sa main libre. Un murmure lui échappe, qui ne me fait que frissonner un peu plus.

"Pique... Aie... Rouge... Rouge..."

Lentement, son visage se tourne vers moi, menaçant, glacé, meurtrier. Il lève sa paume éraflée pour me la montrer et reprend avec un ton accusateur.

"Tu m'as... Fait mal."

Plus vif encore que je ne l'aurais cru, le lutin revient à la charge, une expression si froide sur le visage qu'elle manque de me paralyser. Son croc est brandi haut et il tente de l'abattre à plusieurs reprises. Ayant tout juste quitté ma posture accroupie, j'esquive son premier assaut vertical en me jetant en arrière. Le deuxième, de taille, en me courbant et repoussant son poing vers le haut grâce à mon aile. Il faut que je l'arrête ! Il est trop près ! Si je pouvais coincer son bras armé, même un instant ! Déterminé à faire cesser la danse de cette maudite arme, j'amène mon énergie combattive dans mes membres supérieurs. Ils doivent rester fermes quand je l'aurai au contact !

Ma peur cède peu à peu sa place à ma hargne et à ma concentration. Il en veut à mon existence, menace ma liberté, comme tous les autres avant lui ! Je n'ai pas à plier ! Pas devant un tel opposant ! M'efforçant d'être souple sur mes jambes, j'essaie d'observer la vitesse de sa dague, pour être certain de la bloquer. Ce géant comparé à moi est justement gêné par sa taille. À moins de se pencher complètement, son allonge ne lui permet pas de menacer plus bas que mes pectoraux. Le problème est que ce salopard en veut justement à mes yeux. Lorsqu'il abat verticalement sa dague je m'avance d'un pas rapide, pour le contrer. Une grimace s'affiche sur mes traits. J'ai mal jugé la distance. Son poignet vient de frapper une nouvelle fois la zone tuméfiée. Je sens aussi la morsure du fil de l'arme contre mon omoplate. Je frissonne violemment, songeant que mon aile y a échappé de peu.

Cette charogne à bonnet profite de mon inattention pour m'asséner un rude coup au visage de sa main libre. La claque cinglante me déstabilise, mais me fait surtout me mordre l'intérieur de la joue. Ce goût sanguin, la frustration et la légère douleur réveillent ma colère. Mon visage se pare d'une expression hargneuse et je pousse de nouveau mon énergie martiale dans mes bras. Il me faut réagir plus rapidement ! Ses assauts et mes esquives se changent en un jeu dangereux. J'essaie d'agripper son arme et ne fait que cogner son bras. Je n'anticipe pas assez ses mouvements, et les coups qu'il me donne en représailles, parfois juste poussées amusées, ne font que me provoquer davantage.

( Plus vite ! )

Je claque des mains trop tôt cette fois-ci et suis puni par une vive lacération à l'avant-bras droit. La douleur me fait grimacer, mais renforce ma détermination. Je fais petit à petit le vide pour ne plus penser qu'à froidement l'éliminer. Mes muscles se contractent, mon coeur bat rapidement mais sur un rythme bien plus confortable. Mon soudain regard haineux, fiché directement dans les yeux du lutin, parvient à le faire hésiter une seconde. Mes paumes claquent une nouvelle fois, mais trop tard. Un nouveau trait de sang me marque, verticalement, sur mon pectoral droit à découvert. La soudaine douleur me fait lâcher un son proche d'un jappement et je peux sentir mon liquide de vie couler depuis la large plaie. Un bref instant, une pointe d'angoisse se fiche dans ma gorge tandis que je recule, les doigts plaqués au-dessus de la blessure. Elle est balayée par le rire sinistre du lutin.

Armer mes bras joue sur mon pectoral, geste qui ravive sans arrêt la sensation horrible du coup. Pourtant, je refuse de céder ! Au contraire ! Cette souffrance doit m'amener à réussir ! Célestin semble devenir encore plus cinglé, émettant un son amusé à chaque fois que je tente de parer son geste, mais n'hésitant pas à frapper encore plus fort de son bras armé. Je veux le faire taire et je vais y arriver ! Mes yeux sombres le poignardent directement dans les siens. Je le vois tressaillir, arrondir ses sales mirettes de dérangé, et plonger son arme droit vers mon visage. J'effectue un pas en arrière, stabilise mon torse douloureux, étends les ailes et plaque aussi violemment et précisément que possible mes mains contre les flancs du croc. Mâchoires serrées, je penche sous l'impact, sentant l'ivoire érafler la peau de mes mains. Malgré tout, je raffermis ma prise, mais suis trop préoccupé pour me réjouir de ma réussite. Bras tremblants, je lève la tête vers un lutin affichant brièvement un air surpris. Il agrippe son propre poignet, cherchant à faire franchir le faible espace restant entre la pointe mortelle et mon globe oculaire.

