(((Post précédent:
Au cimetière)))
Mais pourquoi elle ne répond pas? Elle est coincée, elle aussi! Aide moi, aller, il faut sortir d’ici! Pourquoi ce silence? Le temps passe… Les secondes s’égrènent, je n’y comprend rien, est-elle sourde?
"Qui es-tu, toi ?"Non, mais, elle me connaît! Et le procès, et son petit discours en ma défense, et notre rencontre… après…
''Lerce, madame. Lerce. Et maintenant… Allons, il faut sortir!''"Aztä."Un nom. Oui, bon, c’est bien, mais la sortie alors? Je peine à chercher des appuis, la douleur me déchire le corps, et elle me donne son nom?? Foutu… Foutu bourreau! Mes côtes, mes yeux… Je les hais tous! Lerce, allons, sortir, il faut sortir…
''Euh… Enchanté, mais… Vous venez? La vie c’est… C’est en haut.''Pas de réponse. Silence. Mais qu’est ce qu’elle fait???
"Je ne sais pas qui tu es."Euh… Quoi?? Quelle sorte d’individu est-elle?? Être méfiante en ce moment?
''Allez, je vous en prie, il faut sortir! Nous sommes coincés, nous pouvons nous aider, allez! Mais venez donc!''"Tu es moi ?"Oh. Euh… Hola. Holalala. Confusion. Incompréhension. Mais QUI peut-elle bien être? Je n’y comprends rien, rien… Si seulement j’avais mes yeux, je pourrais voir, voir son visage, voir ses émotions, comprendre… Je HAIS ce néant! Et elle ne bouge pas, et elle…
"Mais comment ?"À qui parle-t-elle? Qui d’autre?? Qui est dans la fosse? Ces os, ces morts partout… Pas de panique. Écoute. Silence et écoute. Détecte l’intrus. Sens l’air. Puanteur. Impossible de rien sentir dans ce monde en décomposition… Écoute. Écoute!
Le temps passe. Rien. Vide. Silence. Même elle ne parle plus. Reste sur tes gardes! Elle… Déjà pendant le procès, elle était… étrange. Mais maintenant… Folle, on dirait une folle! Et elle est là, elle te voit, elle, elle te regarde, elle… pas ma salvatrice. Foutu espoir, ça fait si mal après…
Inspire. Expire. Doucement. Voila... Maintenant, pense. Tu es coincé. Avec une… follingue. En tout cas, elle ne va pas bien, ça c’est maintenant clair. Si ça se trouve, c’est ELLE qui t’a lancé dans cette maudite fosse. Peut-être… Une agente! De LUI! Elle est là, elle te surveille, elle attend que tu faiblisses… Reste sur tes gardes! Prépare toi! La béquille, tiens la… Crispation des doigts sur la poignée. La pression fait presque mal aux doigts. Il faut être prêt.
Maintenant… Sortir. Voila, surtout, il faut sortir. Debout, reste debout. Oublie la faim qui te tenaille, oublie ton dos qui hurle de souffrance, oublie ces côtes qui refusent tout mouvement… Debout. Voila.
Tu sais où elle est. Ne t’approche pas. Longe la paroi, cherche… Cherche une pente moins raide. Une sortie. Merde, cherche n’importe quoi! Marche. Doucement. Atroce, atroce douleur… Marche. Avance… Ouch! Contact solide contre ton pied. Quelque chose. Un objet. Ton sac! Chance, enfin! Baisse toi, fouille, tâte… OUI!!
Solide, raide, froide. Ma lame. Enfin, quelque chose d’utile! Qu’elle s’approche… Maintenant, quitter ce lieu maudit. Ce lieu si angoissant. Sortir et vivre.
Silence. Elle ne bouge pas… M’épie-t-elle? Dort-elle? Impuissance, foutue impuissance… Tant pis, je tente quand même.
Une main contre ma prison humide. L’autre qui agrippe la béquille enfoncée dans la terre. Bande tes muscles. Refuse la douleur. Force, mais force donc! Hisse toi, tire… Un pied qui quitte le sol. L’autre. Plante le dans la terre meuble du mur contre lequel tu te serres. Ton corps entier qui cri, qui proteste. Ne l’écoute pas. Le poignard, utilise le, comme un crochet. Enfonce le dans le terre. Voila. Putain! Que c’est haut! Moment pour reprendre ton souffle. Souffle haletant, bouffées d’air interrompues à moitié par le pic de souffrance provoqué par les côtes brisées… Difficile. Peur, je veux sortir, je veux que ça arrête!
