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 Sujet du message: Le mont du Haut d'Or et la demeure du druide Hïnion
MessagePosté: Lun 5 Sep 2011 13:37 
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Le mont du Haut d'Or


Le mont du Haut d'Or est un ancien volcan, éteint depuis la fin de la création du monde. Il a été modelé par le vent et raviné par la pluie avant que ses pentes fertiles soient recouvertes d'arbre et de plantes. C'est un endroit imprégné par les fluides de la terre où le voyageur sans méfiance peut se perdre durant des jours.

Au pied du mont du Haut d'Or, juste à la source d'une petite rivière qui abreuve toute la vallée, pousse un chêne plus que millénaire. Cet arbre aux proportions gargantuesques est la demeure du druide Elrandil Gil-Gandel qui a décidé de s'y installer vingt-six ans plus tôt.

Pour accéder à sa maison, il faut escalader les branches de l'arbre et monter jusqu'à son faîte. Là on peut y découvrir le gîte de l’irascible Hiniön et une vue imprenable sur toute la région de Shory. À l’intérieur, tout est en bois ou créé à partir de plantes. Le métal et la pierre n'ont pas sa place en ces lieux où règne en maître le végétal.

Au pied de l'arbre, on trouve le ruisseau qui serpente tranquillement parmi les cheveux de Gaïa et le jardin de simples que le druide entretient avec amour.

Voici les services qu'il propose aux voyageurs respectueux de son territoire :

Parchemins de sorts :

Sorts évolutifs (400yus) de lumière et de terre uniquement.
Sorts évolutifs de classe secondaire (500yus) pour toutes les classes secondaire d'origine guérisseur et rôdeur, excepté repenti et errant.

(((Cliquez sur les liens pour avoir accès aux listes des sorts qui sont classés par éléments pour connaître leur effet ! Pour plus de précision sur les sorts, rendez-vous à la règle des sorts !)))

Fluides magiques d'éléments :

Fluide 1/16e (50yus), 1/8e (110yus) et 1/4e (250yus), de terre et de lumière uniquement.

Apprentissages de CC :

CCAA de classe Druide:

    Souplesse du Roseau
    Herbe et cimes
    Chute du chêne

(((SI VOUS VOULEZ ÊTRE SERVI DANS DES TEMPS RAISONNABLES, N'OUBLIEZ PAS DE DEMANDER AUX GM UNE INTERVENTION GMIQUE ICI, POUR QU'ILS S'OCCUPENT DE VOS ACHATS/VENTES. Nous ne faisons pas le tour des boutiques... merci de votre compréhension )))

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Chibi-Gm, à votre service !


La règle à lire pour bien débuter : c'est ICI !
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 Sujet du message: Leçons et voyages
MessagePosté: Dim 11 Sep 2011 23:08 
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<-- Début de Leçons et voyages

La neige tombait.
Sous la lumière de la lune, les flocons ressemblaient à des cendres recouvrant un monde mort d'un blanc linceul. Tout était figé par le froid. Pas un bruit. Pas un son. Pas un souffle.
La lune liliale englobait le monde de sa rondeur. Astre blanc dans un ciel noir, sans étoiles.
Le vent se leva et il s'arrêta de neiger. Sur le sol opalescent, des ombres se mirent à ramper. Lentement, elles prenaient la forme de mains. Des mains aux doigts griffus et crochus cherchant à tâtons une proie. Il n'y avait pourtant rien qui puisse projeter ces silhouettes sombres ; mais les mains avançaient. Les ombres allaient tout recouvrir et la dévorait!

Crocus se réveilla en sursaut, ouvrant tout grand ses yeux. D'un geste Brusque, elle se redressa, faisant valser dans les airs ses couvertures. Son souffle était court. Quel rêve effroyable!

La sinari mit un certain temps avant de réaliser qu'elle n'était pas dans la neige, mais bien au chaud, dans son lit. Son lit ? Interloquée, l'apprentie guérisseuse fronça les sourcils. S'agissait il bien de sa chambre et non pas d'un rêve ? Rien n'était moins sûr. La petite rousse regarda autour d'elle avec attention. Oui, c'était bien sa chambre, avec sa couche à côté de l’œil de bœuf, son petit bureau disparaissant sous une montagne d'outils pour les soins et la préparation de potions, son étagère avec ses "trésors" et sa petite armoire. Rien ne manquait. Dans le doute, elle se pinça. La douleur était bien là, elle n'avait donc pas à tergiverser. Mais comment était elle revenue à la maison?

Elle se souvenait de sa colère, du petit farceur, du combat contre le chat et...et... nom, de nom! Le lutin! Pourvu que...
Crocus sauta de son lit et courut jusqu'à la rambarde qui faisait le tour de la plate-forme où se trouvait sa chambre. Cette pièce était située en mezzanine juste au-dessus de la grande salle. De là où elle se trouvait, la sinari pouvait apercevoir l'ensemble de la maisonnée.
La première chose qu'elle vit fut le Druide Elrandil Gil-Gandel qui fumait tranquillement une pipe au coin du feu. Son apprentie l'apostropha :

" Comment va le lutin ? Il va bien, hein ? Il est vivant ?"

Le vieillard répliqua sèchement :

" Tu es réveillé toi ? Retourne tout de suite te coucher. Je ne veux pas te voir debout."
" Mais!"
" Il n'y a pas de mais. Quand te décideras tu à m'écouter? Tu n'es vraiment pas en état pour être debout. C'est moi le maître ici et toi tu n'es que l'apprentie! Alors au lit! Et n’appuie pas sur ta jambe!"

" Je ne veux pas retourner au lit, avant de savoir où est le lutin ? Il faut absolument que je le vois! Dis le moi! Va-T-il bien? Je veux savoir! "


Crocus tapa du pied, comme elle le faisait à chaque fois qu'elle était en colère.
Une douleur foudroyante remonta de sa jambe et irradia à travers tout son corps. Le mal était si terrible que la jeune sinari s'écroula sur le sol en hurlant. Des larmes s’échappèrent de ses yeux. Que ça faisait mal, au nom des Dieux!

"Et voilà ! Je t'avais prévenu pourtant. Je n'ai pas encore fini de te soigner et avec tes bêtises je vais sans doute devoir tout recommencer. Non mais c'est pas vrai, qui m'a donné une apprentie pareille?"

Le druide posa sa pipe, se leva de son siège avec humeurs. Il saisit son bâton et se dirigea vers la cheminée en bougonnant.

"Cette petite n'en fait décidément qu'à sa tête. Je ne l'ai pourtant pas éduquer comme cela. Et après on pleure et on nous appel à l'aide... Ah la jeunesse! "

Pendant ce temps, Crocus pleurait, se tenant la jambe.

" Aïe... j'ai mal. J'ai si mal."

Las de tout ce bruit, le vieil hinïon rouspéta:

" Allez arrête de faire ta pleurnicheuse. C'est-il pas malheureux ? Être capable de guérir un lutin de profondes blessures et être inapte à se soigner soi même. Qui m'a donc parler d'une guérisseuse? "

Cette phrase arrêta les larmes de Crocus. Son cerveau musela la douleur pour se concentrer que sur une seule information:

" Le lutin... il va bien?"

" Mais oui, il va bien ton lutin. Ce petit impertinent est même retourné chez lui. Il est en pleine forme et pourra continuer ses polissonneries dès demain. Quant à toi jeune fille, tu vas m'avaler ça."

Pendant qu'il parlait, Elrandil Gil-Gandel versa le contenu d'une bouilloire dans une tasse puis il se dirigea vers l'escalier qui menait à l'étage. Malgré sa quasi cécité et son grand âge, l'Hinîon avait le pas souple et alerte.

" Bon normalement cette tisane devrait te faire dormir. Il s'agit d'un mélange de 11 plantes. De l'aubépine, de l'avena sativa, de la ballote, du coquelicot, de l'escholtzia, du houblon, de la lavande , de la mélisse, du millepertuis, du passiflore et enfin de de la valériane. Pour la préparer, il faut..."

Loin d'écouter les conseils de son maître en matière de préparation de tisane, la petite sinari, après maintes efforts et souffrances, s'était redressée. Quelques larmes de douleurs perlaient encore de ses yeux mais sa petite bouille affichait un profonde joie.

" Que je suis soulagée. J'avais si peur qu'il soit mort. Il était en si piteux état. "

Elrandil qui grimpait lentement vers la mezzanine lui répondit.

" Je pourrai dire la même chose de ma ganache d'apprentie. Tu étais à deux doigts d'être entre les mains de Phaïtos quand je t'ai retrouvé dans la forêt. Tu as de la chance que je sois sorti pour admirer le clair de lune et qu'une envie soudaine de me promener me soit venue. Sinon, s'en était fait de toi. Alors avant de t'inquiéter pour les autres, inquiète toi pour toi et pour ta jambe."

à cette évocation, Crocus regarda son mollet et fit une grimace. Les blessures infligées par le chat était cachée par un cataplasme, mais la peau tout autour était violacée. Ce n'était pas très beau à voir. L'apprentie toucha la chair avec un petit gémissement. C'était brulant et douloureux.

" Qu'arrive-t-il a ta plaie, selon toi?"

La rouquine sursauta; son maître était juste derrière elle, lui tendant la tasse fumante. Elle lui répondit:

" Je ne sais pas. C'est la première fois que je vois de tels symptômes. Pourquoi la peau est elle violacée? Il y a un bleu qui c'est formé?"

"Je te laisse finir ta potion avant de te répondre."

Crocus pris le petit pot de bois que lui tendait son maître et commença à boire, en faisant la grimace. C'était infecte ! Mais selon le druide, les meilleurs remèdes étaient ceux qui avaient le plus mauvais goût. Quoi que il s'agissait peut-être d'une ruse du vieil hinîon pour que les malades déguerpissent au plus vite.Quel en soit la raison, la sinari bu tout le breuvage sans rien dire, sachant pertinemment oh combien toutes remarques de sa part seraient malvenues! Quand elle eut fini, elle demanda :

" De quoi s'agit-il?"

" Quand j'ai soigné la plaie j'ai sentit sous mes doigts des palpitations et un début de fièvre. Il y a de forte chance pour que tu ai attrapé la maladie de la griffe du chat, ma petite." Répondit le druide sur un ton neutre. " Mais je n'en serai certains que demain. "

" Qu'est ce que c'est? C'est grave?" s'inquiéta Crocus.

L'hinïon lui expliqua d'un ton docte:

" Suite à la griffure d'un félin, une personne qui n'est pas en contact quotidien avec un chat a des risques de contracter cette maladie. Ce n'est rien de très grave si c'est soigné rapidement. Mais dans ton cas, nous avons affaire à de profondes entailles. Dans des situations comparables, la chair est infectée et cela entraine l'apparition de papules et de fortes fièvres. De plus, à cause de ta sottise de partir sans matériel de soins et de rester bêtement sous la pluie, tes plaies sont devenues purulentes. Signes évident d'une infection. Quelle idée aussi de se bander la jambe avec un tissu recouvert de poussière? Ne t'ai je pas assez répété qu'il faut des bandages propres? Mais tu ne m'écoutes pas. De plus, au vu de la quantité de sang que tu as perdu et de ton utilisation des fluides, ton corps n'a pas été en état de se défendre contre les attaques de la maladie. Quelle négligence! Tsssss... "

Crocus était toute penaude. Encore une fois elle s'était fourvoyée. Ne deviendrait-elle jamais une guérisseuse? C'est alors que son maître ajouta :

" Il n'empêche que, au vue des circonstances, tu as fait du bon travail avec ce lutin. Allez, la potion a du faire son effet, tu dois pouvoir te mettre au lit toute seule, moi j'ai du travail!"

L'apprentie n'en crut pas ses oreilles ni ses yeux. Était-ce un compliment? Avait-elle vu flotter un sourire sur les lèvres de son maître? Avant qu'elle puisse en être sûre, Elrandil Gil-Gandel avait fait volte face et était redescendu.

