Balai en main, Daemon s’apprête à sortir lorsque une autre porte grince à l'autre bout de la salle. Merilian, la nécromancienne l'ayant recruté, interpelle Asad à voix basse. Elle indique le plafond et son interlocuteur approuve d'un signe de tête. Le semi-elfe porte son regard en hauteur, les lustres sont pleins de toiles d’araignées et vachement haut ! Les nettoyer ne sera pas de la tarte...

La femme se retire et le basané lui indique d'approcher. Daemon le rejoint en faisant la moue et indique qu'il a le vertige. Mais Asad prend un air grave afin de lui annoncer :

« Viens, il est temps de rencontrer la patronne... »

Il semble soucieux, cette Kadria serait si redoutable ?

Asad prélève une torche dans le but de le guider jusqu'à la dame des brumes. Ils empruntent le passage d'où provenait Merilian. Ils bifurquent d'un couloir à un autre, et ce plusieurs fois, pour déboucher sur une impasse...

Le jeune homme s'excuse l'air gêné, prétextant ne pas connaître cette partie du château. Ils errent dans le dédale quand Asad bute sur une forme au sol. Après une étude à la lueur de la torche, ils découvrent des poils roux associés à des vêtements bariolés. Une vision familière : Korben ronfle sur le dos à même le sol. Les deux compères s'égayent de cette découverte, Daemon précise que c'est habituel, ce nain peut dormir dans n'importe quelle condition, surtout quand il est pinté.

Ils s'amusent à lui assener plusieurs coups de pompes jusqu'à ce qu'il se réveille dans un sursaut. Sa barbe est ébouriffée et son œil hagard. Après un bref moment d'égarement, le nain émerge et commence à les incendier.

« Debout, le nain, et fait toi beau ! On va voir la patronne ! » explique Asad d'un ton moqueur.

La petite compagnie reprend sa route avec son nouveau membre à l'humeur massacrante. Ils arrivent à destination : le palier d'un grand escalier en colimaçon. Asad prend un air sérieux, presque navré, et indique que l’ascension sera sans lui. Il prend soin de préciser qu'ils devront être calmes et bien élevés. Kadria gouverne ces lieux et décidera de leur devenir.

Daemon fait une accolade à Asad pour remercier ses bons conseils. Le nain se gausse d'eux avant de qualifier le semi-elfe de trouillard en gravissant les marches. Daemon suit le pas, le ventre ravagé par l'appréhension.

Des meurtrières éclairent l'escalier et offrent une vue étroite sur les alentours. Il distingue successivement des montagnes, la forêt, d'autres parties de l'édifice.

Son regard se porte au-delà des marches, réalisant que son gantelet est au sommet de cette tour. Il devra ruser afin d'amadouer la noble. Chacune de ses paroles déterminera son destin, le choix de ses mots devra être consciencieusement soupesé...

L’ascension est lente, Daemon peine à gravir ces marches, lui qui est encore harassé par la fatigue du périple. La fatigue se lit sur ses traits, j'ai envie d'me foutre de sa gueule mais je suis pas si bien loti non plus. La légendaire constitution de fer des Nains m’a aidé à me rétablir rapidement mais j’ai vite le souffle court.

(Pourtant j'fume pas la pipe... Va comprendre !)

Une fois arrivé au bout de l’escalier, ce qu’il m’est donné de voir me laisse pantois. J’entends les halètements de Daemon dans mon dos, il se poste finalement à mes côtés et observe lui aussi la pièce. J’aperçois quelques fugaces images, celle d’une femme à la chevelure de braise, revêtue d’une ample robe blanche. Il se révèle impossible pour moi de discerner ses traits. D’une part car mon œil en moins obstrue mon champ de vision, de l’autre car cette femme ne semble pas vouloir se révéler totalement. La salle est emplie de miroirs qui reflètent des myriades d’images se confondant.

Soudain j’entends une voix susurrante exprimer ces mots :

"Voici donc les nouveaux élus...Qu'espérez-vous ? Que pourriez-vous bien apporté à Phaïtos ? Ah part des odeurs de bière et un balais..."

Une autorité naturelle émane de sa voix mais avec une pointe d’ironie destinée à nous faire comprendre, à Daemon et à moi, que nous ne sommes que des insectes pour elle. Je jette un bref regard à Daemon, il est sous le choc et ses fines lèvres semblent incapables de s’ouvrir pour l’heure. J’essaie de trouver la formule appropriée, tâchant de ne pas écourter ma vie en déblatérant des bêtises.