Deux mains sur le manche du poignard. Tire! Soulève toi, tranquillement, voilaaaa… Encore plus haut?!? Merde, merde, MERDE! Lève tes jambes, plante les, voila. Enfonce une de tes mains, la gauche, dans la terre, c’est la seule façon, la seule…
Le temps s’arrête. Lucidité extrême. Lentement, si lentement, la lame glisse. Elle sort de son carcan de terre détrempée, si doucement… Elle n’y tient plus. Ni moi, d’ailleurs. Ma main gauche agrippe futilement une poignée de gravier, qui se décolle de la paroi. Lentement, excessivement lentement, je me sens tomber vers l’arrière… Chute. Échec. Non, pas tomber, pas tomber, ça va faire si ma…
BONK!!''ARRRGH!!!''Surdose d’informations. Impossibilité de penser. Lutter. Lutter pour ne pas sombrer. Rester éveillé, éveillé, éveillé…
Victoire de ma conscience sur le néant. Victoire accompagnée par une résurgence des sensations… Surtout le mal. Partout maintenant. La terre était molle, heureusement… Un os cassé. Non, ce n’est pas le mien, il a amorti ma chute. Essaie de bouger… La main, le bras… Si difficile… Dormir… Quitter ce monde, un moment…
Mais elle est là. Elle n’attend peut-être que cela. Trouve ton poignard… tâtonne… AH! Maintenant, écoute. Ne pas dormir. Rester prêt… Utilise la souffrance, reste éveillé… Lutte. Écoute et lutte. Ne bouge pas, mais lutte. Et écoute. Et lutte. Mal. Lutte. Je… n’en… peux… plus…
Hein!? Choc sourd. Réveil soudain. De la terre… sur moi? Courbatures, partout… ELLE! J’ai dormi, elle aurait pu me tuer, elle aurait pu m…
Autre choc. Ma parole, on me lance de la terre! Que se passe-t-il? Écoute… Écoute!
Bruits de mouvements, d’efforts, de respiration forte… Du monde! En haut du trou! On s’agite, on travaille, on…
Encore de la terre! Ma foi… MA FOI! Ils m’ensevelissent!! NON!!
''AU SECOURS!! ARRÊTEZ!!!!''''T’as entendu ça, Verrue?''''J’pense bien… Il y a quelqu’un là-dedans? De vivant j’veux dire!''Les voix semblent se rapprocher. Je devine qu’on regarde au dessus du trou… Masculines, graves, sans façons. Des voix du peuple. Frénétiquement, j’agite les bras. Du secours!! Enfin, du secours!!
''Ben oui, Tas d’poils! Faut croire que nos morts sont bien vivants, ce matin!''''Oui, oui, je vous en prie, sortez moi d’ici!''Je ne les entends plus. Ne partez pas! Cette fois, il faut que ça fonctionne, que ça cesse… AIDEZ MOI! Le matin? Combien de jours ont pu s’écouler ainsi?
Non, ils sont encore là. J’entends des chuchotements à peine audibles… Mais que font-ils?
''Hey, il est pas seul! Y’a un autre corps vivant à côté!''''Bon bon bon, mes petits oiseaux… On va vous sortir. Pas d’problèmes. Vraiment aucun. Ça va nous faire plaisir. Ça va être vingt yus. Par personne.''''Héhéhé!''De l’argent contre ma vie!? Aucune hésitation. La fin du calvaire. La fin, la fin, enfin!
''OUI! OUI! OUI!''''En voila un qui a hâte de sortir… Aller, attrape la corde!''Petit bruit de la corde qui fouette les parois dans sa chute. Prend la béquille, relève toi. Ignore le mal, c’est ton sauvetage qui débute! Oh, mon sac, ne pas l’oublier. Contact de la jute contre mes doigts. Je le tiens. Tâtonnement… La corde. Elle m’enserre maintenant la main. Tiens là. De toutes tes forces. Il faut tenir. Même la douleur semble s’être estompée sous l’effet de l’espoir… ENFIN!
''OH HISSE! OH HISSE!''Je me sens soulevé. Déséquilibre. Maintient tes pieds contre le mur. Voila. Maintenant, un pied devant l’autre, tandis qu’ils te tirent vers le haut. Un dernier effort, un dernier! Et l’air libre!!! Senteur merveilleuse de la végétation, contact du vent… LIBRE!
''Merci! Merci, merci, oh merci…''''Ouf, c’est qu’il est pas vaillant vaillant! Verrue, donne lui un peu d’eau… Et un peu d’pain aussi… Bienvenue chez les vivants! Comment t’as fait ton compte?''
''Je… je n’en ai aucune idée… Merci!''''Bon… Après tout, j’aime mieux pas l’savoir.''On me met une cruche dans une main et une miche dans l’autre. Ils ont bien du voir que… que je n’y vois rien…
Divin. Contact fabuleux de l’eau dans ma gorge desséchée. Je la sens se répandre dans mon organisme, tout doucement. Fabuleux. Mon estomac grogne de joie lorsqu’il reçoit la mie à peine mâchée.
''Hola, hola, doucement! Affamé, le gars… Bon, ça va faire 25 yus. La bouffe est pas gratuite pour moi non plus!''Soulagement. Qu’il prenne l’argent, je m’en fou. Libre! Sauvé! Manger, plus, je veux manger…
Ma main qui s’enfonce dans mon sac. Contact métallique. Les yus. J’en prends une poignée, sans compter. Les tends devant moi. Aussitôt, une grosse patte me les enlève. Vie, je vais vivre!
''Parfait. Excellent. Prends ton temps mon gars. Et l’autre en bas, dans le trou, il veut qu’on l’aide aussi?''Me parle-t-il? Manger. Trop occupé à manger pour répondre. Qu’elle se débrouille avec ses emmerdes…
(((Prochain post :
Au cimetière)))