Accompagné de Sine je parcours les couloirs pour aboutir dans le hall. Quelques gardes traînaient ça et là, l’apparence massive de Sine force le respect des gardes qui préfèrent reculer.
Je le regarde avec étonnement, il m’enjoint de le suivre d’un geste de la main et s’avance en direction de la salle de prière. J’sais que va falloir être discret, si l’autre folle y est encore j’risque juste d’me faire corriger sinon. Sine ouvre la porte délicatement, j’entre à sa suite et par réflexe la claque bruyamment…
(Oups ?)
Quelques têtes se tournent vers moi, le regard désapprobateur… J’commence à ouvrir ma bouche pour m’excuser quand Sine m’empoigne avec force l’épaule. La salle est très faiblement éclairée, offrant une ambiance tamisée. Je devine des formes éparses, en position de prière.
(Ah oui… Le silence est d’or. M’enfin tu m’diras la baston est de Myrhtil, et c’est mieux le Mythril.)
Une des silhouettes m’est familière, plutôt féminine, avec des courbes fines, des cheveux d’un noir de jais… Elle est à genoux, son fondement s’offre à moi… A mes pieds…. La tentation est forte… Je commence à me rapprocher.
Sine doit comprendre mon intention car cette fois c’est avec ses deux grosses paluches qu’il me retient. J’arrive même pas à esquisser un geste. J’ai envie de chialer, après avoir été maltraité par l’autre mégère qui siège en haut de sa grande tour, après avoir passé des semaines sans boire ne serait-ce qu’une goutte d’alcool … Voilà qu’on me privait de mon dernier plaisir… Je fais mine de me calmer, Sine me relâche peu à peu.
D’un geste nerveux je flanque un coup de pied dans l’postérieur qui se dresse devant moi. La voix qui s’exclame en s’affalant face contre terre ne peut appartenir qu’au demi-elfe, au moins j’me suis pas trompé.
Sine se baisse à mon niveau et d’une voix froide me signifie de me contrôler… Sans quoi je pourrais bien passer quelques jours dans un cachot, avec pour seule compagnie les rats, pour seule nourriture du pain moisi et de l’eau croupie. J’essaie de faire comme si de rien mais cette proposition ne me laisse pas rêveur…
Il me dépasse et emprunte un escalier dans le fond de la pièce, je me dépêche de le suivre. Les marches sont étroites et il me faut faire attention de ne pas glisser. Peu à peu une odeur aigre me parvient, elle s’amplifie au fur et à mesure et semble atteindre son paroxysme quand j’arrive devant une entrée béante. Je vois un éclat roux se diriger tout droit, je m’empresse de le suivre, je n’ai pas spécialement peur des coins sombres mais la présence de Sine est réconfortante, bien qu’il n’cause pas beaucoup.
« Sine, que penses-tu qu’on puisse trouver ici-bas ? »
« Qui sait… Beaucoup d’âmes reposent en ces lieux, et leurs anciennes enveloppes physiques bien sûr. J’ai entendu nombres de rumeurs à propos des trésors qu’on peut trouver dans les catacombes à condition de ne pas avoir peur des squelettes. »
« Bah ! Ce ne sont pas quelques squelettes qui vont nous faire peur ! »
Sine préfère ne rien répondre, on continue donc d’avancer jusqu’à arriver dans une antichambre. Des torches éteintes parcourent les murs, Sine en prend deux et m’en tend une. Je sors un vieux briquet en amadou hérité de ma mère.
Pendant quelques instants je ne peux m’empêcher de penser à elle, à son odeur le matin… Je sens des larmes se former au creux de mon œil encore valide. Elle était tout pour moi, et avoir en main un de ses objets fétiches extirpent des méandres de ma mémoire des flots d’images qui me plongent dans une douloureuse nostalgie. Ce briquet m'envoûte, m'empoisonne de pensées qui s’ancrent en moi. Et pourtant il me semble inconcevable de m’en défaire… Des scènes heureuses se jouent encore et encore dans ma tête, mais alors que je pourrais m’en réjouir, ce ne sont que des poignards qui me lardent de coups.
Je sens peser sur moi le regard de Sine et fait mine de rien.
« Désolé j’avais une poussière dans l’œil ! »
Je m’essuie rapidement à l’aide de ma manche et entreprends d’allumer les torches pour mieux y voir. La salle s’emplit d’une vive lumière, elle est exempte de tout mobilier, ses dalles d’une gris sombre absorbaient la lumière des torches. Un escalier descend de quelques marches et la surface s’aplanit, une porte en fer bloque l’accès des catacombes. Une serrure figure en son centre, Sine me dépasse et y insère une grosse clef.