Campés sur nos appuis respectifs, nous ne bougeons plus, mais tremblons fortement. Mon sang coule des diverses plaies, chose qui me crispe davantage. Et lui, soudainement, se remet à pouffer de façon sinistre. Remonté et décidé à ne pas me laisser distraire par son attitude, je réplique sans amoindrir mes efforts.

"Tu vas la boucler... Oui ? Ton rire... Est juste... Insupportable !"

Il faut que je tienne, au moins assez longtemps pour trouver un moyen de lutter. Une faiblesse dans mes jambes m'indique que, quoi que j'envisage, je dois le faire.

Et vite.





Tentative d'apprentissage de la CCSA : "Fourreau de mains"

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Dernière édition par Nessandro le Ven 21 Nov 2014 18:49, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Ven 21 Nov 2014 18:48 
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[:attention:] Certains passages de ce Rp ont une connotation violente/gore qui peut déranger les personnes sensibles.




Grimace visible, corps pulsant d'échos douloureux et légèrement penché en arrière, je maintiens fermement l'arme du lutin. Il continue de pousser de son côté, déterminé à frapper l'un de mes yeux. La lutte dure trop longtemps, et je me sens glisser peu à peu sous la force de cet imbécile. Sous mes bottes, je perçois le terrain remonter un peu et un choc contre mon talon m'indique la proximité de la souche. Une goutte de sueur glacée me parcourt. Je sais comment gagner un peu de temps. Je pousse un grondement décidé et choisis de délibérément écarter la dague sur ma gauche. Cessant toute résistance, je surprends le lutin qui plonge en avant et plante le croc dans l'écorce. Je saute sur l'occasion pour filer de l'autre côté et sens un tiraillement inquiétant dans mon aile.

Préférant mettre de la distance entre mon agresseur et moi, je bondis vers l'avant, avise une pierre ronde que je ramasse au passage, et fais finalement volte-face. Tandis que le géant ôte son arme des veines de bois, je constate avec agacement que certaines de mes plumes ont été épinglées par l'assaut. Dans mon malheur, j'ai de la chance. Un peu plus haut, et il empalait une partie charnue de mon membre de plumes. Malgré ma colère, je perçois la faiblesse de mon corps. L'imprudence m'a donné des blessures qui saignent encore, et passer à la manipulation de mes capacités de combat après les exercices de magie s'est révélé plus éprouvant que prévu. Pas question d'abandonner pour autant, mais l'issue me semble plus qu'incertaine. Célestin prend le temps de regarder l'une de mes plumes choir avant de braquer ses yeux de tueur sur moi.

( Pour un fou, il est plutôt lucide... )

Je ploie légèrement mes jambes, gardant le galet en main. S'il tente quelque chose, je pourrai le contrer. Non, pas juste le contrer. Je dois l'arrêter. S'il poursuit sa folie plus longuement, je n'ai aucune chance. Il me faut le toucher avec cette arme improvisée, et avec assez de force pour le stopper. Je rassemble alors mon énergie combattive dans mon bras directeur, grinçant des dents en sentant mes plaies piquer davantage. Le sang qui a coulé sur ma peau commence à sécher, craquelant à mes mouvements. Et je suis forcé d'en faire, puisque le lutin se met à marcher lentement dans ma direction.

Je jette par moment un regard derrière moi, évitant les flaques boueuses dans lesquelles m'enliser signerait mon arrêt de mort. Lorsqu'il me voit lever le bras, Célestin s'immobilise, comme me défiant d'essayer. Il m'agace. Je suis certain qu'il attend de me voir sans projectile pour se jeter sur moi. Et je n'ai qu'une pierre à disposition. Soudain, j'entends un son chanté de la part de mon harney. Il se tient tout près, mais est-ce une bonne idée ? Je commence à reculer vers lui, songeant que ses pattes sont en meilleures forme que mes jambes. C'est peut-être l'avantage qui va changer la donne !

Alors que le lutin décide de franchir à grands pas la distance qui nous sépare, il semble se rendre compte de la présence de l'oiseau. Il lève immédiatement le bras, et je constate avec effroi qu'il tend la main vers Lyïl.

( Non ! )

Sans perdre de temps à réfléchir, j'emploie toute ma hargne pour accompagner ma pierre, que je lance sans la moindre hésitation et avec violence. Le son qui se produit se répercute dans la petite clairière, mais je n'y prête guère attention. La seule chose qui m'importe est de voir Célestin se tenir le flanc droit, au niveau des côtes, et reculer d'un demi pas. Il remonte son poing armé devant sa bouche, cherche sa respiration avant de pousser une quinte de toux apparemment douloureuse. Par contre, pas de sang ne tache visiblement ses postillons. Je n'ai donc pas eu la chance de lui faire rentrer ses os dans les poumons.