(Hum… Dois-je la saluer, faire une révérence, raaah bordel…)

Je suis envahi par le doute, ne sachant que faire, comment débuter cette conversation…


(Bon, y'a pas à tergiverser, on va bien voir.)

J’esquisse une rapide révérence, et m’exprime en ces termes :

« Bien l'bonjour Gente-dame, ce que j'attends... Une bière peut-être ? J'ai la gorge si sèche que j'ai l'impression d'être en plein désert...»

Le silence fait suite à ma blague, un silence qui m'incite à poursuivre dans ma lancée, en oubliant l'humour. Je décide donc de continuer :

"Votre cause semble noble, mais l'est-elle vraiment ? J'en ai causé avec Merilian, elle m'a dit d'voir ça avec vous. Car pour tout dire je m'pose des tas de questions... L'est hors d'question pour moi de tuer des innocents, irait à l'encontre de mes principes. Pouvez-vous m'assurer que vous n'êtes pas des tueurs sans vergogne, que mon âme ne sera pas souillée par des meurtres injustifiés ?"

Je reprends rapidement mon souffle et enchaîne :

"Quant à l'aide que je peux vous apporter... Je pense être la personne idéale pour établir l'contact avec mes frères et mes sœurs."


J’espère ne pas avoir été trop con en disant tout cela et crains le pire. Daemon quant à lui essaie tant bien que mal de garder la tête haute. Il répond à la question de Kadria en mettant en avant sa foi à toute épreuve. Il parle et parle, j'ai du mal à m'concentrer sur la flopée de mots qui jaillissent de sa bouche.

(Bon c'est pas l'moment d'faire le distrait, j'dois m'ressaisir bon sang.)

J'attends la réponse de Kadria, encore incertain de mon avenir en ces lieux.

Arrivé au sommet, Daemon reprend son souffle et canalise sa concentration afin d'éviter de se porter préjudice. Korben aussi n'est pas confiant, ses traits reflètent la fatigue et le doute. L'escalier aboutit sur une salle tamisée, éclairée par une multitude de bougies. Les deux recrues restent silencieuses et fouillent du regard.

Daemon est frappé par les dimensions démesurées de la pièce, comment est-ce possible ? Elle s'étend à perte de vue... Il remarque ensuite des silhouettes mouvantes et fait signe à Korben de s'arrêter. Les ombres cessent de bouger au même instant. Il affûte son regard et distingue deux personnes, un jeune homme avec un air ahuri tenant un balai, ainsi qu'un nabot avec l'air franchement égaré.

Il finit par percuter... Qu'il est con, ce sont eux !

Une myriade de miroirs parsème la salle. Les lueurs des bougies se reflètent, les reflets s'additionnent, les additions s'étendent à l'infini, formant une constellation de feux follets.

Ils avancent prudemment au milieu des étoiles rougeoyantes, jusqu'à discerner une présence autre que la leur. Une femme à la longue chevelure rousse semble affairée à ses occupations. Impossible de déterminer sa position réelle, les reflets se confondent, ils la perçoivent de face, de profil et de dos. Le corset de sa robe noire et blanche met en valeur ses formes, de riches bijoux ornent son cou délicat, mais son visage reste dissimulé dans la pénombre.

« Voici donc les nouveaux élus... »

Souffle-t-elle d'une voix glaciale et lointaine, soulignant un désintérêt tinté de cruauté. Cela commence mal...

« Qu'espérez-vous ? Que pourriez-vous bien apporter à Phaïtos ? À part des odeurs de bières et un balai... »

Daemon réalise qu'il a conservé son balai. Il était si angoissé, ce détail lui est resté dans les mains...

La tirade de Kadria exulte de mépris, le silence s'installe tandis qu'il rassemble ses pensées afin de formuler une réponse salvatrice. Korben coupe court à son effort et prend la parole avec un respect non habituel :

« Je vous salue, Dame Kadria. Ce que j’escompte ? C’est simple. Pouvoir choisir ce culte sans peur, m’y vouer cœur et âme en sachant que je ne vais pas à l’encontre de mes propres principes. »

(Depuis quand Korben se turlupine sur ce genre de détails ?)

Pas de réponse. Le nain se décontenance légèrement pour ensuite clarifier son propos :

« Tuer des innocents me révulse et je n’arrive pas à l’envisager, j’ai besoin de savoir par quel moyen décidez-vous de tuer vos cibles. Pour répondre à votre question, je pense pouvoir être le pont entre votre culte et le peuple Nain. »

(Un échange culturel... Voyez-vous ça.)

