Si Tanaëth ne pouvait se souvenir de la dernière fois qu'il avait emprunté les transports de la compagnie Air-Gris, il n'en était donc pas, malgré tout, à son premier vol. Ce qui était exactement le cas de Kay qui n'avait jamais mis un pied sur un autre continent et qui, pour être parfaitement honnête, n'avait même jamais fait le tour du continent sur lequel elle était née.

(Et donc, ces trucs... volent ?)

Le ballet des majestueux vols de cynore et d'aynore combinés dans le ciel l'avait détournée de ses sombres pensées aussi radicalement que n'aurait pu le faire la brusque apparition de son père. Elle avait la tête renversée et marchait, le cou dévissé pour tenter de mieux apercevoir ces engins aux tailles démesurés qui pouvaient flotter dans les airs. Incroyable !

(C'est dans ces moments-là que je me dis que j'ai bien fait de quitter ma campagne.)

Elle revint brusquement sur terre quand elle entendit l'hôtesse leur demander s'ils venaient pour s'engager auprès d'étranges humains. Kay haussa un sourcil, plus que surprise que cette rumeur fût aussi bien connue. Mais, après tout, cela leur confirmait au moins que ce n'était pas qu'une simple rumeur et qu'ils trouveraient bien quelque chose à Bouhen - ce dont elle avait au départ douté. La semi-elfe observa ensuite avec attention le visage de la Sindel. Elle avait l'air... de s'en foutre. Oui, c'était cela : ils auraient pu être des cochons qu'ils auraient eu, à ses yeux, le même intérêt. Pourtant, Kay avait une telle envie d'engager la conversion ! Elle ne pouvait s'en empêcher, dès qu'elle voyait un elfe gris - l'ardent désir de se sentir et de se faire accepter des siens, sûrement.

Mais le masque d'indifférence de la Sindel ne se fissura pas, ne trembla même pas, tandis qu'elle leur annonçait d'une voix monocorde - tranchant avec le "plaisir" qu'elle disait avoir, que leur vol leur était offert par sa compagnie. Une étonnante générosité dont ils profitèrent sur le champs ! Et ce fut sans plus d'attente que Kay monta à bord de son premier aynore, le dévorant entièrement des yeux, tenant à peine en place, comme un enfant devant un nouveau jouet.

C'est une Sindel ultra policée, charmante mais aussi impersonnelle qu'il était elfiquement possible de l'être qui accueillit Isil avec un sourire de façade. Elle compta les yus avant de tendre les deux billets:

"La compagnie Air-Gris vous souhaite un excellent voyage sur son Aynore, l'embarquement est en cours."