La taverne des 7 sabres…lieu malfamé, rempli d’incapables voleurs et de petits bandits sans envergure. Ils boivent en pensant que cela effacera leurs malheurs…Pauvres idiots…Se soûler est l’un des nombreux moyens de se rendre vulnérable. Une petite faiblesse suffit pour mourir, même la plus infime. Beaucoup de mes adversaires plus doués que moi s’en sont rendu compte à la dernière seconde, alors qu’ils mourraient, tués par un adversaire inférieur, qu’ils auraient pu battre s’ils étaient plus concentrés et moins imbus d'eux-mêmes. L’orgueil et l’autosuffisance sont des vilains défauts, aussi dangereux que la pitié et la compassion. Voilà ce qu’on m’a appris au temple de Thimoros, à moi, Isodor, fils de Théodorou, grand prêtre de Kendra Kar.
Je nettoie donc. Je nettoie toutes ces rues pleines d’ivrognes et d’être inférieurs pleins de bons sentiments, et je laisse vivre les forts, qui, eux, méritent de survivre. Après avoir tué mes victimes avec lenteur, les faisant souffrir le plus possible, je leur enlève leur cœur et je prie Thimoros, grand maître de la mort. Je tue pour le plaisir, voir leur visages pleins de peur quand je les attaque m’amuse, et entendre leur cri de douleur me fait rire. Tel est la mission que m’a donné mon père, intermédiaire entre Thimoros et les hommes : nettoyer les rues de Kendra Kâr, et assassiner à mon gré.
Mais aujourd’hui, il m’a donné rendez-vous dans cette vulgaire taverne, et comme à chaque fois qu’il veut me voir, il désire me donner une cible, un homme à abattre. Souvent des serviteurs de la lumière, ou des bienfaiteurs. Massacrer ce genre d’homme me plaît, bien plus que de tuer au hasard. L’excitation de la traque est présente, et l’exécution finale est la plus fantastique des choses.
Comme d’habitude, mon supérieur est en retard, car il aime me faire attendre, et il teste ma patience, et je le sais, puisqu’il le temple est à deux pas de ce lieu de beuverie immonde. Mais il possède tous les droits, et malgré mon lien de parenté, je ne peux rien lui dire, obéissant à la volonté du grand Thimoros. Je serais fouetté si je lui faisais la moindre remarque, et les hommes du temple sont les meilleurs bourreaux du continent. De nombreuses marques ornent mon corps, résultats de mon insolence enfantine. Les enfants...les enfants sont insupportables, incapables de faire quelque chose d’utile, et nous devons les nourrir et nous occuper d’eux jusqu’à ce qu’ils soient capables de vivre leur vie seul. Mais les pires, ce sont ceux qui sont issus de riches familles de marchands, qui pensent que le monde leur appartient…J’ai tué des enfants, pour atteindre leurs parents. J’ai beau les détester, ce n’est pas le genre d’acte dont je suis fier, la vie n’ayant même pas eu le temps de se développer dans leur petit corps.
Voilà mon père qui arrive, dans sa longue robe noire fermé par sa ceinture couleur de sang, son large capuchon bordé de rouge sur sa tête. Le silence se fait, car il n’est pas commun de voir le grand prêtre de Thimoros dans la taverne, et plus généralement en dehors du temple. Mais le calme inhabituel disparaît et l’ambiance revient comme si de rien n’était. Mais ce n’est pas le cas. Tous sentent le goutte de sueur froide qui coule le long de leur dos à la vue de cet homme de main du dieu de l’obscur, qui maîtrise les sorts de l’obscur les plus puissants, et qui possède l’appui d’un dieu. Mon père connait l’effet qu’il produisait sur les gens, et cela lui plait. Il aime savoir qu’il a le droit de vie ou de mort sur chacun de ces hommes, qu’il peut mettre fin à leur vie d’un claquement de doigt. Il aime entendre le claquement des dents de certains, voir le teint livide des autres, sentir la peur qui régnait dès qu’il apparaît. Sa voix caverneuse retentit :
« Mon fils, tu sais ce que je te veux, c’est pourquoi je ne vais pas rester longtemps…Il s’agit d’un homme qui s’appelle Blémard, c’est un guérisseur, qui fait parti du temple de Gaïa. Il a les cheveux blonds comme les blés, il est habillé d’habits de cuir et de cuivre, une cape blanche, et il porte une petite dague au côté. Fais attention, il est sûrement plus expérimenté que toi, mais je te fais confiance. Tu es le fils de ton père… »
Il se lève et quitte la taverne, me laissant seul à la table. Je ramasse le dessin qu’il a posé sur le meuble de bois avant de partir, l’examine un instant et le range dans ma veste. La chasse est ouverte.
_________________ Isidor, assassin sans remords
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