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Dernière édition par Crocus Belhiver le Lun 10 Oct 2011 18:57, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Leçons et voyages
MessagePosté: Jeu 22 Sep 2011 13:49 
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Le lendemain, quand Crocus se réveilla, elle constata que l'état de sa jambe c'était amélioré car les marques violettes avaient disparues. Sa jambe la grattait un peu, mais avec le cataplasme, impossible de voir à quoi cela ressemblait. Qu'importe! C'était une petite gêne avec laquelle la jeune sinari saurait composer si elle arrivait à se lever et à marcher sans encombres. Au souvenir de la douleur ressentie la veille au soir, Crocus sentit naître en elle une petite appréhension. Mais elle balaya ses doutes. Il fallait qu'elle descende dans la cuisine. Et pour cause! L'apprentie avait très faim. Après tout, son aventure de la vieille lui avait fait rater son gouter, son diner et la collation du soir. Elle n'allait pas, en plus, louper son petit déjeuner. C'était impensable! Sans aucun doute, Crocus préférait souffrir mille tortures que de passer une heure de plus sans manger.

Avec prudence, elle s'assit donc sur le bord du lit et posa ses pieds par terre. Puis la rouquine se redressa lentement, appuyant le moins possible sur sa jambe malade. Une très légère douleur se fit sentir, pourtant Crocus persévéra. Une fois complètement debout, elle rééquilibra son poids sur les deux jambes. Comme les élancements étaient supportables, l'apprentie tenta quelques pas timides, puis plus francs et enfin elle marcha normalement. Notre sinari n'était pas au meilleur de sa forme, mais elle pouvait se déplacer. Enfin! à elle les bonnes choses qui se trouvaient dans les placards!
Promptement, Crocus se changea puis descendit à l'étage inférieure.

La pièce à vivre s'étendait sur l'ensemble de l'étage. C'était une grande salle claire et aérée grâce à ses nombreuses fenêtres. Le mobilier y était simple mais pratique. Comme partout dans la demeure de l'hïnion, le végétal était roi: les meubles étaient en bois, le linge de maison en lin ou en coton et même le nécessaire de cuisine se trouvait être issu de diverses plantes renforcées magiquement par le vieillard. Par exemple les éléments de vaisselles en verre dans les autres demeures, étaient ici en sève durcie. Il y avait aussi beaucoup de livres et de bocaux en tous genres rangeaient en ordre sur des étagères. L'ensemble évoquait le calme, l'érudition et l'ordre de son propriétaire; même si quelques objets visiblement mal rangés rappelaient que l'habitation abritée une deuxième personne à tendances bien plus bordéliques.

Quand Crocus arriva dans la cuisine, le vieu Druide était déjà afféré.
Son apprentie le salua:

" Bonjour maître!"

Elrandil Gil-Gandel la salua de la tête puis continua son ouvrage. La petite sinari, mal à l'aise ajouta:

" Maître, je voulais vous dire... pour hier... je..."

Le druide la coupa, sans la laisser finir:
" C'est bien que tu sois descendue. Cela m'évite de monter. Maintenant va t'asseoir sur le banc. Je vais changer ton cataplasme."


Crocus rougit et s'exécuta silencieusement pendant que le vieillard prenait un pot sur une des étagères. Il l'ouvrit pour vérifier son contenu. C'est alors qu'une odeur désagréable envahit toute la pièce. La sinari fronça du nez en faisant la grimace. c'était infecte! L'hinïon l'observa puis lui dit:

" Celaa ne sent pas très bon hein? Pourtant, c'est ce qu'il y a de meilleur contre les infections. C'est un cataplasme à base d'argile verte, de pétales de lys macérés et d'eau de vie de pomme. Un très bon antiseptique. Mais ça va piquer un peu..."


Il referma le bocal de bois, le prit sous son bras et se dirigea vers sa disciple en continuant son explication.

"Pour préparer cet onguent, il faut Couper les pétales de lis en petits morceaux et les faire macérer dans de l'eau de vie pendant 2-3 mois. Tu peux voir que c'est prêt quand les pétales sont devenus transparents et l'eau de vie brunâtre. Ensuite tu mélanges le tout avec l'argile. M'as-tu compris?"

Crocus l'écoutait religieusement. Son maître enseignait toujours ainsi. Et gare à elle si elle en avait oublié un traite mot! Elrandil interrogeait toujours son apprentie au moment où elle s'y attendait le moins et si elle était trop lente à répondre, ou si elle faisait une erreur, l'hïnion ne manquait pas de la rabrouer.

"Oui maître."


" Bien, maintenant, montre moi cette blessure."


Le vieillard s'agenouilla et l'enfant lui tendit sa jambe. Avec mille soins, le druide décolla la médecine, puis il passa son doigt sur les points de suture.

" Parfait, la plaie est propre. Dans deux jours, je pourrais t'enlever les points et tu pourras marcher comme avant. Il ne te restera qu'une petite cicatrice."


Elrandil Gil-Gandel commença à étaler le cataplasme. Pendant qu'il s'exécutait, Crocus lui posa la question qui lui brulait les lèvres:

" Maître, je ne comprends pas quelque chose. Pourquoi n'avez-vous pas utiliser les fluides pour me soigner? Je serais déjà guérie et il n'y aurait pas de cicatrice."


Le druide lui répondit tout en continuant son ouvrage:

" Petite sotte, je pensais que tu en tirerais les enseignements de mon acte seule. Mais comme d'habitude je dois t'expliquer. Il y a trois raisons à ce choix. La première est parce que c'est le moyen le plus simple pour toi d'apprendre comment soigner ce type de blessures. Ainsi tu as vu à quoi ressembler le cataplasme de Lys, comment il se fabrique. Je n'aurais pas besoin de me répéter et de te faire une démonstration de son efficacité. Tu juges par toi-même et ça m'arrange bien.
La deuxième raison est qu'ainsi, si tu as besoin de soigner un patient blessé par un tel type de blessure et que tu es dans l'incapacité d'utiliser les fluides, tu sauras comment faire."


L'hinïon s'arrêta là. Crocus resta silencieuse quelques secondes puis demanda:

" Et la troisième raison? "

Le druide arrêta d'étaler la paumade, il reboucha le pot et se leva pour aller s'essuyer. Quand il n'eut plus de boue sur les doigts il retourna s'asseoir aux côtés de sa disciple et lui saisit les mains.

" Écoutes- bien ce que je vais te dire Crocus, c'est très important. Quand tu auras guéri, une cicatrice restera sur ta jambe. Elle sera là pour te rappeler la souffrance de la blessure qui la causait et pour t'enseigner une chose très importante. Un soigneur ne doit jamais participer à un combat, il n'a pas la force pour cela et il n'en recevra que des blessures ou la mort."

Crocus le regarda, les yeux écarquillés:

" Mais maître!"

" Crocus le rôle d'un soigneur est de soigner. Rien de plus. Tu ne dois en aucun cas prendre part à une bataille. Guérir les êtres vivants doit être ta seule action. Jure le moi."

La sinari se révolta:

"Cela veut dire que j'aurais dû laisser mourir le lutin? Le laisser se faire dévorer! Maître! Un soigneur doit protéger la vie de tout ce que Yuimen et Gaïa ont créé! C'est vous qui me l'avait appris! On ne soigne pas les morts à ce que je sache!"

Le vieux Druide hocha de la tête d'un air solennel.

" Oui. Si c'était là le destin prévu par Zewen , tu n'aurais pas dû intervenir, ni mettre ta vie en danger."

La semi-homme fut horrifiée par cette réponse. Comment son maître pouvait il prôner une telle chose? Son maître continua, grave:

" Crocus, le chat que tu as chassé était une femelle. Elle est à l'heure actuelle en train d'allaiter trois petits. Ce lutin insouciant était pour elle une aubaine et la promesse d'un bon repas et donc de lait pour ses chatons. Lors de ton combat contre elle, tu lui as fait perdre cette chance et tu l'as meurtri. Cela va donc ralentir ses aptitudes de chasse. Il y a de forte chances pour qu'elle meurt cet hiver et ses petits aussi. Maintenant répond moi, penses-tu qu'une vie vaut mieux que quatre?"

Crocus ne sut pas quoi répondre. Elle fondit en larmes. Elrandil Gil-Gandel tenta maladroitement de la consoler:

" Il faut que tu comprennes que les actions violentes ont toutes des conséquences désastreuses. Tu ne dois pas rentrer dans ce cercle, d'accord? Et puis je ne veux pas te perdre alors reste loin des combats."

Le vieil hinïon se leva et se dirigea vers les fourneaux:

" Je vais te préparer ton porridge et ensuite tu iras à la rivière pour te laver."

La sinari resta prostrée dans son chagrin.

Pour la première fois de sa vie, Crocus Belhiver se posait un cas de conscience. Jusqu'à maintenant, les seuls problèmes existentiels qu'elle avait rencontré étaient de savoir si elle allait manger le chocolat avant le pain , ou choisir la confiture de mûre ou celle de framboise. Rien de plus grave. C'était donc un choc pour elle de devoir faire face à un tel problème de conscience dont elle n'envisageait même pas l'existence quelques minutes plus tôt.

On pouvait donc faire quelque chose de mal en voulant faire le bien? Tuer des êtres vivants en sauvant une vie? C'était horrible. Comment allait-elle pouvoir vivre avec cela? Cette question la torturait tellement qu'elle ne pouvait rester en place, elle avait besoin de marcher pour réfléchir. Alors, sans attendre que le druide finisse de préparer son petit déjeuner, Crocus sortit de la maison. Elle descendit au pied du chêne centenaire puis se mit à cheminer en direction de la rivière.

Bien que ce soit l'automne, la nature avait gardé ici toute sa fraicheur et sa beauté printanière. Les massifs étaient fleuris, les cerisiers laissaient s'envoler leurs pétales pâles et le sol était tapissé de trèfles et de violettes. Un vrai petit morceau de paradis amoureusement entretenu par Elrandil Gil-Gandel. Mais la sinari n'en avait cure. Elle était si malheureuse! Il faut dire qu'elle avait beau retourner le problème dans tous les sens, elle ne voyait pas de solution. C'était insolvable. Quoi qu'elle eusse choisi de faire au moment de l'attaque du chat, cela aurait mal fini pour le lutin ou le félin. À moins qu'elle ne ce soit laisser dévorer, mais, Crocus n'aimait pas trop cette idée. Elle voulait bien être gentille mais, quand même. La jeune sinari pensa même retrouver la chatte et ses petits pour leur donner à manger... mais autant chercher la crème dans la purée. C'était mission impossible.
Alors qu'elle était perdue dans d'amères pensées, une voix l'interpela:

"Crocus! Eh oh!!! Crocus!!!"

Elle releva la tête et regarda autour d'elle. Personne.

" Euh... oui? Qui êtes vous?"

Un petit silence s'en suivit, puis une voix grave ce fit entendre:

" Je suis ton père!"

" Papa?"

Crocus n'en croyais pas ses oreilles. Mais avant qu'elle est pue comprendre l'absurdité de la situation, la voix reprit:

" Nan! Je déconne! Tu goberais tout et n'importe quoi toi! Allez, regarde à tes pieds!"

L'apprentie baissa les yeux. Trente centimètres devant ses pieds, se tenait le petit lutin de la veille. Il était debout, bien droit sur ses jambes écartées et les mains sur les hanches. Sur sa frimousse enfantine, on pouvait y lire la joie de vivre et l'insouciance.

La créature s'envola et se posa sur l'épaule de crocus qui dû se contorsionner pour le voir.

" Crocus, c'est bien ça? Non? C'est le vieux machin qui m'a dit que tu t'appelais comme ça. Crocus c'est chouette comme nom. Sauf que tu ne ressembles pas trop à une fleur. Quoi que vu sous un certain angle. Faut dire que j'ai pas eu trop de temps de te regarder hier. Tu m'as une de ces peurs! Et puis contre le chat! Et vlam! Bam! Boum! Terrible!!!! Une vrai furie! Ça me rappelle la fois où j'ai chassé des grenouilles. Les grenouilles c'est chouette, tu peux...."