Daemon se moque intérieurement, mais la lugubre poupée se tourne dans sa direction. Il déglutit, ne sachant quoi rétorquer...

« Je vénère Phaïtos depuis mon âge de conscience. Le maître des corbeaux accompagne mes pensées à chaque moment... »

Il se sent ridicule avec son balai. Néanmoins, il se ressaisit, ce n'est pas le moment d'être faible. Si la dame des brumes n'est pas satisfaite, sa vie sera écourtée...

« Nous avons prouvé notre valeur dans la caverne, nous avons trouvé l'emplacement la relique de l'obscurité convoitée par le clergé de Thimoros, nous avons exécuté vos ennemis... »

(...et vous avez dérobé ma relique...) pense-t-il avec tristesse après avoir laissé sa phrase en suspension.

Asad interrompt ses pensées, sa présence chaleureuse lui a permis de dissoudre sa solitude. Qu'est-ce qui est le plus important? La puissante relique et son écrin de solitude, ou rejoindre cette sombre famille?

Sa tête oscille tandis que son regard se perd dans le vide. La contrainte l'insupporte, mais la présence maléfique le rappel rapidement à la réalité. Suffit, il faut cesser de geindre et assumer son devoir. Le temps est venu de prêter allégeance.

« Moi, Daemon di Phyrexian, vous fait don de ma vie à travers ce serment. Je voue ma vie et mon honneur aux Messagers du Corbeau, pour ce jour et tous les autres à venir, pour cette vie et la suivante. »

Serrant son manche à balais comme une noble épée, il achève son serment parmi les étoiles avec un regard pourpre et brillant.

La sentence se fait attendre, Kadria abonde le silence pendant qu'elle considère leurs paroles. Elle finit par se lever de son siège et provoque une tempête de reflets faisant perdre à Daemon toute notion d'espace, de haut et de bas. Cette vision onirique et démultipliée se teinte d'une aura sombre et écrasante, aucun doute possible, une puissante magicienne hante cette pièce.

La Lord s'adresse en premier temps à Korben, définissant plus précisément la finalité de l'ordre : combattre les faiseurs de martyr, les barbares et tous ceux qui répandent la souffrance à travers le monde. Elle évoque aussi le culte de Brytha, une divinité inconnue du semi-elfe, soulignant l'infamie de ce culte à dieu unique...

Néanmoins, elle prend en compte les arguments de Korben, la possibilité de diffuser son culte en royaume Thorkin. Il faut dire que ce n'est pas mince affaire. Intriguée, elle lui demande si son ascendance est noble. Korben prend la discussion très au sérieux, il rétorque que ce n'est pas le cas, mais que cela ne serait pas un obstacle.

Mais il ne s'arrête pas là et commence à débiter une série de doutes sur la bienséance de ce nouveau culte du corbeau. Des détails, il lui faut davantage de détails « pratiques » apparemment.

La dame des brumes s'agace et ses images se détournent en direction du semi-elfe. Il se lève et accueille ses dires avec angoisse. Elle répond plus doucement :

« Peut-être pourrez-vous être utile. Mais vous devrez faire vos preuves. Toi, semi-elfe. Tu serviras dans le château, j'ai besoin de quelqu'un pour réhabiliter les chambres de luxe... Si tu travailles bien, tu seras le premier à en profiter. »

Il reprend son souffle calmement, rassuré d'avoir survécu à cette épreuve, bénigne en apparence, mais terriblement éprouvante. Il remercie la lord avec une infinité de précautions avant de demander la permission de se retirer. La discussion avec Korben n'est pas achevée et promet d'être houleuse. Il n'a pas vraiment envie subir les dommages collatéraux...

La duchesse du château d'Endor n'accorde pas un mot au semi-elfe, la polémique soulevée par Korben commence à sérieusement l'énerver. Voyant la situation dégénérer, Daemon esquisse une révérence et se détourne à tâtons. Les reflets se répercutent dans tous les sens. Il cherche du regard, tourne sur lui-même, mais rien à faire. La sortie n'est pas visible, l'image de Kadria prédomine de toute part !

Un voile d'incompréhension recouvre son esprit tandis que ses forces s'échappent, il perd pied et tombe à genoux. La pression spirituelle de la dame des brumes l'écrase. Il cherche de l'air et lutte afin de combattre l'ivresse assaillant son esprit. Les images se mouvent et se déforment, Kadria approche, furieuse.