Au sifflement familier de Lyïl, je me tourne vers lui et lève haut bras et ailes, malgré la peine que cela me cause. Je les agite vivement, inquiet à l'idée que Célestin puisse lui faire du mal.

"Ne reste pas là ! Va ! Va !"

Le harney, sans doute perturbé par mon attitude, a la décence de s'éloigner en lisière de clairière. Distrait, je me rends compte encore une fois trop tard que le lutin s'est rapproché. Son faciès est à présent tordu d'une grimace, et il ouvre sa large main libre vers moi. Mon instinct a beau me hurler de me mouvoir, je n'y parviens pas. Entre deux toux, il lâche un commentaire glacial.

"Fini... De jouer !"

Une onde se dégage de sa paume et sans que je puisse réagir, une douleur me vrille le crâne. Une pression insupportable envahit ma tête. Elle pulse, résonne, comme prise dans un étau. Mes deux mains s'y plaquent et je la secoue, reculant en essayant de chasser cette sensation insoutenable. Mes idées se mélangent, mon équilibre a du mal à persister et je perçois vaguement ma sueur couler en continu entre mes ailes. En dépit de la douleur et de la soudaine anxiété qui m'envahit, mon orgueil me permet de ne pas ployer. Tout mon être tremble, et au moment où le tourment semble s'atténuer, je sens subitement la main poisseuse du lutin empoigner ma gorge. Il me repousse en arrière sans me lâcher malgré les griffures que mes ongles courts tentent de lui infliger. Un choc me fait désagréablement savoir qu'il m'a plaqué contre un tronc d'arbre à l'écorce rugueuse. Pire encore, il m'y soulève en partie. Seul le bout de mes bottes parvient à rester en contact avec le sol.

J'ouvre les yeux, cherchant à respirer en grimaçant. Sa poigne comprime ma gorge, et je peux sentir les battements de mon propre coeur sous sa paume. Je tape inutilement du poing contre son poignet, agitant mes membres de plumes pour le gêner. Sa dague est là, à proximité de mon visage, et son regard meurtrier ne quitte pas mes yeux. Il les examine un instant, sans cesser d'appuyer sur ma gorge. Trop pour ne pas altérer ma respiration, mais pas assez pour risquer de me faire perdre connaissance. Ma haine se mêle à une angoisse certaine, et lorsque je le vois armer son bras porteur de dague, je tente de l'arrêter. Tandis que l'une de mes mains griffe férocement le poignet qui me retient, l'autre s'efforce de gêner la trajectoire de la lame.

La canine sur manche est déviée une première fois, frôlant ma chevelure blonde. À la deuxième tentative, elle provoque une plaie supplémentaire sur mon avant-bras. Visiblement contrarié, Célestin me cogne rudement contre le bois. L'écho se propage depuis la base de mon crâne à celle de mes ailes. Toutes mes pensées se concentrent sur mon envie de vivre, et je me mets à agiter frénétiquement mes ailes et mes jambes, en cherchant à ce qu'il me lâche. Sa dague plonge encore une fois vers mon oeil. Si elle n'était pas oppressée, ma gorge aurait lâché un cri bestial. Un réflexe ou juste un instant de lucidité m'ont fait lever la main. Le croc s'est enfoncé dans la partie charnue entre pouce et index, l'arrêtant juste avant qu'il égratigne ma paupière, mais transperçant ma main de part en part.

La peur, la haine, la douleur et l'évidence que mon existence est sur le fil du rasoir me font m'acharner dans mes mouvements aléatoires. Dans un bruit de plumes violemment frottées, mon aile intacte parvient à percuter le visage du lutin, lui faisant un instant relâcher l'emprise sur ma gorge. Je n'ai pas le temps de mettre cette opportunité à profit qu'il la plaque de nouveau, mais l'un de ses doigts arrive alors à portée de ma bouche. Cessant de réfléchir, je plonge mes dents dans sa chair, m'y cramponnant comme l'animal acculé que je suis. De nouveau, il me brutalise contre le tronc, chose qui ne fait que me pousser à refermer davantage mes mâchoires. J'ignore la toux qui tente de me faire lâcher prise, persuadé que si je le laisse filer, je suis perdu.