La sinari était littéralement noyée sous un flot de parole. Elle perdit très vite le fil de la conversation. (ou plutôt du monologue). Comment un si petit être pouvait-il déblatérer aussi vite? Et sans reprendre son souffle. Une prouesse que même ses connaissances de soigneuse ne pouvaient expliquer. Elle en avait le tournis. Et comment arrêter ce petit bavard? Impossible! Le lutin parlait si vite que ses mots ressemblaient plus à un pépiement d'oiseau qu'à des syllabes. Enfin, il finit par s'arrêter. A priori, il venait de poser une question. Mais Crocus n'avait pas pu réussir à la comprendre. Alors, elle improvisa une réponse:

" Euh... moi aussi je suis contente que tu ailles bien."

Le lutin éclata de rire et s'envola dans les airs.
" Whouaaaa! Tu ressembles trop à mon oncle! Quand on lui demande quelque chose il répond toujours à côté de la plaque. Ça me rappelle la fois où..."

La sinari s'empourpra de colère. La mine boudeuse, elle lui répondit:

" Tu m'excuseras je suis fatiguée et ton moulin à parole a fini de m'achever. Alors, tu m'excuseras mais j'ai autre chose à faire. Bien le bonjour!"

Elle s'éloigna de lui d'un air boudeur, les mains dans les poches. Le lutin se gratta la tête

"Quel caractère!" puis la suivit " Bon excuse moi, je ne voulais pas t'ennuyer. Comment va?"

Crocus répondit d'un air hautain:

" Bien, merci!"

Le lutin resta silencieux quelques secondes, la suivant. Puis il reprit le fil de la discussion:

" Je suis navrée de t'avoir blessé par mes paroles. Ce n'était pas mon intention je te le jure. Allez, fait moi un sourire. Allez quoi! Un sourire! Même un petit!"

Crocus regarda la petite créature, puis repensa à ce que son maître lui avait dit. Des larmes commencèrent à embuer ses yeux. Le lutin, voyant cela, pensa que c'était de sa faute. Il s'excusa à nouveau.

" Je suis désolé. Attends! Je sais comment me faire pardonner!"


Il fouilla dans ses poches et sortit des sortes de minuscules bonbons:

" Ce sont des caramels à la mûre fait par ma maman. Tiens goûte."

La sinari ne put pas se retenir, elle éclata en sanglots. Le lutin resta abasourdi devant sa réaction. Puis Crocus lui raconta tout ce que son maître avait dit. Qu'elle était si triste et si contente à la fois de l'avoir sauvé. Qu'elle ne voulait pas qu'il se fusse fait dévorer par le chat mais qu'elle ne voulait pas que les petits chats meurent.

Le lutin éclata de rire:

" Le vieux druide est fidèle à sa réputation! Un mec complètement timbré!"

Crocus le regarda d'un air féroce, prête à défendre son maître coute que coute. Le lutin lui était déjà passé à autre chose.

" Allez! Ne te prend pas la tête. Ce que tu as fait, tu penses que c'était bien , non? Alors, c'est cool! Dans ce genre de cas tu n'as qu'à suivre ton instinct, c'est ce qu'il y a de meilleur! Et le chat serait sans doute mort d'intoxication alimentaire s'il m'avait mangé, alors! Au final tu l'as peut-être sauver d'une mort affreuse!"

Crocus excisa un sourire. La créature de la forêt éclata de rire.

" T'es une chouette fille pour une grande personne." Il fouilla de nouveau dans sa poche et sortit un petit bijoux en or qu'il tendit à Crocus " Pour te remercier."
La sinari regarda l'objet avec curiosité.

" Qu'est-ce-que c'est?"

L'artefact avait la forme d'un gland, il était tenu par un cordon en tissu.

" C'est un gland magique! On dit qu'il porte chance et aide les manieurs de fluide. Moi j'y connais rien, mais, comme c'est joli et que les filles aiment les trucs jolis ... je me suis dit que tu aimerais peut-être."

Crocus était émerveillée. C'était la première fois qu'on lui faisait ce type de cadeau.

" Oh!!! merci!"

Elle saisit le lutin et le serra sur son coeur.

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Dernière édition par Crocus Belhiver le Mar 11 Oct 2011 22:12, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Le mont Joyce et la demeure du druide hïnion
MessagePosté: Lun 11 Nov 2013 14:16 
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Mes pas me mènent sans peine aux pieds du mont Joyce. La nuit a déjà étendu son sombre manteau sur la campagne alentour, et les contreforts de l’ancien volcan endormi sont peuplés d’inquiétantes ombres. Peu importe l’heure, je suis presque certain que celui que je suis venu chercher n’a pas rejoint, comme le commun, les contrées du rêve. Le bruissement des Cheveux de Gaïa dans la brise nocturne et les babils du ruisseau me guident sans peine, j’ai seulement à prendre garde à ne pas trébucher dans un défaut du terrain, à ne pas me tordre la cheville. Aux murmures de la nuit vient se lier un chant dans une langue que je ne connais, un chant qui ne cherche pas à dominer celui de la nature, mais au contraire à s’y accorder, comme s’il suivait une partition commune avec les oiseaux, le vent, les plantes, l’eau. Voilà qui change en certitude ma supposition : l’Hinïon ne dort pas.

Celui que je suis venu trouver n’est autre que Elrandil Gil-Gandel, le druide. En de rares occasions je me suis rendu auprès de lui, pour lui demander conseil. Nos rapports sont loin d’être amicaux, et je ne crois pas qu’il soit ami avec qui que ce soit, mais nous entretenons… une forme de neutralité entendue. Comme la sienne, ma vie suit une forme d’érémitisme, loin de mes semblables, loin de la civilisation, au cœur de la nature, en communion avec elle. Je n’atteindrai probablement jamais la profondeur de ce lien qui l’unit au monde, mais je comprends quelle peut être sa teneur : à ma modeste échelle, je pense chaque jour l’expérimenter un peu, dans mon refuge des montagnes. Ce mode d’existence commun ne suffit cependant pas à gagner un prestige suffisant pour qu’il s’adresse à moi par de longues phrases ou, mieux encore, pour qu’il me destine un sourire, ou ne serait-ce qu’un rictus. Dans mes souvenirs, son visage glabre, tatoué de mystérieux symboles couleur des feuilles de chêne au plus fort d’un bel été, reste toujours impassible.

Arrivé au pied de l’arbre qui porte sa demeure, je l’aperçois, assis en tailleur, sur la fourche formée par la division d’une branche épaisse, à quelques mètres du sol.

« Sage Elrandil. Je viens vous demander très humblement de l’aide, je… »

Un claquement sec de son bâton contre le bois m’interrompt, d’un signe de la main il m’encourage à monter, sans même bouger la tête pour me regarder : on aurait dit une excroissance du chêne millénaire sur lequel il est perché. Au terme de mon ascension, je m’arrête sur la plate-forme la plus proche de sa branche, n’osant m’avancer plus.

« Je t’écoute. »

« Une jeune Sinari a été enlevée par un bandit. J’ai suivi leur piste jusqu’au mont Joyce, mais je ne peux les retrouver de nuit. Je souhaiterais savoir si vous pourriez m’aider à les localiser… »

« Voilà qui est louable. Tu veux aider les Sinaris… Tu as un bien bel arc. Que feras-tu quand tu auras trouvé le bandit, et qu’une flèche sera encochée, dirigée sur lui ? »

« Je lui demanderai de se rendre. Je le blesserai s’il le faut. Je dois le ramener à Shory, pour qu’il soit jugé. »

« Et s’il a tué la jeune Sinari ? S’il l’a violée ? S’il lui a fait subir des atrocités comme jamais tu n’as pu en voir ? Que feras-tu ? »

Le souvenir de la colère est là, tout proche, à la lisière de mon esprit. Il n’avance pas seul, avec lui viennent les images de ma femme, de son amant, puis leurs corps ensanglantés, broyés par ma hache… La trahison et sa découverte m’ont fait réagir comme un dément, et j’ai été chassé. Depuis j’ai fui toute relation sociale, tout rapport humain qui me placerait dans une situation identique… Serais-je capable de me maitriser face à l’horreur ?

« Je l’ignore. Peut-être le tuerai-je, mais je n’espère pas. S’il doit mourir, c’est de la main de la justice de Shory, de sorte que tous puisse assister à son exécution. S’il a tué, la famille de la victime a le droit d’affronter le tueur, ce n’est pas à moi de l’abattre dans un bois. Voilà ce que me dit mon esprit. Mais je ne sais pas si mon esprit dominera ma colère… »

« C’est bien. Tu es honnête. Tu es conscient de tes propres faiblesses. Je t’aiderai. La terre a bien des rumeurs à faire parvenir à qui sait l’écouter. Un bon chasseur a besoin de repos. Dors, je méditerai, j’écouterai ce que la terre peut nous dire. Dors, demain je te dirai ce que tu as besoin de savoir. »




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 Sujet du message: Re: Le mont Joyce et la demeure du druide hïnion
MessagePosté: Lun 11 Nov 2013 17:08 
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J’ai dormi comme un loir, enroulé dans une couverture, sous ma large cape de fourrure, mon sac de voyage en guise d’oreiller. La mousse au creux des racines de l’arbre m’a offert un matelas confortable, et j’ai été envahi, sitôt mes yeux fermés, d’un sentiment de bien-être et de sécurité, comme je n’en ressens que rarement. Hormis certains jours d’hiver, lorsque la neige manque d’ensevelir mon abri de montagne, quand je sais qu’aucun être vivant ne peut me trouver, je ne dors que rarement sur mes deux oreilles, car personne ne veille sur mon sommeil, je ne peux compter que sur moi-même pour assurer ma sécurité.

Le druide n’est même pas descendu de son arbre pour me réveiller, au lieu de cela, il m’a lancé deux pommes de pin, arrivée entre ses mains par un miracle que je n’explique pas, aucun conifère ne se trouvant aux alentours immédiat de sa retraite.

(Voilà encore un tour dont doivent être coutumiers ceux qui fréquentent plus que moi les thaumaturges de tous genres…)

« Escalade le volcan vers le Nord, en partant d’ici, puis lorsque tu arriveras sur un petit plateau où pousse un buisson de houx autour d’un vieux mélèze foudroyé. Dirigé toi vers l’est, tu trouveras probablement ceux que tu cherches. Je ne peux pas t’en dire plus. Les rumeurs de la terre ne sont que des rumeurs, pour le bois et la glaise, les lames qui tranchent et les bottes qui foulent se ressemblent toutes… »

« Merci maître… »

« Je ne suis pas ton maître, mais j’accepte tes remerciements. Va maintenant. Rien ne sert de t’attarder ici. »

En aussi peu de temps qu’il en faut pour le dire, je me suis remis en route. A quoi bon prendre son temps ? Une vie est peut-être en jeu, voilà qui redonne tout de suite plus de force à un corps endormi. Je tire de mon bagage une galette sans levain de voyage, acquise à Shory juste avant que je parte en chasse. Les fruits secs croquent sous mes dents, les épices ravissent mon palais, me procurant un plaisir comme je n’en ai pas connu depuis des mois, celui de profiter de ces mets divins constitués de farine… Jamais un Sinari n’offrirait à un de ses hôtes un pain de si piètre qualité, on réserve pour eux les plus belles miches, larges, moelleuses, à la croute croquante et à la mie blanche et parfumée. Seuls les bergers et les colporteurs se nourrissent comme je le fais, quand ils n’ont pas d’autres perspectives. Pourtant, pour moi, qui ne mange que tubercules et châtaignes pour me caler le ventre, c’est un met de roi.