« Voilà l’entrée des catacombes. Es-tu prêt Korben ? »
« Plus que jamais. J’ai besoin de me défouler sévère. »
La porte s’ouvre dans un grincement sourd, les gonds rongés par la rouille. Un nouvel escalier plonge dans une obscurité totale. Heureusement les torches nous apportent assez de lumière pour progresser aisément. Les marches, rendues glissantes par l’humidité ambiante sont un vrai casse-gueule. Je perds l’équilibre, mon pied servant de pivot glissant sur la surface d’une des marches.
« Oh putain Sine ! »
Je le percute en plein dans l’dos, nos corps s’entremêlent tandis que nous dévalons l’escalier avec fracas. L’atterrissage demeure le plus douloureux, Sine m’écrasant de tout son poids. Tout l’air contenu dans mes poumons s’évacue, ma trogne prend une couleur cramoisie. Sine se relève prestement, me libérant. Je me redresse le souffle court.
« On peut dire que cette aventure commence sous les meilleurs auspices ! »
Je n’obtins qu’un silence en réponse, Sine commençant déjà à partir, me tournant le dos.
(Bon bon… Reprenons not’sérieux alors.)
Je lui emboite le pas, la lueur diffusée par les torches me permets de voir à quelques mètres. Des squelettes jonchent le sol. Certains portent encore des armures, d’autre de simples pagnes. Je suis intrigué par un détail, un squelette adossé au mur, dont les oreilles m’indiquent qu’il s’agit d’un elfe semble me défier du regard. Certes il n’en a pas vraiment, mais ses orbites m’lorgnent d’un air belliqueux. Je décide de me saisir de son crâne, il se détache sans difficulté du reste du corps, qui déséquilibré s’écroule par terre.
L’exhibant avec théâtralité je déclame :
« Etre mort ou ne pas l’être… Telle est la question !»
Puis je le projette avec force derrière moi et me retourne rejoindre Sine qui n’a pas daigné me regarder. Pour l’instant les couloirs se ressemblent, mais Sine semble connaître ces lieux car il n’hésite pas à choisir quelle voie emprunter. Les armures des squelettes sont dans un état piteux…J’espère avoir plus de chance avec les prochains car il est hors de question que j’me balade avec ce genre d’cuirasse sur l’dos.
Après quelques minutes nous arrivons au niveau d’une vaste salle circulaire affublée de multiples sorties. Au centre, un amas de squelettes trône. Je décide de tenter ma chance et demande à Sine d’attendre quelques instants. Je fonce dans la direction de l’amoncellement d’os dans l’espoir de trouver quelque chose de convenable. Mais j’ai beau chercher je ne trouve rien qui ne soit déjà rouillé, ou brisé… En colère je balance un coup de pied dedans. Des débris volent et se répandent plus loin.
« Inutile de faire tant de bruit Korben. Il n’est pas sage de réveiller ceux qui reposent ici-bas. »
« Boarf ! S’ils sont aussi chichement équipés que ceux qui sont là, on n’a pas grand-chose à craindre… »
Je jette un regard moqueur en direction du tas en le désignant du doigt. Mais cette fois… Un détail m’interpelle, je me penche et dégage les squelettes me gênant.
(Un…Parchemin ? Super la trouvaille.)
Par acquis de conscience je décide quand même de l’ouvrir, peut-être est-ce une carte menant à un trésor, faut bien rêver. Au final il n’y a que des mots transcris dans une langue qui m’est inconnue. Quand je m’apprête à le jeter au sol, les lettres s’illuminent d’une couleur bleue très vive ! Une sorte d’aura émane alors du parchemin, elle m’enveloppe puis disparaît aussi soudainement qu’elle est apparue.
Je range le parchemin dans ma ceinture quand Sine s’exclame :
« Korben tu vas bien ?! Cette magie… Ou devrais-je dire cette malédiction plus probablement… Pourquoi as-tu ouvert ce parchemin sombre idiot ? Tu ne sais même pas quels effets peuvent découler de son utilisation. »
« Mais je vais bien ! Ce n’était vraiment rien ! Parole de Nain. »
« Hum… Nous verrons bien. »
« Ne t’inquiètes pas. Je ne sens aucun mal en moi ! Alors ne fait pas ton rabat-joie ! »
Sine me regarde d’un air amusé, j’pige pas pourquoi m’enfin je ne m’en fais pas outre-mesure.
Je lui demande :
« Quelle voie emprunter ? Guide-moi de tes pas légers, afin que je puisse trouver l’armure qui m’est désigné ! »
Cette fois il éclate de rire, mais j’suis bien incapable d’comprendre pourquoi…
« Mais cesse de te moquer ! Espèce de gougnafier ! Tu vas voir de quels minerais les nains sont chauffés ! »
Je réprime une envie d’aller lui botter l’cul, si je me l’aliène j’serais mal barré.
Sine arrête enfin de rire et d’un geste de la main me demande d'aller à sa hauteur.
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J'suis tête en l'air... Merci à Dame Itsvara pour c'te superbe signature !
Korben's Song.
Dernière édition par Korben Bière Brisée le Mar 17 Nov 2015 23:34, édité 4 fois.
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