L'espace d'un instant, je crois apercevoir l'éclat de l'ivoire. Fulgurante, paralysante, la souffrance que je ressens me fait finalement rendre sa main au lutin. Je tombe à genoux, abasourdi tandis que le sang coule sur mon visage. Une chaleur terrifiante me submerge et mon regard se parsème de taches grisâtres. Aveuglé par ce que je ressens, j'ai du mal à me rendre compte de ce qui s'est passé. La dague n'a pas atteint l'un de mes yeux. Célestin s'en est servi plus bas, pour se libérer sans aucune hésitation de ma prise. Mes doigts bleutés, déjà ensanglantés par la blessure du croc, effleurent en tremblant ma joue droite. Du coin de ma bouche et en biais jusqu'au milieu de ma mâchoire, la dague effilée a découpé ma chair. Mon fluide sanguin coule en continu. Mon souffle raccourcit. En plongeant mon majeur dans l'ouverture béante de la plaie, je peux sentir ma peau s'égratigner sur mes molaires. Ma mandibule tremble et s'écarte de son opposée lors d'un hurlement qui jaillit de ma gorge, élargissant encore la déchirure.

( Je... C'est... C'est pas... Pas possible... )

En état de choc, j'aperçois à peine Célestin reculer et observer sa main meurtrie. Il a l'air effaré. J'ouvre de grands yeux, encore incrédule. Défiguré, perdu, je sens au fond de moi ma magie d'obscurité gronder. La soif de vie. La source de soulagement. Ma main intacte s'élève difficilement, et je la tourne vers mon agresseur. Mon fluide noir parcourt mon membre et forme le sort que je me suis entrainé à matérialiser. Lorsque Célestin se rend compte de ce que je fais, il est trop tard. Une ombre s'élance depuis ma main, plongeant vers la silhouette du lutin. Le porteur de bonnet émet un hoquet surpris et peiné tandis que ma magie noire m'apporte un brin de réconfort. Elle est toutefois faible, beaucoup trop pour compenser les dégâts subis.

À terre, tenter d'ignorer les vagues de souffrances déferlant dans mon corps apparait vain. Affaibli, je ne parviens même plus à battre des ailes, et la gêne de mon os brisé s'ajoute au tableau. Même partiellement ressoudée, la blessure de mon visage continue de saigner. L'angoisse s'ajoute à mon tourbillon d'émotions. Serrer les dents manque de me faire crier mais l'inverse aussi. Tout mon corps me fait comprendre sans détour qu'il n'a plus grand-chose à donner. Étrangement, alors que toute mon enveloppe pulse de douleur, mon esprit finit par lentement se calmer et se focaliser sur la haine et la froideur qui s'imposent.

( Sois maudit... Célestin... Je crache sur le jour où je t'ai rencontré. )

Mes yeux d'un bleuté obscur se rivent à mon agresseur. Ils traduisent mon ressenti. Même dans un état aussi minable, j'ai retrouvé ma motivation et mes instincts meurtriers. Et je lui fais savoir par un regard plus sombre et dénué de pitié que tout ce que je lui ai lancé jusque-là. Un instant paralysé, il recule d'un pas puis d'un autre, loge sa dague dans sa ceinture puis tend brusquement les mains vers moi.

"Vil fanatique... Affreuses ténèbres... Éradiquer... Regarde, Yuimen !"

Célestin se concentre et je ne peux qu'assister, impuissant, au sort qu'il est en train d'élaborer. Un globe, sombre, dont des rayons s'échappent de ses doigts, grossit à vue d’œil. J'ai beau percevoir les hurlements silencieux de mon corps, je me sens fasciné par cette magie qui prend forme. Empli de regrets et d'amertume, je maîtrise les tremblements de peur qui agitent parfois mes épaules, alors que Célestin semble se préparer à me lancer cet étrange soleil sombre dessus. Mes jambes sont trop faibles pour me porter et je n'ai rien à disposition pour me défendre. La fatalité de la situation me fait retrouver un calme glacial.

( Cette fois-ci mon Nessandro, on dirait bien... )

Je ferme un instant les yeux, et quand le lutin émet un son typique de l'effort, je les rouvre, plus décidé que jamais à affronter mon sort. Une déflagration a lieu, intense, presque aveuglante. J'oblige mon bras strié de fluide de vie à se lever pour masquer mon regard. Prêt à affronter l'inévitable, je me prépare à la douleur.

Et j'attends ma fin.

Et j'attends.

Le temps me semble véritablement long malgré le son qui fait encore vibrer mes tympans. Perturbé de me sentir encore en vie, j'abaisse le bras et découvre le lutin par terre, bien plus loin que je le pensais. Sa dague a volé pratiquement jusqu'à mes pieds, mais son bonnet est resté quasiment immobile contre son crâne.

( Si c'est une farce... Il a vraiment... Un sens de l'humour... Inapproprié... )

Retenue depuis longtemps, une quinte de toux me submerge, ravivant la souffrance insoutenable de ma blessure au visage et éjectant des gouttes sanguines. Tout mon corps tremble en continu, et je suis pris d'une sensation de froid et d'épuisement. Je m'efforce de ne pas quitter le lutin du regard. Est-ce qu'il va se relever ? J'appose difficilement ma main intacte contre le tronc à mes côtés et cherche à me remettre debout. Je retombe au sol à plusieurs reprises et finis par m'adosser à l'arbre pour me soutenir, tandis que je me redresse péniblement. Mon visage chauffe et pourtant je fais l'effort presque sur-aldryde de siffler mon harney. Une vague de soulagement me parcourt quand il vient à moi, malgré l'apparence que je dois avoir. Un gémissement m'échappe quand je ramasse la dague, suivi d'un autre causé par l'émission du premier.