Les arbres et les buissons sont denses sur les pentes du mont Joyce. Autrefois, ce fut un volcan, même si j’ignore ce qu’est véritablement un volcan. Les Sinaris m’ont parlé d’une montagne d’où coule un feu de pierre comme du métal en fusion, qui crache de la fumée au point que le ciel s’en retrouve obscurci, qui projette des pierres dans les environs comme s’il ne s’agissait que de vulgaires escarbilles emportées par un vent violent. D’anciennes légendes paraît-il. Si semblables à celles que chantaient pour nous les bardes lors les veillées, au village, quand nous étions enfant. Des légendes tout de même ; des marchands ont prétendu une fois qu’il existe, sur d’autres continents, des volcans dont le feu intérieur n’est pas encore éteint… De quoi faire rêver les enfants.

L’ascension est rude. Heureusement, j’ai encore l’habitude de longues marches, dans des conditions autres que celle d’un beau chemin de campagne. Combien de jours et de nuits ai-je passé au milieu des arbres, à crapahuter sur la piste d’un gibier prometteur ? Trop. Trente cinq années se sont écoulées depuis que j’ai vu le jour, et bientôt s’entamera une trente-sixième. Mon corps est encore vigoureux, bien que plus faible qu’à mes vingt printemps. La vigueur de l’a jeunesse a été troquée contre l’endurance acquise au fil des années, et je n’y ai probablement pas perdu au change.

Les conifères se font plus nombreux à mesure que je monte, la végétation constitue des rambardes que j’apprécie à leur juste valeur ; la forêt est comme un immense escalier, là mon pied trouve appui sur un tronc pour me pousser vers le haut d’un talus, ailleurs c’est une branche à portée de main qui m’aide à passer un obstacle. Nul doute qu’être seul et rôdé aux difficultés de la progression sylvestre est un avantage redoutable : les choses se corseront bien plus si d’aventure tous les évènements suivent mes plans, m’obligeant à ramener un captif et une Sinari jusqu’à Shory. Je trouverai probablement des sentiers, du moins je l’espère. Le druide n’a visiblement pas cherché à m’indiquer le chemin le plus facile, j’ose espérer que c’est surtout le plus court… Voilà le mélèze foudroyé, le plateau, le houx… Et maintenant, à l’est…



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 Sujet du message: Re: Le mont Joyce et la demeure du druide hïnion
MessagePosté: Lun 11 Nov 2013 18:54 
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Les indications du druide sont excellentes. J’ignore ce qui peut manquer à un être comme Elrandil, mais qu’il soit donné de le savoir et je le lui offrirais si c’est dans la mesure de mes modestes moyens. En me dirigeant vers l’est depuis ce plateau, j’ai trouvé des traces évidentes. Nul doute que la fatigue a dû prendre les deux marcheurs à peu près à cette hauteur, car je la ressens moi-même dans mes membres et dans mon souffle, or j’ai dormi une bonne partie de la nuit, ce qu’ils n’ont peut-être pas fait, par crainte que le ravisseur pourrait avoir d’éventuels poursuivants. Des branches brisées, des traces de pas profondes dans l’humus, des marques plus nettes encore là où un pied a glissé à de nombreuses reprise en essayant de trouver un appui ferme sur le couvert de feuilles mortes et de brindilles. Deux empruntes, des bottes d’homme, des sabots menus, sûrement ceux de la Sinari : ce doivent être mes deux gibiers, celui qui mérite sa flèche et celui qui mérite de retrouver les siens. Pourvu que tout se déroule selon mon plan.

Pourquoi tant de traces, et une ascension qui s’arrête là ? La fatigue, mais pas seulement. S’ils se sont reposés ici, je ne vois aucun signe. Par contre les empruntes poursuivent aussi vers l’est, et elles ne sont pas fraîches. J’en suis réduit à des conjectures…

(L’humain doit s’estimer assez en sécurité ici. Il a emprunté une trouée dans la forêt qui lui a évité bien des détours, mais qui lui a également infligé bien de la peine. S’il est malin, il saura qu’on pourra suivre sans peine sa progression, il doit bien y avoir quelques pisteurs suffisamment bons à Shory… Maintenant, en progressant vers l’est… Là ! La roche s’avance, une sorte de plateau s’est constitué, un promontoire couvert par un bosquet touffu de feuillus… De là il pourra apercevoir la progression d’une troupe dans la plaine s’il a d’assez bons yeux, des feux, ou même une colonne remontant le flanc de la montagne sur sa trace… J’ignore s’il connaît vraiment son affaire, mais au moins je sais maintenant qu’il a l’œil, et qu’il n’est pas idiot…)

Lentement, veillant à toujours rester à couvert, quitte à perdre de vue momentanément mon objectif, je reprends ma progression, allant toujours vers le levant mais en grimpant un peu à chaque fois, si bien qu’au terme de mon parcours je surplomberai probablement le surplomb. Le ravisseur ne peut pas avoir des yeux partout, il privilégiera probablement la surveillance de la direction d’où il est plus raisonnable que parviennent les forces de la milice kendrane cantonnées à Shory.

« J’ai faim… »

« Tu vas la fermer, oui ? J’t’ai déjà nourrie c’matin, j’ai presque p’u rien, va falloir attendre qu’y z’aient am’né l’magot. »

« Et s’ils paient pas ? »

« T’auras plus faim ma p’tite. Mais avant, j’t’aurai donné aut’chose à déguster, t’inquiète pas. »

« Vous z’êtes qu’un … »

Le claquement de la chair contre la chair, et des sanglots, des pleurs, mais pas de cris, pas même étouffés. A priori, il l’a seulement giflée, c’est du moins tout ce que mes oreilles peuvent me dire. Je suis à l’abri, en hauteur, adossé à un arbre solide, au pied duquel j’ai déposé mon sac, maintenant inutile. Sous ma cape, en travers de mon torse, j’ai enroulé la corde que je garde toujours avec moi, afin de pouvoir ligoter le bandit sitôt après l’avoir mis hors d’état de nuire sans avoir à le quitter des yeux trop longtemps. J’espère que la Sinari me sera d’un quelconque secours. Je m’assure que mon couteau de chasse est bien ajusté dans son fourreau, ainsi que le coutelas sanglé à ma cuisse gauche. L’un et l’autres me sont des outils précieux, pour achever, dépecer, tracer ma voie, mais en aucun cas je n’ai eu à m’en servir comme arme, sinon quelques fois contre des prédateurs. Une boule d’appréhension remonte dans ma gorge alors que je songe à ce qui s’est passé la dernière fois qu’un de mes outils s’est mué en arme…

(Ces souvenirs reviennent trop… Trop souvent ces temps-ci… Voilà ce qu’il en coûte de rejoindre le monde, la vie, les gens… Plus vite je partirai, mieux ce sera… Mais d’abord, les affaires qui m’occupent…)

Lentement, à pas mesuré, veillant à ne pas faire craquer la moindre branche morte, ni rouler un pierre trop bruyante, j’amorce ma descente, allant de troncs en troncs, m’adossant à ceux assez larges pour me dissimuler efficacement le temps de faire des pauses pour rompre la régularité de ma progression, atténuer tout soupçon de mon approche. Je prends quelques risques supplémentaires lorsqu’un vent s’élève et fait bruisser les feuilles sur le point de tomber dans les branches… Voilà qui étouffe mes bruits de pas, hélas ce soutien est par trop court et aléatoire. Il m’aurait suffit de quelques minutes pour effectuer une approche digne d’un trappeur, une flèche encochée, prête à être tirée au moindre signe de fuite… J’aurais pu prendre le risque de voir l’oiseau s’envoler, sachant avoir sur lui un certain avantage… Mes décisions auraient emprunté d’autres canaux, s’il n’y avait pas eu la Sinari. Impossible de prendre le risque qu’il la blesse pour couvrir sa fuite – ce qu’il fera s’il est véritablement intelligent – ou que de rage il la tue – ce qu’il fera s’il est véritablement idiot. Le temps s’écoule lentement, les ombres que je voyais devant moi s’allongent maintenant, alors que je n’ai pas encore atteint ce qui fait obstacle au soleil. Peu importe, la précipitation est ma principale ennemie en ce temps et en ce lieu.

Enfin je me retrouve à proximité suffisante du bosquet du promontoire pour mieux observer la scène. Si les arbres en bordure du plan rocheux sont assez importants pour masquer les observateurs à la plaine, les arbres des pentes de la montagne ont en revanche suffisamment étendu leur couvert pour que la végétation sous eux soit moins dense. J’ai trouvé un poste d’observation idéale, un vieux tronc pourrissant, brisé en deux en son centre, sur un rocher, lors de sa chute, qui forme un V inversé assez haut pour dissimuler ma carcasse.




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 Sujet du message: Re: Le mont Joyce et la demeure du druide hïnion
MessagePosté: Lun 11 Nov 2013 22:34 
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((( [:attention:] Certaines scènes de ce rp sont à forte connotation sexuelle/violente/gore, aussi est-il recommandé aux lecteurs sensibles d'y réfléchir à deux fois avant d'en entamer la lecture.)))






« Oh les enfants d’putain ! Les cochons ! Essayer d’me prendre par surprise ! Moi ? L’grand Gaspard Surin ! Ah y vont m’payer ça les salauds. Ah y veulent pas payer ! J’vois pas pourquoi j’leur laisserais la bourgeoise d’laut’ niaiseux comme une fleur s’y veulent pas m’donner l’magot ! Ah les roussins ! Ah les cornards ! Ah y s’croient arrivés ! Et v’là qu’y font une halte, qu’y z’allument des feux pendant qu’leur noiraud suit mes traces ! Fumiers d’cochons ! J’me pèle les roustons dans c’te putain d’forêt en attendant mon pognon, et eux y s’allument des feux ! Ah les vaches ! Ah les mendigots scrofuleux ! Qu’la peste et l’choléra les fauche et leur fasse chier leurs boyaux d’merdeux en compote ! Ah les rats lépreux ! Ah les garces vérolées ! Ah les cafards sodomites ! »

Sans retenue il peste, jure, certain que les miliciens sur sa trace ne l’entendront pas ; ce n’est pas de ces oreilles lointaines qu’il devrait se méfier, mais des miennes, bien plus proches, et de la flèche prête à lui transpercer la gorge.

« Oh ma mignonne, ton mari et ses p’tits copains voudraient v’nir à la fête, mais y’en aura pas pour tout l’monde… J’ai pas l’âme partageuse… J’sais pas quel asticot ton cocu a entre les jambes, mais crois moi tu vas ouvrir tes cuisses à un tout aut’ morceau ! Et si tu hurles, j’te tranche la gorge, et j’termine mon affaire pendant qu’t’es encore chaud… »

Sans ménagement il a soulevé la Sinari par le col de sa robe, et l’a balancée sur le ventre à l’autre bout du petit espace dépourvu d’arbre dans lequel ils ont trouvé refuge. La pauvre a les mains attachées dans le dos, elle s’effondre lamentablement la face contre le sol. J’espère qu’aucun caillou n’est venu déchirer son joli visage. Affalée comme elle est, secouée de sanglots, tremblante de peur, le brigand pourra la besogner sans peine, et en plus se payer le luxe d’observer à loisir par une trouée des buissons les manœuvres de ses poursuivants.

Avec des ricanements de contentement, il retroussa la robe de la Sinari, lui arracha son jupon et tout ce qui faisait obstacle à l’assouvissement de son désir. Il caressa avec une lenteur consommée les cuisses pâles de la jeunette, poussant quelques jurons admiratifs face à l’intimité dévoilée à son regard lubrique.

(Maintenant, il faut agir… Je pourrais le laisser faire ce qu’il entend, et quand il sera assez occupé lui tomber dessus, l’assommer, le neutraliser… Non ! Je ne peux pas faire vivre ça à cette femme ! Ce qui est en train de lui arriver est déjà suffisamment horrible… Je ne vais avoir qu’un moment limité pour agir… Avant qu’il ne soit trop tard, après qu’il ait baissé son froc, quand il pensera à tout autre chose qu’à moi, qu’au danger… Courage Midélis, courage !)