Une cloche de folie chapeaute sa conscience, ses sens sont abusés par les images rémanentes, la réalité se scinde en divers possible. Les visions se succèdent, tantôt gisant à terre, tantôt ébloui dans cette cage de verre.

C'est complètement amorphe qu'il assiste à la réprimande de Korben, la femme l'incendie, soutenant que les Messagers du Corbeau ne sont pas des criminels. Son attention à leurs égards en serait la preuve, dit-elle, sous entendant qu'ils ne doivent leur survie qu'a sa bonté...

Toute proche, Daemon la distingue enfin, pas un reflet mais la vrai Kadria. Elle achève son monologue écrasant en convenant que chacun possède sa vision de Phaïtos, et que les nuances seront acceptées dans l'attente du premier messager. Pour ensuite lui adresser un regard malfaisant.

« Certains ici cachent bien des choses au fond de leur esprit... des choses auxquels je mettrais volontiers fin... Mais nous attendrons la venue du Premier Messager. »

Daemon se paralyse, aurait-elle lu en lui ? Sait-elle qu'il vénère Thimoros au même titre que Phaïtos ? Et pour Asad ? La pulsion meurtrière de Kadria le pique au vif, il reprend ses esprits et se relève.

« En attendant agissez comme vous l'entendez... mais révérez votre dieu, respectez les préceptes et ne menacez pas l'ordre des Messagers. »

À peine a-t-elle finit sa phrase qu'il détalle fissa dans les escaliers, la panique au ventre, Daemon dévale les marches le plus rapidement possible. Ils se demande d'ailleurs comment il a retrouvé la sortie, la peur et ses instincts primaires, surement...

(Il s'agit d'une réelle menace de mort. Elle sait...)

Les marches défilent à toute vitesse, se succédant les unes aux autres dans le corridor circulaire. Arrivé en bas, il percute quelqu'un de plein fouet, le choc le fait choir. Asad le domine de toute sa taille, il attendait son retour sur le palier avec angoisse.

« Ouf... Je commençais réellement à devenir soucieux. »

En proie à la panique, Daemon lui bondit dessus et commence à débiter à toute vitesse.

« Asad, elle sait ! Elle sait pour Thimoros ! »

Il se retourne par crainte quelle l'est suivi, se détourne, vrille dans tous les sens. Le basané l'attrape par les épaules et calme son agitation en le secouant, plongeant son regard azuré dans le sien.

« Chut, calme toi, CALME TOI ! »

Le semi-elfe respire à toute vitesse mais s'assagit sous la contrainte.

« Rassure-toi, si tu respires encore, cela signifie que tu es accepté parmi nous. Si Kadia est au courant, c'est quelle est plus permissive que je l'imaginais... Néanmoins, à l'avenir, évitons de faire parler de nous. »

Daemon hoche de la tête mais ne peut s’empêcher de trembler de la tête aux pieds. Le couple s'éloigne de la tour des mille corbeaux, les couloirs se succèdent, Asad l'observe en silence, son bras passé autour de ses épaules en un geste chaleureux destiné à soulager son ami de ses troubles.

« J'ai au moins une bonne nouvelle, la duchesse m'a chargé de la rénovation des appartements de luxe. J'pourrais même en profiter. »

Le basané s'étonne et retrouve son entrain. Il lui arrache le balai des mains et prend les devants.

« Félicitations ! Viens, suis-moi, cet étage est superbe ! »

Après un bref détour afin de quérir de quoi s'éclairer, les deux protagonistes accèdent enfin à l'étage de la haute les bras chargés d'outils. Les lieux sont éclairés par d'élégantes lampes à huile. Au sol, un tapis rouge recouvre le corridor, vaste couloir regroupant une dizaine de portes aux ferrures bouclées.

Asad suggère de commencer par celle du fond, s'ils peuvent choisir leur appartement, autant prendre celui-ci, il est le plus vaste et le plus riche de l'aile l'ouest.

Ils déposent leurs bricoles devant le temps de déverrouiller l'entrée.

La pièce est plongée dans la pénombre, seuls les silhouettes des meubles se dessinent. Tandis qu'Asad apporte un escabeau afin de changer les bougies du lustre, Daemon prend le temps de parcourir la pièce. Sa main caresse le dos d'une table en soulevant des volutes de poussières. Les particules en suspension chatouillent ses narines, provoquant un bruyant éternuement. Il bute sur un objet au sol et l’envoie rouler dans l'ombre en provoquant un vacarme de verre brisé.