Il me faut encore un moment pour parvenir à faire se baisser l'oiseau, et me hisser contre son cou. Célestin m'a menti, encore. Les plumes du harney n'ont pas eu le temps de repousser, mais ses blessures ont cicatrisé. Ma main meurtrie a du mal à se refermer sur la huppe bleutée, mais l'animal est patient. Ma tête tourne à cause de l'effort et de ma faiblesse, mais je résiste et m'oblige à lutter pour rester maître de moi. Suivant ma directive, Lyïl m'amène prudemment auprès de cet être honni, encore étendu au sol. Un peu de sang est visible au coin de sa bouche, encore ouverte, et la déflagration a causé de nombreuses traces voire trous dans ses affaires.

( Si ton sort s'est retourné... Contre ta sale trogne... )

Je grimace en percevant un écho désagréable se répandre dans mon corps.

( Alors je peux presque avoir... De la gratitude... Pour ton incompétence... Presque. )

Lentement, je pousse l'oiseau à se diriger vers le terrier. S'il n'est pas mort, qu'il serve de repas à un prédateur. Et s'il l'est, qu'il pourrisse pour convenir au palais d'un charognard ! Je suis certain qu'il a laissé quelques-unes de ces racines pour mes bandages. Et je dois récupérer mes affaires. Mais en aurais-je la force ? La chaleur de mon liquide de vie emplit ma bouche et dévale ma gorge. J'ai peur des conséquences. Vais-je finalement périr ? Ma tête tourne, ma vision perd par moments ses couleurs et je sens des bouffées de chaleur inquiétantes m'envahir. Et le froid aussi, en se glissant par chaque plaie ouverte. Le goût métallique contre ma langue me donne des haut-le-cœur. La seule chose claire qui tourne dans mon esprit est que je veux vivre. Vivre et être libre.

Alors que le harney a fait une bonne quinzaine de pas, un petit rire s'élève derrière moi. Un nouveau frisson me dévale l'échine tandis que je regarde lentement par-dessus mon épaule, tirant sur mes blessures. Au sol, le lutin agrippe son bonnet et le maintient sur son crâne en s'asseyant. Il scrute l'endroit où je me tenais en se massant le flanc atteint par ma pierre. Il tousse plusieurs fois et sa respiration est sifflante. Il a visiblement grandement souffert de ce qui vient de se passer. Inexplicablement, le ton qu'il emploie sonne... Amusé.

"Oups. Je crois que je l'ai pulvérisé. M'en veux pas l'ami, j'ai comme un trou de mémoire... C'est encore raté mon pauvre Célestin."

Immobile, j'appréhende sa réaction à ma vue. Je ne peux plus me défendre du tout. Il lui suffirait d'un rien pour m'ôter la vie. Bizarrement, le géant regarde ses pieds en se dirigeant vers le terrier. Ce n'est qu'en apercevant la silhouette du harney qu'il lève la tête. Ses foutus yeux me scrutent, d'abord avec incrédulité puis joie. Dans mon état de faiblesse, je demeure résolu. Lyïl peut me porter plus loin, mais je sais que mes blessures causeront alors ma perte. Soit en s'infectant, soit en attirant des prédateurs à l'odorat fin.

"Nessandro ! Aouch, mes côtes... Tu n'y es pas allé de main morte apparemment. Je ne t'ai pas réduit en poussière ? Pour de vrai ? Sois sans crainte, j'ai réussi à me maîtriser. Tu n'as plus rien à redouter, pour le moment."

Si je pouvais le tuer rien que par mon regard, sa tête aurait déjà volé à l'autre bout de la clairière, dans une gerbe d'un roux-brun de toute beauté. Je laisse le sang coulant de mes blessures formuler une accusation silencieuse à ma place. Lorsqu'il avise la large déchirure de mon visage, cet énergumène fait une petite moue.

"Eh ben. Déjà que tu ne parlais pas beaucoup avant... Mais attends, tu es vivant, hein ? T'es pas un de ces revenants ou un esprit venu se venger, pas vrai ?"

J'appose ma main perforée contre ma joue pour maintenir au mieux ma plaie, puisant dans mes dernières forces. Lui lançant un regard froid d'abord, je rassemble une portion de salive piquant atrocement ma joue, et de sang coulant dans ma bouche, que je lui crache sans ménagement au visage. Il ne cherche pas à l'esquiver et l'essuie mollement du revers de la main. Avec prudence, je rassemble ma haine en quelques mots.