Avec l’inconséquence de celui qui se croit à l’abri et qui, sûr de sa position, se livre à des actes réprouvés par la prudence, il laisse tomber à côté de lui le couteau avec lequel il menaçait de trancher la gorge de la Sinari pour déboucler sa ceinture et descendre son pantalon. Dans le même moment, d’un mouvement souple longuement répété, avec d’autres cibles qu’un humain, je me relevai de derrière le tronc d’arbre et me décalai d’un pas pour avoir le champ libre de tout végétal malvenu. J’ignore s’il m’a entendu, ou s’il fait mine de se retourner, à dire vrai plus rien n’existe en dehors de ma flèche et de la cible, cette fesse gauche velue à une distance raisonnable de moi. De là où je me trouve j’aurais sans peine pu transpercer la gorge d’un daim en train de brouter, quand bien même aurait-il relevé la tête. Le sang bat à mes tempes, l’enjeu est bien supérieur à une proie qui m’échapperait, un léger manque à gagner dans la saison facilement compensé par des journées plus longues, moins de repos. Comment compenser une flèche qui a dévié de sa trajectoire et transpercé une cuisse ou un avant-bras innocent ?

Le vent balaie mes moustaches et les mèches de cheveux sur mon front qui dépassent de la capuche de peau brute. Voilà longtemps que j’ai appris à me fier à ces indicateurs tant qu’à ceux de l’environnement quant à l’intensité et à la direction des brises. Ces paramètres viennent s’ajouter à ceux que je connais déjà : la distance, l’angle que devra décrire la trajectoire par rapport au sol, la tension de la corde de mon arc… Comme à chaque tir, je ressens une profonde paix intérieure, qui ne durera pas, j’en suis conscient, mais cette seconde qui s’étire, sans passé, sans futur, sinon celui d’un assemblage de plume, de bois et de métal qui fendra l’espace pour se ficher en un point bien précis, plaise aux Dieux que ce soit celui que mon esprit a désigné, relayé dans l’action par mon corps. Ai-je fait du bruit ? Suis-je allé trop vite pour le violeur en puissance ? Allait-il se retourner ? Mon point de tension interne est atteint, je sais que rien ne pourra plus s’ajouter à ce tir sans en faire décroitre l’efficacité. Comment le sais-je ? C’est tout à fait ce que j’ignore. Des années et des années ont tracé quelque part dans les méandres de mon cerveau cette frontière intangible, ce besoin impérieux de laisser aller la flèche vers la destinée que je lui promets. A peine me suis-je rendu compte que j’ai tiré.

L’homme tombe sur le flanc droit, ses deux mains autour du trait qui a transpercé sa fesse gauche, touchant peut-être un os – mes notions d’anatomie sont plus que lacunaires – hurlant des chapelets de juron, sans se soucier un instant du couteau non loin de sa tête. Tant mieux, je me précipite, d’un coup de botte éloigne cette arme de lui, un second lui chatouille les côtes, lui donnant une raison supplémentaire de gémir, un peu plus de douleur pour tenir son esprit occupé. Sans ménagement, je le confesse, je remets sur pied la Sinari et coupe la corde qui la retient à l’aide de mon couteau de chasse, qui retourne immédiatement à son fourreau. Déboussolée, elle ne bouge pas, se contentant de lisser sa robe de manière convulsive, comme si elle craignait qu’elle se soulève seule sous l’effet d’un courant d’air particulièrement puissant. Peut m’importe pour l’heure son état, tant que physiquement elle va bien : les siens ne tarderont pas à la prendre en charge, mon rôle est de m’assurer que je pourrai leur remettre en même temps le salaud qui se proposait de lui faire du mal. Retirant ma cape, puis le cordage sous moi, je saucissonne, non sans peine, le kidnappeur – deux solides coups de poing dans la mâchoire le réduisent au silence, lui font sauter deux dents et le rendent plus docile. Je fais asseoir sur un rocher, un peu plus loin, le dos tourné à son agresseur, la Sinari en pleur, tremblante de froid dans le crépuscule, la couvrant de ma cape pour qu’elle n’attrape pas un mal quelconque par la fraîche nuit d’automne qui s’annonçait. A grandes enjambées, je retourne chercher mon sac abandonné plus haut qui contient de quoi allumer un feu et quelques provisions.

Quelques coups de coutelas suffisent à tailler une brèche dans la barrière végétale du surplomb, de telle sorte que, suivant mes approximations, les cavaliers dans la plaine devraient voir la lueur de leur position. Le feu que j’ai allumé crépite joyeusement, j’ai installé la Sinari assez près des flammes pour qu’elle bénéficie de la chaleur sans excès, et son ravisseur assez loin dans l’ombre, cul nul, son pantalon ayant servi à lui entraver efficacement les jambes, pour qu’elle n’ait pas à en supporter la vue. J’ai massé ses poignets déchirés par les cordes avec un onguent que je conserve sur moi, un mélange de graisse et de diverses plantes, puant mais bigrement efficace pour atténuer la douceur. J’ai fini par enlacer ses épaules frêles de mon bras droit pour la ramener contre moi et la bercer doucement tandis qu’elle pleure, lui murmurant quelques paroles rassurantes sans guère de sens, mais le plus important ne sont pas tant les mots que le ton.

Lorsqu’enfin elle s’endort, je l’allonge sur ma première couverture, la couvre de la seconde qui, pliée en deux, est encore assez grande pour elle, puis je serre autour de moi ma cape, m’apprêtant à veiller et, surtout, me retenant d’aller corriger le lascar avec sa flèche encore plantée dans le derrière – je n’ose pas la retirer, de peur de provoquer un saignement plus important que celui qu’il subit déjà, qui ne l’achèvera pas avant le jour, ni même avant le suivant s’il ne gesticule pas trop.




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 Sujet du message: Comme un chef
MessagePosté: Dim 5 Jan 2014 16:35 
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Alors que le chaud soleil d’été enflamme l’horizon avant de se coucher, une silhouette se découpe au sommet d’une colline. De petite taille, la tête baissée vers le sol comme si elle l’inspectait, la sinarise, car c’est bien d’une représentante de ce petit peuple qu’il s’agit, progresse lentement vers une destination qui lui semble inconnue. En effet, depuis le seuil de sa maison court une route de galets blancs. Où mène-t-elle ? Elle l’ignore. Toutefois, avec obstination, elle la suit.

Si quelqu’un la croisait à ce moment, il penserait qu’elle se rend à un rendez-vous galant ou un bal huppé. En effet, le soir qui tombe allume dans ses cheveux cuivrés un ravissant brasier qui rehausse son teint. Les tâches de rousseur qui le constellent font de son visage une merveilleuse galaxie dans laquelle on ne demande qu’à se perdre. La flamme de ses yeux mi-saphir mi-émeraude pourrait en cet instant subjuguer même le cœur le plus endurci. Son corps est moulé dans une robe de satin turquoise moiré parfaitement ajustée afin de souligner sa taille, suffisante pour que l’on n’ait pas peur de la serrer contre soi sans être trop importante. Son décolleté met en valeur sa poitrine qui, bien que d’une taille relativement petite, semble ferme et douce. Seul bémol à cette beauté, ses pieds sont nus, sales de la poussière des chemins.

Soudain, passant le sommet d’une colline, Campanule aperçoit sa destination : sur un carré d’herbe entouré de luminions de toutes les couleurs, une grande nappe blanche est étendue au sol. Toutefois, aucune présence n’est visible dans le carré de lumière.

(Etrange, je m’attendais tout de même à être accueillie. Il est étonnant de se mettre en quatre pour créer un tel jeu de piste et ne même pas être présent pour en admirer l’effet.)

Les dix premières secondes après son arrivée, Campanule inspecte l’endroit. Il est éclairé par huit luminions formant un arc en ciel en pleine nuit. Divine succession de rouge, orange, jaune, vert, bleu, mauve et violet finissant sur un blanc intense. Des couverts en argent et de la vaisselle en porcelaine fine ont été placés avec minutie autour d’un vase en cristal rempli d’un bouquet de fleurs sauvages des plus chatoyants.

(Mais ! Tous ces objets m’appartiennent !? Ma nappe en dentelle préférée, l’argenterie de la tante Lobelia, mon service en faïence de Lémovice et mon cristal de Polder. Qui a bien pu les amener jusqu’ici ?)

La question muette ne reste pas longtemps sans réponse car, sur ces entrefaites, deux feux d’améthyste s’allument dans un buisson.

« Matriarche, quel plaisir que vous soyez venue ! J’avoue que je ne l’espérais guère après l’incident de cet après midi. »

Bien que sentant légèrement le feu de bois, Fenric le Naak’shaakty est très à son avantage : sa tenue d’un mauve profond rehaussée de fils d’argent souligne sa pâleur tout en la rendant moins cadavérique. Ses cheveux ont visiblement été soigneusement peignés et laqués tandis qu’à son oreille brille un sombre bijou. Son regard brille à la fois d’amusement et de malice mais aussi d’un éclat indéfinissable.

« Mon grand-père disait souvent que le chemin du repentir est pavé de galets blancs. C’est pourquoi j’en ai semé tout le long du chemin jusqu’ici. A présent, prenez place pour un dîner de conciliation et de paix. »

Le cœur de la sinarise est balloté par un typhon de sentiments contradictoires : les paroles sont belles dans la bouche du shaakt. Toutefois, elles ont un je ne sais quoi de factices. Tout est trop parfait, trop charmant même son sourire pourtant si beau.

« Vous êtes si belle ce soir que même la lune me semble pâle et terne. »

Enfin, la compréhension se fait jour dans un esprit.

« Je vous y prend messire Fenric ! Flagrant délit de mensonge… Ces phrases toutes faites, je les ai entendues dans le passé, dans la bouche d’un marchand shaakt qui commerçait avec Polders. Je suis venue ici pour que nous nous parlions à cœur ouvert. Si vous persistez à me servir votre numéro de charme commercial, je m’en vais ! »

La remontrance touche au but. Le changement d’attitude du shaakt est spectaculaire : du séducteur à l’aise en toutes occasions et faisant fondre le cœur des femmes, le voici petit garçon pris en faute, les yeux baissés et les épaules basses, aussi gêné et mal à l’aise qu’un jeune puceau dans un harem.

«Hum… Je vous prie de m’excuser…. Les vieilles habitudes ont la vie dure ! Hum… Vous comprenez, là d’où je viens, il est indispensable d’être apprécié par la gente féminine. C’est même vital parfois. Hum… Et comme je n’ai pas vraiment l’âme d’un poète… Hum… Enfin… Vous me comprenez, n’est-ce pas ? »

La hobbit comprend parfaitement et pourtant… Il est parfois tellement plus amusant de ne pas faire d’effort.
Sentant une certaine tension se installer entre eux, Fenric la prend la main de la hobbit et l’amène prendre place devant son assiette.

« Hum… Comment dire cela… Voyez, je n’avais guère de moyen financier pour préparer ce repas. J’ai donc fait du mieux que j’ai pu avec mes maigres réserves. J’espère que cela vous plaira. Hum… Pour commencer, je vous propose mes escargots au beurre d’ail des ours. Je sais que vous n’êtes guère habituée à ce genre de nourriture. Tachez d’oublier l’animal et concentrez-vous sur le goût. »

Tout en parlant, le shaakt se dirige vers le buisson dont il est sorti quelques secondes plus tôt, le traverse et atteint une sorte de four en terre séchée dont il sort deux plats. Ceux-ci sont garnis de plusieurs gastéropodes dans un état qui se situe entre le trop cuit et le franchement carbonisé.
Voyant cela, un rire des plus cristallins nait dans la gorge de Campanule. Le genre de rire qui vous libère de la fatigue, qui vous donne de l’énergie en suffisance pour combattre toutes les difficultés possibles et imaginables.