« Fait donc attention où tu mets les pieds ! »

Il acquiesce délicatement en tripotant un bibelot métallique. Venant de la cambrousse, Daemon est vraiment curieux de découvrir tant de luxe et d'objets rares.

« Regarde ce que j'ai trouvé ! Un drôle de cylindre avec des bouts en verre... Faut sûrement regarder d'dans. Hum, il fait trop sombre... »

À ses mots, Asad craque une allumette crépitante et entreprend d'allumer les bougies une à une.

« Oh ! Je te vois, mais minuscule! Comme un insecte ! Ahah »

« Parce que tu la tiens à l'envers, idiot. C'est une longue vue, une lentille pour voir l'horizon, le capitaine du vaisseau m'ayant mené à Nirtim en avait une. » explique-t-il en descendant de l'échelle.

Daemon s’extasie sur la babiole avant de lancer un regard circulaire sur la pièce baignée d'une chaude lumière.



Malgré les ravages du temps, le salon conserve les témoignages miteux de sa grandeur passée. Un formidable lustre de cristal domine un boudoir composé de fauteuils, de canapés et divers meubles de nobliaux. Ils exultent et sautent sur une causeuse en élevant un nuage de poussière recouvrant bientôt la pièce. Une fois le nuage retombé, Asad s'extirpe du canapé.

« Bon, mettons-nous au travail. »

Daemon se tortille dans les délicats coussins de soie, l'idée de travailler le fait bâiller.

« Combien de loges sont à rénover ? »

« Hum... Une vingtaine environ. »

« Arg ! » s'étrangle-t-il en retombant dans les tissus.

Le lendemain, les travaux ont bien avancé, la loge est quasiment réhabilitée. Les deux compères jouissent de trois chambres à eux seuls et de deux boudoirs confortables, sans parler des diverses pièces auxiliaires. Les fauteuils ont étés raccommodés, les tapisseries épinglées, les rideaux recousus et les poussières évacuées. Ils disposent à présent des somptuosités coutumières aux seigneuries. Néanmoins, un passage situé dans une salle annexe les turlupine...

Celui-ci est obstrué par des décombres, le plafond s'étant écroulé avec le temps. La masse de gravats rend le passage inaccessible et la vision de l'autre bord impossible. Le reste de l'appartement étant habitable, ils peuvent sans problème se passer de cette tâche de déblayage. Néanmoins, la curiosité l'emporte sur la paresse et les jeunes hommes entreprennent de dégager le tunnel.

Les heures se succèdent comme les allées et venues les mains chargées de pavés. L'ouvrage est moins aisé qu'ils ne l'auraient cru, des pierres, des ardoises et même des poutres obstruent le passage. Après un lourd effort, c'est un ciel étoilé qu'ils aperçoivent en premier.

Enjambant les restes des décombres, ils aboutissent dans une cour à même le château. La pleine lune irradie les lieux d'une lueur fantomatique. Une petite terrasse amène à un balcon leur offrant une vue dégagée sur la forêt environnante. À droite, un bassin reflète les pâles lueurs, et derrière s'étend une coursive extérieure amenant probablement aux autres appartements de l'aile ouest. Mais à gauche, une surprenante découverte s'offre à eux : un dédale de troncs. Une véritable forêt miniature cerclée de murs dans l'enceinte même du château. Ils approchent de l'orée avec fascination, mais les ténèbres règnent sous la voûte feuillue.

D'un bref regard en arrière, ils distinguent la silhouette sombre du donjon central les dominant et se perdant en altitude.

« Ce château est vraiment immense... Pas étonnant que la guilde n'occupe qu'une infime partie. »

« En effet... »

Ils ne regrettent pas d'avoir évacué les gravas obstruant le passage. Ils s’asseyent sur un banc de marbre brut et se prélassent en observant les étoiles. Asad énumère les constellations de sa connaissance, toutes sous des noms d'une langue inconnue de Daemon. Apparemment, le peuple des dunes utiliserait les étoiles pour voyager la nuit. Voyager, son cœur s'évade à ce mot...

Tandis que le semi-elfe balance ses jambes tranquillement en dévisageant la lune, Asad se retourne en direction du bassin et s'étonne.

« Tiens, j'ignorais que les chats de Nirtim marchaient sur l'eau. »

Daemon interpellé, quitte son tête à tête avec les astres pour afficher son incrédulité.

« De quoi ? »

Il se retourne, marque un temps d'arrêt et ses yeux s'écarquillent de surprise !