"Pas... Sûr..."

Épuisé, frappé par la souffrance résultant du mouvement de ma mandibule, je sens ma tête s'alourdir. De son côté, le coiffé affiche étrangement un faciès soulagé, presque au bord des larmes. Si je n'étais pas aussi vidé, je lui aurais sans doute envoyé sa dague dans la gorge, histoire d'en finir. D'ailleurs, je préfère la lui cacher. Je le hais plus que jamais, et ce sentiment surpasse la terreur qu'il m'a causé. J'ai survécu face à ce fou alors que j'étais désarmé et blessé. Si je m'en sors, j'ai donc toutes mes chances lors d'un autre affrontement. Célestin m'exhorte subitement à faire avancer ma monture pour traiter d'urgence les traces de ses agissements.

Tu ne perds rien pour attendre. Le jour où j'aurais récupéré et serai équipé...

( Foi de Nessandro, je jure que je te tuerai. )

Mais pour l'heure, je dois dépendre encore un peu de lui et de son terrier. Plus remonté que jamais, je m'efforce de ne pas sombrer. Je refuse qu'il pose ses sales pattes sur moi. S'il le fait, je ne me contenterai pas de mordre sa grosse paluche. Et s'il insiste, il le regrettera.

Et c'est sur cette idée simple et pourtant affreuse ironie que je sens poindre l'évanouissement.





Fin de Tentative d'apprentissage de : Ombre vampirique

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Dernière édition par Nessandro le Mar 2 Déc 2014 20:56, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Mar 2 Déc 2014 20:55 
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Immobile dans la pénombre, je demeure concentré, attentif. Je ne suis plus vraiment surpris par ce qui se produit. J'en ai été témoin tant de fois ces dernières semaines que j'ai adopté ce réflexe tout bête, mais ô combien salvateur, de devenir moi-même une ombre dans un coin de la pièce et d'attendre que cela passe. J'ai du mal à croire que plus de trois semaines se sont déjà écoulées. La repousse de mes plumes et voir l'attelle d'écorce se désagréger d'elle-même ont été de bons indices pour m'en convaincre. Je dois avouer que je n'ai pas vu le temps défiler, à rester dans ce terrier éclairé de bleu. Les souvenirs des événements sont pourtant aussi frais que s'ils s'étaient produits le matin-même. Mon geôlier, Célestin le lutin, a perdu l'esprit dans la clairière jouxtant l'abri de blaireaux. Je me suis défendu contre ses assauts, mais avec une aile blessée et sans arme, le résultat était couru d'avance.

J'ai côtoyé la mort d'un peu trop près à mon goût. Et cela n'a fait qu'augmenter ma soif de vie et de liberté.

Malgré mon envie d'effleurer les compresses masquant mon visage et mon torse, je m'efforce de demeurer immobile. Si je bouge, mon camouflage d'ombre s'estompera, et je serai de nouveau en danger. Cette obligation d'observer ce crétin faisant deux fois ma taille, à oreilles pointues et tenue verdâtre me ramène à ces souvenirs plus ou moins flous demeurant dans mon esprit. Défiguré, affaibli par une importante perte de sang, mon corps a aussi fait des siennes en devenant fiévreux. J'ai du mal à me rappeler des premières heures suivant mon émergence d'évanouissement. Je sais juste m'être débattu et avoir repoussé les sales pattes du lutin. Après ce qu'il m'avait fait, hors de question qu'il ne fasse même qu'effleurer ma peau. Cette enflure à bonnet m'a quand même découpé la joue pour libérer sa grosse paluche ! Et peu importe le nombre de fois qu'il a tenté de s'excuser, ses paroles sonnaient plus vide que la tête d'une aldryde.

Ma haine n'a fait que se développer, s'accroître, et mon envie de meurtre à son égard a fait de même. Pourtant, aucune explosion de colère en sa présence. Ma magie sombre me guide, et je ne fais que scruter froidement cette potentielle victime. À cause de cette lacération ayant sectionné ma joue, et mon refus de le laisser me soigner, j'ai du apposer moi-même des cataplasmes amers dans ma bouche, pour empêcher ma langue de venir ralentir la cicatrisation. Je suis certain qu'il a toutefois réussi, sans que je sache encore comment, à me donner un somnifère. C'est la seule raison possible pour que j'ai eu des absences régulières, et des sensations de tiraillement sur ma plaie faciale. J'en aurais le cœur net bientôt. Je suis censé retirer ce qui masque mes blessures sous peu.

"Buuuh huhu !"