« Vos talents de cuisinier laisse à désirer mon ami ! Toutefois, je ne peux vous en vouloir : votre peuple n’y connait pas grand-chose en gastronomie. Vous ne me pardonnerez de ne pas gouter à votre préparation. Elle me semble légèrement trop cuite ! »

Loin de rembrunir comme on peut s’y attendre, l’expression de l’elfe noir se détend. Un poids semble avoir été ôté de ses épaules. Dans un sourire charmeur :

« Bien entendu, Matriarche. Je vous en prie. Si j’osais, hum, je vous demanderais de cuisiner la suite du repas. Hum… Au moins, je maitrise mieux l’œnologie que la cuisine : j’ai réussi à me procurer un clos Yarthiss. C’est un des plus grands vins que je connaisse. Vous m’en direz des nouvelles. »

La fameuse bouteille apparait alors dans sa main. Toutefois, malgré son expression joyeuse, son regard recèle quelque chose de triste comme un regret lorsqu’il se pose sur le liquide vermeil.

« Laissez-moi plutôt regarder ce que vous me réservez dans ce four artisanal. Vous l’avez fait vous-même ? Il ne me semble pas qu’il se trouvait pareil ouvrage ici hier… »


« En effet, je l’ai bâti de mes mains cette après midi. Je voulais que ce repas soit pour nous celui de l’apaisement et de la réconciliation.
Comme je vous le disais tout à l’heure, je n’ai guère de moyen. J’ai donc troqué l’indispensable contre mes services. Le jeune Nago m’a offert le beurre de l’entrée et l’agneau du plat contre la promesse de pouvoir utiliser le merveilleux pouvoir des lutines que vous m’avez offertes. Elles sont extraordinaires d’ailleurs ! Encore grand merci !
Pour les boisons, je me suis rendu au temple de Kübi. Malgré le tour que nous leur avons joué avec la matriarche Nish, j’ai pu emporter les deux bouteilles que nous allons déguster. Toutefois, je doute de pouvoir un jour remettre les pieds là-bas. »



La matriarche suit d’un air lointain les propos de son hôte quand, tout à coup, une question fait jour dans son cœur.

« Vous ne parlez d’épices mon cher Fenric… Vous les oubliez ou les avez subtilisez chez moi comme cette nappe et cette vaisselle ? »


C’est dans un sourire gêné que l’imoran répond.

« Les épices sont les denrées les plus onéreuses que je connaissent. Impossible d’en obtenir sans m’astreindre à une vie de servilité. J’ai donc utilisé ma tête : les plaines et bois entourant ces lieux sont riches pour qui sait ouvrir les yeux. De l’ail des ours pour remplacer l’ail, de la menthe poivrée pour le piquant, du miel fraichement recueilli dans une ruche toute proche, un peu de salicorne de ma réserve personnelle, de l’astuce et un peu de chance, voilà comment j’ai assaisonné notre repas.

J’avoue vous avoir fait un saut chez vous afin d’emprunter vos vaisselle, glacerie et nappe mais cela m’a permis d’empocher ma tenue que voici. En effet, par un curieux hasard, j’ai rencontré le tailleur Agrotardus devant votre porte…


« Fous m’afez inspiré, mon ami ! » Voici ce qu’il m’a dit en me remettant le paquet. »


« Il est vrai que cela vous va plutôt bien »


L’amusement que procure ce jeu du chat et de la souris à Campanule est presque lisible sur son visage. Fenric ne s’y trompe pas et continue le repas sur sa lancée. Peu à peu les tensions s’éteignent et l’ambiance tourne au romantique badinage.

Après avoir dégusté un agneau braisé au miel des plus exquis et une salade de fruits sauvages rafraichissante, les céladons s’allongent sur le sol pour admirer la poésie du firmament étoilé. Un silence complice et voluptueux règne sur eux. Les mots sont inutiles et inopportuns.

(Quel plaisir et quelle paix ! Jamais je n’ai ressenti ça auparavant…
Sera-ce ça ma vie dorénavant ? … Puisse cette nuit durée le reste de ma vie)



Cédant à un désir inconvenant venant d’un mâle mais non moins impérieux, le shaakt se tourne vers sa compagne, se penche sur elle et avec une infinie tendresse scelle leurs lèvres en un baiser d’une douceur sans pareille…
A la grande surprise de l’elfe, elle ne se dérobe pas. Bien au contraire, son élan est non seulement accepté mais rendu avec passion. Sa bouche a encore le goût épicé du miel et sa langue est plus veloutée que la soie de la meilleure qualité. Son cœur chavire dans un océan de sentiments tendres dont il ignorait jusqu’à l’existence même…

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 Sujet du message: Sthyll, les ailes de la nuit
MessagePosté: Mer 29 Jan 2014 17:16 
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Combien de temps dure ce baiser ? Des siècles, des années, des mois, des jours ou à peine quelques secondes ? Fenric est bien incapable de s’en souvenir trop perdu dans sa délectation gourmande. Toutefois, c’est bien lui qui interrompt aussi abruptement que violemment ce tendre moment de félicité lorsqu’une ombre passe sur son cœur. Le genre d’ombre qui vous glace d’effroi par une chaude soirée d’été. Une terreur sans nom nait en lui : la certitude que Phaïtos, lui-même, rode dans la nuit et qu’il ne compte pas repartir les mains vides au petit matin.
Sans délicatesse, le shaakt repousse sa compagne.

« Fuyez, Matriarche ! Ne rester pas ici une seconde de plus ! »

Le ton sans être menaçant n’est ni suave ni prévenant. Il est cassant et impératif. La pauvre Campanule ouvre et ferme la bouche sans que le moindre son n’en sorte, perdue dans ses sentiments contradictoires.

(Pourquoi tant d’agressivité soudainement ? Pourquoi me repousser après ce baiser si passionné ?)

Voyant son immobilité et son incompréhension, il décide d’enfoncer le clou.

« Rentrez chez vous, fermez les portes et ne sortez pas avant le petit matin ! Ai-je été clair ? »

Cette fois, nulle opposition possible. Avant même de s’en être rendue compte, la sinarise prend ses jambes à son cou et fuit comme le vent mais sans un bruit.
Un silence assourdissant s'installe, plus pesant que le grand Dragon Noir. Le temps passe lentement, chargé de menaces. Tournant sur lui-même, le Naak’Shaakty surveille les environs afin de pas être surpris ou pris à revers…
Rien… Rien ne se passe…

(Me serais-je trompé ? Cela n’aurait été qu’une illusion ? … Non impossible. C’était trop net.)

Prenant son courage à deux mains, il décide de provoquer l’invisible et terrifiant ennemi.

« Montre-toi à présent. Nous sommes seuls… Tu es là pour moi, non ? »

« En effet, che suis là pour toi, Naak’Shaakty ! Pour t’écorchcher vif et te faire endurer les milles tourments d’une vie qui se brise… »

Ce n’est pas tant la menace qui glace le sang de l’elfe noir mais la voix légèrement trop aigue et chuintanteet pourtant si familière.

« Non ! Cela ne se peut ! Je t’ai vu mourir de mes yeux !!! »

« Et pourtant, mon cousin ! Che suis un peu différent mais ne t’y trompe pas : Sthyll est bien de retour… »

Un spectacle terrifiant commence dans la plaine jusqu’ici théâtre de douceur et de volupté : un humanoïde ailé descend lentement du ciel… Cependant, cet individu est un peu particulier : il ne porte aucun vêtement, sa peau d’un brun verdâtre reflète la lumière mate de la lune. Toutefois, ce qui frappe en premier l’observateur, c’est la présence de deux membres surnuméraires ainsi que d’un dard. Si les premiers prennent racine au niveau des épaules et se terminent par des pointes terrifiantes, la seconde semble être un prolongement de la colonne vertébrale.

« Oh suis-che bête ?Che suis tellement heureux de t’avoir retrouvé que ch’en oublie la politesse. Bonchour Fenric. Alors, on n’embrasse pas son cousin préféré ? »

Il n’existe pas de mot suffisant pour puissant pour décrire la terreur mortelle qui agite le cœur du shaakt. Sthyll, celui là même qu’il a pourchassé pendant près d’une année pour le faire brûler au cœur d’une maison en flamme a non seulement survécu mais semble plus dangereux que jamais.

« Tu ne t’y attendais pas n’est ce pas ? Tu me croyais fini, au fond d’une tombe de cendres pour l’éternité ! Mais, c’était sans compter sur Dame Résine : alors que mon âme furieuse arpentait le monde détruisant ce qu’elle pouvait, ch’entendis Sa voix. Elle m’appelait ! Souviens-toi, mon cousin, du prodigieux destin prophétisé… Il devait s’accomplir et elle me donna ma chance d’y parvenir. Ce corps bien qu’immonde est d’une puissance bien supérieur à l’ancien. Le croisement ultime du shaakt et de l’insecte, Sthyll et la nèpe !Me voici à présent.
Admire ce que tu as fait de moi et tremble de rencontrer ma vengeance. »


Sortant de l’ombre dans laquelle il s’était scrupuleusement tenu jusqu’à présent, Sthyll dévoile enfin son visage. Enfin, face est un mot qui conviendrait mieux à l’ignominie de ce faciès. Un rostre prodigieux remplace le nez. Des yeux à facettes et des mandibules acérées achèvent de vous rendre la vue du personnage insupportable.

Sachant le combat à venir aussi inévitable que sauvage, Fenric, n’écoutant que son effroi et sa répugnance,se jette sur son adversaire sans attendre. Il lance son poing nu sur l’odieux masque insectoïde dans un direct furieux et violent…Et s’y fracasse les phalanges.
Dans un rire aussi sadique que moqueur, l’hybride explique ce prodige.

« Voici tout l’intérêt d’un exosquelette, mon cousin. C’est comme porté une armure en permanence… Mais une armure qui ne pèse rien et qui guéri de surcroit »

Sur ces mots, l’abomination passe à l’offensive. Un crochet du gauche d’abord pour étourdir puis elle agrippe une tête et organise une violente rencontre entre son genou et le visage de sa victime. Dans le même temps, les deux appendices supérieurs viennent se planter dans le dos découvert.
Des éclairs de douleur traversent le cerveau de Fenric colorant sa vision de trainées pourpres et bordeaux.

(Quelle vitesse ! Si tu veux t’en sortir mon petit Fen’, il va falloir t’y mettre plus sérieusement et prendre des risques.)

A chaque pulsation de souffrance, son cœur s’ampli de colère, de haine et de rêves de sadisme. Lentement, son esprit recrée le réflexe qui, par deux fois, fut salvateur…
Dans un gémissement bestial, deux longues pattes d’obscurité pure apparaissent et frappent le mortel ennemi. Sa carapace de chitine est inutile face à ce que certains nomment l’haleine de Valshabarath. La magie délétère fait son œuvre et Sthyll souffre tellement qu’il est obligé de relâcher son étreinte. Pour le Naak’Shaakty, tout semble gagné… Et pourtant…

Malgré les spasmes qui agitent son corps perclus de tourments, la nèpe elfique ne cache pas son hilarité.

« Te voici déchà contraint à sortir ton arme suprême, mon cher cousin ? Ici, point de maison en flamme pour m’y plonger… »

Sur ces mots, il se lève et frappe. Pieds et poings, dard et genoux, tout est utilisé. Tel un chat retardant la mise à mort par simple jeu, le suppôt de Dame Résine inflige une foule d’égratignures, d’hématomes et autres estafilades à son parent.

Fenric est incapable de résister. Même lorsqu’il se débarrasse de l’entrave de ses sens, Sthyll le surclasse de la tête et des épaules. Plus vif, plus fort, imprévisible. Une terrible certitude nait dans le cœur du martyr : son heure a sonnée. Pour lui, tout est fini.

(Ô puissant Phaïtos, entends l’humble prière de celui qui viendra bientôt à toi ! Puisse ta venue me délivrer de ce supplice.)

(Te voici encore dans les ennuis Fen’ ? Il te surpasse sur tous les plans ? Ton corps n’est rien en comparaison du sien ? En quoi cela change-t-il de d’habitude ? Ton esprit a toujours été ta force ! Utilise là…)

Cet éclair de génie, le shaakt se l’attribue sans faire le lien avec ses nouvelles expériences.

« Sthyll ! Avant de m’achever, rappelle-moi pourquoi tout ceci à commencer… Pourquoi ces quatre jours de torture à Caix ? Pourquoi cette trahison ? Tu as toujours été celui que j’admirais : le meilleur bretteur, d’une endurance à nulle autre pareille, vif, rieur, … Pourquoi ? Rappelle-moi ! »

L’hybride interrompt son assaut non sans avoir terrassé son adversaire.