( S'il finit un jour sa comédie ! Saleté de pleurnichard. Pas fichu de se décider entre vouloir m'arracher les yeux ou chialer dans mon pagne... )

J'ai compris une petite chose ces derniers temps. C'est la noirceur de mon regard, appuyée par la manipulation de ma magie sombre, qui semble provoquer les crises d'agressivité. Et lorsqu'il ne peut pas libérer ses pulsions meurtrières, la tension est telle qu'il fond en larmes. Parfois silencieusement ou parfois, à mon grand regret, en implorant son dieu de boue de lui pardonner. Aujourd'hui, c'est le second cas qui se produit. Dès les premiers signes, je me suis enfoncé dans les ténèbres, contraint de l'observer pour savoir quand sa crise finirait. Depuis une bonne heure maintenant, le lutin est accroupi, la tête dans les mains, chialant tellement qu'il est parvenu à faire une flaque immonde de larmes et autre sécrétion nasale à ses pieds.

( Fichus lutins. En plus d'être des nids à embrouilles, ils sont immondes. Et encore, ceux que j'ai croisé étaient des mâles... Quand je pense qu'il en existe des versions femelles... Beurk ! )

Je me fiche totalement de son ressenti. La seule chose qui m'intéresse est le petit objet coincé entre ses doigts et son bonnet. Un miroir. Ou plutôt, un éclat d'une taille assez importante, grossièrement enchâssé dans un morceau de bois. J'en ai besoin. Je dois voir par moi-même à quoi je ressemble. Avec cette blessure, j'ai eu du mal à m'alimenter autant que je l'aurais voulu, surtout les premiers jours. Fort heureusement, en broyant mes balles de miel dans de l'eau et en usant d'une tige de plante percée, j'ai pu me nourrir assez correctement par la suite. Mais évidemment, ce n'est pas l'imbécile couinant au sol qui aurait eu cette idée.

Je fronce les sourcils en le regardant se balancer d'un pied sur l'autre. Je le déteste, et en même temps, il commence à m'indifférer. Le coin gauche de mes lèvres se soulève légèrement en un rictus satisfait. Le souvenir de la détresse que j'ai lu sur son visage les jours suivant l'événement apaise quelque peu mon dégoût.

Je retrouve bientôt mon sérieux. Les épaules du lutin ont cessé de trembler et il sort enfin son mouchoir de sa poche. Son nez pointu y plonge et s'y vide. Et moi qui croyais qu'il avait répandu toutes ses réserves par terre...

"Nessandro ? Nessandro ? Ness..."

Je siffle entre mes dents, ménageant ma joue.

"Suffit !"

Je m'avance d'un pas, émergeant des ombres en ouvrant mes ailes de toute leur envergure. Le sourire du lutin, empli de soulagement, et surtout de sécrétions écoeurantes me fait froncer le nez. Je minimise autant que possible mes expressions faciales. La raideur de ma blessure m'incite à ne pas forcer dessus. Je m'avance vers le lutin et tends la main, sans un son, dans sa direction. Les yeux humides et coloris boue s'y rivent puis il m'offre sa main retenant vaguement le mouchoir, cherchant à attraper mes doigts. Brutalement, j'assène une claque cinglante sur cette fleur de chair du revers d'une main, déséquilibrant le lutin. Je plonge alors l'autre main vers le miroir et m'en empare, avant que Célestin ne tombe postérieur le premier par terre.

L'objet en main, je pousse un souffle mécontent. Qu'est-ce qu'il croyait ? Que j'allais l'aider à se relever ? Et puis quoi encore ?

Assis, le lutin émet un petit souffle amusé à travers ses reniflements.

"Ca, c'était pas très gentil."

Je ne lui accorde pas un regard, observant mon profil droit dans la surface réfléchissante. Avec précaution, j'ouvre la bouche, apercevant le bleu violacé au coin se raviver alors que j'extirpe le support de la matière amère. Ma langue vient immédiatement effleurer la zone et y découvre une ligne rugueuse, irrégulière, bombée mais pratiquement insensible. J'inspire longuement. J'abaisse les yeux sur mon pectoral droit, lui aussi masqué par un tissu odorant. Quand je l'ôte, je découvre une cicatrice en creux, bleu violet sombre. Les bords sont irréguliers et l'ensemble apparait encore sensible. Et j'imagine que ce genre de trace se trouve aussi sur mon visage.

Je ferme un instant les yeux. J'ai toujours été fier de mon physique, bien plus agréable à l’œil et mieux dessiné que celui du premier quidam venu. Mais je ne suis pas une femelle. Ma vie ne s'achèvera pas à cause d'une marque indélébile.

( Alors mon aldron... Prouve-le. )

Levant le miroir, je retire le pansement de mon visage. Je m'oblige à déglutir en voyant la marque que ma langue m'avait déjà annoncé. Ma joue est légèrement gonflée autour de la trace. D'un violacé rendu brillant par les reflets des sources de lumière de la pièce, elle prend naissance au coin de ma bouche, monte légèrement vers la pommette, puis redescend lentement vers l'arrière de ma joue. Ses bords semblent avoir été rapprochés par endroits, mais l'irrégularité de l'ensemble montre un travail amateur. Elle est bombée, immonde, et contraste violemment avec le bleuté tirant sur le clair de lune de mon teint. Quand j'ouvre la bouche, elle résiste, mais ne me provoque pas de douleur.

J'ai du mal à en détacher les yeux. Je sais bien que je n'ai aucune intention de me pavaner au milieu d'une foule ni de déclencher l'admiration, mais la voir me gêne. Elle montre à quel point j'ai été faible, mal préparé et imprudent.

"Ouuuuh ! Moche moche moche !"

( Et face à ça ! )

"Remarque... En se plaçant bien... On pourrait croire que tu souris."

Je plante mes yeux sombres dans la sale trogne de mon agresseur. Debout, celui-ci frotte son nez de son mouchoir et secoue la main, comme s'il se l'était brulée. En réponse, j'arme mon bras et lui lance le miroir. Si je l'avais voulu, j'aurais fait en sorte de le faire voler à l'horizontal, mais je ne veux pas perdre davantage de temps avec cet énergumène. Un son mat se fait entendre tandis qu'il plaque le miroir contre lui avec sa main libre.

Il se met à rire et affiche son air jovial et enfantin. Triomphant, ses doigts gluants soudés au cadre, il soulève la création.

"Ha ! Je savais que tu allais réagir comme ça ! J'commence à te connaître !"

Je lui tourne le dos, repliant les ailes. Lyïl émet un son dans le couloir, et sort de lui-même de la pièce à mon sifflement. Pauvre harney. Il a fini par s'habituer à passer du temps sous terre. Il nous faut vite nous défaire de cet endroit, sinon il va finir par se prendre pour une taupe. Tandis que mon oiseau sombre s'approche, Célestin agrippe le miroir, qu'il garde précieusement contre lui.

"J'dis ça... C'est juste pour t'détendre un peu. Je te ferais bien une farce pour te faire rire mais..."

Le poignarder du regard suffit à lui faire émettre un rire gêné.

"Voilà, exactement... En fait, j'voulais surtout te dire que je suis soulagé que tu t'en sois remis... T'es costaud ! Pour un petit gars..."

S'il tente de me complimenter, il s'y prend totalement à l'envers, et ne provoque que la venue d'un froncement de sourcils plus prononcé. S'il me lance des piques, je ne lui réponds que par la présentation de ma cicatrice. Elle est plus parlante que n'importe quelle réplique que je pourrais lui envoyer dans sa vile trogne. D'ailleurs, en la voyant, Célestin affiche un certain malaise qui me réjouit. Finalement, cette marque a au moins un avantage.

Sans un mot, je m'équipe comme je le fais depuis sa tentative de meurtre à mon endroit. Je ne sais pas encore si aujourd'hui sera le jour de mon départ, mais mieux vaut être prudent. Il me faut voir si mes ailes ont assez de force pour me porter plus longtemps que ces derniers jours, et sans doute moins que les prochains.

Célestin passe devant, tentant de respirer profondément en sortant du terrier, mais se heurtant aux restes de ses pleurnicheries. Il se mouche encore, émettant vaguement un commentaire sur l'injustice d'avoir le nez bouché alors que les bois semblent sentir meilleur ce matin que les autres jours. Je ne réagis pas, apposant simplement ma main contre le cou du harney. Je me contente de scruter ce dos tourné vers moi, imaginant quelque chose de pointu se river entre ces vertèbres.

( C'est cela. Plains-toi. Amuse-toi... Mais si tu crois que je vais oublier ce que tu m'as fait, continue de te tromper. Je ne sais pas encore quand, mais je te le jure... Je te ferai avaler ton bonnet ! )



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Dernière édition par Nessandro le Dim 7 Déc 2014 15:59, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Dim 7 Déc 2014 15:23 
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Alors que tu sors, l'air est frais et agréable, le soleil perce à travers le feuillage... et te révèle quelqu'un qui te regarde.

Tu croises brièvement le regard d'un aldryde mâle aux cheveux noirs, un petit peu plus âgé que toi. Il est vêtu d'un simple pagne blanc, mais pourtant, il porte un collier et une lance de bonne facture, pas vraiment le genre de chose qu'on donne à un esclave... Il ne s'attendait en outre visiblement pas à voir un congénère sortir d'un terrier de blaireau ! Il reste une seconde immobile, debout sur un buisson. Il semble légèrement surpris, mais s'il est effrayé, il n'en montre rien.

Soudain, d'un battement d'ailes, il s'envole en flèche avant de filer à l'horizontal entre les troncs. Pour un mâle bougre sait étonnamment bien voler !

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