« Pourquoi ? Pourquoi ? Ne te souviens-tu donc pas de la devineresse ? Elle disait : « Celui à qui tout est promis est un obstacle pour l’Elu de la déesse sombre. C’est par les cris de souffrance du premier que le second pourra accomplir son destin et obtenir la puissance qui lui est destinée… » Il le fallait, Fenric ! Ton existence même me prive de ce qui m’est dû ! Je n’ai pas le choix : ta douleur est la clef de mon ascension. »

Les mots ont allumé dans les yeux de l’insectoïde une lueur de fanatisme. Dans un sourire ensanglanté, le vaincu poursuit son idée.

« Réfléchis à ceci, mon cousin. Si on envisage les choses sous un angle différent, tout peut changer. La Chienne d’Omyre est la déesse noire depuis peu. Valshabarath, par contre, est nommée ainsi depuis des siècles. Nous savons lequel de nous a été marqué par elle… Hé hé… Dans ton armée, tu étais promis à un bel avancement. Un avenir radieux s’ouvrait à toi : gloire, richesse, … Pense à ceci, mon cousin préféré… Et si, tu étais « Celui à qui tout est promis » et moi « l’Elu de la déesse sombre » ? »

Un coup tonnerre silencieux vient de frapper la plaine. Le sol s’ouvre sous les pieds de Sthyll. Son esprit est percuté de plein fouet par les implications astronomiques de cette possible vérité. Ses mandibules craquent les unes sur les autres tandis que ses yeux à facettes roulent en tout sens en quête d’une branche à laquelle se raccrocher.

Profitant de ce moment de profond désarroi, Fenric bondit sur ses pieds et fonce vers le buisson qui, il l’espère, le dissimulera à la vue de son terrible cousin. Ce dernier totalement surpris et largement pris de court s’élance à sa poursuite en vociférant.

« TRAITRE ! Semer dans mon âme le doute sur la devineresse, toi qui a touchours réfuté ses prévisions et recheté ses oracles ! Tu vas expier, foi de Sthyll ! »

Alors que l’épaisseur végétale salvatrice n’est plus qu’à quelques pas, l’hybride frappe d’un énorme coup de pied mi sauté, mi volant, le dos du fuyard. Ce dernier, entrainé par son élan, traverse la futaie et percute de plein fouet le frêne situé juste derrière dans un effroyable craquement.
A cet instant, le temps se suspend pour le Naak’Shaakty. Le récipient de verre contenu dans son vêtement vient de voler en éclat et répand lentement son contenu. La nuit elle-même semble s’insinuer dans sa peau noire tandis qu’une douleur aigüe et totalement inédite vrille l’ensemble de son corps. Chaque nerf semble prendre un malin plaisir à signaler sa présence par des moyens divers allant de la brûlure à la sensation de déchirement en passant par le tiraillement et la crampe musculaire.
Dans la même seconde, la Peur le submerge et l’emporte telle une lame de fond. Dans son esprit dansent les cauchemars qu’il redoute la nuit. Terrifié, en position fœtal, le corps pugiliste noir s’emprisonne à nouveau dans une crise tétanique. Chaque muscle se contracte et tout mouvement s’arrête.

(Par les huit Enfers ! Il ne faut pas qu’il me voit dans cet état ! S’il me trouve, il me fera à nouveau goûter à la caresse de sa lame chauffée au rouge ou pire…
Ô Grande Valshabarath, entends la prière du Naak’Shaakty que tu as abandonné.
Cache-moi à la vue de Sthyll et fais que Phaïtos l’inéluctable reparte les mains vides cette nuit ! Puisse le jour où ma main servira Ton dessein apparaitre bientôt.)


Sans la moindre raison logique, les ténèbres nocturnes se referment sur un être pétrifié de terreur et de fatigue.Elles l’entourent si étroitement qu’il n’est plus capable de distinguer la pointe de ses propres bottes.

C’est alors, et seulement alors, que l’instrument de Zewen reprend son cours. Découpant l’obstacle vert à l’aide d’une épée surgie d’on ne sait où, la nèpe elfique s’approche répandant l’épouvante dans le cœur du shaakt statufié. Pourtant, il s’arrête et, bien qu’ayant les yeux fixés sur son but, ne le voit pas.

« Il est inutile de te cacher, Fenric ! …
Viens à moi ! »


Le silence et l’immobilité lui réponde.

« Très bien. Tu veux chouer à la souris ? Ch’ai de quoi te faire chancher d’avis… »

Psalmodiant dans sa langue chuintante, le soldat d’Omyre concentre sa magie. Dans le même temps, une fureur sans nom capable de faire se lever un mort naît dans le cœur de Fenric. Devant ses yeux, Père se meurt à nouveau. Rampant dans son propre sang aux pieds de l’ancien Sthyll hilare. S’il avait pu bouger le moindre muscle, Fenric aurait été debout tentant de déchiqueter cet ennemi tant de fois honni… Mais il ne le peut.

Après de longues minutes, la nèpe crache son aigreur d’avoir perdu sa proie et, dans un cri de dégoût, s’envole.
Dans le buisson, malgré son incompréhension des choses venant de se produire, un paralytique sent son cœur se détendre et se laisse envahir par la douce lassitude du sommeil.

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 Sujet du message: Le jour d'après
MessagePosté: Sam 15 Fév 2014 17:15 
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Le soleil est déjà haut dans le ciel lorsque ses rayons taquins vont chatouiller le nez d’un sombre endormi. Ce dernier s’éveille doucement après une nuit sombre et pleine de terreurs. De douleurs aussi. Bien que son esprit soit embrumé de sommeil, le désir de son cœur est clair : revoir la Matriarche Campanule, la rassurer et lui expliquer son comportement de la veille.

(Grande Valshabarath, que votre patience s’impose dans l’esprit de celle vers qui se tournent mes pensées. Puisse-t-elle m’entendre avant de me juger.)

Sans prendre un seul instant pour examiner les lieux et essayer de comprendre les événements nocturnes, Fenric se lève en ignorant les protestations de son corps et, après avoir ramassé tous les objets de son hôte, file vers le village.

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 Sujet du message: Re: Le mont Joyce et la demeure du druide hïnion
MessagePosté: Lun 22 Déc 2014 19:22 
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A mesure qu'ils avançaient dans la forêt, celle-ci devenait de plus en plus dense et les arbres étaient même de plus en plus grands. Sans doute nourris par ce sol riche en fluides terrestres, les racines gigantesques formaient parfois de véritables pontons et il arrivait même que le groupe d'aventuriers ne puisse toucher le sol pendant quelques minutes de marche, tant le bois régnait en maître ici.

La fumée de son encensoir, chargée d'une poudre contenant des grains de fluides de géomanciens, devenait même de plus en plus épaisse. Et sous ses pieds, Hivann sentait même un véritable lien entre lui et cet environnement. Trouver une source capable d'alimenter ses fluides l'aiderait très certainement à débloquer une autre partie de ses pouvoirs, sans qu'il n'aie besoin d'acheter quelques fluides à un énième marchand.

Mais même s'il se sentait dans son élément, dans tous les sens du terme, il était extrêmement difficile de se repérer ici. Ce bois était gigantesque et ils n'avaient pas d'autres indices si ce n'était le fait que le druide vivait dans un arbre depuis bien des années. Même le nez extrêmement fin de Rawf ne pouvait leur permettre de trouver ce qu'ils cherchaient.

"Il y a trop d'odeurs, disait-il. Je ne sens pas le chemin, rawf."

"Alors il semblerait qu'il nous faille simplement trouver le véritable pied du Mont Joyce et en faire le tour jusqu'à trouver ce qu'on cherche... Un "arbre géant", dans une telle forêt, ce ne doit pas être n'importe quoi."

Ils ne pouvaient encore rien faire d'autre que marcher, en attendant quelque chose qui puisse leur indiquer le véritable chemin.

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 Sujet du message: Re: Le mont Joyce et la demeure du druide hïnion
MessagePosté: Lun 22 Déc 2014 22:37 
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Tout en marchant, les trois compagnons finirent par remarquer que les mêmes arbres revenaient, ou pire encore, ils eurent nettement l'impression que les arbres se déplaçaient comme pour les mélanger, leur faire perdre le chemin. Si bien qu'au bout d'un moment, ils étaient vraiment perdus.

Et puis, tout en marchant, une branche d'arbre fouetta les fesses de Hivann. Ce phénomène aurait pu être bien anodin, s'il n'était arrivé qu'une seule fois. Mais ce petit incident arriva à trois reprises dans un laps de temps d'environ une dizaines de minutes. Et Hivann fut la seule victime. Quelqu'un de paranoïaque aurait pu penser que les arbres se vengeaient pour le meurtre que Hivann avait commis envers les plantes du sanctuaire.


((( Tu dois tout d'abord retrouver ton chemin. Il t'est interdit cette fois de brûler le coin ! :p )))

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 Sujet du message: Re: Le mont Joyce et la demeure du druide hïnion
MessagePosté: Mar 23 Déc 2014 15:10 
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Non seulement le trio marchait sans vraiment savoir où aller, mais en plus, ils se rendirent bien vite compte qu'ils étaient perdus. L'odorat de Rawf ne les aidant pas pour cette fois, ils n'avaient eu d'autre recours que de marcher tout droit vers le Mont Joyce. L'ennui, c'était que la forêt était si dense et le feuillage si épais qu'ils ne pouvaient pas même voir l'ancien volcan à travers les branches. Le soleil filtrait faiblement à travers les vertes feuilles et tandis qu'il leur semblait avancer dans un bois de plus en plus profond et sombre, leur impression d'avoir perdu leur chemin s'accentuait.

Le véritable problème se manifesta quand Hivann remarqua un tronc en particulier, celui d'un arbre plutôt quelconque parmi les autres, mais qui possédait un petit renfoncement naturel en forme de triangle à sa base. Une marche atypique, mais qui ne semblait pas pour autant ne pas être naturelle, en somme. Le problème était qu'il avait vue cette même marque environ trois fois, toujours à la même base des troncs qu'il voyait. Et à chaque fois qu'il voyait cette marque, et cette arbre, et ceux à côté, et ce qu'il y avait autour de lui quand il la voyait, il comprenait que quelque chose les forçait à tourner en rond.

"Sortez vos armes, eut-il dit à troisième fois. Quelqu'un se joue de nous. Nous tournons en rond."

"Je dois admettre que j'ai bien eu le sentiment de revoir les mêmes arbres, mais je n'ai pas l'impression que nous ayons tourné en marchant..."

"C'est là le problème..."

Sur ces paroles, Hivann avait alors levé la main qui portait son anneau de volonté, celui que lui avait offert le défunt Umordîl, qui lui causait tant de soucis même après sa mort. Il la serra un instant, se concentra pour déclencher le pouvoir de la bague, et d'un coup, il sentit une décharge de fluides gris jusque dans sa tête. Cette bague allait lui permettre d'annihiler les sorts mentaux dont il serait affligé... Et pourtant...
En utilisant cette bague, rien n'avait changé à ses yeux. Il avait toujours les mêmes arbres qui les entouraient et la même petite marque triangulaire qui semblait se moquer de lui.

"Étrange... pensa-t-il en se caressant la barbe. Bon, avançons encore... Nous trouverons bien quelque chose. Lür, plantez donc un de vos piquets d'escalade quelque part. Ainsi, nous saurons si nous tournons en rond."

Le jeune archer mage s'exécuta et planta un de piquets sur l'une des imposantes racines qui jonchaient le sol. Rien de magique n'arriva, les arbres ne bronchèrent pas et ils continuèrent d'avancer, incertains. Puis un autre évènement arriva.
A un moment, alors que les arbres étaient tout de même suffisamment écartés les uns des autres et qu'il ne semblait pas y avoir trop de branches réellement basses pour devoir se "frayer" un chemin à proprement parler, il arriva qu'une branche vienne fouetter l'arrière train du géomancien. Un instant, il se demanda même pas si ce n'était pas Rawf qui avait fait preuve d'un humour douteux qu'il ne lui connaissait pas, comme il était juste derrière lui, mais le connaissant, il imagina que ce dernier aurait réprimé un petit rire caractéristique. Aussi, il continua d'avancer. Mais il ne fallut pas plus de trois minutes pour qu'une autre branche vienne le fouetter, un peu plus violemment cette fois-ci. Et ce fut Lür qui était derrière lui, cette fois.

"Bon sang, Lür, je ne vous connaissais pas des tendances aussi discutables !"

"De quoi parlez-vous ?"

"Je sais que j'ai été un bon vivant et que j'ai souvent fait bonne chère, mais ce n'est pas une raison pour venir tâter la mienne, de chair !"

"Je sais que je suis bel homme, mais je vous en prie, Ser Goont, vous n'êtes pas mon genre."

"Alors, plus sérieusement, cessez donc cette plaisanterie !"

"Comment ?"

Mais d'un coup, un autre coup lui arriva sur les fesses, toujours plus violemment, claquant cette fois-ci de manière si sonore que le trio entier se demanda ce qu'il s'était passé. Ni même Rawf ou Lür n'avaient vu venir la branche. Seul le bruit avait fait écho dans tout le bois.

"Qu'est-ce que c'était que ça ?"

"Ce bois se fiche de nous ! Je suis sûr que c'est ce druide ! Il doit bien s'amusa dans sa foutue hutte, avec ses foutus fluides et ses foutues oreilles d'elfe !"

"Goont aime pas les elfes ? Rawf ?" demanda le vieux loup.

"Pas celui-là en tout cas. Bon sang, il va me sentir arriver, il ne va pas aimer ça du tout."

"Et si ce n'était pas Elrandil ?" reprit Lür.

"Qui voulez-vous que ce soit ?"

"Vous avez brûlé le Sanctuaire Perché tout en sachant qu'il était sacré et que vous seriez maudit si le sang y coulait. Et si vous étiez bien maudit ?"

"Arrêtez de dire des sottises, Lür ! Ce lieu n'avait rien de sacré, seulement deux amoureux et une sœur défunte qui tenait la chandelle. Le tout était gardé par des trolls qui mangeaient tous les voyageurs qui venaient et des plantes carnivores. Vous voyez quelque chose de sacré dans ces éléments là ? Je n'ai pas vu de dieu descendre pour aider ces tombes quand j'ai brûlé l'endroit et même si c'était le cas, je n'ai pas fait couler de sang : j'ai seulement mis le feu à la menace qui pesait sur nous. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, donc."

"Tout ce que je dis, c'est que vous êtes le seul à vous faire fouetter par des branches ici bas..."

"Je suis le seul géomancien et nous sommes perdus tous les trois. Alors tâchons de trouver le chemin à prendre. Je sais en tout cas que nous ne sommes pas perdus à cause d'une manipulation mentale. Les arbres se déplacent, c'est certain. Et ce foutu druide en est la cause.

Ils se remirent alors en marche, encore une fois. Le problème était que si Elrandil était bien à l'origine du déplacement des arbres, alors peut-être avait-il fait bouger sa propre demeure. Mais en ayant entendu parler du personnage, Hivann l'imagina trop fier et acariâtre pour faire déplacer sa propre demeure à cause de trois petites personnes empiétant sur sa "propriété".
Et puis une autre idée vint au Ser Goont.

"Il est trop fier... Je suis certain qu'il me frappe avec les racines de "son" arbre. Je vais le trouver grâce à ça."

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 Sujet du message: Re: Le mont Joyce et la demeure du druide hïnion
MessagePosté: Mar 23 Déc 2014 16:25 
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Bien qu'il avait perdu sa puissance magique, le vieil homme n'avait rien perdu de son intelligence. Sa déduction s'avérait assez juste. Après quelques fouettage supplémentaires imposée à Hivann seulement, ils purent retracer l'arbre en question, un immense chêne vraisemblablement très vieux.

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Mais lorsque Hivann et ses compagnons voulurent s'en approcher, ils furent accueilli par une pluie de glands !


((( Il te faudra parlementer avec le druide afin de le convaincre de cesser toute hostilité )))

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 Sujet du message: Re: Le mont Joyce et la demeure du druide hïnion
MessagePosté: Mer 24 Déc 2014 19:54 
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Hivann avait vu juste en décidant de suivre la provenance des racines qui l'attaquaient si fréquemment. Toutefois, il lui fallut un moment avant même de repérer le moment exact où il voyait son arrière train être agressé. Quatre coups supplémentaires durent passer avant que Goont ne puisse voir la racine quitter sa fesse droite et aller se loger dans le sol, comme pour se cacher d'une éventuelle punition. Heureusement, Rawf se montra très réactif et comme le chien fou qu'il pouvait devenir parfois, il s'était jeté littéralement sur le bois pour l'attraper avec ses crocs puissants et l'empêcher de se cacher dans le sol et se fondre avec les myriades d'autres racines d'autres arbres autour d'eux.

" 'E l'ai ! eut-il dit la gueule encore prise. 'E sais où 'y 'a !"

Goont avait beau être un géomancien de talent (ou du moins, il le fut un moment), il n'avait pas la connaissance des plantes vivant pourtant dans son propre élément de prédilection. Il pouvait sentir l'harmonie qu'il partageait avec le sol, mais rien en rapport avec les plantes. Aussi, retrouver ce druide allait devoir se faire d'une manière plus "brute", et non grâce à l'usage de ses fluides. Suivre la bonne racine jusqu'à l'arbre "source" était un bon moyen d'atteindre son but.
Ainsi, tout en suivant la dite racine, toujours remontée par le vieux Rawf, il semblait bien qu'Elrandil n'avait pas dit son dernier mot. Car sur cette longue marche qui dura peut-être plus d'une vingtaine de minute, Hivann (et seulement Hivann) se vit administrer de bonnes doses de fessées végétales à partir de quelques branches ou racines adjacentes. Pourtant, étonnamment, il n'y eut rien de plus violent. Cela ne ressemblait plus tellement à la réaction d'un vieillard acariâtre qui voudrait protéger son territoire, plus à un test, une démonstration de condescendance. Ainsi, Hivann le trouverait, mais il saurait aussi que ici, seul Elrandil était le maître des lieux.

Ainsi, ils arrivèrent donc à la demeure du vieux druide : un immense chêne, manifestement très vieux, abîmé par le temps avec une énorme fente sur la longueur de son tronc. Il n'y avait rien, cependant, qui donnait véritablement l'impression que quelqu'un puisse y vivre. L'ynorien n'imaginait pas encore comment il était possible, même pour un druide, de vivre à l'état naturel, sans un aménagement particulier pour une personne dotée d'une conscience humaine. Mais au-delà de cette interrogation, Hivann avait une envie qui primait sur les autres...

"Je t'ai trouvé, foutu druide ! Descends donc de ton perchoir, et on verra qui fessera qui !"

Puis il y eut un petit silence. Hivann s'attendait à une réponse, au moins une insulte, mais rien ne vint. Seul Lür racla la gorge avant de supposer, timidement :

"Peut-être que ce n'est pas le bon arbre ?"

"Lür, vraiment, ne commencez pas !"

"Bien, bien, débrouillez-v..."

Mais le jeune homme n'eut pas le temps de répondre. D'un coup, il sembla que tous les glands perchés sur le grand arbre décidèrent de tomber, affligeant le trio d'une lourde pluie fruitière, parfois même un peu douloureuse, probablement selon la hauteur à laquelle tombaient les fameux projectiles.

"Vous vous y prenez de la mauvaise façon... Oubliez pas que nous sommes ici pour avoir le barillet. Comment voulez-vous l'avoir en vous transformant immédiatement en ennemi à ses yeux ?"

Lür avait chuchoté en conseillant le vieil homme. Il fallait dire que si Hivann était généralement sage et réfléchi, le fait d'être fessé pendant si longtemps et de manière aussi répétitive avait de quoi l'irriter sérieusement. Mais le mot "ennemi" résonna bien dans la tête de l'ynorien. Il n'eut pas à réfléchir longtemps : il avait suffisamment vécu pour savoir qu'il n'y avait rien de plus efficace pour se faire des amis que d'évoquer un ennemi commun.

"Cessez-donc de faire pleuvoir ces glands et écoutez-moi ! Vous avez perdu le Barillet, il y a peu..."

D'un coup, les glands cessèrent de chuter et de provoquer ce bruit assourdissant qui résonnait dans le bois, comme une pluie extrêmement lourde. Et de manière inattendue, une voix fit écho. Elle était vieille, étouffée et on pouvait entendre à son ton à quel point son propriétaire était un insupportable vieil homme aigri.

"Et pourquoi je laisserais un petit freluquet d'humain ignare prendre ma relique ?"

Il y avait quelque chose d'amusant dans le fait d'être appelé "freluquet" à l'âge de cinquante-six ans. Sans rire pour autant, Hivann continua.

"J'ai été un excellent géomancien, avant que la République d'Ynorie ne me prive de mes pouvoirs. Pour autant, je me sais digne de porter cette arme et lui rendre honneur."

"Beaucoup de personnes se croient dignes de la posséder."

"Des personnes comme Amaury, je suppose ? Allons, Ser, préfèreriez-vous connaître votre relique perdue dans une grotte, possédée par un être aussi cupide, ou glorifiée par un homme qui saurait l'utiliser ?"

Il y eut une petite pause à l'évocation de ce nom, mais Elrandil ne sembla toujours pas intéressé par ce "marché".

"Je ne suis pas un Ser, mage. Et je suis encore moins attiré par la notion de gloire. Partez d'où vous venez, laissez cette forêt tranquille ! Vous empestez l'orgueil !"

"Oh, je suis orgueilleux, je vous l'accorde, mais je ne me prétends pas digne d'une telle relique pour la porter joliment à ma ceinture, comme un objet d'apparat. Le problème, c'est que je possède déjà deux parties de cette relique, qu'Amaury en a une, que je sais où trouver la quatrième et qu'il ne me manque plus que ce fameux barillet. Bientôt, j'aurai toutes les parties, que vous le vouliez ou non, et le problème, ce n'est pas le fait que j'en sois propriétaire, c'est plutôt que l'homme qui vous a volé le devienne. Et Amaury est un être assez pervers pour réussir à me rendre gorge et récupérer ce qu'il jugera être "son bien".

"Bah ! Votre problème n'est pas le mien ! Écartez-vous donc de mon arbre et allez vous faire tuer, faites donc ce qu'il vous plait !"

"Et si nous décidions simplement de nous allier contre notre ennemi commun ? Quoiqu'il arrive, le Fusil sera réassemblé, on ne peut rien faire contre cela. En revanche, nous pouvons faire en sorte qu'Amaury le paie cher."

"Qu'est-ce qui me dit que vous n'êtes pas déjà allié avec lui ? Il est le dernier à m'avoir rendu visite, pour autant que je sache, vous pourriez être ses mercenaires."

"A l'heure qu'il est, je l'ai devancé et il a probablement déjà envoyé des personnes pour explorer ce bois et trouver ce qu'il recherche. Si je trouve la chose avant lui, j'aurai un peu d'avance et il n'aura pas le Fusil de Mertar. Nous serons gagnants tous les deux.

"Je me fiche de gagner, mage."

"Au temps pour moi : Maître Amaury sera le seul perdant."

Encore une fois, il y eut un autre silence. Le trio se regarda, incertain. Hivann, même, appela Elrandil pour voir s'il avait bien été entendu. C'est alors qu'une longue liane descendit jusque devant le géomancien. Lür, extrêmement surpris, ne put se retenir :

"Bon sang ! Ça a été facile !"

"Il n'y a rien de plus fédérateur que d'évoquer un ennemi commun."

_________________
Multi de Ziresh et Jôs.

Ser Hivann Goont, Archer-Mage niveau 10.


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